Ayant eu la chance de consulter la base de l'almanach du combattant mis en ligne sur le CRID par nos amis stéphan et Jean claude, J'ai le plaisir de vous fournir ci dessous la retranscription sous forme de feuilleton de l'article paru dans cette revue et écrit par le DR Mas.
Cet article avec ses cartes, permet de comprendre l'articulation entre les différents echelons du poste de secours aux hôpitaux de l'arrière
Le Service de Santé pendant la bataille de Verdun: L'hôpital de campagne de Vadelaincourt; (son histoire, son rôle, dans la chaîne des secours)
Pendant toute la durée de la bataille de Verdun, pendant les terribles mois des attaques répétées allemandes de février à juin 1916, plus tard au cours des offensives françaises d'octobre et décembre 1916, d'août 1917, le Service de Santé des IIIe et IIe armées française allait démontrer de façon admirable sa capacité d'adaptation à des situations particulièrement dramatiques et évolutives en modifiant ses plans d'hospitalisation et d'évacuation pour assurer au mieux le ramassage, le triage, le transport et les soins spécialisés aux quelques 216 000 blessés, sans compter les gazés, de la plus meurtrière des batailles de la Grande Guerre.
Aux premiers jours de 1916, le front de la III e armée et de la Région Fortifiée de Verdun (R.F.V.) demeurait particulièrement calme. Les formations sanitaires de la R..F.V. s'échelonnaient ainsi:
à l'avant les deux ou trois ambulances 1 de chacune des cinq divisions, dont certaine faisaient office d'infirmerie de cantonnement,
à l'arrière, les formations d'armée, dites d'étapes, comprenant deux hôpitaux d'évacuations (H.O.E), l'un à Baleycourt, l'autre aux Petits-Monthairons, six hôpitaux inclus dans la place de Verdun et six formations hospitalières au sud de Verdun, dont l'hôpital N°12 implanté à Vadelaincourt, avec une capacité de 350 lits.
Le médecin Général A. MIGON, qui venait alors de prendre la direction du Service de Santé de la IIIe armée et de la Place de Verdun, au terme d'une inspection de ce secteur constatait que le potentiel opérationnel de certaines formations sanitaires avait été quelque peu émoussé par une longue période d'inaction relative. Le 9 Février, il eut un entretien avec le Général HERR, commandant de la région fortifiée de Verdun, qui ne lui cacha pas l'imminence d'une attaque allemande d'envergure: il le savait par les espions, les aviateurs et les prisonniers de guerre. Il ne cessait, disait il , d'en informer le GQG qui refusait de l'entendre et de lui envoyer les renforts demandés . En moins de quinze jours, le médecin inspecteur MIGON allait devoir entreprendre et réussir la réorganisation et l'activation exemplaire du dispositif sanitaire dont il avait la charge.
Ces ambulances avaient une capacité moyenne de 100 lits. A partir de là , les sections sanitaires automobiles assureraient le transport des blessés jusqu'aux deux hôpitaux d'évacuation de l'arrière, Baleycourt ou Petit-Montairons selon les secteurs. A cet échelon de l'H.O.E, un nouveau triage des blessés et malades était fait : les blessés nécessitant une intervention d'urgence (blessés porteurs de plaie thoracique ou abdominale ou atteints de fracture ouverte compliquée ou blessé en état de choc...) étaient aiguillés vers une des formations hospitalières proches; les blessés légers ou nécessitant une intervention moins urgente étant évacués sur un hôpital plus éloigné de la zone des étapes ou de l'intérieur. C'est ainsi que de Vadelaincourt était appelé à fonctionner comme centre de traitement pour les blessés les plus graves triés à l'HOE de Baleycourt. C'est la Direction des Étapes et Services (DES) qui devait fournir les sections sanitaires automobiles nécessaires au transport des blessés à partir de L'HOE. Nous verrons le rôle capital que les trains sanitaires du « Petit Meusien » allaient bientôt jouer dans le dispositifs des évacuations sanitaires.
Le 21 février 1916 à 7 h 15, prélude à la grande offensives allemande, une nuée d'obus d'artillerie s'abattit sur le front tenu par le XXXe CA, commandé par le général Chrétien.
L'attaque allemande se déclencha le même jour vers 16 h. Le XXXe corps allait tenter de contenir le flot ennemi malgré les lourdes pertes qu'il avait subies. Brabant est évacué le 23, Samogneux est pris le 24; le 26 février le fort de Douaumont, non défendu, est occupé par l'ennemi. L'ambulance de Bras, criblée d'obus , avait du être abandonnée dès le premier jour.
Une noria ininterrompue d'ambulances sanitaires fonctionne aussitôt pour assurer le transport des nombreux blessés, de nuit du front vers les ambulance, de jour des ambulances vers l'HOE de Baleycourt. Au terme des cinq premiers jours de l'attaque allemande, la 72e DI avait perdu la moité de ses effectifs, 192 officiers et 9 365 homme de troupe; les pertes étaient à peine inférieure à la 51e DI et à 37e DI.
A elle seule, la section sanitaire automobile 54 avait évacué 3 558 blessés. Le Service de Santé du XXXe corps avait payé un lourd tribu: 21 médecins et 24 infirmiers tués, sans compter les brancardiers des divers Groupes Divisionnaires de Brancardiers (G.D.B.).
Du 26 février au 5 mars, attaques et contre attaques se poursuivent, en terrain découvert, sous un effroyable bombardement d'artillerie de tout calibre, de nuit et de jour. Les plus lourdes pertes furent enregistrées par le XXe CA qui avait reçu l'ordre de reprendre Douaumont. Les Brancardiers régimentaires et divisionnaires rivalisèrent d'héroïsme pour relever les blessés, dans la neige, par un froid de - 10° . Il n'y avait ni tranchées, ni boyaux d'accès, seulement un terrain crevé de trous d'obus où les blessés cherchaient un semblant de protection; leurs appels, leurs gémissements guidaient seuls les brancardiers dans leur quête nocturne. C'est enveloppés dans une toile de tente ou portés par leurs camarades brancardiers, que les blessés étaient péniblement amenés jusqu'au postes de secours le plus proche. Dans les ambulances, une section de gazés du être spécialement adjointe pour accueillir les victimes atteintes par les gaz lacrymogènes ou suffocants.
L'hôpital de Vadelaincourt, hôpital n° 12, replié de la place de Verdun n'était alors qu'une petite formation d'une dizaine de baraques plantées le long de la route d'Ippécourt, sur la rive ouest de la Vadelaincourt, petit ruisseau qui traverse le village niché dans un creux naturel: à quelque 15 km au sud de Verdun et à 7 km de l'importante bifurcation des routes de Bar-le Duc et de Ste Ménehould, reliée à ces deux grandes artères par de petites routes de campagne mal adaptée au trafic automobile.

Les 290 malades vénériens qui l'occupaient furent très vite évacués sur hôpital de Châlons. Vadelaincourt allait devenir, sous l'autorité du Médecin de 2 eme classe MORIN un hôpital chirurgical exemplaire, appelé à jouer un rôle capital dans la chaîne des secours par sa position au centre de la zone de défense de Verdun, capable d'accueillir dans les mêmes délais les blessés de l'une ou l'autre rives de la Meuse. L'une des baraques fut rapidement transformée en pavillon opératoire comprenant deux salles d'opération séparées par une chambre de stérilisation, dotée d'un éclairage fourni par un groupe électrogène; une voiture radiologique fut affectée à la formation. Une tente Tortoise allait servir de dépôt mortuaire en attendant que fut choisi l'emplacement du futur cimetière militaire. Avec beaucoup de difficultés, des chemins de circulations empierrés furent établis dans l'enceinte de l'hôpital pour permettre l'accès des voitures sanitaires. Les effectifs furent renforcés; par le nombre de ses équipes chirurgicales, Vadelaincourt allait devenir un élément essentiel du dispositif sanitaire.
A la veille de l'offensive allemande, après réorganisation, le service de santé de la R.F.V., s'apprêtait à fonctionner sur les bases stratégiques et logistiques suivantes. A l'avant, dans chacun des 5 secteurs, les postes de secours régimentaires, sous l'autorité d 'un médecin régulateur, avaient pour mission de ramasser et transporter les blessés jusqu'au ambulances divisionnaires et ambulance de Corps d'Armée (C.A.); certaines de ces ambulances étaient appelées à accueillir les blessés légers descendus à pied du champ de bataille, les autres devaient assurer le tri des blessés avant évacuation, conserver et traiter les blessés graves jugés intransportables (fig 1)
