Je découvrais ce Carré militaire sous un beau soleil d’automne.

-Une stèle : pauvres Poilus, non contents d'en avoir pris plein la gueule en 14/18, les bombardements de 39/45 en remettaient une couche sur leurs vieux os!

-Un cycliste.

-Un fusilier-mitrailleur.

-Un gars du 162.

Je découvre le médaillon d’un soldat du 37ème, sa stèle désormais complètement effacée, ne reste que son visage.
Soudain, alors que je prends en photo le buste du Poilu, une costaude femelle en uniforme déboule dans mon dos :
_ Dites-donc, c’est votre sépulture ?
_ Ben oui, je suis sorti un peu quand j’ai vu qu’il faisait beau, mais j’vous promets, j’y retourne tout de suite !
Elle me regarde bizarrement :
_ Vous êtes un drôle vous ! Je voulais dire…
Je la devance:
_ Oui, voilà, en fait, de passage à Paris j’ai fait une photo de la tombe de l’arrière grand-père d’un ami, tué en 14/18.
_ Ah bon, parce que sinon vous avez pas l’droit. Faut qu’ce soit vot’sépulture.
_ Ben oui, que j’réponds. C’est ce que j’fais.
_ Pourtant, j’vous vois photographier celui là, alors j’comprends pas trop.
_ En fait, je suis passionné par ce qui touche à la guerre de 14/18, alors là, vous voyez, comme il n’y a plus de nom, que c’est un soldat pour ainsi dire, inconnu, je l’immortalise avec une photo.
_ Ah… (visiblement étonnée qu’on puisse s’adonner à ce genre d’occupation bizarre). Bon, d’accord.
_ Merci ; ne vous inquiétez pas ; y’a aucun problème.
Elle a repris son vélo et m’a laissé. Ca m’a rappelé un post déjà paru sur le site, sur le droit ou pas de faire des photographies dans les cimetières. J’ai fait un dernier cliché du soldat inconnu du 37. J’avais l’impression qu’il me disait, avec un petit sourire de connivence :
_ Ben dis-donc, pas facile la donzelle ; ça m’faisait plaisir à moi, tout oublié que je suis au fond d'ce cimetière. Pour une fois qu’on v’nait m’tirer l’portrait !
