La destruction du Winterberg Tunnel par l'Artillerie française
Publié : dim. mai 16, 2021 7:09 pm
Bonsoir,
Le Winterberg Tunnel ayant beaucoup déchaîné les passions ces dernières semaines, je me suis efforcé d'étudier les conditions techniques du drame survenu au début du mois de mai 1917 en évitant les sempiternelles analyses sur les "obus tombés par hasard". Cette formule nous avait déjà été "servie" par des universitaires connus lors de la découverte du Kilianstollen de Carspach, il y a 7 ans et j'ai répondu à cette brillante assertion dans un sujet ancien du Forum.
Paradoxalement, il n'est pas facile d'étudier le détail de l'emploi de l'artillerie lors des malheureuses offensives d'avril et mai 1917 au Chemin des Dames et les tomes des AFGG consacrés aux offensives de printemps font déjà état du manque de documents d'ensemble sur ce sujet à une époque où nos archives étaient pourtant intactes! Les événements ultérieurs comme le drame du Cornillet en mai 1917 et les destructions des grands tunnels de Verdun Rive Gauche en août 1917 sont beaucoup mieux connus mais il est vrai que nous sommes alors restés maîtres du terrain ce qui a permis des reconnaissances approfondies. La tâche n'est donc pas simple et je vais tenter d'apporter ma pierre à l'édifice.
Bref rappel du contexte de la grande attaque du Plateau de Craonne du 5 mai 1917:
Après l'échec sanglant des offensives d'avril 1917 sur la plupart des points attaqués au Chemin des Dames, le général Nivelle garde l'espoir de relancer l'offensive sur plusieurs secteurs des fronts attaqués et notamment envisage de se rendre maître des hauteurs au Nord et au Nord-Ouest de Craonne. Pour se faire, il convient de procéder à la relève des Corps d'Armée éprouvés et de modifier le dispositif de l'artillerie en concentrant davantage les moyens disponibles sur des secteurs plus étroits. Si ces opérations sont relativement simples pour l'artillerie de campagne, légère ou lourde, il en est autrement pour les pièces très lourdes et surtout pour l'Artillerie Lourde à Grande Puissance (A.L.G.P), difficiles à déplacer et à réorienter, même sur des positions déjà existantes.
Pour en rester à notre sujet, lié au Winterberg Tunnel, le 1er Corps d'Armée est relevé par le 18e Corps d'Armée et le secteur de l'attaque au nord de Craonne concerne essentiellement la 36e Division d'Infanterie.
Après des études et différents reports de dates, l'attaque générale est fixée au 5 mai 1917 et sera précédée d'une attaque partielle d'un régiment de la 36e D.I la veille de l'attaque afin de conquérir complètement le village de Craonne et des avancées sur le Plateau.
Dispositif de l'Artillerie lourde et de l'A.L.G.P devant Craonne:
Initialement, il a été formé plusieurs Groupements d'Artillerie pour appuyer l'attaque de la 36e D.I, je passe volontairement sur l'artillerie de campagne pour m'en tenir aux gros et très gros calibres. Le Groupement d'Artillerie Lourde Courte sous le commandement de l'A.D 36 est constitué des unités suivantes surtout dotées de pièces à Tir Rapide:
-1 groupe de 155 C modèle 1915 Schneider.
-1 groupe de 155 C modèle 1915 Saint-Chamond.
-2 groupes de mortiers de 220 (dont 1 à TR).
-1 obusier de 370 B modèle 1915 de l'ALVF est rattaché à ce groupement bien que dépendant de l'A.L.G.P.
-1 batterie de mortiers de 270 de Siège modèle 1885 à 3 mortiers.
L'A.L.G.P, sous commandement particulier, affectée à ce compartiment du front comprend à partir du 19 avril 1917
-1 groupe de mortiers de 280 TR Schneider (rattaché à l'A.L.G.P bien que le 280 TR soit classé pièce d'A.L).
-1 mortier de 370 Filloux à réorienter sur Craonne.
Les seules pièces capables d'amener des destructions complètes à un tunnel situé au nord de Craonne sont finalement limitées à 4 unités (car une batterie de 280 TR sera affectée à un secteur voisin). Par ordre décroissant de puissance:
-1 obusier de 370 modèle 1915.
-1 mortier de 370 Filloux.
-2 mortiers de 280 TR Schneider (1 batterie).
-3 mortiers de 270 de Siège modèle 1885 (1 batterie).
D'après les historiques allemands, il appert que le Winterberg Tunnel a été atteint gravement 2 jours durant:
-le 3 mai 1917: effondrements multiples dans le tunnel.
-le 4 mai 1917: très violents tirs sur le Tunnel et, vers 11h45, un obus de "très gros calibre" écrase l'entrée du tunnel scellant le sort tragique de la garnison présente, composée de fantassins du R.I.R 111 badois.
Je vais donc examiner tour à tour les tirs des unités concernées en éliminant certaines d'entre elles pour ne garder que 2 hypothèses préférentielles.
La tâche est difficile car les JMO sont succincts ou absents mais il est tout de même possible de déterminer des faits précis.
Avant de commencer l'étude par calibre en action sur les tunnels allemands, je rappelle quelques faits, tirés des JMO des grandes unités françaises:
-les tirs commencés depuis plusieurs jours deviennent intenses à partir du 2 mai 1917.
-le 4 mai 1917, l'attaque préliminaire du 18e R.I conquiert tous ses objectifs à Craonne et sur le Plateau et ramène 225 prisonniers du R.I.R 111.
-l'attaque générale du 18e Corps d'Armée (35e et 36e D.I) et des Corps adjacents conquiert les plateaux au Nord et au Nord-Ouest de Craonne au prix de pertes sensibles mais procure 1.200 prisonniers (appartenant pour la plupart à la 2e Division de la Garde mais aussi au R.I.R 111 dont 320 capturés par la seule 36e D.I (du R.I.R 111 et du Corps de la Garde).
-le 5 mai 1917, la 154e D.I du 18e Corps d'Armée s'apprête à relever la 36e D.I et résume parfaitement la situation "L'infanterie s'empare du Plateau jusqu'à l'arête Nord où elle rencontre une vive résistance des allemands. Elle ne réussit pas à descendre de la pente et à s'emparer de la zone d'abris et d'entrées de tunnels qui constituait son dernier objectif".
Dans les quatre prochains messages seront étudiés et illustrés successivement les actions et résultats connus des tirs du 370 ALVF, des 280 TR Schneider, des 270 C et du 370 Filloux.
Cordialement,
Guy François.
(à suivre)
Le Winterberg Tunnel ayant beaucoup déchaîné les passions ces dernières semaines, je me suis efforcé d'étudier les conditions techniques du drame survenu au début du mois de mai 1917 en évitant les sempiternelles analyses sur les "obus tombés par hasard". Cette formule nous avait déjà été "servie" par des universitaires connus lors de la découverte du Kilianstollen de Carspach, il y a 7 ans et j'ai répondu à cette brillante assertion dans un sujet ancien du Forum.
Paradoxalement, il n'est pas facile d'étudier le détail de l'emploi de l'artillerie lors des malheureuses offensives d'avril et mai 1917 au Chemin des Dames et les tomes des AFGG consacrés aux offensives de printemps font déjà état du manque de documents d'ensemble sur ce sujet à une époque où nos archives étaient pourtant intactes! Les événements ultérieurs comme le drame du Cornillet en mai 1917 et les destructions des grands tunnels de Verdun Rive Gauche en août 1917 sont beaucoup mieux connus mais il est vrai que nous sommes alors restés maîtres du terrain ce qui a permis des reconnaissances approfondies. La tâche n'est donc pas simple et je vais tenter d'apporter ma pierre à l'édifice.
Bref rappel du contexte de la grande attaque du Plateau de Craonne du 5 mai 1917:
Après l'échec sanglant des offensives d'avril 1917 sur la plupart des points attaqués au Chemin des Dames, le général Nivelle garde l'espoir de relancer l'offensive sur plusieurs secteurs des fronts attaqués et notamment envisage de se rendre maître des hauteurs au Nord et au Nord-Ouest de Craonne. Pour se faire, il convient de procéder à la relève des Corps d'Armée éprouvés et de modifier le dispositif de l'artillerie en concentrant davantage les moyens disponibles sur des secteurs plus étroits. Si ces opérations sont relativement simples pour l'artillerie de campagne, légère ou lourde, il en est autrement pour les pièces très lourdes et surtout pour l'Artillerie Lourde à Grande Puissance (A.L.G.P), difficiles à déplacer et à réorienter, même sur des positions déjà existantes.
Pour en rester à notre sujet, lié au Winterberg Tunnel, le 1er Corps d'Armée est relevé par le 18e Corps d'Armée et le secteur de l'attaque au nord de Craonne concerne essentiellement la 36e Division d'Infanterie.
Après des études et différents reports de dates, l'attaque générale est fixée au 5 mai 1917 et sera précédée d'une attaque partielle d'un régiment de la 36e D.I la veille de l'attaque afin de conquérir complètement le village de Craonne et des avancées sur le Plateau.
Dispositif de l'Artillerie lourde et de l'A.L.G.P devant Craonne:
Initialement, il a été formé plusieurs Groupements d'Artillerie pour appuyer l'attaque de la 36e D.I, je passe volontairement sur l'artillerie de campagne pour m'en tenir aux gros et très gros calibres. Le Groupement d'Artillerie Lourde Courte sous le commandement de l'A.D 36 est constitué des unités suivantes surtout dotées de pièces à Tir Rapide:
-1 groupe de 155 C modèle 1915 Schneider.
-1 groupe de 155 C modèle 1915 Saint-Chamond.
-2 groupes de mortiers de 220 (dont 1 à TR).
-1 obusier de 370 B modèle 1915 de l'ALVF est rattaché à ce groupement bien que dépendant de l'A.L.G.P.
-1 batterie de mortiers de 270 de Siège modèle 1885 à 3 mortiers.
L'A.L.G.P, sous commandement particulier, affectée à ce compartiment du front comprend à partir du 19 avril 1917
-1 groupe de mortiers de 280 TR Schneider (rattaché à l'A.L.G.P bien que le 280 TR soit classé pièce d'A.L).
-1 mortier de 370 Filloux à réorienter sur Craonne.
Les seules pièces capables d'amener des destructions complètes à un tunnel situé au nord de Craonne sont finalement limitées à 4 unités (car une batterie de 280 TR sera affectée à un secteur voisin). Par ordre décroissant de puissance:
-1 obusier de 370 modèle 1915.
-1 mortier de 370 Filloux.
-2 mortiers de 280 TR Schneider (1 batterie).
-3 mortiers de 270 de Siège modèle 1885 (1 batterie).
D'après les historiques allemands, il appert que le Winterberg Tunnel a été atteint gravement 2 jours durant:
-le 3 mai 1917: effondrements multiples dans le tunnel.
-le 4 mai 1917: très violents tirs sur le Tunnel et, vers 11h45, un obus de "très gros calibre" écrase l'entrée du tunnel scellant le sort tragique de la garnison présente, composée de fantassins du R.I.R 111 badois.
Je vais donc examiner tour à tour les tirs des unités concernées en éliminant certaines d'entre elles pour ne garder que 2 hypothèses préférentielles.
La tâche est difficile car les JMO sont succincts ou absents mais il est tout de même possible de déterminer des faits précis.
Avant de commencer l'étude par calibre en action sur les tunnels allemands, je rappelle quelques faits, tirés des JMO des grandes unités françaises:
-les tirs commencés depuis plusieurs jours deviennent intenses à partir du 2 mai 1917.
-le 4 mai 1917, l'attaque préliminaire du 18e R.I conquiert tous ses objectifs à Craonne et sur le Plateau et ramène 225 prisonniers du R.I.R 111.
-l'attaque générale du 18e Corps d'Armée (35e et 36e D.I) et des Corps adjacents conquiert les plateaux au Nord et au Nord-Ouest de Craonne au prix de pertes sensibles mais procure 1.200 prisonniers (appartenant pour la plupart à la 2e Division de la Garde mais aussi au R.I.R 111 dont 320 capturés par la seule 36e D.I (du R.I.R 111 et du Corps de la Garde).
-le 5 mai 1917, la 154e D.I du 18e Corps d'Armée s'apprête à relever la 36e D.I et résume parfaitement la situation "L'infanterie s'empare du Plateau jusqu'à l'arête Nord où elle rencontre une vive résistance des allemands. Elle ne réussit pas à descendre de la pente et à s'emparer de la zone d'abris et d'entrées de tunnels qui constituait son dernier objectif".
Dans les quatre prochains messages seront étudiés et illustrés successivement les actions et résultats connus des tirs du 370 ALVF, des 280 TR Schneider, des 270 C et du 370 Filloux.
Cordialement,
Guy François.
(à suivre)