Bonjour à tous,
Intéressant sujet que les décès en mer.
A propos de ces décès en mer, autrefois on jetait les corps à l’eau car il n’y avait aucun moyen de les conserver à bord. Aujourd’hui, cette pratique est interdite, en particulier bien sûr sur les navires de croisière, puisque l’on dispose de chambres froides. En général, on débarque donc le corps au premier port touché.
Un capitaine au long cours de Pornic, Jean-Louis Chollet, fut embarqué au 19e siècle sur ANNA GABRIEL, un trois-mâts carré de 500 tx lancé à Nantes en 1856 pour l’armateur Maublanc. Il effectua sur ce navire 3 voyages successifs Nantes-La Réunion-Nantes avec mules et chevaux à l’aller et sucre et café au retour (1856-1858). Puis un voyage Nantes-Swansea-Maurice-La Réunion-Calcutta-La Réunion-Nantes (1858-1860. On peut d’ailleurs constater la longueur des embarquements puisqu’il prit ensuite le commandement du trois-mâts REINE BLANCHE, de l’armement nantais Laurial, pour une campagne de 39 mois vers les îles de l’Océan Indien, les Indes et l’Australie.
Voici un tableau d’ANNA GABRIEL.
Mon arrière grand-père était embarqué avec lui et voici un extrait du journal de bord d’ANNA GABRIEL.
On note, à la date du 30 Octobre 1859, entre La Réunion et Calcutta, le décès d’une passagère, Mademoiselle Louise Chassèriau, rapporté comme suit dans le journal de bord :
« Mademoiselle Louise Chassèriau, passagère accompagnant son frère, est décédée à minuit succombant à une phtisie pulmonaire dont elle souffrait depuis longtemps et elle avait entrepris ce voyage dans l’espoir de se guérir. »
Le 31 Octobre, le capitaine Chollet écrit :
« Dressé l’acte de décès de la passagère et à 5 heures du soir mis son corps dans une pièce de rhum qui avait été embarquée avant le départ par la famille. »
Extraordinaire prévoyance de la part de la famille de cette malheureuse qui, se doutant qu’elle allait peut-être finir ses jours sur le navire et ne souhaitant pas que son corps soit jeté en pâture aux requins comme c’était la coutume, avait pris la précaution d’embarquer en cale un tonneau de rhum afin de le conserver jusqu’à l’escale suivante. Je ne sais si cette pauvre file savait qu’une barrique de rhum l’attendait dans la cale !
Sur REINE BLANCHE, dont voici une demi-coque,
C’est le mousse Auguste Guillaud, originaire de Bourgneuf, embarqué à l’âge de 12 ans, qui va mourir de dysenterie le 6 Mai 1855 à 01h00 du matin. "Cet enfant, mis à l’hôpital de Maurice pour cette maladie, il en était sorti guéri quelques jours avant le départ. Rechuté, a fini par succomber 13 jours après le départ.Le corps a été jeté à la mer à 08h00 du matin."
L’acte de décès est rédigé par le capitaine Chollet et signé par le second capitaine et le maître d’équipage.
Triste sort pour ce gamin alors âgé de 14 ans qui ne reverra jamais son village natal et ses parents ! On voit donc que les procédures n’étaient pas toujours les mêmes selon les personnes concernées.
Ces journaux de bord sont des mines de renseignements.
Pendant ma navigation sur des paquebots, j’ai eu affaire à plusieurs décès, en général de passagers, et plus rarement de membres de l’équipage. Nous avons toujours conservé les corps à bord comme l’exige la réglementation.
Mais je ne cacherai pas que certaines réactions de la part des familles m’ont parfois rendu fort perplexe… ! La discrétion m’interdit d’en parler.
Cdlt