Bonjour à tous,
Nicolas Lebel
Le parcours du colonel Lebel commence avec sa naissance, le 18 août 1838 à Saint Mihiel, dans la Meuse. D’une famille aisée, il intègre l’école de Saint-Cyr le 4 novembre 1855, pour en sortir trois ans plus tard avec le grade de sous-lieutenant, promotion « Du Prince Impérial. » Sa première affectation est au 69ème régiment d’infanterie de ligne, tout d’abord cantonné en France. Là, il suit le cours de l’Ecole normale de tir, où il obtient une mention honorable, ainsi qu’une médaille d’argent. Puis son régiment gagne la ville de Rome en novembre 1861, à l’occasion de la campagne d’Italie entreprise par l’empereur Napoléon III. Le 69ème passe ainsi cinq ans en garnison dans la Ville éternelle et c’est là que Lebel obtient le grade de lieutenant, en 1863. Trois ans plus tard, son régiment revient prendre garnison en France.
Lebel est capitaine quand la France déclare la guerre à l’Allemagne, le 19 juillet 1870. Au cours du mois d’août, il prend part aux batailles de Borny, Rézonville, Gravelottes et Servigny, et participe également à des combats donnés devant la position occupée par le troisième corps au cours du blocus. Fait prisonnier le 29 octobre 1870, il s’évade un mois plus tard. Prenant prétexte de l’interdiction de port d’armes faite aux officiers français par les autorités allemandes, il s’estime en effet délié de la parole d’honneur qu’il avait donnée à ses geôliers de ne pas sortir de son parcours de promenade. Parti à pied, il gagne Liège et la Belgique, puis Lille où se fait immédiatement connaître à l’Etat-major de l’armée du Nord. Il est alors nommé au 24ème régiment d’infanterie et participe à la bataille de Pont-Noyelles. Le lendemain, on lui confie le commandement du 47ème régiment de garde mobile, avec lequel il assiste à la bataille de Bapaume, au combat de Sernand et à la bataille de Saint-Quentin, en janvier 1871. Puis c’est la fin de la guerre, le 47ème régiment est licencié et Lebel décide de partir avec l’armée que l’on rassemble à Cambrai, pour aller combattre les insurgés algériens. Il gagne donc l’Afrique du Nord au mois de juin 1871, où il commande le 12ème régiment provisoire, avant de revenir en métropole à la fin de l’année.
Après être passé par le 53ème régiment d’infanterie de ligne, il est affecté avec le grade de capitaine au 66ème régiment, où il va passer quatre ans, marqués tout d’abord par son mariage avec Marie-Marthe Henriette Cadiou, de deux ans sa cadette et dont il aura deux enfants, puis par son détachement à l’Ecole normale de tir (ENT) du camp de Châlons.
C’est là que Nicolas Lebel donne toute la mesure de son talent. Passionné de balistique et d’armement, il est tout d’abord nommé commandant de l’école de tir du camp de Ruchard pendant cinq ans, avant d’obtenir le poste de directeur de l’ENT, d’octobre 1883 au mois de septembre 1887. Il participe à de nombreuses commissions de réflexion et d’expériences mises en place à l’ENT pour la réduction des calibres. C’est à ce titre et au nom des compétences qu’il a montrée dans son commandement, qu’il est appelé à siéger dans la commission qui préside à la révision de l’arme de l’infanterie.
Le contexte est favorable à ce changement. L’adoption par la Marine française et par l’armée allemande d’armes à répétition rend indispensable la dotation de l’infanterie d’un armement moderne. En outre, l’invention en 1884 par un Français d’une poudre sans fumée (contrairement à la poudre noire utilisée ailleurs pour tous les armements), engage à réviser le fusil équipant les troupes de la « reine des batailles. » Pressée par les délais irréalistes fixés par le général Boulanger, la commission se réunit et, pour des raisons tenant au secret du projet, insiste sur l’innovation que représente la balle de petit calibre mise au point par Lebel. Dès lors, le projet portera son nom, bien que le colonel ait par la suite toujours insisté sur l’aspect collectif de cette innovation.
Les tâches se répartissent comme suit au sein de la commission :
- le général Tramond en assure la présidence et proposera également que la balle soit revêtue de maillechort ;
- le colonel Gras, concepteur du fusil du même en usage dès 1871, travaille sur le mécanisme ;
- le colonel Bonnet intervient sur le type de culasse et retiendra une culasse à tenons avant, après des essais sur des culasses à tenons arrière et centraux ;
- le colonel Lebel proposera la balle de 8 mm élaborée à l'ENT ;
- le capitaine Desaleux travaille sur l’étui du fusil ;
- Monsieur Vieille, employé au service des poudres, contribue aux travaux par son invention de la poudre sans fumée.
Il semble que les décisions suivantes aient été collectives : conservation de la fixation du canon sur la boite de culasse par filetage, conservation et allègement de l'architecture du fusil modèle 1885, conception de la munition.
Une fois adopté, le fusil est fabriqué à la manufacture d’armes de Châtellerault, sous la direction des contrôleur et contrôleur principal Albert Close et Louis Verdin. Puis la réception des premières armes a lieu en janvier 1887, et le fusil Lebel connaît son baptême du feu en servant dans l’Empire à la répression de révoltes menées par les populations colonisées et, en France, à celle des grèves ouvrières (fusillade de Fourmies). C’est cependant avec une culasse modifiée en 1893 qu’il deviendra l’arme emblématique du soldat français, en équipant les régiments d’infanterie qui, en 1914, allaient se jeter dans la Grande Guerre.
Mais lorsque les travaux sur le fusil s’achèvent, la première direction de l’infanterie propose au ministre de la guerre d’élever Lebel au rang de colonel, « eu égard à sa foi ardente et au service rendu à l’infanterie dans le perfectionnement de l’instruction du tir et dans l’armement. » Doté de sa promotion, il quitte l’Ecole normal de tir pour le 77ème régiment d’infanterie de ligne, où il restera un an avant de passer au 120ème. Trois ans plus tard, il est admis à la retraite, après avoir été fait officier de la légion d’honneur, puis commandeur en 1889. Malheureusement, il ne connaîtra pas le repos espéré, car l’affection cardiaque qui l’avait déjà poussé à la retraite, le foudroie à Vitré le 6 juin 1891, à l’âge de 53 ans.
Il n’aurait sans doute pas prêté à son nom une telle postérité. Compte tenu des stocks d’armes constitués au cours de la Première Guerre mondiale, le fusil Lebel ne sera définitivement remplacé qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en se voyant même une dernière fois utilisé par les troupes de supplétifs au cours de la guerre d’Algérie.
http://www.servicehistorique.sga.defens ... _lebel.htm
Bien cordialement,
Franck