Bonjour,
Effectivement les soldats n'utilisaient pas le terme de "poilu".
Jean-CLaude, peut-être allez-vous tout de même un peu vite en besogne... La question n'est sans doute pas fondamentale, mais je pense néanmoins qu'il n'y a pas lieu d'être si catégorique.
Le terme de "poilus" était bel et bien employé pas les... poilus.

Bien sûr, certains ne l'ont pas utilisé, et parmi eux quelques-uns, pour diverses raisons, ont même mis un point d'honneur à ne jamais employer ce mot, lui en préférant d'autres (comme je le disais plus haut, Meyer s'est expliqué là-dessus). Néanmoins, ces derniers ne doivent pas biaiser la réalité des faits, bien plus divers.
A titre d'illustration, je viens de fouiller dans mon disque dur. J'y ai relevé quelques extraits - tous issus de témoignages de combattants du 74e R.I. - qui montreront que ce terme fut employé : pendant la guerre, après la guerre, par des soldats, par des officiers, et quels que fussent les supports : correspondances, carnets de route, souvenir... J'ai pioché un peu au hasard et j'en aurais bien davantage à mettre...
Amicalement,
Stéphan
Jules P. (tué le 28 mai 1915), dans une lettre 16 janvier 1915 :
"Je ne t’en mets pas plus long car il est 4h1/2 du soir, la soupe vient d’arriver et mes
poilus attendent que je les servent car c’est moi qui doit les servir a chaque repas."
Jules P. (tué le 28 mai 1915), dans une lettre 17 février 1915 :
"Je suis forcé de terminer ma lettre car je viens de recevoir l’ordre de rassembler mes
poilus, j’emploi ce mot puisqu’il est a la mode, pour passer une revue de notre capitaine, de notre père a tous que je pourrait dire, car c’est un vrai père de famille pour nous."
Jules P. (tué le 28 mai 1915), dans une lettre 31 mars 1915 :
Je suis arrivé a pouvoir me faire photographier. Je vous envoie un spécimen de cette race de
poilus dont on parle tant.
Henri A. (tué le 19 juillet 1915) dans son carte de guerre :
"Plus précis cette fois, le tir allemand atteint notre tranchée à droite. Quelques
poilus ont la mauvaise idée de se replier, je suis leur exemple et ai à m'en repentir aussitôt car le tir ennemi s'allonge et augmente."
Henri A. (tué le 19 juillet 1915) dans son carte de guerre :
"Le soir je sors pour faire quelques achats lorsque je vois des
poilus rentrer à l'église, je les suis et assiste au salut."
Henri A. (tué le 19 juillet 1915) dans son carte de guerre :
"Midi, il y a eu des mutations dans les escouades, mes rations sont mal distribuées, les
poilus rouspètent, mais le capitaine, bon coeur, ne me fait aucune observation."
Arsitide B., dans ses souvenirs, rédigés après guerre :
"Ce train était surchargé de
poilus fortement excités qui empêchèrent ces cheminots à faire leur métier."
Paul R., (capitaine) dans ses souvenirs de guerre, rédigés en 1917 :
"Je vois aussitôt arriver un Allemand jeune, blond, rosé, d'un physique agréable. Un de mes
poilus l'accompagne. C'est lui qui l'a pris, et il en tremble encore de joie, car il sait que son acte lui vaut sept jours de permission."
Frédéric S., (sous-lieutenant) dans son carnet de guerre :
"Chacun suit des yeux les péripéties du combat, et quand l’allemand tombe, tous les
poilus applaudissent".
Frédéric S., (sous-lieutenant) dans son carnet de guerre :
"Après appel fait dans la tranchée, je retrouve trente-cinq
poilus seulement."
Frédéric S., (sous-lieutenant) dans son carnet de guerre :
"Je fais conduire le corps de ce bon camarade Chézaud au poste de secours, après avoir fait présenter les armes par les
poilus présents."
Marcel L., (sous-officier) dans son carnet de route :
"Nous sommes un peu privilégiés, comme mitrailleurs, ayant d’assez bons gourbis et même quelques sapes profondes , alors que les pauvres
poilus, dans ce qu’on appelle la première ligne, sont couchés dans les trous d’obus utilisés comme petits postes. Nous les voyons assez bien avec nos jumelles et les plaignons sincèrement !"
Marcel L., (sous-officier) dans son carnet de route :
"Officiers comme simples
poilus, sommes tous tristes, déçus, découragés."
Jacques L., (capitaine) allocution, le 10 janvier 1951, au Père Lachaise, lors des obsèques du commandant Lefèbvre-Dibon :
"Alors, vos
poilus vous virent applaudissant des deux mains et ceux qui passèrent près de vous, vous entendirent crier de toutes vos forces : « Bravo mes amis ! Vive le 3e bataillon ! Vive la France ! »"
Charles R., (lieutenant) souvenirs rédigés après guerre :
"Les
poilus n’ont pu descendre sur la tranchée qui défendait les blockhaus dans lesquels étaient les mitrailleuses boches et, les uns après les autres, ils ont été écrasés et refoulés. Ils sont tombés devant nous et l’attaque a échoué."
Maurice M., dans son carnet de route, au 8 avril 1916 :
"Les uns disent que c'est du chiquet pour en mettre plein les yeux aux
poilus."
Etc.