Re: PIERRE Trois-mâts goélette Arm. Plisson
Publié : ven. juil. 29, 2011 2:34 pm
Bonjour à tous,
PIERRE
Trois-mâts goélette construit en 1903 à Saint Malo pour l’armateur HUET & Cie.
Immatriculé à Saint Malo n° 1249
350 tx JB 301 tx JN
En 1914, armé pour la pêche à la morue sur la zone de Terre-Neuve, sans sécherie.
Capitaine Louis PORTIER, de Plestin
Second Louis L’HERMITE, de Plestin
Rôle de 1914

En 1918 : armateur Société Maritime et Commerciale Franco-Anglaise (Plisson)
Liste d’équipage

On note que le capitaine Ludovic CHARRIER n’est pas un inconnu sur le forum. Ce capitaine au long cours, né le 23 Novembre 1879 à Saint Mathurin (Vendée) et inscrit aux Sables d’Olonne, avait été le capitaine du grand trois-mâts DUPLEIX.
Il avait été capturé par le corsaire SEEADLER de Felix von LÜCKNER, dans l’Atlantique, le 5 Mars 1917.
Ramené jusqu’à Rio de Janeiro par le voilier CAMBRONNE, puis rentré en France, il avait donc repris du service sur ce petit voilier caboteur.
Voir ce lien : pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Rapport du capitaine
Quitté Swansea le 30 Septembre avec 487 tonnes de charbon pour Bayonne. Pris le convoi à Falmouth pour Camaret. Reçu ordre de continuer la route et arrivé à La Pallice le 8 Octobre. Reçu ordre de continuer sans convoyeur, mais de se tenir en garde contre un sous-marin opérant dans le Sud du golfe de Gascogne.
Le 9 Octobre à 17h00, par 43°49 N et 01°34 W, soit environ 10 milles dans le N10W de l’entrée de l’Adour, la vigie signale un sous-marin se dirigeant vers nous.
Houle d’WNW, calme plat, bonne visibilité.
Cinq minutes plus tard, il ouvre le feu avec des obus à shrapnels qui éclatent sur la mâture, brisant le gréement de la misaine et du grand mât.
Ouvert aussitôt le feu avec la pièce tribord, hausse à 3000 m. A 18h10, impossible en raison de l’obscurité de voir les points de chute des obus. Le sous-marin commence à tirer des obus explosifs dont deux atteignent la coque sur tribord.
Lancé des fumigènes, mais il fait calme plat et le navire ne gouverne pas. Les appareils dérivent à la houle et n’offrent aucune protection.
Continué le feu en se guidant sur les lueurs de départ des obus du sous-marin. Il vient se mettre sous un angle où nous ne pouvons plus faire feu sur lui, vu la position des pièces au milieu du navire. A 18h30, nous avons tiré 30 obus.
Le sous-marin approche de l’arrière et tire des obus incendiaires dont deux éclatent au milieu du navire qui s’embrase. Le feu et la fumée ne me permettent pas de pénétrer dans ma chambre pour prendre les papiers du bord. Fait embarquer l’équipage dans les baleinières et resté à bord avec les canonniers Le Berre et Bernier pour reprendre le feu si possible.
Mais à 18h35, le feu se propageant rapidement, rappelé la chaloupe et fait embarquer les deux canonniers. Quitté le bord le dernier.
Le sous-marin tire des obus à shrapnels sur les embarcations, mais avec des coups trop longs. Nous devons nous écarter. Nous faisons alors route sur la terre. PIERRE va brûler toute la nuit et disparaître à 07h00 du matin le 10 Octobre.
Nous sommes alors recueillis par le patrouilleur DU COUEDIC qui nous dépose à Saint Jean de Luz à 10h00.
Je signale le grand sang-froid de l’équipage et des canonniers qui n’ont quitté le navire que sur mon ordre et à la dernière minute. Le Berre et Bernier sont particulièrement à recommander.
Conclusions de l’officier enquêteur et de la Commission d’enquête
Le capitaine Charrier a fait tout son devoir.
Il est toutefois regrettable, qu’ignorant certaines mesures prises depuis plusieurs mois, il ait relâché à La Pallice au lieu de suivre le SAINT CLEMENT (du même armement) qui a continué sur Bayonne. Une bonne brise a amené celui-ci à bon port le 8 au soir.
A Camaret, on lui avait conseillé de continuer sa route sans relâcher à La Pallice, mais à cause d’une épidémie de grippe.
Arrivé à Chassiron, il a fait route sur La Pallice alors que le SAINT CLEMENT continuait sur Bayonne.
A La Pallice, l’officier de route lui a appris que depuis trois mois on ne convoyait plus les navires descendant vers le Sud et qu’il pouvait continuer sa route, mais en ouvrant l’oeil car il y avait un sous-marin en maraude dans le sud du golfe de Gascogne.
Le calme plat survenu le 9 en a fait une cible facile pour le sous-marin.
La Commission regrette que ce trois-mâts, encalminé à 5 milles du Cap Breton où il y a une veille, aperçu par deux avions, alors qu’un sous-marin rôdait dans les parages, n’ait pas été signalé à Bayonne ou Saint Jean de Luz afin qu’on lui envoie un remorqueur.
Enquête complémentaire
Un sous-marin de fort tonnage avait été vu le 4 Octobre de 17h00 à 18h00 à 2 milles de Fontarabie (cap Figuier).
Le bureau de poste d’Hendaye, prévenu, n’a pu communiquer ni avec Saint Jean de Luz, ni avec Bayonne, malgré quinze minutes d’appel.
Les dames de la poste de Saint Jean de Luz ont répondu que c’était à Bayonne de s’occuper de l’affaire. Celles de Bayonne ont répondu que c’était à Hendaye de s’en occuper. Comme on leur faisait remarquer que c’était une question de défense nationale et que les embrouillaminis administratifs importaient peu, la communication a été coupée.
Un service de garde existe de nuit comme de jour et il importe que l’administration des Postes réponde avec rapidité et dévouement aux appels, car le plus léger retard peut entraîner de graves conséquences.
De plus, le 4 Octobre, ce sous-marin avait torpillé un bateau à 15 milles de Fontarabie.
(nota : il s’agissait du vapeur espagnol MERCEDES, 2164 t, allant de Bilbao à Cardiff. Le 5 octobre il torpillera encore les Anglais HEATHPARK, 2205 t et ERINDRING, 1229 t, et le 8 Octobre le Portugais CAZENGO, 3009 t)
Avons demandé à la vigie de Cap Breton pourquoi elle n’avait pas signalé à Bayonne ou Saint Jean de Luz la présence du trois-mâts PIERRE, encalminé à proximité tout l’après midi du 9.
Il a répondu n’avoir aperçu le voilier que lorsqu’il a été en feu vers 18h00. De plus, il n’a pu obtenir une communication avec Saint Jean de Luz qu’à 20h00. Il a enfin ajouté que rien ne prévoyait que l’on signale un navire encalminé dont on ignore la destination et que, de plus, il ignorait tout de la présence d’un sous-marin dans les parages.
Il est en effet très possible que, le poste de vigie étant très peu élevé au dessus de la mer, le voilier n’ait pas été vu. Mais il a fallu quand même deux heures pour transmettre ce renseignement car le poste n’est pas relié par un fil maritime. Si la mer est haute (et à condition qu’il fasse beau temps) il faut traverser le canal de Cap Breton pour aller jusqu’à un poste de transmission situé à 800 m!
De plus, les consignes affichées dans le poste de vigie ne sont guère explicites. Elles indiquent seulement de porter tout renseignement sur les navires de commerce, les avions ou les sous-marins, à la connaissance des autorités militaires.
Il ne faut pas s’étonner qu’un simple quartier-maître s’en tienne à la lettre de sa consigne.
Peut-être, si au moins il avait eu connaissance d’un sous-marin dans les parages, aurait-il été plus vigilant et fait preuve de plus d’initiative.
On ne peut que conclure à l’irresponsabilité de la vigie de Cap Breton
En conclusion nous recommandons :
- la modification des consignes affichées dans le poste
- l’obligation pour les bureaux du renseignement de communiquer à tous les postes de vigie les renseignements sur les sous-marins opérant dans leurs secteurs.
- l’obligation pour les voiliers ralliant Bayonne ou Saint Jean de Luz de demander un remorqueur par signaux à grande distance lorsqu’il se trouvent en calme plat à petite distance du port.
Le sous-marin attaquant
C’était l’ U 91 du KL Alfred von GLASENAPP
Voir ce lien pour les renseignements sur ce commandant : http://www.uboat.net/wwi/men/commanders/92.html
Cdlt
PIERRE
Trois-mâts goélette construit en 1903 à Saint Malo pour l’armateur HUET & Cie.
Immatriculé à Saint Malo n° 1249
350 tx JB 301 tx JN
En 1914, armé pour la pêche à la morue sur la zone de Terre-Neuve, sans sécherie.
Capitaine Louis PORTIER, de Plestin
Second Louis L’HERMITE, de Plestin
Rôle de 1914

En 1918 : armateur Société Maritime et Commerciale Franco-Anglaise (Plisson)
Liste d’équipage

On note que le capitaine Ludovic CHARRIER n’est pas un inconnu sur le forum. Ce capitaine au long cours, né le 23 Novembre 1879 à Saint Mathurin (Vendée) et inscrit aux Sables d’Olonne, avait été le capitaine du grand trois-mâts DUPLEIX.
Il avait été capturé par le corsaire SEEADLER de Felix von LÜCKNER, dans l’Atlantique, le 5 Mars 1917.
Ramené jusqu’à Rio de Janeiro par le voilier CAMBRONNE, puis rentré en France, il avait donc repris du service sur ce petit voilier caboteur.
Voir ce lien : pages1418/Forum-Pages-d-Histoire-aviati ... _1.htm#bas
Rapport du capitaine
Quitté Swansea le 30 Septembre avec 487 tonnes de charbon pour Bayonne. Pris le convoi à Falmouth pour Camaret. Reçu ordre de continuer la route et arrivé à La Pallice le 8 Octobre. Reçu ordre de continuer sans convoyeur, mais de se tenir en garde contre un sous-marin opérant dans le Sud du golfe de Gascogne.
Le 9 Octobre à 17h00, par 43°49 N et 01°34 W, soit environ 10 milles dans le N10W de l’entrée de l’Adour, la vigie signale un sous-marin se dirigeant vers nous.
Houle d’WNW, calme plat, bonne visibilité.
Cinq minutes plus tard, il ouvre le feu avec des obus à shrapnels qui éclatent sur la mâture, brisant le gréement de la misaine et du grand mât.
Ouvert aussitôt le feu avec la pièce tribord, hausse à 3000 m. A 18h10, impossible en raison de l’obscurité de voir les points de chute des obus. Le sous-marin commence à tirer des obus explosifs dont deux atteignent la coque sur tribord.
Lancé des fumigènes, mais il fait calme plat et le navire ne gouverne pas. Les appareils dérivent à la houle et n’offrent aucune protection.
Continué le feu en se guidant sur les lueurs de départ des obus du sous-marin. Il vient se mettre sous un angle où nous ne pouvons plus faire feu sur lui, vu la position des pièces au milieu du navire. A 18h30, nous avons tiré 30 obus.
Le sous-marin approche de l’arrière et tire des obus incendiaires dont deux éclatent au milieu du navire qui s’embrase. Le feu et la fumée ne me permettent pas de pénétrer dans ma chambre pour prendre les papiers du bord. Fait embarquer l’équipage dans les baleinières et resté à bord avec les canonniers Le Berre et Bernier pour reprendre le feu si possible.
Mais à 18h35, le feu se propageant rapidement, rappelé la chaloupe et fait embarquer les deux canonniers. Quitté le bord le dernier.
Le sous-marin tire des obus à shrapnels sur les embarcations, mais avec des coups trop longs. Nous devons nous écarter. Nous faisons alors route sur la terre. PIERRE va brûler toute la nuit et disparaître à 07h00 du matin le 10 Octobre.
Nous sommes alors recueillis par le patrouilleur DU COUEDIC qui nous dépose à Saint Jean de Luz à 10h00.
Je signale le grand sang-froid de l’équipage et des canonniers qui n’ont quitté le navire que sur mon ordre et à la dernière minute. Le Berre et Bernier sont particulièrement à recommander.
Conclusions de l’officier enquêteur et de la Commission d’enquête
Le capitaine Charrier a fait tout son devoir.
Il est toutefois regrettable, qu’ignorant certaines mesures prises depuis plusieurs mois, il ait relâché à La Pallice au lieu de suivre le SAINT CLEMENT (du même armement) qui a continué sur Bayonne. Une bonne brise a amené celui-ci à bon port le 8 au soir.
A Camaret, on lui avait conseillé de continuer sa route sans relâcher à La Pallice, mais à cause d’une épidémie de grippe.
Arrivé à Chassiron, il a fait route sur La Pallice alors que le SAINT CLEMENT continuait sur Bayonne.
A La Pallice, l’officier de route lui a appris que depuis trois mois on ne convoyait plus les navires descendant vers le Sud et qu’il pouvait continuer sa route, mais en ouvrant l’oeil car il y avait un sous-marin en maraude dans le sud du golfe de Gascogne.
Le calme plat survenu le 9 en a fait une cible facile pour le sous-marin.
La Commission regrette que ce trois-mâts, encalminé à 5 milles du Cap Breton où il y a une veille, aperçu par deux avions, alors qu’un sous-marin rôdait dans les parages, n’ait pas été signalé à Bayonne ou Saint Jean de Luz afin qu’on lui envoie un remorqueur.
Enquête complémentaire
Un sous-marin de fort tonnage avait été vu le 4 Octobre de 17h00 à 18h00 à 2 milles de Fontarabie (cap Figuier).
Le bureau de poste d’Hendaye, prévenu, n’a pu communiquer ni avec Saint Jean de Luz, ni avec Bayonne, malgré quinze minutes d’appel.
Les dames de la poste de Saint Jean de Luz ont répondu que c’était à Bayonne de s’occuper de l’affaire. Celles de Bayonne ont répondu que c’était à Hendaye de s’en occuper. Comme on leur faisait remarquer que c’était une question de défense nationale et que les embrouillaminis administratifs importaient peu, la communication a été coupée.
Un service de garde existe de nuit comme de jour et il importe que l’administration des Postes réponde avec rapidité et dévouement aux appels, car le plus léger retard peut entraîner de graves conséquences.
De plus, le 4 Octobre, ce sous-marin avait torpillé un bateau à 15 milles de Fontarabie.
(nota : il s’agissait du vapeur espagnol MERCEDES, 2164 t, allant de Bilbao à Cardiff. Le 5 octobre il torpillera encore les Anglais HEATHPARK, 2205 t et ERINDRING, 1229 t, et le 8 Octobre le Portugais CAZENGO, 3009 t)
Avons demandé à la vigie de Cap Breton pourquoi elle n’avait pas signalé à Bayonne ou Saint Jean de Luz la présence du trois-mâts PIERRE, encalminé à proximité tout l’après midi du 9.
Il a répondu n’avoir aperçu le voilier que lorsqu’il a été en feu vers 18h00. De plus, il n’a pu obtenir une communication avec Saint Jean de Luz qu’à 20h00. Il a enfin ajouté que rien ne prévoyait que l’on signale un navire encalminé dont on ignore la destination et que, de plus, il ignorait tout de la présence d’un sous-marin dans les parages.
Il est en effet très possible que, le poste de vigie étant très peu élevé au dessus de la mer, le voilier n’ait pas été vu. Mais il a fallu quand même deux heures pour transmettre ce renseignement car le poste n’est pas relié par un fil maritime. Si la mer est haute (et à condition qu’il fasse beau temps) il faut traverser le canal de Cap Breton pour aller jusqu’à un poste de transmission situé à 800 m!
De plus, les consignes affichées dans le poste de vigie ne sont guère explicites. Elles indiquent seulement de porter tout renseignement sur les navires de commerce, les avions ou les sous-marins, à la connaissance des autorités militaires.
Il ne faut pas s’étonner qu’un simple quartier-maître s’en tienne à la lettre de sa consigne.
Peut-être, si au moins il avait eu connaissance d’un sous-marin dans les parages, aurait-il été plus vigilant et fait preuve de plus d’initiative.
On ne peut que conclure à l’irresponsabilité de la vigie de Cap Breton
En conclusion nous recommandons :
- la modification des consignes affichées dans le poste
- l’obligation pour les bureaux du renseignement de communiquer à tous les postes de vigie les renseignements sur les sous-marins opérant dans leurs secteurs.
- l’obligation pour les voiliers ralliant Bayonne ou Saint Jean de Luz de demander un remorqueur par signaux à grande distance lorsqu’il se trouvent en calme plat à petite distance du port.
Le sous-marin attaquant
C’était l’ U 91 du KL Alfred von GLASENAPP
Voir ce lien pour les renseignements sur ce commandant : http://www.uboat.net/wwi/men/commanders/92.html
Cdlt