Re: TOLNA [II] ― Yacht austro-hongrois capturé par l'État français.
Publié : sam. avr. 30, 2011 2:02 am
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Bonjour à tous,
Tolna [II] ― Yacht à voile à voile, 235 tjb ‒ de 225 tjb selon les termes de la décision du Conseil des prises qui suit ‒, construit en 1901 sous le nom de Thistle par la Townsend-Downey Shipbuilding C°, de Shooters Island (États-Unis). A la déclaration de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, bat pavillon autrichien, avec Fiume comme port d'attache. Alors propriété du comte Rodolphe FESTETICS de TOLNA, ressortissant autro-hongrois.
Ayant quitté Cannes le 2 août 1914, arraisonné au large de Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes), consigné dans le port de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes), pour absence de tous papiers de bord et contraventions multiples aux règlements de police de la navigation en temps de guerre, puis saisi le 10 août 1914 par le capitaine de vaisseau commandant l'Esterel. D'abord mis sous séquestre, puis définitivement capturé à Nice, le 7 septembre 1917, par l'administrateur de l'inscription maritime Lorin de Reume.
Conseil des prises, 6 mai 1920, Affaire du navire de plaisance Tolna
(Journal officiel de la République française, 15 juin 1920, p. 8.499)
(Revue générale de droit international public, T. 27, 1920, Jurisprudence des prises, p. 90 à 93)
Entre, d'une part, le capitaine et le propriétaire du navire de plaisance Tolna, capturé à Nice, le 7 septembre 1917, et, d'autre part, le ministre de la Marine, agissant au nom de l'État, et pour la compte des ayants droit au produit des prises, conformément aux lois et règlements ;
Vu la lettre du ministre de la Marine, en date du 5 octobre l917, enregistrée au secrétariat du Conseil des prises, le 12 octobre suivant, sous le n° 158, faisant envoi du dossier de l'instruction relative à la capture susmentionnée et exposant que le Tolna, ayant quitté Cannes le 2 août 1914, fut arraisonné au large de Beaulieu, et consigné dans le port de Villefranche, pour absence de tous papiers de bord et contraventions multiples aux règlements de police de la navigation en temps de guerre ; qu'à la suite de la déclaration de l'état de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, il fut d'abord mis sous séquestre, puis, à la suite d'une instruction minutieuse, définitivement capturé ; que ladite capture est justifiée par le fait que, sur le registre des mouvements du port de Cannes, il est désigné comme portant le pavillon autrichien et que, d'autre part, d'après des témoignages recueillis, il arborait ce pavillon en toutes circonstances ; que tout navire naviguant de façon habituelle sous pavillon ennemi doit être déclaré de bonne prise ; que la disposition de la convention VI de la Haye du 18 octobre 1907 portant que, si un navire de commerce d'une des puissances belligérantes se trouve, au début des hostilités, dans un port ennemi, il est désirable qu'il lui soit permis de sortir librement, immédiatement ou après un délai de faveur suffisant, ne vise expressément que les navires de commerce et qu'étant une disposition exceptionnelle, elle ne saurait être étendue, en dehors du texte même, aux navires de plaisance, tels que le Tolna ; c'est pourquoi le ministre conclut à ce qu'il plaise au Conseil des prises : déclarer bonne et valable la prise du navire de plaisance Tolna, pour le produit net être attribué au fonds spécial institué par la loi du 15 mars 1916 ; d'autre part, en tant que de besoin, rejeter une réclamation du sieur Gardella, prétendant se faire payer de préférence sur le prix du Tolna le montant d'une créance dont le sieur Festelics de Tolna serait débiteur envers lui, le capteur n'étant, en aucune façon, tenu des dettes du capturé ;
Vu la réclamation dont s'agit, adressée par M. Émile Bonnifacy, au nom du sieur Gardella, armateur à Marseille, et parvenue au ministre de la Marine, le 6 septembre 1914 ;
Vu les pièces et documents composant le dossier transmis par le ministre, et notamment : 1° ‒ le procès-verbal de saisie du capitaine de vaisseau commandant le bâtiment de l'État Esterel en date du 10 août 1914, ensemble le procès-verbal d'interrogatoire du sieur Festetics de Tolna par le Commissaire de police de Villefranche-sur-Mer, en date du 5 août précédent ; 2° ‒ le procès-verbal de capture, en date du 7 septembre 1917, dressé par l'administrateur de l'inscription maritime Lorin de Reume ; 3° ‒ la déposition du sieur La Scola, maître d'équipage à bord du Tolna, en date du 7 septembre 1917 ; 4° ‒ le relevé du registre des mouvements du port de Cannes ;
Vu le Mémoire, présenté au nom du sieur Festetics de Tolna par Me Talamon, avocat au Conseil d'État, ledit Mémoire enregistré au secrétariat du Conseil des prises le 10 décembre 1917, et tendant à ce qu'il plaise audit Conseil déclarer non valable la prise du yacht le Tolna, avec toutes conséquences de droit, condamner l'État, représenté par le ministre de la Marine, à des dommages-intérêts à fixer par état, avec tels intérêts que de droit ; rejeter la réclamation du sieur Gardella avec toutes conséquences de droit et cela par les motifs que le Tolna, construit aux États-Unis, propriété d'un citoyen américain depuis 1906, ne saurait être considéré comme de nationalité ennemie ; que les infractions aux règlements de police de la navigation, visées par le procès-verbal du 10 août 1914, ne permettent pas de valider la capture ; que le Tolna a été arraisonné, le 4 août, et conduit à Villefranche, avant la déclaration de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, et que cette saisie irrégulière ne peut servir de base à une prise ; que l'article 8 du décret du 18 août 1914 relatif aux navires autrichiens et hongrois, et fixant à sept jours le délai qui leur est imparti pour sortir des ports français, doit s'appliquer a fortiori aux bâtiments de plaisance ;
Vu les nouvelles observations présentées par Me Talamon pour le sieur Festetics de Tolna, lesdites observations enregistrées le 24 décembre 1917, et tendant aux mêmes fins que les observations précédentes, par les mêmes motifs, et notamment par le motif que si le port d'attache du Tolna était le port de Fiume, le port d'attache n'est pas un des éléments déterminant de la nationalité du navire ;
Vu les nouvelles observations du ministre de la Marine, enregistrées le 2 mars i920, à l'appui des conclusions par lui prises dans la lettre du 5 octobre 1917 ;
Vu les dernières observations présentées pour ledit sieur Festetics de Tolna, lesdites observations enregistrées, comme il est dit ci-dessus, le 14 avril 1920, par lesquelles on persiste dans les conclusions primitives et l'on demande la capitalisation des intérêts échue de l'indemnité due pour capture non valable ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu les conclusions du Commissaire du gouvernement, tendant à ce qu'il plaise au Conseil déclarer la prise valable, et rejeter la demande du sieur Gardella comme non recevable ;
Vu l'ordonnance d'Août 1681 sur la marine ; le règlement du 26 juillet 1778 ; l'arrêté du 9 Prairial an XI ; le décret du 12 août 1914 ; les décrets des 9 mai 1859 et 28 novembre 1681 ;
Ouï M. Corneille, membre du Conseil, en son rapport, et M. Louis Roger, Commissaire du gouvernement, en ses observations à l'appui de ses conclusions ci-dessus visées ;
Le Conseil, après en avoir délibéré :
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de capture, régulièrement dressé, le 7 septembre 1917, par l'admistrateur de l'inscription maritime, chef du quartier de Nice, que le voilier Tolna, jaugeant 225 tonnes, a été capturé ledit jour, alors qu'il se trouvait mouillé dans le port de Nice ;
Considérant que si ce voilier était, au moment où il a été capturé, retenu dans ce port par les autorités françaises, c'était en conséquence des mesures de police motivées par des contraventions relevées contre lui pour n'avoir possédé ni les papiers de bord exigibles en temps de paix, ni les autorisations nécessaires en période de mobilisation, alors surtout qu'il comptait dans son équipage un sujet d'une puissance en guerre avec la France ; qu'il était ainsi dans une situation notoirement irrégulière par suite des fautes imputables à son propriétaire ;
Considérant d'autre part, que le sieur Festetics de Tolna n'est pas fondé se plaindre qu'aucun délai de sortie ne lui ait été accordé ; qu'en effet l'article 1er du décret du 18 août 1914, qui a eu pour but d'assurer l'application de l'article 1er de la VIe convention de la Haye, ne prévoit un délai de sortie des ports français que pour les navires de commerce autrichiens se trouvant dans ces ports au début des hostilités ; qu'une telle disposition, qui a le caractère d'une mesure de faveur, ainsi qu'il est indiqué à l'article 8 du même décret, ne saurait être étendue, en l'absence de toute prescription expresse, à des navires autres que les bâtiments de commerce, et nullement à des bâtiments de plaisance, comme le Tolna ;
Considérant que, tant à la date du 10 août 1914, jour où a été dressé l'inventaire des objets existant à bord du Tolna, qu'à celle du 7 septembre 1917, où ce bateau a été de nouveau visité puis capturé, il n'a été trouvé à bord aucune pièce établissant que ledit bâtiment aurait pu arborer le pavillon d'une puissance quelconque ; et que des dispositions combinées de l'ordonnance d'Août 1681, du règlement du 26 juillet 1778 et de l'arrêté du 2 Prairial an XI, il résulte que sont de bonne prise les bâtiments dont la nationalité ne serait pas justifiée, conformément aux règlements, c'est-à-dire par les papiers de bord
Considérant, au surplus, qu'il résulte des mentions portées sur le registre des mouvements du port de Cannes, dans lequel le Tolna était arrivé le 11 septembre 1911, que ce voilier y a été inscrit comme autrichien, avec Fiume comme port d'attache ; que suivant les témoignages recueillis parmi les hommes de l'équipage, il arborait d'ordinaire le pavillon autrichien ; qu'au moment de sa saisie, son propriétaire, au lieu de protester contre la nationalité ainsi attribuée à son yacht, a tenté d'en transférer la propriété à son capitaine, sujet anglais ; que la portée de ces diverses indications est corroborée, d'ailleurs, par des documents émanant de la légation suisse, agissant comme représentant des intérêts des sujets austro-hongrois pendant la durée des hostilités ;
Considérant, à la vérité, que le sieur Festetics de Tolna allègue qu'il existe d'autres documents, desquels il résulterait qu'il est lui-même citoyen américain, et que son bateau a la nationalité américaine ;
Mais considérant qu'il n'a pas produit ces documents, et que les certificats, qu'il a présentés à l'appui de ses allégations, sont tous de date postérieure à la déclaration de guerre, que certains d'entre eux ont même été établis après la date de la capture du bateau ;
Considérant que, pour apprécier la validité d'une capture, c'est à la date où celle-ci est opérée qu'il y a lieu de se placer afin de déterminer l'état-civil et le caractère du navire en cause ; qu'a ce moment il n'a été justifié d'aucun enregistrement régulier du Tolna aux Etats-Unis, comme navire américain ;
Considérant que, dans ces conditions de fait et de droit, le Tolna doit être déclaré de bonne prise ;
Sur la réclamation du sieur Gardella :
Considérant que cette requête, non présentée par le ministère d'un avocat au Conseil d'État, ne saurait être retenue ;
Décide :
1° ‒ La capture du Tolna est déclarée bonne et valable, pour le produit net en être attribué aux ayants droit, conformément aux lois et règlements en vigueur ;
2° ‒ La demande du sieur Gardella est rejetée comme non recevable ;
2° ‒ Les objets, à l'usage personnel du capitaine et de l'équipage seront laissés ou restitués aux ayants droit.
Délibéré à Paris, dans la séance du 6 mai 1920, où siégeaient MM. Paul Fuzier, président ; René Worms, Rouchon-Mazerat, Gauthier, Fromageot, de Hamey de Sugny et Corneille, membres du Conseil, en présence de M. Louis Roger, Commissaire du gouvernement. »
Bonjour à tous,
Tolna [II] ― Yacht à voile à voile, 235 tjb ‒ de 225 tjb selon les termes de la décision du Conseil des prises qui suit ‒, construit en 1901 sous le nom de Thistle par la Townsend-Downey Shipbuilding C°, de Shooters Island (États-Unis). A la déclaration de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, bat pavillon autrichien, avec Fiume comme port d'attache. Alors propriété du comte Rodolphe FESTETICS de TOLNA, ressortissant autro-hongrois.
Ayant quitté Cannes le 2 août 1914, arraisonné au large de Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes), consigné dans le port de Villefranche-sur-Mer (Alpes-Maritimes), pour absence de tous papiers de bord et contraventions multiples aux règlements de police de la navigation en temps de guerre, puis saisi le 10 août 1914 par le capitaine de vaisseau commandant l'Esterel. D'abord mis sous séquestre, puis définitivement capturé à Nice, le 7 septembre 1917, par l'administrateur de l'inscription maritime Lorin de Reume.
Conseil des prises, 6 mai 1920, Affaire du navire de plaisance Tolna
(Journal officiel de la République française, 15 juin 1920, p. 8.499)
(Revue générale de droit international public, T. 27, 1920, Jurisprudence des prises, p. 90 à 93)
Entre, d'une part, le capitaine et le propriétaire du navire de plaisance Tolna, capturé à Nice, le 7 septembre 1917, et, d'autre part, le ministre de la Marine, agissant au nom de l'État, et pour la compte des ayants droit au produit des prises, conformément aux lois et règlements ;
Vu la lettre du ministre de la Marine, en date du 5 octobre l917, enregistrée au secrétariat du Conseil des prises, le 12 octobre suivant, sous le n° 158, faisant envoi du dossier de l'instruction relative à la capture susmentionnée et exposant que le Tolna, ayant quitté Cannes le 2 août 1914, fut arraisonné au large de Beaulieu, et consigné dans le port de Villefranche, pour absence de tous papiers de bord et contraventions multiples aux règlements de police de la navigation en temps de guerre ; qu'à la suite de la déclaration de l'état de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, il fut d'abord mis sous séquestre, puis, à la suite d'une instruction minutieuse, définitivement capturé ; que ladite capture est justifiée par le fait que, sur le registre des mouvements du port de Cannes, il est désigné comme portant le pavillon autrichien et que, d'autre part, d'après des témoignages recueillis, il arborait ce pavillon en toutes circonstances ; que tout navire naviguant de façon habituelle sous pavillon ennemi doit être déclaré de bonne prise ; que la disposition de la convention VI de la Haye du 18 octobre 1907 portant que, si un navire de commerce d'une des puissances belligérantes se trouve, au début des hostilités, dans un port ennemi, il est désirable qu'il lui soit permis de sortir librement, immédiatement ou après un délai de faveur suffisant, ne vise expressément que les navires de commerce et qu'étant une disposition exceptionnelle, elle ne saurait être étendue, en dehors du texte même, aux navires de plaisance, tels que le Tolna ; c'est pourquoi le ministre conclut à ce qu'il plaise au Conseil des prises : déclarer bonne et valable la prise du navire de plaisance Tolna, pour le produit net être attribué au fonds spécial institué par la loi du 15 mars 1916 ; d'autre part, en tant que de besoin, rejeter une réclamation du sieur Gardella, prétendant se faire payer de préférence sur le prix du Tolna le montant d'une créance dont le sieur Festelics de Tolna serait débiteur envers lui, le capteur n'étant, en aucune façon, tenu des dettes du capturé ;
Vu la réclamation dont s'agit, adressée par M. Émile Bonnifacy, au nom du sieur Gardella, armateur à Marseille, et parvenue au ministre de la Marine, le 6 septembre 1914 ;
Vu les pièces et documents composant le dossier transmis par le ministre, et notamment : 1° ‒ le procès-verbal de saisie du capitaine de vaisseau commandant le bâtiment de l'État Esterel en date du 10 août 1914, ensemble le procès-verbal d'interrogatoire du sieur Festetics de Tolna par le Commissaire de police de Villefranche-sur-Mer, en date du 5 août précédent ; 2° ‒ le procès-verbal de capture, en date du 7 septembre 1917, dressé par l'administrateur de l'inscription maritime Lorin de Reume ; 3° ‒ la déposition du sieur La Scola, maître d'équipage à bord du Tolna, en date du 7 septembre 1917 ; 4° ‒ le relevé du registre des mouvements du port de Cannes ;
Vu le Mémoire, présenté au nom du sieur Festetics de Tolna par Me Talamon, avocat au Conseil d'État, ledit Mémoire enregistré au secrétariat du Conseil des prises le 10 décembre 1917, et tendant à ce qu'il plaise audit Conseil déclarer non valable la prise du yacht le Tolna, avec toutes conséquences de droit, condamner l'État, représenté par le ministre de la Marine, à des dommages-intérêts à fixer par état, avec tels intérêts que de droit ; rejeter la réclamation du sieur Gardella avec toutes conséquences de droit et cela par les motifs que le Tolna, construit aux États-Unis, propriété d'un citoyen américain depuis 1906, ne saurait être considéré comme de nationalité ennemie ; que les infractions aux règlements de police de la navigation, visées par le procès-verbal du 10 août 1914, ne permettent pas de valider la capture ; que le Tolna a été arraisonné, le 4 août, et conduit à Villefranche, avant la déclaration de guerre entre la France et l'Autriche-Hongrie, et que cette saisie irrégulière ne peut servir de base à une prise ; que l'article 8 du décret du 18 août 1914 relatif aux navires autrichiens et hongrois, et fixant à sept jours le délai qui leur est imparti pour sortir des ports français, doit s'appliquer a fortiori aux bâtiments de plaisance ;
Vu les nouvelles observations présentées par Me Talamon pour le sieur Festetics de Tolna, lesdites observations enregistrées le 24 décembre 1917, et tendant aux mêmes fins que les observations précédentes, par les mêmes motifs, et notamment par le motif que si le port d'attache du Tolna était le port de Fiume, le port d'attache n'est pas un des éléments déterminant de la nationalité du navire ;
Vu les nouvelles observations du ministre de la Marine, enregistrées le 2 mars i920, à l'appui des conclusions par lui prises dans la lettre du 5 octobre 1917 ;
Vu les dernières observations présentées pour ledit sieur Festetics de Tolna, lesdites observations enregistrées, comme il est dit ci-dessus, le 14 avril 1920, par lesquelles on persiste dans les conclusions primitives et l'on demande la capitalisation des intérêts échue de l'indemnité due pour capture non valable ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu les conclusions du Commissaire du gouvernement, tendant à ce qu'il plaise au Conseil déclarer la prise valable, et rejeter la demande du sieur Gardella comme non recevable ;
Vu l'ordonnance d'Août 1681 sur la marine ; le règlement du 26 juillet 1778 ; l'arrêté du 9 Prairial an XI ; le décret du 12 août 1914 ; les décrets des 9 mai 1859 et 28 novembre 1681 ;
Ouï M. Corneille, membre du Conseil, en son rapport, et M. Louis Roger, Commissaire du gouvernement, en ses observations à l'appui de ses conclusions ci-dessus visées ;
Le Conseil, après en avoir délibéré :
Considérant qu'il résulte du procès-verbal de capture, régulièrement dressé, le 7 septembre 1917, par l'admistrateur de l'inscription maritime, chef du quartier de Nice, que le voilier Tolna, jaugeant 225 tonnes, a été capturé ledit jour, alors qu'il se trouvait mouillé dans le port de Nice ;
Considérant que si ce voilier était, au moment où il a été capturé, retenu dans ce port par les autorités françaises, c'était en conséquence des mesures de police motivées par des contraventions relevées contre lui pour n'avoir possédé ni les papiers de bord exigibles en temps de paix, ni les autorisations nécessaires en période de mobilisation, alors surtout qu'il comptait dans son équipage un sujet d'une puissance en guerre avec la France ; qu'il était ainsi dans une situation notoirement irrégulière par suite des fautes imputables à son propriétaire ;
Considérant d'autre part, que le sieur Festetics de Tolna n'est pas fondé se plaindre qu'aucun délai de sortie ne lui ait été accordé ; qu'en effet l'article 1er du décret du 18 août 1914, qui a eu pour but d'assurer l'application de l'article 1er de la VIe convention de la Haye, ne prévoit un délai de sortie des ports français que pour les navires de commerce autrichiens se trouvant dans ces ports au début des hostilités ; qu'une telle disposition, qui a le caractère d'une mesure de faveur, ainsi qu'il est indiqué à l'article 8 du même décret, ne saurait être étendue, en l'absence de toute prescription expresse, à des navires autres que les bâtiments de commerce, et nullement à des bâtiments de plaisance, comme le Tolna ;
Considérant que, tant à la date du 10 août 1914, jour où a été dressé l'inventaire des objets existant à bord du Tolna, qu'à celle du 7 septembre 1917, où ce bateau a été de nouveau visité puis capturé, il n'a été trouvé à bord aucune pièce établissant que ledit bâtiment aurait pu arborer le pavillon d'une puissance quelconque ; et que des dispositions combinées de l'ordonnance d'Août 1681, du règlement du 26 juillet 1778 et de l'arrêté du 2 Prairial an XI, il résulte que sont de bonne prise les bâtiments dont la nationalité ne serait pas justifiée, conformément aux règlements, c'est-à-dire par les papiers de bord
Considérant, au surplus, qu'il résulte des mentions portées sur le registre des mouvements du port de Cannes, dans lequel le Tolna était arrivé le 11 septembre 1911, que ce voilier y a été inscrit comme autrichien, avec Fiume comme port d'attache ; que suivant les témoignages recueillis parmi les hommes de l'équipage, il arborait d'ordinaire le pavillon autrichien ; qu'au moment de sa saisie, son propriétaire, au lieu de protester contre la nationalité ainsi attribuée à son yacht, a tenté d'en transférer la propriété à son capitaine, sujet anglais ; que la portée de ces diverses indications est corroborée, d'ailleurs, par des documents émanant de la légation suisse, agissant comme représentant des intérêts des sujets austro-hongrois pendant la durée des hostilités ;
Considérant, à la vérité, que le sieur Festetics de Tolna allègue qu'il existe d'autres documents, desquels il résulterait qu'il est lui-même citoyen américain, et que son bateau a la nationalité américaine ;
Mais considérant qu'il n'a pas produit ces documents, et que les certificats, qu'il a présentés à l'appui de ses allégations, sont tous de date postérieure à la déclaration de guerre, que certains d'entre eux ont même été établis après la date de la capture du bateau ;
Considérant que, pour apprécier la validité d'une capture, c'est à la date où celle-ci est opérée qu'il y a lieu de se placer afin de déterminer l'état-civil et le caractère du navire en cause ; qu'a ce moment il n'a été justifié d'aucun enregistrement régulier du Tolna aux Etats-Unis, comme navire américain ;
Considérant que, dans ces conditions de fait et de droit, le Tolna doit être déclaré de bonne prise ;
Sur la réclamation du sieur Gardella :
Considérant que cette requête, non présentée par le ministère d'un avocat au Conseil d'État, ne saurait être retenue ;
Décide :
1° ‒ La capture du Tolna est déclarée bonne et valable, pour le produit net en être attribué aux ayants droit, conformément aux lois et règlements en vigueur ;
2° ‒ La demande du sieur Gardella est rejetée comme non recevable ;
2° ‒ Les objets, à l'usage personnel du capitaine et de l'équipage seront laissés ou restitués aux ayants droit.
Délibéré à Paris, dans la séance du 6 mai 1920, où siégeaient MM. Paul Fuzier, président ; René Worms, Rouchon-Mazerat, Gauthier, Fromageot, de Hamey de Sugny et Corneille, membres du Conseil, en présence de M. Louis Roger, Commissaire du gouvernement. »