Re: L'action des navires-hôpitaux - Thèse & Synthèse 1919
Publié : sam. mars 28, 2009 1:29 pm
Bonjour à tous,
Une retranscription d'un texte paru dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine en 1919, disponible sur Gallica
Titre : Bulletin de l'Académie nationale de médecine
Auteur : Académie nationale de médecine (France)
Éditeur : J.-B. Baillière (Paris)
Éditeur : Masson (Paris)
Éditeur : Académie nationale de médecine (Paris)
NAVIRES-HÔPITAUX PENDANT LA GRANDE GUERRE
I. L'action de nos navires-hôpitaux pendant la guerre,
par M. le Dr Chevalier
Inspecteur général du Service de santé de la Marine.
Au cours de la guerre, les évènements ont déjoué toutes les prévisions en-ce qui concerne l'utilisation des navires-hôpitaux pour l'évacuation des blessés. Notre flotte, en effet, n'a pas eu à livrer de bataille sur mer, mais par contre les Armées alliées ont eu à opérer sur différents fronts. Et alors qu'on avait surtout envisagé la mise en action d'unités destinées à accompagner les escadres au combat, afin de recueillir leurs blessés et de les ramener aux hôpitaux des bases, on s'est trouvé dans la nécessité d'armer rapidement, et de conserver pendant toute la durée des hostilités, des transports ayant pour mission d'évacuer des blessés et des malades des différents points du continent.
Pendant les premiers mois, la Marine a dû coopérer avec la Guerre au transport des blessés de l'Armée des Flandres. Encombrées par des trains amenant au front troupes, munitions et ravitaillement de toutes sortes, les voies ferrées de la région du Nord étaient insuffisantes pour laisser passer tous les convois du Service de santé. Il fallut recourir à la voie de mer. On arma précipitamment, avec le transport-hôpital de la flotte Duguay-Trouin, quatre paquebots ou grands cargos, qui, d'octobre 1914 à février 1915, prirent à Dunkerque, leur centre d'action, près de 32 000 blessés qu'ils évacuèrent sur le Havre, Cherbourg,. Brest et Saint-Nazaire. Après le triage opéré dans ces ports de débarquement, les blessés les plus gravement atteints étaient hospitalisés sur place, les autres étaient répartis entre les formations sanitaires de la région ou des régions les plus voisines.
A partir de février 1915, c'est en Méditerranée que se porte exclusivement, pour se continuer jusqu'à la fin de la guerre, l'effort de la Marine. Elle utilisa d'abord trois de ses anciens transports-hôpitaux (Bien-Hoa, Duguay-Trouin, Vinh-Long), les navires qui venaient d'opérer dans la mer du Nord, et le paquebot Canada qui, dès le début des hostilités, avait été prévu comme navire-hôpital de l'Armée navale de la Méditerranée.
Les transports militaires, progressivement transformés et perfectionnés, restèrent armés pendant toute la guerre. Pourvus de belles salles, spacieuses et largement aérées, de grands sabords de charge, de panneaux permettant l'accès facile des cadres et des brancards, ils eussent été parfaits s'ils avaient eu plus de vitesse et une meilleure stabilité à la mer. Ils ont rendu malgré tout des services inappréciables et ils sont là pour montrer que le Département de la Marine (qui les avait naguère utilisés, eux ou leurs similaires, en Chine, au Dahomey, à Madagascar et au Maroc) doit, dès le temps de paix, posséder un certain nombre de bâtiments de cette catégorie, tenus au courant de tous les progrès d'ordre nautique, hygiénique, médico-chirurgical, etc. et susceptibles d'être armés du jour au lendemain.
D'une manière générale, les navires réquisitionnés ne répondaient pas suffisamment aux exigences de la situation. Lorsqu'on s'était trouvé subitement dans l'obligation de chercher des navires pour évacuer un grand nombre d'hommes, on avait pris ce qui avait paru le mieux à ce moment-là, surtout au point de vue de la capacité hospitalière. On n'avait eu le temps de leur faire subir que des améliorations de fortune. Ils pouvaient ainsi suffire pour la mer du Nord, en raison de la brièveté des traversées, et parce que les médecins, s'ils avaient à faire beaucoup de pansements, n'avaient par contre à pratiquer que quelques interventions d'extrême urgence.
Mais dès qu'il s'agit d'opérer à de grandes distances, de conserver les hommes de 5 à 10 jours, il devenait nécessaire d'avoir des navires plus confortables, munis de toutes les installations chirurgicales nécessaires. Les premiers navires réquisitionnés disparurent peu à peu, remplacés par des paquebots de plus fort tonnage, meilleurs marcheurs, où la disposition des locaux permettait l'installation de larges salles de malades, de cabinets de pansements, de services de stérilisation, de radiographie, de désinfection, etc., et ce furent la Divona, le Sphinx, l'André-Lebon, l'Asie, le La-Fayette, la Flandre, la Navarre, la France IV, qui, au cours de la campagne d'Orient, eurent à fournir, pendant la première année surtout, un effort d'une intensité très grande. La France-IV ramenait par voyage 2 500 hommes ; les autres paquebots de 750 à 4 000 ; les transports militaires de 425 à 700.
Armés par la Marine qui fournissait le personnel médical et infirmier, ils étaient approvisionnés en médicaments, objets de pansement et matériel de toute sorte (en dehors de certains articles spéciaux) par le Service de santé de la Guerre qui répondit constamment à toutes les demandes avec une largesse et un empressement parfaits.
Nous ne pouvons exposer ici ce que furent l'organisation et le fonctionnement de ces navires-hôpitaux. La question prête à des développements et à des considérations qui dépasseraient de beaucoup les limites d'une simple note. Elle sera complètement exposée plus tard avec tout le développement qu'elle mérite. Qu'il nous suffise de dire que ce ne furent pas moins de 220 000 blessés ou malades qui, couverts de la Croix-Rouge et de la Convention de La Haye, furent rapatriés par ces navires des différents fronts de la Méditerranée orientale. Toulon en reçut environ 147 000, Bizerte 64 000, les ports de l'Algérie plus de 5 000. Un certain nombre, lors des premiers combats de 1915 aux Dardanelles, avaient été dirigés sur l'Égypte.
L'embarquement s'effectuait soit à quai, soit sur rade. A quai, il était évidemment plus facile et plus rapide, et on pouvait estimer sa durée à une heure pour 300 hommes. Le débarquement se faisait toujours à quai. Prévenu à l'avance par télégraphie sans fil de l'heure probable de l'arrivée, du nombre de blessés et de malades, selon les diverses catégories, le port de débarquement prenait ses dispositions en conséquence et l'opération ne dépassait jamais trois heures, sauf pour la France-IV, qui, en raison de l'effectif de ses évacués (2 500), ne pouvait les débarquer qu'en deux bordées, séparées par quelques heures d'intervalle exigées pour le retour des trains sanitaires affectés à leur répartition dans les formations désignées. -
L'expérience de ces quatre années a démontré que le navire-hôpital constitue pour l'évacuation des malades et des blessés un mode de transport présentant de sérieux avantages et qui fut très apprécié tant par les intéressés eux-mêmes que par les membres des Commissions médicales et parlementaires qui ont pu en suivre le fonctionnement. Les hommes y sont bien couchés, bien nourris, soumis à une surveillance constante, journellement visités. Le plus grand inconvénient à redouter pour eux pourrait provenir des mouvements du navire en cas de gros temps. Dans la pratique ils n'eurent guère à en souffrir, les grands paquebots mis en service ayant en général, de par leur tonnage, des qualités de stabilité assez parfaites. Cet inconvénient, d'ailleurs, est bien moindre que ceux qui, dans les trains sanitaires, résultent des trépidations, des secousses ou des arrêts brusques.
(à suivre)
Une retranscription d'un texte paru dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine en 1919, disponible sur Gallica
Titre : Bulletin de l'Académie nationale de médecine
Auteur : Académie nationale de médecine (France)
Éditeur : J.-B. Baillière (Paris)
Éditeur : Masson (Paris)
Éditeur : Académie nationale de médecine (Paris)
NAVIRES-HÔPITAUX PENDANT LA GRANDE GUERRE
I. L'action de nos navires-hôpitaux pendant la guerre,
par M. le Dr Chevalier
Inspecteur général du Service de santé de la Marine.
Au cours de la guerre, les évènements ont déjoué toutes les prévisions en-ce qui concerne l'utilisation des navires-hôpitaux pour l'évacuation des blessés. Notre flotte, en effet, n'a pas eu à livrer de bataille sur mer, mais par contre les Armées alliées ont eu à opérer sur différents fronts. Et alors qu'on avait surtout envisagé la mise en action d'unités destinées à accompagner les escadres au combat, afin de recueillir leurs blessés et de les ramener aux hôpitaux des bases, on s'est trouvé dans la nécessité d'armer rapidement, et de conserver pendant toute la durée des hostilités, des transports ayant pour mission d'évacuer des blessés et des malades des différents points du continent.
Pendant les premiers mois, la Marine a dû coopérer avec la Guerre au transport des blessés de l'Armée des Flandres. Encombrées par des trains amenant au front troupes, munitions et ravitaillement de toutes sortes, les voies ferrées de la région du Nord étaient insuffisantes pour laisser passer tous les convois du Service de santé. Il fallut recourir à la voie de mer. On arma précipitamment, avec le transport-hôpital de la flotte Duguay-Trouin, quatre paquebots ou grands cargos, qui, d'octobre 1914 à février 1915, prirent à Dunkerque, leur centre d'action, près de 32 000 blessés qu'ils évacuèrent sur le Havre, Cherbourg,. Brest et Saint-Nazaire. Après le triage opéré dans ces ports de débarquement, les blessés les plus gravement atteints étaient hospitalisés sur place, les autres étaient répartis entre les formations sanitaires de la région ou des régions les plus voisines.
A partir de février 1915, c'est en Méditerranée que se porte exclusivement, pour se continuer jusqu'à la fin de la guerre, l'effort de la Marine. Elle utilisa d'abord trois de ses anciens transports-hôpitaux (Bien-Hoa, Duguay-Trouin, Vinh-Long), les navires qui venaient d'opérer dans la mer du Nord, et le paquebot Canada qui, dès le début des hostilités, avait été prévu comme navire-hôpital de l'Armée navale de la Méditerranée.
Les transports militaires, progressivement transformés et perfectionnés, restèrent armés pendant toute la guerre. Pourvus de belles salles, spacieuses et largement aérées, de grands sabords de charge, de panneaux permettant l'accès facile des cadres et des brancards, ils eussent été parfaits s'ils avaient eu plus de vitesse et une meilleure stabilité à la mer. Ils ont rendu malgré tout des services inappréciables et ils sont là pour montrer que le Département de la Marine (qui les avait naguère utilisés, eux ou leurs similaires, en Chine, au Dahomey, à Madagascar et au Maroc) doit, dès le temps de paix, posséder un certain nombre de bâtiments de cette catégorie, tenus au courant de tous les progrès d'ordre nautique, hygiénique, médico-chirurgical, etc. et susceptibles d'être armés du jour au lendemain.
D'une manière générale, les navires réquisitionnés ne répondaient pas suffisamment aux exigences de la situation. Lorsqu'on s'était trouvé subitement dans l'obligation de chercher des navires pour évacuer un grand nombre d'hommes, on avait pris ce qui avait paru le mieux à ce moment-là, surtout au point de vue de la capacité hospitalière. On n'avait eu le temps de leur faire subir que des améliorations de fortune. Ils pouvaient ainsi suffire pour la mer du Nord, en raison de la brièveté des traversées, et parce que les médecins, s'ils avaient à faire beaucoup de pansements, n'avaient par contre à pratiquer que quelques interventions d'extrême urgence.
Mais dès qu'il s'agit d'opérer à de grandes distances, de conserver les hommes de 5 à 10 jours, il devenait nécessaire d'avoir des navires plus confortables, munis de toutes les installations chirurgicales nécessaires. Les premiers navires réquisitionnés disparurent peu à peu, remplacés par des paquebots de plus fort tonnage, meilleurs marcheurs, où la disposition des locaux permettait l'installation de larges salles de malades, de cabinets de pansements, de services de stérilisation, de radiographie, de désinfection, etc., et ce furent la Divona, le Sphinx, l'André-Lebon, l'Asie, le La-Fayette, la Flandre, la Navarre, la France IV, qui, au cours de la campagne d'Orient, eurent à fournir, pendant la première année surtout, un effort d'une intensité très grande. La France-IV ramenait par voyage 2 500 hommes ; les autres paquebots de 750 à 4 000 ; les transports militaires de 425 à 700.
Armés par la Marine qui fournissait le personnel médical et infirmier, ils étaient approvisionnés en médicaments, objets de pansement et matériel de toute sorte (en dehors de certains articles spéciaux) par le Service de santé de la Guerre qui répondit constamment à toutes les demandes avec une largesse et un empressement parfaits.
Nous ne pouvons exposer ici ce que furent l'organisation et le fonctionnement de ces navires-hôpitaux. La question prête à des développements et à des considérations qui dépasseraient de beaucoup les limites d'une simple note. Elle sera complètement exposée plus tard avec tout le développement qu'elle mérite. Qu'il nous suffise de dire que ce ne furent pas moins de 220 000 blessés ou malades qui, couverts de la Croix-Rouge et de la Convention de La Haye, furent rapatriés par ces navires des différents fronts de la Méditerranée orientale. Toulon en reçut environ 147 000, Bizerte 64 000, les ports de l'Algérie plus de 5 000. Un certain nombre, lors des premiers combats de 1915 aux Dardanelles, avaient été dirigés sur l'Égypte.
L'embarquement s'effectuait soit à quai, soit sur rade. A quai, il était évidemment plus facile et plus rapide, et on pouvait estimer sa durée à une heure pour 300 hommes. Le débarquement se faisait toujours à quai. Prévenu à l'avance par télégraphie sans fil de l'heure probable de l'arrivée, du nombre de blessés et de malades, selon les diverses catégories, le port de débarquement prenait ses dispositions en conséquence et l'opération ne dépassait jamais trois heures, sauf pour la France-IV, qui, en raison de l'effectif de ses évacués (2 500), ne pouvait les débarquer qu'en deux bordées, séparées par quelques heures d'intervalle exigées pour le retour des trains sanitaires affectés à leur répartition dans les formations désignées. -
L'expérience de ces quatre années a démontré que le navire-hôpital constitue pour l'évacuation des malades et des blessés un mode de transport présentant de sérieux avantages et qui fut très apprécié tant par les intéressés eux-mêmes que par les membres des Commissions médicales et parlementaires qui ont pu en suivre le fonctionnement. Les hommes y sont bien couchés, bien nourris, soumis à une surveillance constante, journellement visités. Le plus grand inconvénient à redouter pour eux pourrait provenir des mouvements du navire en cas de gros temps. Dans la pratique ils n'eurent guère à en souffrir, les grands paquebots mis en service ayant en général, de par leur tonnage, des qualités de stabilité assez parfaites. Cet inconvénient, d'ailleurs, est bien moindre que ceux qui, dans les trains sanitaires, résultent des trépidations, des secousses ou des arrêts brusques.
(à suivre)