Bonjour à tous,
Un petit complément sur TRANSPORTEUR
Rapport du capitaine GRYSON, EV1 auxiliaire, commandant le TRANSPORTEUR
« J’ai quitté Salamine le 6 Octobre 1917 à 06h00 à destination de Bizerte, navire lège, avec escale prévue à Milo où j’ai mouillé le 7 à 07h00. Appareillé le même jour à 21h00 escorté des chalutiers AFRIQUE II, SERPOLET et MARGUERITE.
Doublé Cerigotto à 23h00 avec jolie brise d’WSW et mer assez grosse. Le 8 Octobre à 10h00, le SERPOLET stoppe pour une avarie sur une pompe de circulation. Continué à vitesse réduite jusqu’à 20h00 avec l ‘AFRIQUE dont le commandant me donne alors l’ordre à la voix de continuer à vitesse normale sur Bizerte sous son escorte. Nous laissons SERPOLET avarié et MARGUERITE à sa rescousse.
Jolie brise WNW et mer creuse le 9.
Le 10 à 12h05, AFRIQUE II Marche à 300 m sur notre avant, légèrement bâbord. Mer plate. Cap N78W.
Je fais hisser le signal « Quand pensez-vous changer de route ? » AFRIQUE II répond par signal à bras. A ce moment, je suis sur la passerelle de TRANSPORTEUR avec le canonnier L’Hostis à mes côtés, interprétant les signaux. Le lieutenant Delahaie est monté sur le toit de la chambre TSF pour faire l’aperçu.
A 12h20, par bâbord, sous le soleil, j’aperçois à 250 m le sillage d’une torpille sur l’avant du travers, coupant notre route à angle droit. J’ordonne aussitôt « Barre toute à droite, machine AR toute !» et donne un coup de sifflet pour prévenir le convoyeur.
Cinq secondes plus tard, la torpille frappe TRANSPORTEUR sur l’avant de la passerelle. Une très forte explosion se produit, accompagnée d’un nuage de fumée noire. Le mât de misaine tombe et le navire, coupé en deux, apique de l’avant avec rapidité, l’eau couvrant tout le pont. La baleinière bâbord n’existe plus. Bossoirs et embarcation sont partis, ne laissant que les deux pieds en fonte des bossoirs. L’eau gagne avec une extrême rapidité et l’inclinaison s’accentue sur l’avant.
Le maître d’équipage et les hommes font tout leur possible pour dessaisir la baleinière tribord. L’eau arrive à hauteur du château et le navire étant très incliné, l’embarcation se remplit par l’avant. D’ailleurs, même libre de ses palans, les bossoirs l’auraient accrochée et démolie.
Quarante seconde après l’explosion, je rentre dans la chambre de veille pour récupérer les papiers que je garde serrés dans une sangle près de la porte communiquant avec la chambre de veille. Mais tout est chaviré, cassé et a glissé sur tribord. Je ne trouve ni papiers, ni enveloppe lestée avec les documents secrets. Le navire apique toujours et une vague déferle par dessus le tablier de la passerelle. Quittant la chambre de veille, je suis soulevé par l’eau, précipité à la mer et je vois disparaître le TRANSPORTEUR avec son hélice tournant encore doucement. Il est 12h24.
A 12h55, l’AFRIQUE recueille les survivants parmi les débris et sur le radeau.
Je fais l’appel de l’équipage et constate cinq manquants :
- DELAHAIE, lieutenant, enlevé par l’explosion du toit de la chambre TSF
- HERVE, matelot, vigie dans le nid de pie, tombé avec la mâture
- CASANOVA, chauffeur
- PETIT, chauffeur, qui se trouvaient tous deux sur le pont à hauteur de l’endroit où la torpille a frappé
- DUTHEUIL, matelot maître d’hôtel
La veille était assurée du mieux possible, en tenant compte du faible effectif de TRANSPORTEUR.
Je rappelle pour mémoire que nous avions aperçu des sous-marins :
- le 13 Février à 04h30 du matin à 5 milles de Bedrose Head
- le 26 Mars dans le golfe de Philippeville
- aperçu une mine le 27 Mars à 2 milles au nord des Fratelli
- vu un périscope en Juin lors d’une traversée Bizerte-Milo via Messine.
Tout l’équipage a fait son devoir, mais le navire étant sans cloisonnement intérieur, exception faite des deux cloisons machine, a disparu en à peine deux minutes. Plusieurs radeaux légers et un nombre de ceintures de sauvetage égal au double de l’effectif auraient été une aide précieuse.
Accueil très hospitalier sur l’AFRIQUE dont je remercie le commandant et l’équipage.
Rapport de l’Amiral commandant les patrouilles de Méditerranée (30 Octobre 1917) à l’Amiral commandant la 1ère Armée Navale
Le chalutier SERPOLET, en provenance du Japon et destiné à la 4e escadrille de chalutiers de Port Vendres, est en avarie depuis son départ de Port Saïd. Il a du relâcher pour réparations à Alexandrie, Milo (d’où il est parti en escorte du TRANSPORTEUR), Navarin (où il a été remorqué par MARGUERITE) et Bizerte où il se trouve encore.
TRANSPORTEUR n’était plus escorté que par AFRIQUE II lorsqu’il a été torpillé. Une heure plus tard le sous-marin a émergé, aussitôt poursuivi par AFRIQUE II, mais il l’a facilement distancé.
MARGUERITE et AFRIQUE faisaient partie de la 3e escadrille de chalutiers.
Récompenses
Sont cités à l’ordre de la Division
GRYSON Maurice EV1 auxiliaire Commandant
« Lors du torpillage de son bâtiment qu’il ne put éviter malgré d’excellentes dispositions, a donné l’exemple du courage et de l’abnégation et su ainsi maintenir l’ordre dans son équipage »
CAILLAU Fernand 3e mécanicien
« Etant de quart lors du torpillage de son bâtiment, a fait preuve de sang froid et de courage et n’a quitté la machine qu’à la toute dernière extrémité. »
Est cité à l’ordre de la Brigade
GUILLAS Jean Maître d’équipage
« A fait preuve de sang froid et du plus courageux dévouement dans l’organisation du sauvetage du personnel lors du torpillage de son bâtiment »
Un témoignage de satisfaction du Ministre est aussi décerné au bâtiment.
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