Bonjour à tous,
Services du MALTE entre 1914 et 1917
Mobilisé en Août 1914 comme éclaireur auxiliaire de la 2e escadre légère. A concouru pendant les 6 premiers mois de la guerre au blocus de la Manche, relevant sur la ligne les croiseurs de cette escadre.
A arraisonné plus de 200 navires, a capturé l’ATLAS, vapeur hollandais chargé de contrebande de guerre.
A effectué les missions suivantes :
- Avant la bataille de la Marne, évacuation du Havre à La Pallice de 3000 soldats du Nord de la France.
- Pendant la bataille de l’Yser, transport du Havre à Dunkerque de 3000 soldats, transport de Cherbourg à Dunkerque de 3000 soldats, transport de Brest à Dunkerque de 4 canots à vapeur armés, de leurs équipages et des munitions, transport de Southampton au Havre de 60 automobiles ambulances, transport de Dunkerque à Cherbourg de 3000 recrues belges et évacuation de Calais à La Pallice de 16000 réfugiés belges.
Le 1er Février 1915, MALTE est désigné pour aller chercher du matériel de guerre à New York. En quittant l’escadre, il reçoit le télégramme suivant adressé par l’Amiral Favereau, commandant en Chef, télégramme confirmé par lettre :
« Je ne vous laisserai pas quitter l’escadre sans vous remercier et vous féliciter de l’intelligence et du dévouement avec lesquels vous avez effectué toutes missions qui vous ont été confiées. »
MALTE effectue alors deux voyages sur les Etats-Unis, rapportant 18000 m3 de matériel de guerre.
Il est remis à sa compagnie en Juin 1915 et est alors transformé en transport frigorifique. Il effectue ensuite six voyages sur la République Argentine, rapportant à chaque fois des chargements considérables.
Il a transporté en outre de Dakar à Bordeaux 2000 tirailleurs sénégalais.
Le 10 Septembre 1916, il a échappé en moins de deux heures d’intervalle, à la poursuite de deux sous-marins.
Le 17 Juillet 1917, il a évité par une embardée brusque une torpille qui est passée à moins de 5 mètres du gouvernail.
Attaque du 17 Juillet 1917.
Rapport du capitaine BATAILLE
MALTE a été attaqué par un sous-marin le 17 Juillet 1917 dans les circonstances suivantes :
Nous étions, le jour indiqué à 17h00 par 47°51 N et 06°41 W, soit à 72 milles dans le S60W de Ouessant et nous faisions à la vitesse de 13,5 nœuds des routes en zigzags de part et d’autre d’une ligne moyenne d’atterrissage qui était N60E.
Je combinais les zigzags de manière à ne jamais laisser le navire au même cap et pour cela, avec un angle de barre très faible, environ 2 degrés de chaque côté de la route initiale. Il fallait exactement huit minutes pour produire une embardée. Le temps d’arrêter le navire et de le lancer du bord opposé nous conduisait à des périodes totales de dix minutes d’un cap extrême à l’autre.
Le temps était couvert, la mer calme et la visibilité d’environ 4 milles.
A 17h00 donc, nous aperçûmes dans l’Est un vapeur de faible tonnage, de type pétrolier, avec cheminée haute à l’arrière perçant la dunette, deux mâts à l’avant entre la dunette et le gaillard et, sur le gaillard, une construction élevée.
Ce navire me parût suspect et pouvait être un ravitailleur de sous-marin. Notre changement de barre allait nous rapprocher de lui et j’ordonnai immédiatement de venir au Nord. Puis je repris les zigzags autour d’une route qui nous en éloignait franchement.
Quelques minutes après, le sillage d’une torpille apparût par tribord sur l’arrière du travers. La barre fut mise toute à gauche. Le navire obéit et la torpille passa à environ 5 mètres de notre arrière. En manœuvrant, j’avais sifflé pour appeler aux postes de combat et aussitôt la pièce de l’arrière ouvrit le feu. Les machines avaient reçu l’ordre de donner le maximum de vitesse et le MALTE, cap au N30W s’éloigna à 15 nœuds du point dangereux. Je signalai par TSF, sans donner mon indicatif afin de ne pas attirer l’attention des autres sous-marins, à un autre navire de l’importance du MALTE.
La conduite des officiers et des hommes de l’équipage a été parfaite. Chacun s’est rendu rapidement à son poste de combat et s’y est maintenu jusqu’à la nuit.
Les passagers ont également vu passer la torpille sans émotion et je ne puis mieux dépeindre leur état d’esprit qu’en citant les cris qu’ils poussaient au passage de l’engin meurtrier : « Passera ! Passera pas ! » Puis, se portant vivement d’un bord à l’autre du navire : « La voilà ! Elle est passée… »
Voici la signature du capitaine Bataille
Rapport de l’officier AMBC
Armement des pièces :
- Officier de tir Monsieur MENARD Lieutenant
- Pièce avant : LE FAON Jean QM pointeur 96118.
CUEFF Alexandre canonnier breveté
ALRIE Hector Sans spé. Débarqué à Cherbourg
- Pièce arrière : FEUILLIE Auguste QM canonnier 26385
GOURNAY Pierre Canonnier auxiliaire 3388 Bordeaux
COLIN Jean-Baptiste Canonnier auxiliaire 297972.1
Seule la pièce arrière a été engagée. Trois coups ont été tirés sur l’origine du sillage de la torpille. Aucun point à viser. Hausse 2000 m à l’œil par le canonnier Gournay après avoir estimé grossièrement la distance parcourue par le MALTE depuis le lancement de la torpille.
L’officier de tir est arrivé au 2e coup et il n’a pas eu à conduire le tir. Il n’est d’ailleurs pas au courant de la méthode, n’ayant fait aucun stage d’instruction.
Le bâtiment a reçu le 21 Juin à Cherbourg l’aide mémoire réglementaire.
Rapport de la Commission d’enquête
Artillerie
Dès que l’ennemi est aperçu, l’officier de quart donne plusieurs coups de sifflet brefs, répétés et à ce signal les canonniers se précipitent à leur poste et ouvrent le feu sur l’objectif présumé, sans autre ordre, en attendant l’arrivée de l’officier de tir, comme cela se doit ans le cas où cet officier ne serait pas immédiatement présent pour une raison ou pour une autre. Le tir doit d’ailleurs reprendre régulièrement dès son arrivée au poste de combat.
Machine
A l’ordre deux fois répété de « Avant toute », l’allure du bâtiment est forcée le plus possible. Au coup de télégraphe de « Stop » deux fois répété, la machine doit être stoppée et on prend les dispositions d’abandon. N’évacuer que sur ordre verbal du capitaine.
La commission se plaît à reconnaître que la veille était faite de façon satisfaisante par un canonnier à chaque pièce et un homme de vigie dans chacun des nids de pie. La manœuvre des zigzags a été faite très correctement et est exposée avec beaucoup de clarté dans le rapport de mer du capitaine.
Récompenses proposées
Citation à l’Ordre de l’Armée
BATAILLE Louis Capitaine LV auxiliaire Le Havre 405
Commandant particulièrement apprécié. A fait preuve d’esprit de décision et d’énergie lors d’une attaque de son navire par un sous-marin qui a dû abandonner la chasse.
Citation à l’Ordre de la Brigade
GOURNAY Pierre Canonnier auxiliaire Bordeaux 3388
A fait preuve de courage en ouvrant sans hésitation le feu sur l’emplacement d’un sous-marin ennemi, sans tenir compte du danger de l’explosion d’une torpille qui allait frapper à l’aplomb de sa pièce.
TOS du Ministre et prime de 200 f
LE TALLEC Louis Matelot Tréguier 1798
Pour avoir signalé le premier une torpille et avoir ainsi permis à son capitaine de manœuvrer pour l’éviter.
TOS du Ministre
Paquebot MALTE
Pour l’attitude disciplinée et le sang froid de son équipage lors d’une attaque de sous-marin le 17 Juillet 1917
Interrogatoire du CLC François LE CORRE, Vannes 114, second capitaine du ROYAN
- Vous étiez à bord du ROYAN lors du voyage d’Amérique en France ?
- Oui. J’étais second capitaine. Nous étions partis le 30 Juin de New York avec 1100 tonnes d’huile minérale. Le navire est un ancien Américain.
- Où étiez-vous le 17 Juillet à 17h00 ? N’avez-vous pas croisé un autre vapeur français ?
- Nous sommes arrivés à Brest le 18 Juillet. Le 17Juillet nous pouvions nous trouver à environ 130 milles de Penmarch et faisions route à l’Est. Vers 16h00, j’étais de quart et j’avais aperçu depuis un quart d’heure un vapeur que j’ai présumé être un « Chargeurs Réunis ». Il était à 2 milles environ sur bâbord arrière, soit au NW. Le temps était légèrement brumeux et je descendais de la passerelle en quittant mon quart quand j’entendis le vapeur tirer un coup de canon. J’ai pensé qu’il s’exerçait sur des barriques d’huile éparses qui flottaient autour de nous car son tir était dirigé dans notre direction. Je n’ai vu que le feu du canon, mais pas le point de chute. Deux autres coups ont suivi à très peu de temps d’intervalle. Nous avons continué notre route.
- Vous-êtes- vous aperçu que le vapeur avait fait une embardée pour s’écarter de vous ?
- Oui, avant le coup de canon.
- Combien de temps s’est écoulé entre le moment où le vapeur a changé de route et le premier coup de canon ?
- 7 à 8 minutes peut-être.
- Avez-vous vu le vapeur faire une autre embardée brusque ?
- Non.
- N’avez-vous rien vu de suspect dans les parages ?
- Il y avait des barriques d’huile, un mât incendié, des débris de parois, des panneaux, des madriers… Nous nous sommes rendus compte qu’il s’agissait de l’épave d’un navire torpillé, et que c’était sûrement un navire à voile. Durant la traversée nous n’avons aperçu aucun sous-marin. Si le navire qui nous a croisés a cru voir un sous-marin, il se peut qu’il ait été trompé par le mât qui était horizontal et pouvait faire effet de sous-marin.
- Quelle était la vitesse de votre navire ?
- Huit nœuds.
- Votre navire est-il armé ?
- Non.
Commentaire
Le ROYAN était l’ex Américain WACCAMAW, un navire de 1351 tonnes, lancé en 1900. Il navigua de 1917 à 1921 sous le nom de ROYAN pour les Chemins de Fer Français, avant d’être revendu aux Canadiens, toujours sous le nom de ROYAN. Il fut démoli à Sorel en 1946.
Voici deux photos de lui, sous le nom de WACCAMAW, puis de ROYAN sous pavillon canadien.
On constate qu’il est d’ailleurs fort bien décrit par le capitaine Bataille, mais que ce n’était pas un ravitailleur de sous-marin. Le témoignage du second capitaine est toutefois intéressant car il indique que la rencontre s’est passée à un endroit où avait eu lieu un torpillage récent, probablement un voilier dit-il.
Or sur cette zone, le sous-marin UC 72 de l’Oblt z/s Ernst VOIGT avait coulé successivement les jours précédents
- CAMBRONNE (Français) le 8 Juillet
- M I MANDAL (Danois) le 8 Juillet
- MARY W BOWEN (Cinq mâts Américain chargé d’huile) le 8 Juillet
- CERES (Français) le 9 Juillet
- ANGLO PATAGONIAN (Anglais) le 11 Juillet
- TRELISSICK (Anglais) le 15 Juillet, par 47°28 N et 06°28 W, c’est-à-dire pratiquement à la position donnée par le capitaine de MALTE.
On peut penser qu’Ernst Voigt, qui d’ailleurs patrouillait souvent sur cette zone, était resté sur place, sur cette route empruntée par les navires arrivant d’Amérique. Il aura manqué de très peu MALTE. Quant aux épaves flottant sur l’eau, elles ne pouvaient provenir que du MARY W BOWEN.
Voigt et son équipage disparaîtront quelques semaines plus tard, le 24 Août 1917, ayant sauté sur une mine dans le Pas de Calais. L’épave de l’UC 72 a été retrouvée et identifiée en 2013.
Voici les listes équipage et passagers de MALTE pour cette traversée de Juin – Juillet 1917.
Les noms, parfois très difficilement lisibles, peuvent être approximatifs.
Cdlt