Bonjour à tous,
Un petit complément sur le torpillage du CIRCE II
CIRCE
Vapeur de 4376 tx JB (chiffre donné par le capitaine) construit en 1910 aux chantiers de Dunkerque et appartenant à la Société Maritime Auxiliaire de Transports, de Nantes et Saint Nazaire.
A quitté Barry le 14 Mars à destination de Bizerte avec 5700 tonnes de charbon destiné à l’Armée Navale.
Armé d’un canon de 95 mm placé à l’arrière. Equipage de 28 hommes officiers compris.
Le 15 Mars, il navigue de conserve avec le vapeur français BALAGUIER placé à 600 m sur son avant et se trouve à 15h55 (heure du lieu) par 49°01 N et 09°11 W.
Route au S50W à 8 nœuds environ.
Soudain, une explosion sourde est entendue et le BALAGUIER se couvre de vapeur. Il vient d’être torpillé par tribord.
Appel aux postes de combat. Le sous-marin est aperçu à environ 400 m sur tribord, mais on ne voit que deux périscopes surmontant le kiosque. 4 coups de canon sont échangés de part et d’autre et le CIRCE change de route pour présenter l’arrière. Le feu cesse et le sous-marin se tient à bonne distance, hors de portée. La vitesse est augmentée au maximum, mais ne dépasse pas 9 nœuds. Vers 18h15, le sous-marin est perdu de vue.
A 19h30, la nuit est tombée. Le capitaine fait saisir les embarcations pour la nuit et tous les feux sont masqués. Beau temps. Légère brise de SE.
C’est alors qu’une torpille frappe le CIRCE par tribord, entre la chaufferie et la soute à charbon. Le navire prend tout de suite une forte gite de 15° sur bâbord tandis que la baleinière tribord est arrachée de son bossoir. Le petit canot tribord est projeté sur le pont et brisé.
Les chaudières sont soulevées de leurs embases et le collecteur principal de vapeur se rompt. Les deux chauffeurs de quart sont brûlés et noyés, ainsi que le premier chauffeur, le QM mécanicien Calappi Ludovic, qui se trouvait au parquet inférieur.
Dans son rapport, le chef mécanicien Gontier déclare qu’il se trouvait auprès de lui quelques instants auparavant.
Le QM mécanicien Sevillon Ernest, qui graissait les plateaux de cylindres au parquet supérieur est gravement brûlé. Il parvient à s’accrocher à la claire-voie machine, ouverte par l’explosion. Il est sorti de là par le cuisinier L’Henoret qui a entendu ses cris.
Il apparaît aussitôt à tous que le navire est perdu, en danger de couler à chaque instant. L’appel est fait aux postes d’abandon et tout l’équipage embarque dans la baleinière bâbord et le petit canot bâbord. Le capitaine embarque en dernier (des survivants) et les embarcations s’écartent du navire. Le mécanicien Sevillon est placé dans le petit canot, mais il décèdera de ses brûlures au cours de la nuit.
Le petit canot est le dernier à s’écarter du bord. C’est alors que prend place un incident rapporté dans le rapport du chef mécanicien, et qui semble incompréhensible. Celui-ci déclare être remonté de la machine avec retard, avoir aperçu le petit canot à une quinzaine de mètres et avoir lancé des appels. Du canot on a crié « Au large…au large… » et on l’a abandonné à bord.
Aucun des six marins qui étaient dans le canot, dont le 2e mécanicien Carabeux, n’a entendu le moindre appel, et tous affirment que jamais le cri « Au large » n’a été lancé.
Le capitaine fait l’appel et constate qu’il manque quatre hommes : deux chauffeurs, un mécanicien et le chef mécanicien, Monsieur Gontier.
Il répartit les naufragés dans les deux embarcations, confiant le petit canot au second. Les embarcations reviennent le long du navire qui s’est lentement redressé pour récupérer d’éventuels survivants, mais personne n’est aperçu sur le pont
Jugeant qu’en raison de l’énorme voie d’eau, le navire va sombrer et qu’il faut profiter du beau temps pour sauver son monde, le capitaine, après avoir consulter les principaux de l’équipage, décide de faire route vers la côte. La nuit ne permet pas de voir couler le CIRCE.
Le lendemain vers 11h00, le vapeur anglais GORDONIA aperçoit le CIRCE toujours à flot et s’étant approché voit un signal transmis par pavillons « Je n’ai plus d’embarcations ».
Il met alors un canot à la mer et va recueillir le chef mécanicien Gontier, qu’il déposera à Gibraltar.
Mais il va aussi, et surtout, sauver les papiers du bord et les documents secrets que le chef mécanicien a trouvés, laissés à bord.
C’est sans doute ce qui va être le plus reproché au capitaine.
Le CIRCE a du sombrer peu après car il n'a jamais été revu.
Résultats de l’enquête
Une commission d’enquête va en effet se réunir pour examiner dans quelles conditions le CIRCE a pu être abandonné en laissant à bord le chef mécanicien.
Dans un très long rapport, où d’ailleurs il se perd dans une foule de détails sans importance et s’apitoie beaucoup sur son sort, le chef mécanicien Gontier n’en porte pas moins de graves accusations contre les officiers et l’équipage de son navire, tout en faisant bien remarquer qu’il a sauvé les papiers du bord, abandonnés par le commandant.
Il déclare s’être dégagé avec beaucoup de difficultés du compartiment machine, indemne mais épuisé. Il serait arrivé sur le pont alors que les canots étaient encore le long du bord, mais personne n’aurait répondu à ses appels.
Toutefois, les conclusions de la commission d’enquête sont plutôt mi-figue, mi-raisin.
« La commission n’a a priori aucune raison de douter de la véracité du rapport du chef mécanicien Gontier. Mais elle fait remarquer qu’aucun contrôle n’en est possible puisqu’il est le seul témoin et elle ne peut s’empêcher d’en constater l’invraisemblance.
Etant donné les circonstances du sinistre, on ne peut admettre facilement la possibilité pour un homme de l’âge et de la corpulence de Monsieur Gontier de se dégager du fond du compartiment machine éventré par l’explosion de la torpille, envahi par des trombes d’eau, par le charbon et par la vapeur à 11 kg de pression.
De plus, suivant les témoignages de tous les officiers, Monsieur Gontier, comme d’ailleurs la plupart des chefs mécaniciens des bâtiments de commerce, ne descendait jamais dans la machine pendant son quart, en laissant la responsabilité au premier chauffeur.
C’est donc avec grande répugnance, vu les états de service de cet officier, que la commission est obligée d’élever des doutes sur ce point : Monsieur Gontier était-il ou non dans la machine au moment du torpillage ?
Tout s’expliquerait plus facilement s’il avait été dans sa chambre située à tribord, juste au dessus du point d’explosion de la torpille, et si le choc subi ne l’avait empêché, pour une raison quelconque, d’en sortir immédiatement. Il n’aurait retrouvé son état normal qu’après le départ des embarcations, ce qui expliquerait qu’il n’ait rien entendu de l’appel aux postes d’abandon et de l’abandon lui-même. »
Néanmoins, la commission va conclure :
« Nous proposons un blâme pour le capitaine du CIRCE pour avoir abandonné précipitamment son bâtiment sans s’être assuré qu’il y avait des survivants et sans avoir emporté les documents secrets et confidentiels et les papiers du bord.
Mais nous tenons compte des circonstances atténuantes suivantes :
Son bâtiment était, dans les circonstances normales bien entretenu et avait été tout récemment l’objet de félicitations officielles pour sa bonne tenue tant au pont qu’à la machine.
Toutes les manœuvres ordonnées et les dispositions prises de l’apparition du sous-marin au torpillage étaient judicieuses et conformes aux instructions de l’Etat-Major Général.
L’impression qu’il avait que le CIRCE ne pouvait se maintenir à flot après le torpillage était fort plausible. On peut d’ailleurs se demander s’il aurait pu résister au moindre mauvais temps. En restant à bord, il risquait de perdre non seulement le navire, mais tout l’équipage au cas où les embarcations n’auraient pu tenir la mer. De plus, il était à la merci du premier sous-marin qui, dans l’état où il était, aurait pu l’envoyer par le fond sans danger pour lui-même et avec la plus grande facilité. »
« Pour le chef mécanicien Gontier, en supposant son rapport exact et en lui laissant le bénéfice du doute, nous proposons un témoignage officiel de satisfaction pour avoir sauver les documents secrets et les papiers du bord dont il n’était pas chargé »
Récompenses
Le chef mécanicien Gontier recevra donc le témoignage officiel de satisfaction suivant :
« Resté seul sur l ‘épave d’un navire torpillé à bord duquel il n’a été recueilli qu’après dix sept heures d’abandon, a fait face à la situation avec énergie et sang froid. »
En revanche, ni les deux chauffeurs, ni les deux mécaniciens brûlés ne seront cités.
Le sous-marin attaquant
C’était l’U 70 du KL Otto WÜNSCHE. Il avait, dans l’après midi, torpillé le BALAGUIER.
La position donnée par le KTB est 49°50 N et 08°50 W.
Otto Wünsche recevra la croix « Pour le Mérite » le 20 Décembre 1917.
Né le 28/09/1884 à Duisbourg, il décèdera le 29/03/1919 à Kiel.
Liste d'équipage du CIRCE
Cdlt
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