La Section de répression de l'île Madame.

Sur les traces des combats et de combattants
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bruno17
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par bruno17 »

Bonjour,
Petite visite du fort ce dimanche d’août, en compagnie de mon très compétent guide, Stéphane, spécialiste des fortifications françaises dont je joints ici le lien vers son site.
http://www.steph-sph.com/
http://www.defense-des-cotes.com/t21-fo ... -type-1874

Le fort de l’île Madame sur le point culminant de l’île : 13,575 mètres !
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Deux salles servent de musée.
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Quelques vieilles cartes postales photographiées avec un léger problème de mise au point, mais bon….
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Au dos de l’une d’elles ce texte :
Mon cher copain,
Je te dirais que depuis dimanche dernier je ne suis plus sur l’île d’Aix mais l’île Madame pour 15 jours seulement. Nous repartons le 9 janvier, nous sommes pour garder les disciplinaires. Triste besogne, chaque jour nous les faisons travailler sur la route. Malgré tout, il me tarde de repartir car la consigne est sévère. Tous les 2 jours nous sommes de garde pour un jour de repos, nous en profitons pour nous promener à Port-des-Barques. Quant à l’île d’Aix, je ne sais pas de la façon dont ça marche mais je crois bien que pour ces salauds ce n’est rien de bien important. Je crois aussi que nous irons à Lupin ou aux Vergeroux, tout ce que je demande, de me sortir d’ici auprès du capitaine. Tu as pu en entendre parler, je crois que bientôt, pas un de la batterie ne sera gardien à la prison.
Ton camarade, Emile Capelle.


Dans les culs de basse-fosse, l’entrée des cellules. Les gardiens étaient au-dessus, les officiers dans une petite maison à part après le pont-levis.
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Quelques photos du fort, sous différents angles.
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Pour finir, à quelques mètres du fort, dans une petite crique, la fontaine des Insurgés ou puits des Fédérés, construit par des communards prisonniers sur l’île lors de la Commune de Paris, afin de se ravitailler en eau potable. Je l’ai goûtée : elle est délicieuse ! Au loin on aperçoit le fort Boyard. Je n’ai pas vu le père Fouras ; pas sûr qu’il travaille le dimanche lui, comme Stéphane!!
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Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)
DEFENSE-DES-COTES
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par DEFENSE-DES-COTES »

Bonsoir,

J’étais jusqu’à présent un simple visiteur de votre forum, même si mes passages « en ligne » étaient presque quotidien…
En même temps, vous rejoindre en se présentant comme il convient, j'abandonne!!!!!!!!!!

Avant tout, je voudrais remercier Bruno !
Je tiens cependant à préciser que lorsque j’interviens à l’île Madame, je le fais anonymement, en ma modeste qualité de simple membre de l’association de l’Écomusée de Port-des-Barques ; j’entends par là qu’à la belle saison, tous les jours, les bénévoles se succèdent sur place pour animer le site et que ce que j’apporte de temps à autres n’est finalement pas grand chose en comparaison de ce que certains font quotidiennement pour promouvoir la fortification et l’histoire locale !!! J’avais le bon rôle ce dimanche Bruno, je « jouais » les guides… Pendant ce temps, pas moins de 10 bénévoles se sont succédés pour accueillir les visiteurs et c’est avant tout eux qui font qu’il est aujourd’hui possible de découvrir le site !

Comme je lui ai promis dimanche, je vais faire suivre à notre Bruno mes notes d’archives concernant les unités disciplinaires de l’actuelle Charente-Maritime afin qu’il vous en fasse profiter. Pour lever toute ambigüité, je précise que je ne suis pas historien diplômé ; à la base je suis plombier ! Ceci-dit, et sans vouloir aucunement paraître prétentieux, les plus Grands de la fortif pour la période qui nous intéresse me considèrent comme le spécialiste local alors bon…

Enfin bref... A propos de notre île Madame, voici quelques éléments tirés d’une note du ministère de la marine en date du 9 novembre 1910, modifiant la note du 4 aout 1910 rédigée par le ministère de la guerre concernant la création des sections de répressions spéciales crées par la loi du 11 avril 1910. Cette loi modifiait elle-même celle du 21 mars 1905…
En fait, elle change les règles d’exclusion de l’armée et d’affectation aux bataillons d’infanterie légère d’Afrique (où mon grand père servira comme sous-off en 1940 sur le front des Alpes…). Le décret sera signé par le président de la république le 4 août 1910.

Je la fais brève, pour ne pas prendre la tête aux vrais historiens : « Les incorrigibles des sections précitées sont groupés dans les sections spéciales dites de « répressions » [sic et souligné dans la note !!!]»…

Conformément aux prescriptions de l’article signé le 4 août 1910, le ministre de la guerre a par une instruction du 15 octobre 1910 fixé le nombre, la composition et l’emplacement des sections spéciales.
Pour ce qui est des sections spéciales de répression, Bruno vous le confirmera bientôt, on en créera deux (bien que certaines sources bien plus sérieuses que moi en situent une de plus en Algérie, je ne me base que sur la note citée plus haut, que j’ai photographié…) : St Florent pour l’armée d’Afrique, les coloniaux et les marins, et l’île Madame pour les métropolitains.
Chaque section devait pouvoir accueillir 100 disciplinaires plus une vingtaine de « cadres et de surveillants », ceux de l’île Madame devant provenir du 6e R.I….

Bon, je ne vais pas fâcher les vrais historiens (en même temps, il y a là tous les éléments nécessaires pour recouper mes propos…)…
Je m’en retourne donc sur mon petit forum : www.defense-des-cotes.com

La main est à Bruno (il me faut tout de même une petite semaine pour lui faire suivre ce que je peux avoir (du triage à faire dans plus de 30 GO de cartes mémoires…)…).
Bien à vous

Steph
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bruno17
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par bruno17 »

Bonjour,
Cette photo que m'a adressé Steph, de la seule cellule du fort de l’île Madame qui soit encore dans son état d’origine.
On remarquera la banquette en ciment constituant la couchette inférieure ainsi que les parties métalliques servant à fixer la couchette supérieure. Je n’ai malheureusement pas de photo prise dans l’autre sens, ce qui permettrait de voir la cloison dans laquelle s’ouvre la porte, ainsi que la petite ouverture ménagée pour le passage du seau hygiénique, mais Steph devrait y remédier bientôt. Bref, on ne devait quand même pas s'y sentir très à l'aise dans les petites cellules du fort de l'île Madame!
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bruno17
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par bruno17 »

Bonjour,
Un article sur le fort de l'île Madame, dans le Sud-Ouest d'aujourd'hui:
http://www.sudouest.fr/2012/11/11/le-mo ... 8-1504.php
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Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)
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bruno17
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par bruno17 »

Bonjour,
Pour égayer ce dimanche pluvieux et venté, je reprends ce sujet sur le fort de l'île Madame: il fut démilitarisé après la 2ème Guerre Mondiale, classé Monument Historique puis transformé en Maison familiale des Forces Armées, autrement dit en Centre de vacances pour les familles de militaires, jusqu’en 1981.
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Après avoir surveillé du temps de sa jeunesse et du haut de ses canons les navires Angloys du 18ème siècle qui tentaient d’attaquer l'Arsenal de Rochefort, le vieux fort à la retraite contemple désormais de bien plus pacifiques activités nautiques, les véliplanchistes passant sans crainte devant lui pour traverser la Charente de Port-des-Barques à Fouras !
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fred S
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par fred S »

Bonjour,

Ce document nous indique que L'Ile Madame devint un pénitencier militaire (400 places)au printemps 1918 (arrêt 1921).

http://www.servicehistorique.sga.defens ... 000237.pdf


Au cas ou....Dans un autre sujet j'évoquais le passage d'un condamné dans ce pénitencier

pages1418/qui-cherche-quoi/itineraire-s ... 1191_1.htm
Cordialement,
Fred.
Je suis preneur de tous docs ou photos sur le 83ème RI
zephyr joyeux
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par zephyr joyeux »

Bonjour, a l origine c etait un authentique quartier de soldats disciplinaires envoyes sur ce lieu suite a la decision d un conseil de discipline.Les pénitenciers militaires sont reserves aux soldats condamnes par un conseil de guerre pour une infraction de nature delictuelle.Et les reclusionnaires ont droit a un autre regime carceral, celui des maisons centrales.Tres cordialement.




zephyr joyeux
Putine
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par Putine »

Merci bruno17 ! Cette information tres interessant !
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Ferns
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Inscription : jeu. juil. 05, 2007 2:00 am

Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par Ferns »

Bonjour,

Merci d'avoir fait remonter le sujet. Terrible.
Une belle idée de destination en tout cas.

Cordialement,

L'homme en campagne a les mêmes besoins qu'en temps de paix ; ces besoins deviennent même plus impérieux, étant exacerbés par une existence plus active et plus énervante.(Henry Mustière)
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bruno17
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Re: La Section de répression de l'île Madame.

Message par bruno17 »

Bonjour,
un essai sur le soldat insoumis Pierre Nasica, disciplinaire au fort de l’île Madame, fusillé en octobre 1914 à Bordeaux...

Pierre Nasica était un petit garçon Corse bien costaud mais turbulent qui était loin de s’imaginer qu’un jour, quand il serait grand, il mettrait les pieds sur une île de Charente-Inférieure, l’île Madame… !
Il naquit le 7 janvier 1885, à Prato-di-Giovellina, "Pratu di Ghjuvellina", petit village perché dans les montagnes à l’est des aiguilles de Popolasca, au climat rude et froid l’hiver mais chaud l’été. Son père, au prénom d’objet transitionnel donnant l’envie d’un câlin, "Ours", était cultivateur, sa maman Angèle était ménagère, une petite famille modeste mais qui ne manquait de rien et Pierre, Petru, comme l’appelaient ses parents, était un bon et solide garçon qui aimait beaucoup sa maman et aidait son papa dans les champs, puis traversait le maquis le dimanche jusqu’au Torra di Monte-Albanu pour chasser avec ses cousins avant d’aller au bal où il aimait se bagarrer avec les gars des autres bleds.
Las, le caractère de ce garçon batailleur, rebelle à l’esprit révolté n’allait pas s’améliorer avec l’âge. S’il avait consulté un psychiatre, nul doute que celui-ci aurait posé sur le garnement le diagnostic d’un trouble de la personnalité de type psychopathique, caractérisé par une impulsivité qui très souvent conduit la personne à connaître des problèmes avec la justice puisque la transgression des règles sociales est leur règle. Alors l’aliéniste aurait peut-être pu lui prescrire quelques petites pilules tranquillisantes pour calmer ses ardeurs querelleuses, mais bon, de psy aux aiguilles de Popolasca, popopo mon lascar, y’en avait point ! De toute façon on sait que les psychopathes ne peuvent pas être réellement guéris de leurs tourments, au mieux se calment-ils avec l’âge, mais Pierre Nasica n’eut pas le temps de beaucoup vieillir…
En effet, en 1905, pour ses vingt printemps, Petru, qui avait envie de voir du pays, s’engagea volontaire à la Coloniale et malgré de bons services lors des campagnes auxquelles il participa entre 1907 et 1908 notamment en Cochinchine où il fut blessé et cité pour ses actions courageuses, à l’opposé, se fit souvent mal remarquer par son caractère peu compatible avec l’esprit militaire. L’année suivante, ses conduites frondeuses, son comportement rétif, l’envoyèrent dans les corps spéciaux. De nombreux délits lui étaient reprochés : outrages par paroles et menaces envers des supérieurs pendant le service, refus d’obéissance jusqu’à des voies de fait, bref, il semblait que la vie militaire ne correspondait pas vraiment au tempérament indiscipliné de ce garçon dont l’un de ses chefs disait qu’il était "en rébellion ouverte et constante contre la loi et les règlements, animé des plus mauvais sentiments à l’égard de l’armée, et qu’il faisait profession d’anarchie".
Nous étions maintenant en 1912 et le soldat Nasica fut condamné à deux ans de prison, transféré en Section de répression du 6ème d’infanterie dans le fort de l’île Madame en attente d’un jugement qui sera, on va s’en apercevoir, sans appel. C’était mal barré comme on dit de nos jours, et un pas supplémentaire et fatal fut franchi lorsque le garçon, qui pourtant allait bientôt terminer sa peine, finissait par blesser sérieusement un sergent qui voulait le fouiller.
Il avait fait le faux-pas de trop : le Conseil de Guerre de la 18ème région le condamna le 10 septembre 1914 à la peine de mort, poursuivi pour rébellion, outrages et coups à un supérieur. En effet, il avait, le 15 juillet, frappé violemment et blessé à la tempe ce sergent chargé de le fouiller et les hommes de garde étant intervenus, il leur avait opposé une résistance acharnée, portant coups et blessures. Supportant mal la frustration, Nasica était fou-furieux de n’avoir pu bénéficier d’une réduction de peine à l’occasion de la Fête nationale et avait décidé de régler ça "à sa façon"...
Il faut bien dire que le garçon était vraiment très mal noté par ses supérieurs : "forte tête incorrigible, ayant organisé une sorte de "mafia" dont le but était d'exercer des "vendetta" contre certains officiers ou sous-officiers qui faisaient respecter scrupuleusement la discipline". D’ailleurs on le voit bien sur la photo devant le fort de l’île Madame où il était incarcéré : "Le célèbre Nasica qu’a été fusillé à Bordeaux cet été", est-il écrit sur la carte postale. On ne voit que lui au premier plan en chef de bande bravache au milieu des autres détenus, bien posé sur des jambes courtes et solides, large d’épaules, ses mains de boxeur posées sur la taille prêt à en découdre comme lorsqu’il était petit à l’école de Prato-di-Giovellina où il rendait folle son institutrice :
_ Monsieur et madame Nasica, mais que va-t-on faire de votre fils ? clamait la pauvre femme tandis qu’Ours et Angèle regardaient tristement leurs chaussures en se demandant bien de quelle engeance était faite ce fiston si turbulent. Pauvres parents qui avaient même marché jusqu’à l’Oratoire San Cervone, prier et faire des offrandes à la Vierge-Marie afin qu’elle remette Petru dans le droit chemin, ce fils dont ils pressentaient un destin tragique.
Mais nous étions désormais début août 1914 et la Première guerre mondiale éclatait en France. Tandis que Pierre Nasica croupissait dans le fort de l’île Madame, plusieurs de ses cousins de Prato-di-Giovellina, pourtant bons chasseurs de sangliers, allaient y laisser leur peau. Eh oui, la guerre c’était pas tout à fait pareil que la chasse et les soldats allemands étaient mieux armés que les sangliers ! Cette guerre de 14/18, Pierre Nasica lui, n’en serait pas qui pourtant aurait, par sa fougue et sa ténacité, pu faire un sacré combattant mais qui, par son entêtement et sa brutalité, allait périr également lors de cette guerre mais d’une autre façon puisque le Conseil de guerre l’avait condamné à la peine capitale.
Sentant l’affaire mal embouchée, quelques jours avant son exécution, son avocat l’aida à formuler une lettre au général de la Région militaire de Bordeaux : "Au moment où la Patrie est en danger et qu’elle a besoin de tous ses enfants pour défendre son sol sacré, je vous demande de prendre les armes et d’être sans retard envoyé au feu. Je me sens des dispositions pour le combat et suis certain que devant l’ennemi j’aurai encore plus de bravoure. Je vous jure mon Général que si vous m’envoyez combattre je serai le soldat le plus obéissant et le plus discipliné et j’ajouterai le plus courageux".
Nul doute que l’agressivité et l’énergie de Nasica auraient été mieux employées sur le front les armes à la main qu’au fond d’une prison, mais son amendement arrivait trop tard et il ne fut pas entendu. Trop c’était trop et si l’on ne doutait pas de sa bravoure on pouvait également craindre que ce soldat indiscipliné ne fomente quelque rébellion dans les tranchées ou ne tire une balle dans la tête d’un de ses chefs de bataillon. On n’avait pas besoin de mutineries supplémentaires et le disciplinaire de la Section de répression du 6ème d’Infanterie serait passé par les armes à Bordeaux, ça ferait un exemple !
Ras le bol de ce dingue de Nasica à l’État-major !
Le jugement du Conseil de guerre reçut son exécution en matin du 3 octobre 1914. Tôt, dès cinq heures, des détachements de toutes les troupes de garnison venaient se ranger au lieu de l’exécution. A six heures, le condamné fut amené en voiture cellulaire et l’on procéda immédiatement à la lecture du jugement que notre homme, guère impressionné, écouta l’air de rien en fumant tranquillement une cigarette. Puis le condamné serra la main de l’aumônier et dans un rare élan d’affection embrassa son avocat pas rassuré de le voir se tourner vers lui, sûrement la trouille de s’en prendre une. Enfin, d’un pas assuré il alla se placer contre le poteau d’exécution, bras croisés, yeux non bandés. Jusqu’au bout il défierait l’armée.
Un commandement, et une salve de fusils Lebel allait régler le problème : Nasica s’affaissa sur les genoux, le corps renversé en arrière, la tête retombant sur le côté gauche. Les troupes défilèrent ensuite devant le corps du supplicié qu’on transporta sur un camion au cimetière de La Chartreuse.
Tel le spahi de Loti, a-t-il eu avant de rendre son dernier souffle des visions de sa Corse natale, ces sites familiers d’autrefois qu’il parcourait à Prato-di-Giovellina, de la chaumière de ses parents dans la montagne ? Peut-être a-t-il entendu une dernière fois, avant de rendre son âme à Dieu ou au Diable, ces vieilles chansons du pays, ces "lamenti" avec lesquels jadis sa maman l’endormait, tout petit enfant dans son berceau et dont l’un d’eux exprimait la plainte des prisonniers… ?
Ainsi finit la triste vie du Corse insoumis Pierre Nasica…
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Bruno BAVEREL - Romans: "La voiture de Vandier" - "Les aventures du lieutenant Maréchal" - "Le manuscrit de Magerøya ou le Tombeau des quatre ours" (Éditions des Indes Savantes)
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