Re: Premières victimes.
Publié : ven. juil. 25, 2014 12:36 pm
Algérie. Août 1914. En cette aube du 4 août André GAGLIONE terminait sa nuit de veille dans les entrepôts des Ponts et Chaussées du port de Bône et se rendait, comme tous les matins, vers la jetée Nord. Sa petite échelle sur l'épaule, il allait à pas lents éteindre le fanal qui marquait l'entrée du port. Encore une belle journée qui s'annonçait ; belle mais chaude comme savent l'être les journées d'août à Bône la Coquette... Le préposé aux feux ne regrettait pas de travailler de nuit, surtout en été : cela lui permettait de se reposer pendant les heures chaudes de la journée, tout au moins quand le brouhaha de la rue ne l'empêchait pas de dormir.. La soixantaine passée, il ressentait cependant une certaine lassitude, des douleurs rhumatismales... Ah ! Encore quelques années à tirer et il pourrait postuler pour une petite retraite ; oui petite car il n'était entré aux Ponts et Chaussées que sur le tard... Les échos lointains d'une musique militaire le tirèrent de sa rêverie. Ah oui ! c'était un bataillon du 3eme R.T.A. qui faisait ses adieux à la ville et se dirigeait vers la gare pour rejoindre Alger et de là, Marseille.
La Mobilisation Générale avait été décrétée le 1er août et tous les jeunes hommes avaient aussitôt rejoint les casernes de la région.... Mais le Président Poincaré avait bien précisé que la Mobilisation n'était pas la Guerre ! « Pourvu qu'il ait raison ! » pensait le petit employé des P.et C.. Dans les cafés de la ville les discussions allaient bon train ; partisans et adversaires de la Guerre s'empoignaient ; on disait qu'un sergent français avait été tué sans raison par les Allemands à la frontière alsacienne et qu'il fallait le venger ! André Gaglione était pacifiste : « La guerre...pas bon ! » pensait-il...Ces jeunes qui partaient au son des tambours, reviendraient-ils au pays ?C'est surtout pour eux qu'il s'inquiétait, car à Bône,on était bien loin de l'Allemagne et même de la France; on ne risquait pas grand-chose..... Alors...
Le jour se levant, une silhouette sombre se dessina derrière le môle : celle d'un navire de guerre. Aussitôt, le pilote du port se dirigea, à la rame, dans sa direction pour l'assister dans ses manoeuvres. Un marin qui flânait sur les quais commenta : « Ce n'est pas un bateau français, ça. Peut-être un anglais ? ». Le petit père Gaglione, intrigué, continua cependant son chemin. Pas longtemps, car un long sifflement troua le silence du matin, suivi d'une détonation et d'un fracas du côté de la ville ; un nuage de poussière s'élevait du Palais Calvin, au bas du Cours Bertagna. « Mais...il nous bombarde !» s'exclama le marin. Le préposé aux feux n'eut pas le temps de répondre : un deuxième obus s'abattit sur le quai à quelques mètres de lui et le faucha. André GAGLIONE fut le premier civil français victime de cette guerre qui devait faire tant de morts ! Le croiseur allemand Breslau continua à bombarder la ville sans défense, qui ignorait que la guerre venait d'être déclarée. Plus d'une centaine de coups de canons furent tirés, provoquant, outre le décès d'André GAGLIONE, des dégâts matériels limités et une dizaine de blessés.
Quelques instants plus tard, un deuxième croiseur allemand, le Goeben, arborant pavillon russe, répétait l'opération à Philippeville et Stora. Là, les dégâts furent plus conséquents, surtout en pertes humaines... Dix-sept zouaves, qui attendaient d'embarquer et cinq civils perdirent la vie à cette occasion. Ce furent les premières victimes du conflit. Le Fort El Kantara, le seul à posséder un vieux canon, réussit à riposter et même, semble-t-il, à toucher l'énorme navire (plus de 1000 hommes d'équipage!) qui battit rapidement en retraite. Les premiers coups de canon français de cette guerre avaient été tirés par le Lieutenant CARDOT. Les deux croiseurs allemands furent poursuivis par la marine britannique mais réussirent à lui échapper et à se réfugier en Turquie dont ils adoptèrent le pavillon jusqu’à la fin du conflit.
Ce « fait d'armes » fut récompensé par Guillaume II par une citation des deux navires à l'ordre de la Nation.... Parmi les membres de l’équipage du Goeben se trouvait un jeune officier, Karl Dönitz, futur amiral, choisi plus tard par Hitler pour lui succéder à la tête du Reich… (P.Bompassant)
La Mobilisation Générale avait été décrétée le 1er août et tous les jeunes hommes avaient aussitôt rejoint les casernes de la région.... Mais le Président Poincaré avait bien précisé que la Mobilisation n'était pas la Guerre ! « Pourvu qu'il ait raison ! » pensait le petit employé des P.et C.. Dans les cafés de la ville les discussions allaient bon train ; partisans et adversaires de la Guerre s'empoignaient ; on disait qu'un sergent français avait été tué sans raison par les Allemands à la frontière alsacienne et qu'il fallait le venger ! André Gaglione était pacifiste : « La guerre...pas bon ! » pensait-il...Ces jeunes qui partaient au son des tambours, reviendraient-ils au pays ?C'est surtout pour eux qu'il s'inquiétait, car à Bône,on était bien loin de l'Allemagne et même de la France; on ne risquait pas grand-chose..... Alors...
Le jour se levant, une silhouette sombre se dessina derrière le môle : celle d'un navire de guerre. Aussitôt, le pilote du port se dirigea, à la rame, dans sa direction pour l'assister dans ses manoeuvres. Un marin qui flânait sur les quais commenta : « Ce n'est pas un bateau français, ça. Peut-être un anglais ? ». Le petit père Gaglione, intrigué, continua cependant son chemin. Pas longtemps, car un long sifflement troua le silence du matin, suivi d'une détonation et d'un fracas du côté de la ville ; un nuage de poussière s'élevait du Palais Calvin, au bas du Cours Bertagna. « Mais...il nous bombarde !» s'exclama le marin. Le préposé aux feux n'eut pas le temps de répondre : un deuxième obus s'abattit sur le quai à quelques mètres de lui et le faucha. André GAGLIONE fut le premier civil français victime de cette guerre qui devait faire tant de morts ! Le croiseur allemand Breslau continua à bombarder la ville sans défense, qui ignorait que la guerre venait d'être déclarée. Plus d'une centaine de coups de canons furent tirés, provoquant, outre le décès d'André GAGLIONE, des dégâts matériels limités et une dizaine de blessés.
Quelques instants plus tard, un deuxième croiseur allemand, le Goeben, arborant pavillon russe, répétait l'opération à Philippeville et Stora. Là, les dégâts furent plus conséquents, surtout en pertes humaines... Dix-sept zouaves, qui attendaient d'embarquer et cinq civils perdirent la vie à cette occasion. Ce furent les premières victimes du conflit. Le Fort El Kantara, le seul à posséder un vieux canon, réussit à riposter et même, semble-t-il, à toucher l'énorme navire (plus de 1000 hommes d'équipage!) qui battit rapidement en retraite. Les premiers coups de canon français de cette guerre avaient été tirés par le Lieutenant CARDOT. Les deux croiseurs allemands furent poursuivis par la marine britannique mais réussirent à lui échapper et à se réfugier en Turquie dont ils adoptèrent le pavillon jusqu’à la fin du conflit.
Ce « fait d'armes » fut récompensé par Guillaume II par une citation des deux navires à l'ordre de la Nation.... Parmi les membres de l’équipage du Goeben se trouvait un jeune officier, Karl Dönitz, futur amiral, choisi plus tard par Hitler pour lui succéder à la tête du Reich… (P.Bompassant)