Bonjour Annie, bonjour à toutes et tous,
Annie, mon intention n’est pas de vous choquer, bien au contraire, mais d’éviter que ce « deuil imposé » ne se reproduise si brutalement pour d’autres.
Mes propres recherches, longues et patientes depuis plusieurs années, m’ont conduit à constater que « L’ïlôt de La Boisselle » est déjà en quelque sorte un « ossuaire ». Il y a encore beaucoup de soldats disparus dans cette terre... Je pense bien sûr à leur famille, comme je pense à l’un de mes propres grand’oncles disparu quelquepart à Château-Thierry le 21 juillet 1918. Je ne suis pas sûre d’aimer me retrouver un jour dans la situation d’Annie... Même « disparus », ils font tous partie de la mémoire collective.
Je pense aussi à cet autre grand’oncle, enfant de La Boisselle, dont le nom figure sur le Monument aux Morts, lui-même tué en Champagne après s’être engagé volontairement en voyant son village de La Boisselle détruit que tous ces pauvres « disparus » ont essayé de défendre.
Alors, d’une façon générale, pourquoi transporter quelques ossements dans la plus grande incertitude dans un autre ossuaire, même avec une croix individualisée ??
Je voudrais donc ainsi aller jusqu’à formuler les vœux suivants :
1. que tous ces disparus, qui font partie désormais de la mémoire collective, restent dans cette terre de La Boisselle. Bien sûr, les morts ne nous appartiennent pas. Mais force est de reconnaître que ce terrain privé finit par ne plus avoir grand’chose de privé, et il serait certainement moins problématique pour les autorités d’accepter une demande de dérogation pour que cela soit ainsi, dans le respect de tous, en pensant au poème du soldat – poète Théodore Botrel, écrit à La Boisselle le 13 mai 1915, et que vous pouvez retrouver sur le blog de Sophie ici :
http://19emeri.canalblog.com/archives/c ... p10-0.html
Sophie ne m’en voudra pas d’en extraire ces quelques lignes :
… /… " tout à coup, je vis au bas d'une tranchée
Une petite croix faite avec deux roseaux
Croix sans date et sans nom timidement cachée
Comme en font les enfants sur les tombes d'oiseaux.
Qui était donc ce mort, quand tomba t'il ? Mystère
Il était de ceux là qu'on note "disparus"
Et qui, devant les yeux des remueurs de terre,
Sous le coup de leurs pics, un soir, sont reparus.
On ne dérange pas ce corps du camarade
On salue, on se signe et le travail reprend
Si bien qu'il reste encore là, sous la fusillade
Soldat jusqu'au-delà du tombeau, dans le rang.
Et devant l'humble croix, saisi d'un trouble étrange,
Je me sentis jaloux de ce mort radieux
Qui, face à l'ennemi, dans son linceul de fange,
Dormait là du grand sommeil des héros et des dieux."
Théodore BOTREL, La Boisselle , 13 mai 1915
2. D’obtenir qu’une stèle collective soit érigée sur les lieux de leurs combats plutôt que de se disperser sans cesse dans des cérémonies individuelles qui ne vont pas manquer et qui perturbent tout le monde. Cette stèle pourrait porter les noms des quelques centaines de disparus (que j’ai pu identifier pour un grand nombre. Le soldat François Marie BIDEAU en faisait partie.) Si la liste semble trop longue à certains, un texte collectif pourrait la remplacer, pour lequel j’ai aussi une petite idée.
Il me semble que le soldat François Marie Bideau est resté trop longtemps « disparu » pour quitter ce statut si brutalement en quelque sorte, et ne pas être le « représentant » symbolique de tous ces « disparus » au pied de la stèle.
Mais malheureusement, je ne suis pas « une personnalité » … Je ne vais pas aux réunions. Je ne suis pas comprise, et n’ai pas les moyens d’être entendue. Je souhaite donc bon courage à Annie et sa famille. Par respect pour elles, je m’abstiendrai volontairement de participer physiquement à toute cérémonie individuelle, personnelle et familiale. Ceci ne veut pas dire que je n’accompagne pas la famille par la pensée.
Bien cordialement,
Françoise