Bonjour,
Retrouvé, dans les archives du journal Sud-Ouest, ce texte relatant la participation de Victor Ménard au Tour de France aérien de 1911:
"Victor Ménard se passionne de plus en plus pour les courses aériennes et le 1er février 1911, en compagnie du capitaine Camine sur Farman militaire, effectue le raid Mourmelon-Satory, soit 165km, en 2 heures à peine. De mars à juin, il tente avec succès les premières expériences de T.S.F avec le capitaine Brenot. En avril il participe aux premières manœuvres mondiales organisées en Beauce par le capitaine Eteve entre Chartres, Orléans et Etampes. Ensuite, lors du Tour de France aérien, fin mai, accompagné de Do-Huu-Vi son mécanicien indochinois, il rendra un bel hommage à sa ville natale en étant le premier à y atterrir en avion, alors que Rochefort avait été choisie comme ville étape avant Bordeaux et Pau. Sur le polygone de la Marine où Victor Ménard avait choisi de se poser ce 31 mai 1911, la ville entière vint ce jour là accueillir l’enfant prodige qui avait une si fière allure dans son impeccable uniforme !
Mais l’aventure continue : ayant décollé de Rochefort, Victor Ménard poursuit son périple. Dans l’après-midi, un vif émoi saisissait la ville à l’annonce d’un accident survenu à l’appareil près de Bordeaux. Victor Ménard relata en ces termes le fâcheux contretemps :
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Au départ de Rochefort, nous avions suivi la grande route jusqu’à Saintes et Pons, passablement gênés par la brume et contrariés par un fort vent de sud-ouest. Près de Pons, nous avons pris comme repère la voie ferrée, lorsque, tout à coup, après avoir dépassé Saint-André-de-Cubzac, tandis qu’à environ 559 mètres d’altitude, nous traversions la Dordogne, et que, déjà, vaguement nous commencions à distinguer la masse de l’agglomération bordelaise, notre moteur nous joua la mauvaise plaisanterie d’une panne… Rapidement nous dévalons la rampe aérienne, si l’on peut dire, et déjà, nous visons comme point d’atterrissage un point marais, mais nous n’avons pas le temps de l’atteindre, à quelques mètres au-dessus d’un pré, je redresse mon biplan pour l’atterrissage qui se fait somme-toute en douceur. Le malheur veut simplement que de hautes herbes s’accrochent aux patins… et non moins en douceur, nous capotons, littéralement…
Attaché sur son appareil par une forte ceinture, le lieutenant Ménard n’est pas tombé, ni le lieutenant Do-Huu-Vi qui se tenait à son compagnon et sur qui le réservoir chaviré à versé tout son contenu d’huile et d’essence.
Suivant, comme d’ordinaire, la voie ferrée, Ménard et Do-Huu-Vi survolèrent à 18h25 la gare de Mont-de-Marsan à une altitude de 300 mètres et à 19 heures, ails atteignirent la capitale du Béarn, sans escale et ce, malgré un orage.
Le lendemain, le mercredi 6 juin, Ménard et Do-Huu-Vi partir sans encombre pour rallier Toulouse, mais, alors qu’ils venaient de franchir le plan du Lannemezan et qu’ils arrivaient au-dessus de la plaine de Rivière, ils furent surpris par un très épais brouillard.
Dans un premier temps, pour naviguer à vue, ils tentèrent de voler à très faible altitude, mais ils évitèrent difficilement les cimes des peupliers et les fils télégraphiques. Aussi, dans l’impossibilité de poursuivre leur raid aérien, les aviateurs décidèrent d’atterrir dans une étroite prairie, sur le territoire de Marthe-Rivière, à 5, 6 kilomètres de Saint-Gaudens. L’atterrissage fut si brutal que Do-Huu-Vi eut un poignet foulé. L’appareil, en effet, rencontra en roulant, un fossé et capota. Trop endommagé, il dut être remonté.
Ayant songé à abandonner leur raid, les lieutenants Ménard et Do-Huu-Vi durent être ravis lorsqu’ils apprirent que le général Roques, inspecteur général de l’aéronautique militaire, leur permettait de poursuivre leur tour de France aérien grâce à un nouvel appareil. Après quelques jours d’attente, Ménard et Do-Huu-Vi purent repartir de l’aérodrome du Pique, survoler Labarthe-Rivière, puis Saint-Gaudens et gagner ainsi Toulouse en suivant toujours la voie ferrée.
Le 19 juin au soir, le vent s’étant calmé, les officiers aviateurs résolurent de se mettre en route pour Narbonne. A 17h36, ils s’envolèrent donc et parcoururent le polygone en tournant le dos à la ville. Arrivés au bout du champ de manœuvre, ils voulurent virer pour prendre la direction de Narbonne, mais à ce moment là, le moteur connut une défaillance. Le lieutenant Ménard décida d’atterrir. L’atterrissage fut si brusque que l’appareil fut très endommagé. Les pilotes, par bonheur, sortirent indemnes de cette mésaventure, mais ils furent dans l’obligation de renoncer à leur Tour de France aérien.
Plus de peur que de mal. Le biplan retourné, bien sûr, eut à souffrir de cet accident. Le fuselage arrière fut endommagé et quelques montants retenant les deux plans furent brisés. Le tout fut réparé grâce au travail accompli jour et nuit par des ouvriers mandés de Paris. Pendant ce temps, Ménard, en se souciant de son départ, fit l’ascension de la flèche Saint-Michel à Bordeaux pour prendre des points de repère afin d’effecteur sans encombre le trajet Ambarès-Croix d’Hins. A la veille de leur départ, Ménard et Do-Huu-Vi eurent la joie d’être salués à Ambarès par deux autres lieutenants aviateurs, Ducourneau (infanterie) et Gouin (hussards) qui eux, effectuaient sous les ordres du chef de l’école militaire de Pau, un raid Pau/Saint-Cyr (aérodrome de Buc).
Le dimanche 4 juin, à 3h55, Ménard tenta de faire décoller son aéroplane avec, à ses côtés, Do-Huu-Vi, mais l’hélice toucha un tronc d’arbre alors que l’appareil roulait sur le sol. L’hélice fut brisée et un longeron de la cellule arrière abimé. Après avoir fait effectuer les réparations nécessaires, Ménard put prendre le départ. Il était désormais seul à bord, Do-Huu6vi suivant l’avion depuis l’automobile où avaient pris place le lieutenant Chentin, chef du service convoyeur, un ingénieur et un mécanicien.
Pour alléger au maximum l’appareil, on avait même vidé en partie les réservoirs d’essence. A 7h16, l’aéronef put ainsi s’enlever aux acclamations d’un demi-millier de personnes.
Après avoir survolé Bordeaux à l’est, à environ 500 mètres d’altitude, dans les nuages en partie, le lieutenant Ménard s’est, par une très belle manœuvre d’atterrissage, posé sur l’aérodrome de Croix-d’Hins à 7h45, d’où il décolla pour Pau à 16h50.
La carrière de Victor Ménard néanmoins, se poursuivit brillamment :
En août 1911, il accompagna les officiers de l’école de Satory qui se rendaient à Nevers. Au retour, le lieutenant Ménard et le capitaine Eteve, qui avaient effectué de multiples ascensions à bord du dirigeable République, allèrent jeter des fleurs sur l’emplacement où le ballon s’était écrasé, tuant la totalité de son équipage. Le 29 avril 1912, Victor Ménard fut nommé Chevalier de la légion d’honneur. Plusieurs voyages autour de Reims et de Mourmelon, de multiples manœuvres de garnison, une série de brillantes reconnaissances aériennes au cours de grandes manœuvres d’automne, tel fut son lot à la veille du premier conflit mondial.
Il est, détail à noter, le seul officier ayant trois fois participé comme pilote aux grandes manœuvres d’automne (en 1910, 1911 et 1912).
*Les cinq officiers aviateurs qui participaient au raid Pau-Saint-Cyr, étaient le capitaine Echeman (artillerie), les lieutenants Princeteau (chasseurs), Malherbe (dragons), Ducourneau (infanterie) et Gouin (hussards).
Trouvé également cet article, paru en 1925 dans
Le Parisien:
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Le Pôle en aéroplane. Le lieutenant Ménard va tenter l’entreprise : la mission scientifique que va diriger monsieur de Payer vers les régions arctiques, commencera bientôt ses préparatifs de départ. Ainsi que nous l’avons annoncé, c’est au mois de juin prochain que monsieur de Payer et ses collaborateurs, messieurs Nozal et Bolland, capitaines au long cours, le docteur Chasseray, glaciologue distingué, le major Garnier, des troupes coloniales, et le médecin de marine Ployé, s’embarqueront au Havre sur le navire qu’ils ont baptisé
Le Petit-Fivre, pour les régions du nord-est. Les lecteurs du Petit Parisien savent déjà quel est le but de cette mission qui se propose d’explorer la terre encore inconnue de Zichy et le groupe formé par les îles Line, Eva, Adelaïde et Huitland.
Nous avons dit également que le lieutenant-aviateur Ménard, du centre d’aviation militaire de Reims, accompagnerait monsieur de Payer. La nouvelle est aujourd’hui officiellement confirmée.
Né à Rochefort le 8 juin 1881, le lieutenant Victor Ménard a eu une carrière aussi brillante que rapide. Il était adjudant du Génie quand, le 29 août 1910, il obtint son brevet de pilote. L’année suivante, il se distingua de façon toute particulière aux manœuvres de Grandvilliers. Les raids aériens qu’il exécuta en biplan, furent d’une hardiesse si heureuse que ses chefs demandèrent pour lui la médaille militaire. Six mois plus tard, il avait l’épaulette et était inscrit au tableau de concours pour la croix de la Légion d’honneur, qui brille maintenant sur sa poitrine.
C’est une périlleuse et glorieuse entreprise que va tenter cette fois le lieutenant Ménard. Il est le premier qui va essayer d’utiliser l’aviation pour la reconnaissance de ces régions désertiques et glacées qui entourent le pôle. S’il réussit, avec les deux appareils qu’il emportera et qui sont spécialement construits à cet effet, il rapportera des observations météorologiques, physiques et astronomiques d’une grande valeur pour a science".
Pour diverses raisons, cette expédition ne verra pas le jour. Nul doute que Victor Ménard aurait adoré survoler ces immenses régions polaires et je l’imagine aux commandes de son aéroplane, sa moustache couverte de givre, traçant des courbes superbes dans l’espace, planant émerveillé au-dessus de blancs infinis…
Cdlt
BB