Bonjour,
Dans le volume 2 de Trésors Cap-Horniers, Frédéric Grellier présente une photo de Marguerite Molinos à Anga (Açores). Le navire est démâté de son mât de misaine et de son grand mât. Il lui reste l'artimon et le beaupré.
"A la fin octobre 1911, sous les ordres du capitaine Charles Boivin, le Marguerite Molinos subit une tempête au large des Açores et démâta de son mât de misaine et de son grand mât. Le navire qui dériva pendant huit jours s'approcha de l'île de Terceira. C'est alors que les habitants de l'île vinrent à son secours à bord d'une quarantaine de barques. Des remorques furent passées entre le voilier et la multitude d'embarcations. Huit heures d'efforts furent nécessaires pour conduire la Marguerite Molinos à l'abri dans la baie d'Angra de Heroismo. Le voilier demeura un mois sur place et fut ensuite emmené jusqu'à Hambourg par un remorqueur hollandais". page 76.
Effectivement, comme signalé par caphornit ci-dessus, cet événement de mer ne figure pas dans les récits des chroniqueurs que furent le CLC Louis Lacroix et Henri Picard. Rien d'étonnant à celà, car ils n'ont pu être exhaustif pour les 300 navires concernés et leurs quelques milliers de voyages. Pour autant, un démâtage était une avarie assez fréquente, et un remorquage longue distance consécutif n'était pas exceptionnel. Le 11 août 1900, à son premier voyage, le trois-mâts Ville de Dijon, capitaine Bony, chargé de nickel, est victime au large du Cap Horn d'un démâtage un peu moins destructeur que celui de Marguerite Molinos car il garde ses bas-mâts mais perd son beaupré. Sous voilure de fortune, il parcourt 1800 milles vers Montevideo, puis est remorqué sur 320 milles par le cargo allemand Amasys. Les deux navires arrivent au port le 16 septembre. Le navire est ensuite remorqué en 55 jours, de Montevideo à Swansea, par le remorqueur britannique Blazer. Il sera remâté au Havre où siège la Compagnie des Voiliers Havrais.
Les extraits de journaux publiés ci-dessus confirment la date de l'événement de mer et indiquent qu'un délai de six mois s'est passé en attente, remorquage, déchargement et réparations, le capitaine Boivin gardant son commandement. Cependant, l'année suivante, il changera de compagnie et emmenera le Bonchamp pour un voyage d'Australie (1913). L'aspect le plus curieux est le remorquage par les petites embarcations de l'île, renouant avec une technique ancestrale de déplacement des voiliers par temps calme ou en eaux protégées.
Sources : Louis Lacroix, Les derniers cap-horniers français, Imprimerie S. Pacteau, 1940.
Alan Villiers & Henri Picard, The bounty ships of France, PSL, 1972.
Jean Randier, Grands voiliers français, Editions des quatre seigneurs, 1974.
Henri Picard, La fin des cap-horniers, Edita-Vilo, 1976.
Patrick Ahern, Full sail beyond the three capes, Patrick Ahern, 2008.
Patrick Ahern, French sailing ships at Australian ports, arrivals and departures, Patrick Ahern, 2010.
Frédéric Grellier, Trésors cap-horniers, vol. 2, O Large éditions, 2012.
Cordialement.
La photo ci-dessous, parue dans Lacroix, page 77, Les derniers grands voiliers, Peyronnet, 1937, a été prise à 20° de gîte.
