Bonjour à tous
La transcription des lettres de 1915 étant terminée, je joins les 2 dernières. Le moral est au plus bas. Les tranchées sont éboulées à cause des pluies incessantes. Les permissions tant attendues pour Noel sont supprimées. Le temps passé dans les tranchées est de 12 jours d'affilé alors qu'en début d'année il était de 4 jours.
Bonne lecture.
Stéphane
Souchez 28-12-15
............................................sauf quelques douleurs, la santé n'est pas mauvaise.
Je vous renouvelle mes meilleurs souhaits dont vous avez dû recevoir une carte. je compte toujours aller en permission bientôt surtout que nous n'allons pas rester ici, nous devons repartir à Notre Dame de Lorette ces jours-ci et les permissions vont recommencer.
Nous ne sommes pas dans les tranchées, elles n'existent plus tout est éboulé et plein d'eau, nous sommes dans une position peu enviable, de la bouillasse à 40 cm d'épaisseur c'est tout à fait beau. Jugez de la belle vie que nous traversons, on en ferait pas autant à des animaux; quand je pense que par pité et humanité on graciait les criminels avant la guerre, pour les honnêtes gens, la pitié et l'humanité ne doivent pas exister sans doute !! C'est donc cela la civilisation !!!
plutot la mort le plus vite possible; la pitié et l'humanité pour moi et pour beaucoup qui sont de mon avis, serait un obus ou une balle qui viendrait me libérer de cette misère, le voila le vrai bonheur pour le moment.
Je ne la vois pas tout de suite la fin de cette guerre d'usure, il doit y avoir quelque chose la dessous qui n'est pas clair.
J'arrête car sans le vouloir je vois que ma lettre n'est pas bien gaie et je crois de vous ennuyer avec mes histoires; on parle du Moral des troupes, on peut en causer il est beau du moment.- On les entends crier de temps en temps ( les vaches de civils, ils nous laisseront donc tous crever jusqu'au dernier) le voila le moral des poilus.
Je parle des civils, vous le comprenez comme je vous le dis, pour chacun sa famille est à part, car personne n'ose avouer sa vraie misère à sa famille.-
Vu pour M. Delaherche.-
Si Marcel pouvait tomber à être en permission en même temps que moi, je serai heureux de pouvoir le voir.
Entendu et j'y pensais bien, si je passe par La Chapelle je vous ferai prévenir.
Nous avons de l'eau tous les jours c'est terrible.-
Avec l'espoir de vous voir bientôt ................................................. Gustave
Le 30-12-15
Chers Parents
......................................Je vous assure que nous en passons des dures du moment; nous sommes dans les tranchées qui se trouvent dans la plaine de Souchez, tout près de la fameuse sucrerie de Souchez dont il ne reste absolument rien que 3 ou 4 chaudières et ferraille quelconque, en fait de bâtiments absolument rien, ainsi que du Pays lui-même, tout est fauché ; derrière nous avons Ablain Saint Nazaire qui est dans un triste état mais il reste encore des morceaux de maisons. A droite ce sont les dunes que nous occupons jusqu'au fait.
En face, c'est Liévin qui est à peu près à 7 ou 800 mètres, là, il n'y a rien d'abîmé . C'est occupé par les boches.c'est tout drôle de voir ce beau petit pays intact, toutes maisons en briques, et couvertes de (panirco?),
les tranchées boches de 1ère ligne sont entre Liévin et nous. Un peu sur la gauche se trouve Angre ou Ambre qui n'est pas abîmé non plus. les boches y sont également.
Si vous voyiez où nous sommes, ce que le terrain est retourné, les trous d'obus se touchent, quelle boucherie ça a dû être dans cette plaine là; que de cadavres, des boches et des nôtres gisent la dedans, ce matin il y en a qui ont trouvé des cartes et lettres dans les poches des boches; c'est plein de boyaux et tranchées, il y a des endroits où les cadavres se touchent tous aux sorties des tranchées; c'est quand il y a des attaques, on voit qu'à mesure qu'ils sortaient des tranchées pour attaquer ils tombaient tous, voilà 3 mois qu'ils sont là et ça cocotte dur.
A part cela presque tous nous avons les pieds enflés par l'eau; d'aucuns ont même les pieds gelés quoiqu'il ne gèle pas, il est même défendu de se déchausser on ne peut plus entrer les pieds dans les chaussures, nous sommes frais.
Nous devons être relevés dans la nuit du 4 au 5 janvier. je vais peut-être aller en permission après, je l'espère du moins.
Je vais me remettre à travailler, car il y a de l'ouvrage, nous allons par corvées de 6 pendant 2 heures pour réparer les tranchées qui s'éboulent par l'eau ou par les marmites de ces crapules qui bombardent dur. Depuis que nous sommes là nous avons très peu de victimes il parait, autour de moi il n'y en a pas eu toujours.
Je termine et vous envoie .............................................et à bientôt je l'espère, il n'y a plus que cinq jours la dedans, mais c'est si vite fait qu'il faut espérer et c'est tout.
.................................................. Gustave