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Re: Noel 1914, je vous écris de ma tranchée

Publié : jeu. déc. 24, 2009 12:54 pm
par pierret
Bonjour à tous.

Une pensée pour ceux qui sont tombés ce premier Noël du conflit, et tout particulièrement pour ce soldat de la Loire, oncle d'une personne qui m'est chère.

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Bon Noël à vous tous.

Jean-Louis.

Re: Noel 1914, je vous écris de ma tranchée

Publié : jeu. déc. 24, 2009 3:06 pm
par ae80
Bonjour Jean-Louis,
Deux vues de Lihons

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cordialement
Joyeux Noël
Eric

Re: Noel 1914, je vous écris de ma tranchée

Publié : jeu. déc. 24, 2009 3:36 pm
par saintchamond
Bonsoir Eric,

Je mets en ligne, via le blog, un premier billet sur la période de Noël au 36e, dans les bois de Beaumarais : http://36ri.blogspot.com/2009/12/de-tim ... ignes.html

Il sera suivi de deux autres petits textes.

Bonne fêtes à tous,

Jérôme
Bonsoir à tous,
J'aurais souhaité que chacun de vous sorte de ses archives (mais si cherchez bien...) un petit document (écrit, photo, etc.) sur Noël pendant la Grande Guerre, toutes nations confonfues
Eric Abadie

Re: Noel 1914, je vous écris de ma tranchée

Publié : jeu. déc. 24, 2009 4:01 pm
par chanteloube
Bonjour à toutes et à tous,

Bien volontiers j'apporte ma petite contribution:

Voici une lettre envoyée à sa famille par un jeune marseillais N.Olive soldat au 40 RI arrivé au front le 17 novembre 14. A la date du 25/12/14 il est, disons sur le ruisseau de Forges....pas vraiment loin du Moulin de Raffécourt et il va retourner à Montzéville.


Le 25 / 12/ 14

Bien Chers Parents

J'ai du vous faire faire du mauvais sang, vous causer des inquiétudes sans doute, j'y ai bien pensé et cependant je ne pouvais faire autrement. Moi, qui vous avaient habituer à vous donner de mes nouvelles tous les deux jours. Comme je vous le disais dans ma carte du 17 et ma lettre du 19 nous sommes partis le soir même à 22 h 30 et sommes arrivés aux abords de Monfaucon le matin au jour. Nous avons pris place dans un bois appelé le Bois des trois corbeaux mais il y avait un inconvénient nous arrivâmes trop tard : vers 7 h et les boches profitèrent du jour pour nous repérer. Cela ne fut pas long et vers 9 h les fameuses marmites firent leur apparition. Quel fracas, quel déplacement que cela produit un n'était pas encore arrivé que l'autre se faisait entendre et cela dura jusqu'à la nuit. Dans le bois tout le monde s'était caché abrité de son mieux, si bien que lorsqu'il fallut déguerpir, sur 250 au départ nous nous trouvâmes une soixantaine à peine, plus d'officiers ni d'adjudants. Le sergent major nous rassembla de son mieux et nous conduisit à Cumières il nous fallut partir de là sur Béthincourt où nous avons rencontré le Général commandant notre division. Celui ci nous dit de rejoindre coûte que coûte notre compagnie mais lui ne savait pas où elle était enfin vers 4h du matin (le 21) nous trouvons notre compagnie sur le flanc d'une colline à 200 m des boches. Nous relevions le 61 d'Aix. Après une journée, à la nuit tombante nos 75 donnèrent tant que cela pouvait, l'artillerie lourde faisait de même ainsi que quelques pièces de marine. Les boches commencèrent à en faire autant. Ce fut la répétition de la veille, seule différence que nous étions plus près. Mais ce n'était pas tout, nous n'avions encore rien vu et à 17 H il nous fallut sortir de nos tranchées pour aller pêcher ces poissons à la fourchette.
Je vous avoue que c'est une drôle de pêche sous les marmites shrapnels, 75 et balles de flingots, il faut s'en sortir. C'est là qu'on les voit les hommes. J'ai vu des collègues touchés à mon côté, pour ma part, je crois avoir fait mon devoir. Je me suis obligé, par amour propre, par force de caractère, à ramener sous le feu à l'infirmerie des tranchées, un ami qui me demanda de ne pas l'abandonner*. Il avait les fesses criblées d'éclats de marmite puis j'ai ramené mon sergent il avait une balle dans les côtes.

Enfin, j'ai plutôt fait le brancardier Il ne savait comment me remercier mais moi je ne faisais pas attention à tout cela j’étais échauffé, content pour mieux dire de ce feu d'artifice.
Enfin, vers 20 H tout rentra dans l'ordre mais il en manquait à l'appel. Mais nous avions gagné du terrain et il fallait creuser des tranchées en avant et ce fut pendant toute la nuit une pétarade continue. C'est qu'ils sont embêtants quand ils s'y mettent... Ils ne voient rien, ils entendent du bruit et ils tirent à tort et à travers et puis d'un côté ils sont bien serviables, ils t'envoient des fusées dans la nuit pour explorer le terrain, ils feraient mieux de garder tout ça pour le 14 juillet. Au jour nous rentrons dans les tranchées (22) journée calme jusqu'au soir à 19 H Je suis parti avec 14 autres poilus pour aller toucher la distribution à Béthincourt. Sommes rentrés à 2 H (le 23) pendant ce temps, les autres finissaient les tranchées commencées la nuit avant, cela va sans dire sous le feu des boches mais ce n'était plus comme la veille.
Enfin hier, (24) nous avons passé la journée émotionnante, passionnante pour moi. Vous allez voir... figurez vous que nous avons simulé une attaque comme l'avant veille.
Notre artillerie avait dans la journée repéré les tranchées des boches et à 16 heures nous commençâmes une fusillade nourrie jusqu'à la nuit pour faire sortir les boches de leur boyaux (car eux dans la journée ne sont pas dans les tranchées, il n'y a guère que 10 ou 15 hommes en sentinelles, tous les autres se tiennent dans des boyaux souterrains et consolidés en béton. Or pendant une attaque ils sont obligés d'en sortir pour répondre, parbleu, nous avons réussi notre affaire sans sortir des tranchées, nous avons eu un coup d'œil magnifique. Ils s'imaginaient que nous sortions comme l'avant veille tandis que nous nous contentions de regarder le travail de nos bons 75.
Maintenant à 16 h, grande surprise, le lieutenant m'a appelé avec un autre. Qu'est ce qu'il voulait ? Mission spéciale !
C'était pour aller en arrière dans le bois, attendre le 55 ème d'Aix qui devait nous relever. Quel soulagement nous qui perdions courage car jamais dans une attaque le même régiment n'était resté quatre jours.
Nous voilà partis, ils devaient arriver entre 15 H et 20 H. J'ai attendu jusqu'à ce matin 1 h (25) à faire les cent pas (chaque fois qu'un régiment est relevé tu envoies deux hommes en avant pour les conduire sans bruit l'un derrière l'autre, enfin tu mets une heure pour faire à peine 1 km pour ne pas attirer l'attention des bochimans ) finalement ne voyant rien venir et me gelant - c'était plein de neige, je me faisais toutes sortes d'imagination, je me demandais si je ne les avais pas manqué ce qui m'aurait coûté le conseil de guerre, je me rappellerai toujours, minuit sonnait que j'étais déjà dans un moulin détruit à faire du feu. Je me disais tu passes le réveillon au Moulin de Raffecourt, finalement je vous dis, ne voyant rien venir, je me décide à regagner ma tranchée où j'ai eu la chance de retrouver ma compagnie.

J'ai expliqué le cas au Lieutenant qui me dit « Eh bien couches toi, nous en serons quitte pour passer un jour de plus car on ne peut pas sortir de jour ».
Heureux je m'allongeai dans un trou... Mais à deux heures le voilà qui me réveille. Les autres étaient là. Nous sommes partis en marchant comme des forcenés de peur que le jour nous prenne en route et sommes arrivés ici à Monzeville à 8 H.
Je peux vous dire que je sais maintenant ce que c'est que la guerre, car jusqu'à présent ce n'était en rapport qu'un jeu d'enfant (je ne peux vous dire les pertes approximatives) quand je vous dirai que nous avons eu rien que dans notre bataillon 6 officiers tués et rien que dans notre escouade sur 19 hommes nous restons 7.
Il est 21 H, je me couche je vous dirai que j'ai reçu ici en arrivant ce matin une bande de lettres que je vous répondrai. A demain donc la suite.

Je vous embrasse bien fort


Noël

Je précise que N.Olive a échappé à la mort mais qu'il a été gazé.
Désigné pour partir sur le front d'orient à Salonique en 1917 il s'arrange pour manquer le bateau et part en train avec ceux qui n'avaient pas pris l'Amiral Magon. Il échappe ainsi au torpillage du Magon le 25 /1/17 mais le train qu'il emprunte déraille à Massafra en Italie, il n'est pas au nombre des victimes
A Salonique il ressentira les premières atteintes de la tuberculose qui le contraindra à finir ses jours au sanatorium....

Chance...pas de chance??
Bonne fêtes à tous.
CC



Re: Noel 1914, je vous écris de ma tranchée

Publié : jeu. déc. 24, 2009 4:50 pm
par RIO Jean-Yves
Merci Laurent :jap: d'avoir unitié ce fil.
Ma contribution au sujet, avec aussi une pensée pour le GPp et tous ses camarades déjà prisonniers à cette époque dont les conditions de détention en Allemagne n’étaient pas des plus mirifiques …..

= Lettres du GO maternel Alexis GUILLOUX, qui , après le 5e Bataillon des Douaniers, a été versé au 251e RI dans le secteur de SOUPIR.
Réformé pour "bronchite" en mars 1915, il décèdera en septembre et n'a pas été reconnu MplF.

« St Mard le 23 Décembre (Xbre) 1914
Chers Parents
Je viens de recevoir à l'instant votre paquet qui m'a fait bien plaisir car les vivres commençaient à s'épuiser surtout que le chocolat est utile comme jamais. Tout était au complet. Je fais partie d'un régiment de réserve 251e dont le dépôt est à Brest, mais ce qui m'empêche d'être à quelques cents mètres des boches. Je crois que je fais partie de la 5e armée.
Je suis en repos en ce moment mais nous couchons toujours dans des tranchées (de réserve) et la place n'est pas meilleure mais que voulez-vous, c'est la destinée et ne vous faites pas de bile pour moi. En ce moment nous sommes mal comme tout car chaque jour il tombe de l'eau et fait froid comme tout surtout le matin, nous avons de la boue jusqu'à moitié jambe et les pieds ne sont pas toujours au chaud ; pour la nourriture nous sommes pas mal, quelquefois nous avons une larme d'eau de vie ou un quart de vin mais rarement.
Pour le 1er de l'an je crois que nous allons être gâtés par quelques friandises. ….. Si cela ne vous dérange pas chaque semaine envoyez-moi un petit colis par la poste (chocolat ou autre chose).
Quant aux colis par chemin de fer, faut les envoyer à la même adresse.
Pour le moment je ne vois rien de neuf à vous dire.
Votre fils qui vous remercie et vous embrasse tous.
Un baiser à petite sœur.
Alexis
 » .

« St Mard le 25 Décembre (Xbre) 1914
Chers Parents
C'est du fond de mon terrier où la lumière commence à disparaître que je viens en quelques mots vous envoyer mes meilleurs vœux de nouvel an qui seront je l'espère meilleurs que ceux de l'année écoulée.
Je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année qui je l'espère nous rassemblera faut-il l'espérer sous peu et dans de bonne condition ; à ça dois-je ajouter aussi une bonne santé qui permettra de passer des jours heureux encore dans le sein de notre famille réunie.
J'espère que mes vœux se réaliseront et que plus tard avec le retour de l'exilé nous pourrons tous en cœur rappeler ce jour en une fête qui sera bien méritée. Pour moi comme pour vous il m'est bien triste de rappeler des jours comme celui-là, si éloignés les uns des autres car comme bien d'autres ces jours vous paraissent-ils plus chers où tous réunis nous pouvons les exprimer.
Enfin espérons que les beaux (jours) reviendront avec l'année 1915.
Je suis toujours dans les mêmes conditions et à cette fête du 1er de l'an une qui va paraître bien triste aussi c'est celle du 25Xbre.
Pour le moment je ne vois rien de neuf sauf qu'il fait froid et que les pieds n'ont toujours pas chauds.
Recevez chers Parents avec mes meilleurs vœux mes meilleures amitiés.
Votre fils qui vous embrasse.
Alexis
 » .

Et puisque le Secteur a été de l'actualité récente du Forum grâce au Lieutenant JEANTREL du 28e RAC :
= Dans la SOMME, le 116e RI occupe un secteur allant du Bois de THIEPVAL jusqu’à la Cote 141 en passant par le Parc du Château .
Le 28 Décembre le Chanoine Joseph MOISAN, Secrétaire général de l‘Évêché du Morbihan parti en Août comme Aumônier volontaire du Régiment, va écrire à son Évêque , Monseigneur GOURAUD :

« Ici nos fêtes de Noël ont été tristes et en même temps très touchantes. J’avais fait préparer, avec accompagnements de flûtes, clarinettes, basses, etc., des Noëls anciens . Les cérémonies ont été belles, mais je n’ai pu y assister ; je me suis fait remplacer, comme tous les dimanches, par un de nos prêtres-soldats, et j’ai passé la Noël à …X…. (AUTHUILLE).
Nos soldats du 116e ont été très édifiants ; la grande majorité d’entre eux sont venus à confesse, officiers en tête. Ceux qui étaient de service dans les tranchées se sont remplacés, dix par dix, pour venir à l’église. Ceux qui n’ont pas pu passer au confessionnal avant la fête sont venus samedi et hier.
Toute la journée de Noël, l’église n’a pas désempli, et grâce aux provisions d’hosties, faites à A.(ALBERT), nous avons distribué de très nombreuses communions. Impossible, par contre, de chanter. L’église est à cinq cent mètres des tranchées allemandes ; et il est probable que les ennemis nous auraient arrosé de mitraille, s’ils nous avaient entendus. Ils se sont contentés de quelques shrapnels, pendant une des messes, sur un coin du village. Ils le font du reste tous les dimanches ; mais s’ils visent l’église, ils sont bien maladroits.
Leurs balles y entrent parfois ; on les entend, à tout instant, qui viennent s’aplatir sur les murs ou sur les toits des maisons.
La maison que j’habite a été visitée par un obus qui a traversé le plafond, juste au dessus du lit. Un bouchon de paille et un peu de papier recouvrent le trou. On ne peut s’empêcher qu’un autre pourrait également arriver, et alors, quelle marmelade !
 ».

Dans une seconde du 3 Janvier , il ajoutera :
« Dans la nuit de Noël, pendant que vous chantiez la naissance de l’Enfant-Dieu, j’étais allongé sur un lit, dans la chambre d’une maison inhabitée. J’y étais entré le soir par la fenêtre, où il ne restait d’ailleurs pas un carreau.
Les obus avaient habité cette chambre avant moi, et je pouvais craindre à chaque instant leur visite intempestive …. Mais les balles seulement sont venues, pleuvant nombreuses sur le toit, et sifflant dans le grenier au-dessus de ma tête. Je n’ai point dormi, et cependant je n’ai pas entendu le chant de « Minuit, chrétiens » que, dans les tranchées voisines, un Caporal fourrier a lancé aux échos, pendant que partout un grand silence se faisait. Les Boches ont écouté ce chant religieusement. Ils ont crié « Hurrah ! », et à leur tout ont entonné des chants en partie, qu’ils exécutent, à la vérité, d’une façon ravissante.
La journée s’est passée dans le silence : pour moi, j’en ai passé la plus grande partie dans le confessionnal. …
 »


A ce témoignage répond ce court extrait de lettre publiée dans le Bulletin Paroissial de MENEAC, au nord du Pays Porhoët , sous la signature d’un Poilu occupant le même Secteur :
«  …. La veille de Noël, le Capitaine a bien voulu qu’on chante. Nous avons, en chœur, chanté : « Minuit chrétiens ». De leur coté les Allemands ont répondu par un Noël de leur pays. Le lendemain, les Allemands sont sortis de leurs tranchées ; nous en avons fait autant : On s’est serré la main , puis chacun est retournée à sa tranchée …. ».

Et tandis que le 24 Décembre le JMO du Régiment notait « Journée calme. Deux bombes et nombreux obus de 77 et 88. Pas d‘accident. » , à l’Hôpital Temporaire n°5 d’AMIENS décédait des suites de ses blessures reçues à OVILLERS le 17 le tout jeune Caporal Jean KERAVEC, 21 ans, mle au Corps 5140, natif de GUILER dans le Finistère et dans le civil Instituteur à QUIMPER .
La journée de Noël allait se passer dans un calme précaire, quelques obus tombant sur les tranchées bretonnes de la Côte 141, sans incident . A 18h30, une canonnade assez vive était entendue vers la BOISSELLE, tandis que les soldats Allemands avaient occupé leur journée à garnir leur front de chevaux de frise colossaux . 
Le 26 Décembre le quotidien reprenait le dessus avec la poursuite active du travail de sape du secteur Côte 141 en même temps que le 28e RAC - à moins que ce ne fut le 35e - tirait sur les tranchées ennemies du même point, près de la moitié des projectiles n’éclatant d’ailleurs pas . L’artillerie ennemie n’allait pas être en reste, envoyant cinq obus et trois bombes sur le Parc, blessant légèrement deux soldats de la 10e Cie, les 2e Classes LALY et THORON. Quand à leur camarade morbihannais de la même Cie, François Marie BILY, 25 ans, natif de TREDION , il se faisait tuer devant son créneau par une balle, dernier Poilu du Régiment à tomber au champ d’honneur pour cette année 1914. Avant combien d’autres ……

Très Bon Noël à toutes et à tous.
Bien cordialement :hello:
Jean-Yves