Bonsoir,
Merci de votre intérêt!
Pour terminer (provisoirement) cette étude et sans rentrer dans trop de détails techniques, je résume quelques points à prendre en compte pour expliquer la tâche compliquée des artilleurs chargés de prendre pour cible un ouvrage enterré ou un tunnel.
Les points importants à expliciter sont:
-1: la capacité de perforation des projectiles dans la terre sableuse ou compacte.
-2: la distance de la pièce par rapport à son objectif qui varie en fonction du terrain, de l'encombrement du matériel, des possibilités de camouflage (on peut camoufler une position de mortier mais pas une position d'ALVF) et des possibilités de contrebatterie de l'ennemi.
-3: la précision des matériels en fonction du calibre, de la vitesse initiale, de l'état de la bouche à feu (usée ou non). de la qualité des charges propulsives sans parler des conditions du moment (vent, pluie, etc...).
-4: de l'efficacité du réglage et notamment les possibilités d'amener le point moyen des impacts sur l'objectif grâce à la préparation du tir, de l'observation terrestre ou aérienne, etc...
Je ne développerai que quelques points de ce domaine complexe et montrerai un exemple concernant le mortier de 370 Filloux.
-1: la capacité de perforation des projectiles demeure limitée même dans la terre meuble. Pour les 4 types de matériels employés contre le
Winterberg Tunnel, on peut retenir les capacités de perforation suivantes:
...370 obusier ALVF: de 8 à 12 mètres suivant la nature du sol.
...370 Filloux: 8 à 10 mètres.
...270 et 280: 4 à 7 mètres.
Ainsi, on ne peut espérer percer la voute d'un tunnel que sur une faible distance au niveau des entrées car ensuite les tunnels sont protégés par l'épaisseur de la masse couvrante. Toutefois, des effondrements peuvent se produire en l'absence de toute perforation, l'énergie cinétique et la puissance de la détonation des projectiles lourds en sont la cause. Ainsi, au Mont Cornillet, quelques semaines plus tard, un obus 400 percera 11 mètres de craie et détonera dans une galerie assez proche de la sortie.
-2: je n'entre pas dans la distance des pièces à l'objectif que l'on peut mesurer facilement sur la carte qui varie de 6.000 m pour les mortiers à plus de 13.000 m pour le 370 B. L'angle de chute des projectiles est un facteur important dans la destruction des objectifs enterrés et situés à contre-pente. La distance a empêché le tir vertical des mortiers et tous les matériels ont effectué des tirs plongeants (angle de chute voisin de 45 à 50° suivant les calibres employés).
-3: la précision des tirs de l'ALGP et de l'Artillerie Lourde s'est beaucoup améliorée depuis 1914. En 1917, les artilleurs de l'ALGP tiennent compte de la pression, de la température, de l'état de l'atmosphère, de la vitesse du vent (envoi de ballons sonde).
Le calcul de l'écart probable des pièces de différents calibres en fonction des distances de tir est assez précis et vérifié par l'expérience. Le tarage des lots de poudre, le poids exact des obus, les diminutions de vitesse initiale en fonction de l'usure font l'objet de données précises.
Toutes les bouches à feu employées contre le
Winterberg Tunnel sont des bouches à feu courtes tirant à vitesse initiale modeste (même le 370 obusier ALVF) car les grandes vitesses initiales entraînent des écarts probables très importants.
Exemples des écarts probables des 4 matériels utilisés avec les obus probablement ou certainement employés et à une distance donnée:
...370 obusier ALVF: Obus de 710 kg, vitesse initiale 475 m/s, écart probable à 13.000 m: 45 mètres.
...370 Filloux: Obus de 500 kg, vitesse initiale 318 m/s, écart probable à distance d'emploi: 15 à 19 mètres.
...280 TR Schneider: Obus de 205 kg, vitesse initiale 394 m/s, écart probable: 21 à 28 mètres.
...270 de Siège: Obus de 198 kg, vitesse initiale 285 m/s, écart probable: 20 à 25 mètres.
Le 370 Filloux apparaît le matériel le plus précis pour les tirs de 6.000 à 8.000 m. Le matériel le démontrera encore à Verdun le 20 août suivant en détruisant le
Gallwitz Tunnel et provoquant des effondrements dans des zones protégées par 14 à 15 mètres de terre compacte.
-4: l'observation terrestre a été dans l'ensemble satisfaisante mais l'observation aérienne très insuffisante puisque moins de 20 à 30 % des tirs d'ALGP et de matériels lourds ont bénéficié de réglages par avion. Les ballons ont rendu de bons services mais ils étaient assez loin des objectifs et leurs observations manquaient de précision.
Tous ces facteurs expliquent pourquoi, ensuite, les tirs d'ALGP seront beaucoup plus nourris. Ainsi, un 400 a bien réussi à détruire le Tunnel de Mont Cornillet par un tir de 36 obus mais la pièce était parfaitement réglée par des tirs effectués les jours précédents. A partir de l'offensive du 20 août 1917 à Verdun, l'allocation de chaque canon ou mortier d'ALGP chargé de la destruction d'un tunnel ou gros abri bénéficiera d'une dotation initiale de 100 coups au moins ce qui conduira le Commandement Suprême de l'Armée allemande à interdire la concentration d'effectifs importants dans les grands tunnels, sources de pertes humaines très importantes en Champagne et à Verdun notamment.
Quelques documents relatifs à l'obus de 500 kg modèle 1914 employé dans le mortier de 370 Filloux:
-45: angles de chute des obus de 500 kg tirés dans le mortier de 370 Filloux et amorçages de ces obus:

- 45-Obus 370 Filloux angles de chute.jpg (221.88 Kio) Consulté 2296 fois

- 46-370 Filloux amorçage fusée détonateur retard.jpg (194.17 Kio) Consulté 2294 fois

- 47-370 Filloux amorçage.jpg (212.54 Kio) Consulté 2294 fois
A noter qu'en 1917, les retards possibles sont de 0-0,25-035 ou 0,5 seconde.
Cordialement,
Guy François.