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Re: Ce que la France en guerre doit à sa Marine

Publié : mar. oct. 27, 2009 6:19 pm
par Ar Brav
(suite)

5° L'ACTION MILITAIRE ET INDUSTRIELLE DE LA MARINE FRANÇAISE

A côté de l'action sur mer, la Marine française a coopéré à la lutte sur terre sous les deux formes militaire et industrielle.

Action militaire.
La Marine française a assuré le passage du 19° corps d'Afrique du Nord, en France, le transport des troupes marocaines, sénégalaises, annamites, fourni des bâtiments-hôpitaux, des canons, des trains blindés, des auto-canons, des auto-mitrailleuses, des auto-projecteurs, prêté à l'armée les six mille fusiliers- marins de Dixmude et les deux mille canonniers marins de Verdun, armé les canonnières fluviales, gardé le front de mer et versé 30.000 inscrits maritimes
aux troupes de terre.

Action industrielle et économique.
La Marine française a assuré la vie des ports, organisé les transports par mer, mis les arsenaux au service de la guerre pour la fourniture du matériel militaire.

Une page immortelle a été écrite par les fusiliers marins à Dixmude.
Le 8 aout 1914, quelques milliers de marins sont envoyés à Paris pour en assurer la police et la garde. N'ayant presqu'aucune connaissance militaire, ils sont
employés comme brigade mobile par le général Galliéni et, durant la bataille de la Marne, sont placés en réserve. Une seule de leurs compagnies est engagée
près de Creil.
Après la Marne, ils sont charges de faire des rondes dans les forêts des environs de Paris où restent des traînards allemands. Le 7 octobre, ils sont envoyés à Anvers, mais trouvent la ligne de chemin de fer coupée à Gand ; ils couvrent, en se battant pendant deux jours et deux nuits, la retraite de l'armée belge qui, d'Anvers, se dirige sur la France. Puis ils se replient sur Dixmude, qu'ils atteignent le 15 octobre. Placés là en faction, avec mission d'arrêter les Allemands pendant quatre jours, ils leur résistent pendant 26 jours, malgré la perle de presque tous leurs officiers et d'environ la moitié de leur effectif.
Leur héroïsme arrache à un officier allemand ce cri d'admiration et de regret : " Ah ! si nous avions su que vous étiez si peu nombreux ! ".
Ils sont relevés en décembre pour se réorganiser et, le 11 janvier 1915, le Président de la République leur remet un drapeau, en récompense de leur belle conduite qui leur a valu trois citations à l'ordre de l'armée dont la dernière en août 1917.
(cliché n° 26 : fusiliers marins).

Les canonniers marins qui assumèrent la défense de Verdun, qui armèrent les canonnières fluviales, qui combattirent sur la Somme, ont reçu, eux aussi, un
drapeau que leur a conquis leur vaillance.
(cliché n° 27 : remise du drapeau aux canonniers marins).

Enfin, le 25 octobre 1914, un détachement de marins, commandés par le lieutenant de vaisseau Picot, emportait à Belgrade trois canons de marine et des projecteurs destinés à empêcher les monitors autrichiens de naviguer sur le Danube el de bombarder la capitale des Serbes. Il remplit glorieusement sa mission et, quand l'ordre vint d'évacuer Belgrade, il fit sauter son matériel et se mit en route vers Salonique où il parvint, après une retraite exténuante de cinq semaines.

(à suivre)

Re: Ce que la France en guerre doit à sa Marine

Publié : mar. oct. 27, 2009 7:14 pm
par Ar Brav
(suite)

6° LA GUERRE SOUS-MARINE

Détournés de leur but qui ne devrait être qu'humanitaire, les progrès de la science ont servi à rendre la guerre plus cruelle, plus atroce. La guerre actuelle voit
apparaître un certain nombre d'engins maritimes nouveaux ou nouvellement perfectionnés au cours de la lutte même.
L'hydravion, utilisé comme éclaireur, s'attaque aussi aux sous-marins qu'il aperçoit à une certaine profondeur sous l'eau ; cette attaque est délicate, parce que l'appareil aérien ne voit son ennemi que dans un faible espace droit au-dessous de lui, que le sous-marin marche lentement, l'hydravion très vite, et que celui-ci saisit difficilement le moment où il peut laisser tomber une bombe avec des chances qu'elle éclate très près du sous-marin qu'il veut détruire.
(cliché n° 28 : hydravion). Plusieurs attaques cependant paraissent avoir été réussies. L'hydravion s'en prend même aux grands bâtiments non munis de canons spéciaux pour le tir contre avions et quelques avaries ont été causées par lui. Ses raids au-dessus de Zeebrugge et d'Ostende, bases des sous-marins allemands dans les mers du Nord, ont été nombreux, et les dégâts causés par lui, importants.
Du côté de l'Entente aussi bien que de celui des Allemands, les hydravions ont été employés à des bombardements nombreux et ont montré une grande activité.
L'usage des mines flottantes, déjà connues depuis le temps de la guerre russo-japonaise, s'est généralisé chez tous les belligérants. Les Français ont mouillé des champs de mines dans les eaux autrichiennes et travaillent journellement à détruire ceux que des sous-marins allemands de type spécial viennent mouiller dans nos eaux territoriales.
(Cliché n° 29 : une mine allemande)

Mais l'engin qui a contribué le plus complètement à transformer la guerre maritime, c'est le sous-marin.
La guerre sous-marine a pris une extension tellement considérable qu'il est indispensable de lui consacrer une conférence spéciale. Contentons-nous de dire ici qu'après avoir tout d'abord utilisé celle arme nouvelle qu'est le sous-marin pour frapper divers coups assez sensibles à la marine anglaise dès les premières semaines des hostilités, l'Amirauté allemande, voyant ses unités de surface chassées des Océans, a engagé la guerre sous-marine sans merci.
Lâchés à travers la Manche, l'Atlantique, la Méditerranée, les sous-marins allemands, depuis des mois et des mois, par la torpille et par le canon, attaquent sans répit et coulent toutes les fois qu'ils le peuvent les bateaux rencontrés, quels qu'ils soient : cuirassés, croiseurs, paquebots, cargos, barques de pêche, bâtiments alliés ou bâtiments neutres. C'est une guerre de destruction sans merci faite sans pitié et sans trêve à tout ce qui flotte sur la mer : l'abominable assassinat du paquebot Lusitania, engloutissant avec lui 1 597 victimes, dont plus de cent enfants, est l'un des actes les plus monstrueux de cette campagne sous-marine. Pour y répondre, les Alliés pourchassent, au moyen de leurs patrouilleurs, ces sous-marins allemands, en ont détruit
une quantité importante, et en ont capture un certain nombre.
(cliché n° 30 : sous-marin allemand capturé).

En outre, par suite de la création par les Allemands de cette guerre sous-marine sans merci, la Marine Marchande française devient donc, elle aussi, Marine
combattante. Armés de canons, nos navires marchands se défendent contre les pirates avec une telle vigueur, une telle virtuosité de manœuvre, un tel bonheur souvent que 123 d'entre eux, représentés par leurs commandants, leurs équipages ou leurs armateurs ont reçu, en présence du Président de la République, au grand amphithéâtre de la Sorbonne, des récompenses officielles, au cours de la séance organisée le dimanche 16 décembre 1917 par La Ligue Maritime française en l'honneur des héros de la Marine Marchande.

Par un mot très juste M. Ch. Chaumel, ancien ministre de la Marine, qui présidait cette séance, s'est écrié que d'ailleurs il n'y avait pas en France deux marines, celle de guerre et celle de commerce, qu'il y avait seulement un admirable corps qui s'appelle : la Marine française.

(à suivre)

Re: Ce que la France en guerre doit à sa Marine

Publié : mer. oct. 28, 2009 1:49 pm
par Ar Brav
(suite)

7° LE BLOCUS DES ALLIES

Quant à l'Allemagne, organisatrice de celle guerre lâche et criminelle, on peut affirmer que la guerre sous-marine ne lui donnera pas la victoire qu'elle en espérait.
Chez elle, comme en Autriche, le commerce extérieur est complètement annihilé, l'industrie, l'agriculture sont amoindries. Elle reçoit encore des approvisionnements de neutres, mais ces ressources vont singulièrement diminuer, maintenant que l'Amérique a résolu d'établir un contrôle sévère sur les exportations dans ces pays. Nous ne verrons plus ce fait révoltant de l'Entente ravitaillant l'Allemagne par l'intermédiaire de certains neutres.
Ceux-ci nous promettaient qu'aucune des matières que nous leur fournirions ne serait exportée en Allemagne. Ils nous tenaient parole, mais envoyaient
aux Allemands leurs propres produits, parce que ceux qu'ils recevaient de nous suffisaient à leurs besoins.

La guerre de piraterie que mènent les sous-marins allemands ne donnera pas a l'Allemagne un gramme de matières premières ou de matières d'alimentation de plus : donc au point de vue direct elle ne procure rien aux Empires Centraux.
D'autre part, l'Amirauté allemande comptait sur un gain indirect en croyant et en faisant croire au peuple allemand que celle guerre sous-marine détruirait les
ravitaillements de l'Entente : évidemment, sous le coup de la première surprise, il y a eu de notre côté des pertes cruelles : mais l'Amirauté allemande a manqué son coup.
(Voir la conférence spéciale sur la guerre sous-marine)

En réalité l'Entente n'a vu diminuer sa liberté de circulation sur mer que d'une manière infime ; elle a perdu des bateaux ; mais ces perles diminuent mensuellement au lieu d'augmenter ; mais elle a saisi tous les bateaux allemands internés au hasard des ports d'Europe ou d'Amérique ; mais elle augmente le tonnage de ses constructions neuves : l'affiche dont voici la reproduction montre clairement la situation.
(cliché n° 31 : les réalités de la guerre sous-marine).

Actuellement, les diverses marines de l'Entente agissent dans les mers qu'elles s'étaient attribuées au début. L'Angleterre fait la police des mers lointaines où
seulement deux ou trois corsaires allemands ont pu se montrer. Les Japonais agissent de même en Extrême-Orient. Les Anglais el Français surveillent la mer du Nord, la Manche, le golfe de Gascogne, la Méditerranée, la mer Egée ; les Italiens gardent l'Adriatique.
L'Allemagne augmente le nombre de ses sous-marins, nous augmentons le nombre de nos chasseurs ; ses escadres ne sortent plus de la Baltique, sa marine
de commerce a disparu de la surface des mers ; celle des Alliés diminue seulement de tonnage. Nous souffrons dans notre bien-être, l'Allemagne souffre dans
ses moyens d'existence.
Et celle situation, c'est à la Marine que nous la devons.

(à suivre)

Re: Ce que la France en guerre doit à sa Marine

Publié : mer. oct. 28, 2009 2:14 pm
par Ar Brav
(suite et fin)

CONCLUSION

Et maintenant, en terminant, posons-nous de nouveau la question inscrite au début de notre conférence :
« Que doit à sa Marine la France en guerre ? »

Et répondons ceci :

Cette Marine, elle est, depuis le premier jour, au service de la Patrie, avec un esprit de sacrifice qu'aucun mot ne peut dépeindre.
(Cliché n° 32: Français, voici ce que pendant la guerre, vous devez à la Marine).

Elle a tout fourni, les hommes et les choses, d'un même cœur, d'un même élan. Elle a lancé tous ses navires sur les mers, armé ses bâtiments de commerce
et même ses barques de pèche, jeté ses fusiliers marins sur l'Yser, ses canonniers marins à Verdun, ses canonnières fluviales sur la Somme et la Marne, ses auto-canons sur les routes des Flandres ; elle a donné à l'armée de terre des canons, des obus, du matériel, des trains blindés.

L'ardent va-et-vient de ses transports, de ses cargos, de ses voiliers, courant de Salonique à Arkhangel, de Brest aux Amériques, de Bordeaux, de Marseille aux antipodes, apporte à la nation le pain et le fer quotidiens.
Sans elle, sans la Marine de France, la Patrie en danger serait depuis le premier jour acculée à des greniers vides, à des fours éteints, à des ateliers muets,
à des usines mortes.

Ainsi, grâce au labeur incessant des Marines militaire et marchande de la France, nos ports ouverts au commerce mondial ravitaillent ceux qui forgent la
Victoire, Le Havre a décuplé ses importations. Rouen, avec un mouvement de 1 million de tonnes par mois, est devenu un des premiers ports de l'Europe. Saint-Nazaire et Nantes ont prodigieusement développé leur activité. Bordeaux a presque double la superficie de ses quais. Enfin Marseille, porte de l'Orient, est le théâtre d'un mouvement qui s'accroît de jour en jour.

Ainsi se vérifie, à l'avantage de la France, la grande loi de la Maîtrise de la Mer : grâce a sa marine, un pays attaqué peut recevoir, les denrées et matières premières essentielles dont ont besoin ses habitants, ses usines et ses soldats.
La Marne, Verdun, la Somme ont été rendus possibles parce que la Marine de France a jeté chez nous, par la gueule largement et librement ouverte de tous nos ports, des montagnes de blé, de charbon, d'acier, de minerais.
Et la terrible ronde continue toujours.

Guettés de toutes parts, nos marins vont et viennent aussi calmes, aussi résolus, aussi simples que nous les connaissons en temps de paix.
(Cliché n° 33 : la Vision)
Chassant méthodiquement les pirates lâchés au hasard de la mer, poursuivant l'insaisissable rêve d'un combat de surface qui toujours se refuse, la Marine de France, de Dixmude à Salonique, garde le front naval, et bat l'estrade au hasard de la mer pleine d'embûches et de perfidies, assurant le salut de nos soldats, qui, gardés à revers sans défaillance, combattent à terre sans inquiétudes.

Faire connaître ce que la France en guerre doit à sa Marine, telle est désormais notre tâche, car chaque Français, saluant bien bas la silencieuse el tragique
épopée de la mer, doit pouvoir, en toute connaissance de cause, dire désormais : « Honneur et gloire aux marins de la France ».

GEORGES G. TOUDOUZE
Rédacteur en chef de la Ligue Maritime.

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Bien cordialement,
Franck