Re: Cinq mats goelette américains - Récapitulatif
Publié : jeu. avr. 23, 2009 12:35 pm
Bonjour à tous,
Voici ce qu'écrit le capitaine Louis Lacroix à propos des grands schooners à cinq mâts construits en 1918 aux USA et au Canada suite à l'envoi de la mission Tardieu.
" Si ces navires figurent parmi les unités inscrites au registre de la Marine Marchande, ils étaient surtout une flotte d'Etat nationalisée, ignorant tout des méthodes commerciales.
On a dit en parlant d'eux qu'ils avaient inscrit une triste page dans l'histoire de nos navires de commerce. On aurait mieux fait d'écrire que la coûteuse et pitoyable expérience tentée par nos dirigeants politiques en marge de notre cabotage a démontré de façon irréfutable leur incapacité en matière d'armement.
Ils naviguèrent si peu que le public, habitué à les voir constamment amarrés le longs des quais de nos ports, ne connut bientôt leur longues files immobilisées pendant des mois en nos villes maritimes que sous le nom de "Flotte aux pieds nickelés".
Il cite les commentaires d'un officier de marine marchande français qui avait pu visiter l'un de ces navires en construction au Canada :
" Ces navires semblent lourds et sont mal mâtés, avec un gréement qui les écrase. L'échantillonnage des pièces est plutôt trop fort, mais leur liaison est mal assurée. Ces navires prendront rapidement de l'arc à la mer et seront fréquemment en avarie de machine. Il est impossible d'assurer une bonne tenue des lignes d'arbres des hélices et les paliers chaufferont très rapidement avec le jeu du navire. Des détails importants montrent que ceux qui ont surveillé la construction de ces navires ne sont pas au courant de leur métier. Ainsi, l'alimentation en eau douce des chaudières est assurée par des caisses en tôle situées à l'extrême avant, dans le peak avant. Cette eau arrive aux appareils évaporatoires par de longues tuyauteries traversant toute la cale d'un bout à l'autre. Elles sont amenées à se rompre fréquemment dès que le navire fatiguera et aucune réparation ne sera possible puisque l'accès sera interdit par les marchandises embarquées. En revanche, celles-ci seront inondées."
Il concluait :
" Ces navires en bois vert, mal surveillés et mal construits, pourvus d'une mâture trop faible pour naviguer à la voile et d'une machine trop peu puissante pour marcher à la vapeur, sont inexploitables commercialement parlant et incapables de rendre le moindre service. En construisant ces canards boiteux, on a réalisé tout ce qu'on peut imaginer d'erreurs dans la conception d'un navire".
Comme le dit Marc ... l'administration française avait frappé ! et très fort!!
A propos des quelques voyages tentés par ces schooners, véritables désastres commerciaux, Lacroix cite quelques anecdotes désopilantes, signalant toutefois que les services du "Transit Maritime", émanation gouvernementale qui gérait et armait ces navires, entretenaient un nombreux personnel, grassement payé, peu chargé en travail et irresponsable en toutes circonstances...
Ainsi, le schooner REPUBLIQUE mit trois mois pour effectuer une traversée Seattle-Saint Nazaire (via Panama). On avait simplement oublié qu'un navire muni de machines consomme du charbon et il lui fallut attendre du combustible à Panama, Galveston et aux Açores.
Mais le principal problème venait d'une construction en bois de spruce, mou et vert, qui en séchant donnait lieu à de continuelles voies d'eau. De plus, l'arrimage des marchandises dans ces énormes cales était difficile et coûteux. Bref, ces navires étaient inaptes au long cours, dangereux le long des côtes, et en perdition dès que le vent forcissait car ils ne pouvaient s'élever de la terre ni à la voile, ni au moteur. Il y eu seulement huit pertes par fortune de mer, mais si ce nombre est demeuré si peu élevé, c'est parce que ces schooners n'ont quasiment pas navigué.
Finalement, ces navires furent rapidement désarmés et l'on vit la rade de Brest devenir un immense cimetière de navires en bois. Il furent un peu disséminés afin de dissimuler le scandale, dans l'estuaire de l'Elorn, dans la baie du Frêt, dans la baie de Landevennec, dans les bassins du port de commerce de Brest, dans le canal de la Martinière, près de Nantes, ou encore à Marseille.
Pour finir, un débat sur ce scandale eût lieu à la chambre et l'amiral Guépratte (député inscrit à la gauche républicaine) interpella vigoureusement le député de Marseille qui était aussi le Directeur de la Flotte d'Etat.
Celui-ci répondit :
"Veuillez me dire, amiral, sur quoi vous vous fondez pour dire que nous avons coûté cher à la France? Nous n'avons jamais eu de comptabilité exacte et j'ignore moi-même si nous sommes en déficit ou en gain".
Cette réplique provoqua l'hilarité des députés...et l'affaire fut classée. Un incendie providentiel détruisit toutes les archives de cette flotte en bois au ministère de la place Fontenoy. Cela rendit inutile une enquête que du reste personne ne souhaitait. Les contribuables payèrent donc la note.
Cdlt
Voici ce qu'écrit le capitaine Louis Lacroix à propos des grands schooners à cinq mâts construits en 1918 aux USA et au Canada suite à l'envoi de la mission Tardieu.
" Si ces navires figurent parmi les unités inscrites au registre de la Marine Marchande, ils étaient surtout une flotte d'Etat nationalisée, ignorant tout des méthodes commerciales.
On a dit en parlant d'eux qu'ils avaient inscrit une triste page dans l'histoire de nos navires de commerce. On aurait mieux fait d'écrire que la coûteuse et pitoyable expérience tentée par nos dirigeants politiques en marge de notre cabotage a démontré de façon irréfutable leur incapacité en matière d'armement.
Ils naviguèrent si peu que le public, habitué à les voir constamment amarrés le longs des quais de nos ports, ne connut bientôt leur longues files immobilisées pendant des mois en nos villes maritimes que sous le nom de "Flotte aux pieds nickelés".
Il cite les commentaires d'un officier de marine marchande français qui avait pu visiter l'un de ces navires en construction au Canada :
" Ces navires semblent lourds et sont mal mâtés, avec un gréement qui les écrase. L'échantillonnage des pièces est plutôt trop fort, mais leur liaison est mal assurée. Ces navires prendront rapidement de l'arc à la mer et seront fréquemment en avarie de machine. Il est impossible d'assurer une bonne tenue des lignes d'arbres des hélices et les paliers chaufferont très rapidement avec le jeu du navire. Des détails importants montrent que ceux qui ont surveillé la construction de ces navires ne sont pas au courant de leur métier. Ainsi, l'alimentation en eau douce des chaudières est assurée par des caisses en tôle situées à l'extrême avant, dans le peak avant. Cette eau arrive aux appareils évaporatoires par de longues tuyauteries traversant toute la cale d'un bout à l'autre. Elles sont amenées à se rompre fréquemment dès que le navire fatiguera et aucune réparation ne sera possible puisque l'accès sera interdit par les marchandises embarquées. En revanche, celles-ci seront inondées."
Il concluait :
" Ces navires en bois vert, mal surveillés et mal construits, pourvus d'une mâture trop faible pour naviguer à la voile et d'une machine trop peu puissante pour marcher à la vapeur, sont inexploitables commercialement parlant et incapables de rendre le moindre service. En construisant ces canards boiteux, on a réalisé tout ce qu'on peut imaginer d'erreurs dans la conception d'un navire".
Comme le dit Marc ... l'administration française avait frappé ! et très fort!!
A propos des quelques voyages tentés par ces schooners, véritables désastres commerciaux, Lacroix cite quelques anecdotes désopilantes, signalant toutefois que les services du "Transit Maritime", émanation gouvernementale qui gérait et armait ces navires, entretenaient un nombreux personnel, grassement payé, peu chargé en travail et irresponsable en toutes circonstances...
Ainsi, le schooner REPUBLIQUE mit trois mois pour effectuer une traversée Seattle-Saint Nazaire (via Panama). On avait simplement oublié qu'un navire muni de machines consomme du charbon et il lui fallut attendre du combustible à Panama, Galveston et aux Açores.
Mais le principal problème venait d'une construction en bois de spruce, mou et vert, qui en séchant donnait lieu à de continuelles voies d'eau. De plus, l'arrimage des marchandises dans ces énormes cales était difficile et coûteux. Bref, ces navires étaient inaptes au long cours, dangereux le long des côtes, et en perdition dès que le vent forcissait car ils ne pouvaient s'élever de la terre ni à la voile, ni au moteur. Il y eu seulement huit pertes par fortune de mer, mais si ce nombre est demeuré si peu élevé, c'est parce que ces schooners n'ont quasiment pas navigué.
Finalement, ces navires furent rapidement désarmés et l'on vit la rade de Brest devenir un immense cimetière de navires en bois. Il furent un peu disséminés afin de dissimuler le scandale, dans l'estuaire de l'Elorn, dans la baie du Frêt, dans la baie de Landevennec, dans les bassins du port de commerce de Brest, dans le canal de la Martinière, près de Nantes, ou encore à Marseille.
Pour finir, un débat sur ce scandale eût lieu à la chambre et l'amiral Guépratte (député inscrit à la gauche républicaine) interpella vigoureusement le député de Marseille qui était aussi le Directeur de la Flotte d'Etat.
Celui-ci répondit :
"Veuillez me dire, amiral, sur quoi vous vous fondez pour dire que nous avons coûté cher à la France? Nous n'avons jamais eu de comptabilité exacte et j'ignore moi-même si nous sommes en déficit ou en gain".
Cette réplique provoqua l'hilarité des députés...et l'affaire fut classée. Un incendie providentiel détruisit toutes les archives de cette flotte en bois au ministère de la place Fontenoy. Cela rendit inutile une enquête que du reste personne ne souhaitait. Les contribuables payèrent donc la note.
Cdlt