Re: SAINT-JOSEPH II ― Navire auxiliaire.
Publié : ven. juin 17, 2011 2:08 pm
Bonjour à tous,
SAINT JOSEPH
Rapport du capitaine Luc de Malglaive
Quitté Corfou le 27 Août 1917 à 16h00, par les passes sud, en convoi avec VOLTAIRE II, escortés par RORQUAL et RICHELIEU. Le commandant était Monsieur R. Bruyat.
Le 28 Août, le navire est par 38°30 N et 17°35 E. Très beau temps.
Etant sur le pont, j'entends le commandant qui ordonne "Barre toute à gauche". Regardant la mer, je vois à 300 m sur tribord le sillage d'une torpille pointant droit sur nous. Quelques secondes plus tard, elle nous frappe exactement au milieu, sous les marques de franc-bord, dans les soutes latérales et la chaufferie. Le commandant donne l'ordre d'évacuer. Les canots sont amenés et la majorité de l'équipage évacue dans le plus grand calme, sous les ordres des lieutenants Albert Arman et Marcel Foucque.
Pendant ce temps, aidé par le chef mécanicien Monsieur Renguet et le matelot Le Restif, je fais une reconnaissance des cloisons étanches des cales 2 et 3 qui pourraient céder, les compartiments machine et chaufferie étant envahis. Elles résistent parfaitement et j'en rends compte au commandant qui me donne l'ordre de passer une remorque au RORQUAL.
A 12h25, aidé par le matelot Le Restif et le maître commis Ranchère, je réussis l'opération et le chef mécanicien embraye la barre manuelle.
A ce moment, le maître commis m'informe que le commandant Bruyat est mourant. Je prends le commandement et fais revenir à bord 4 matelots et 3 cannoniers pour assurer la manœuvre et l'armement de la pièce arrière.
A 12h30, je constate le décès du commandant Bruyat. J'ai aussi acquis la certitude que le chauffeur Ernest Merrer, qui était de quart dans la chaufferie au moment de l'explosion, a disparu.
Nous mettons cap à l'ouest en remorque du RORQUAL, escorté par RICHELIEU. A 13h00, nous ouvrons le feu sur le sillage du sous-marin aperçu à 1000 m sur tribord arrière.
A 14h15, je vois sur tribord le sillage d'une 2e torpille. Avec un grand sang-froid, le commandant du RORQUAL coupe instantanément la remorque et le SAINT JOSEPH s'arrête de lui-même. La torpille passe à 2 m de l'étrave. Ouvert le feu sur le point d'origine du sillage et passé une nouvelle remorque au RORQUAL.
A 16h30, aperçu le sous-marin en surface à 12000 m dans le NE. Le RICHELIEU fait route sur lui et ouvre le feu. Au premier coup, le sous-marin plonge.
29 Août
Longé la côte italienne à 1 mille. A 12h30, arrivée du remorqueur italien SICILIA qui se place en chef du RORQUAL. La vitesse monte à 4 nœuds.
A 13h00, par 38°13 N et 16°24 E, immergé le corps du commandant Bruyat.
A 20h31, E/W du cap Spartivento à 1,5 mille. A 22h30, arrivée du contre-torpilleur ARBALETE et du remorqueur MILON.
30 Août
A 02h00, la brise fraîchit. A 06h30, la remorque casse. Le MILON nous accoste et prend une nouvelle remorque. A 10h00 entrée à Messine.
Il est impossible pour le moment de mesurer l'étendue des dégâts. La machine et les chaudières ont certainement souffert.
Je signale la conduite superbe du RICHELIEU et du RORQUAL. Sans le sang froid du commandant du RORQUAL qui a coupé la remorque, le SAINT JOSEPH aurait reçu la 2e torpille.
Je signale aussi :
Monsieur Fernand Renguet, chef mécanicien, qui est resté à bord et m'a rendu les plus grands services.
Jean Le Restif, matelot, Dinan, qui m'a aidé dans la reconnaissance des cloisons étanches.
Albin Ranchère, maître commis, qui a assisté le commandant Bruyat dans ses derniers instants et tout tenté pour le ramener à la vie.
Albert Arman, lieutenant, Bordeaux et Marcel Foucque, lieutenant, Nantes, qui ont assuré l'évacuation avec le plus grand calme, sont revenus à bord, et m'ont assisté avec un dévouement au dessus de tout éloge.
Gaston Quéaux, QM canonnier, 2e dépôt, Jean-Marie Lafond, QM canonnier, Dinan, Le Cléach Joseph, Matelot canonnier, Quimper, qui ont assuré le service de la pièce arrière et beaucoup aidé pour les manœuvres.
Miguel Palance, matelot, Oran, Auguste Durand, matelot, Narbonne, D'Onofrio Jean, matelot, Bône, Le Coadou Louis, matelot Tréguier, qui sont revenus à bord et ont assuré de jour et de nuit le service de barre et de manœuvre avec un grand dévouement.
Commentaire
Tout laisse supposer que Luc de Malglaive (qui signe "Le capitaine" et parle après le décès du commandant Bruyat de "mes lieutenants" ou "mon équipage") était le second du navire. Il a bien sûr, comme c'est normal, pris le commandement après la disparition du capitaine.
Le décès de ce dernier semble très brutal et il ne paraît pas avoir été blessé lors de l'explosion de la torpille puisqu'il a continué à donner des ordres pendant un certain temps.
On peut donc supposer qu'il a été victime d'un infarctus, ou d'une autre cause naturelle.
Enfin, dans un post précédent, Oliver signale que vers 17h00, UC 73 fut canonné à nouveau par un chalutier. Ce chalutier était donc le patrouilleur RICHELIEU. Le KTB de l'UC 73 colle tout à fait avec le récit du SAINT JOSEPH.
Cdlt
SAINT JOSEPH
Rapport du capitaine Luc de Malglaive
Quitté Corfou le 27 Août 1917 à 16h00, par les passes sud, en convoi avec VOLTAIRE II, escortés par RORQUAL et RICHELIEU. Le commandant était Monsieur R. Bruyat.
Le 28 Août, le navire est par 38°30 N et 17°35 E. Très beau temps.
Etant sur le pont, j'entends le commandant qui ordonne "Barre toute à gauche". Regardant la mer, je vois à 300 m sur tribord le sillage d'une torpille pointant droit sur nous. Quelques secondes plus tard, elle nous frappe exactement au milieu, sous les marques de franc-bord, dans les soutes latérales et la chaufferie. Le commandant donne l'ordre d'évacuer. Les canots sont amenés et la majorité de l'équipage évacue dans le plus grand calme, sous les ordres des lieutenants Albert Arman et Marcel Foucque.
Pendant ce temps, aidé par le chef mécanicien Monsieur Renguet et le matelot Le Restif, je fais une reconnaissance des cloisons étanches des cales 2 et 3 qui pourraient céder, les compartiments machine et chaufferie étant envahis. Elles résistent parfaitement et j'en rends compte au commandant qui me donne l'ordre de passer une remorque au RORQUAL.
A 12h25, aidé par le matelot Le Restif et le maître commis Ranchère, je réussis l'opération et le chef mécanicien embraye la barre manuelle.
A ce moment, le maître commis m'informe que le commandant Bruyat est mourant. Je prends le commandement et fais revenir à bord 4 matelots et 3 cannoniers pour assurer la manœuvre et l'armement de la pièce arrière.
A 12h30, je constate le décès du commandant Bruyat. J'ai aussi acquis la certitude que le chauffeur Ernest Merrer, qui était de quart dans la chaufferie au moment de l'explosion, a disparu.
Nous mettons cap à l'ouest en remorque du RORQUAL, escorté par RICHELIEU. A 13h00, nous ouvrons le feu sur le sillage du sous-marin aperçu à 1000 m sur tribord arrière.
A 14h15, je vois sur tribord le sillage d'une 2e torpille. Avec un grand sang-froid, le commandant du RORQUAL coupe instantanément la remorque et le SAINT JOSEPH s'arrête de lui-même. La torpille passe à 2 m de l'étrave. Ouvert le feu sur le point d'origine du sillage et passé une nouvelle remorque au RORQUAL.
A 16h30, aperçu le sous-marin en surface à 12000 m dans le NE. Le RICHELIEU fait route sur lui et ouvre le feu. Au premier coup, le sous-marin plonge.
29 Août
Longé la côte italienne à 1 mille. A 12h30, arrivée du remorqueur italien SICILIA qui se place en chef du RORQUAL. La vitesse monte à 4 nœuds.
A 13h00, par 38°13 N et 16°24 E, immergé le corps du commandant Bruyat.
A 20h31, E/W du cap Spartivento à 1,5 mille. A 22h30, arrivée du contre-torpilleur ARBALETE et du remorqueur MILON.
30 Août
A 02h00, la brise fraîchit. A 06h30, la remorque casse. Le MILON nous accoste et prend une nouvelle remorque. A 10h00 entrée à Messine.
Il est impossible pour le moment de mesurer l'étendue des dégâts. La machine et les chaudières ont certainement souffert.
Je signale la conduite superbe du RICHELIEU et du RORQUAL. Sans le sang froid du commandant du RORQUAL qui a coupé la remorque, le SAINT JOSEPH aurait reçu la 2e torpille.
Je signale aussi :
Monsieur Fernand Renguet, chef mécanicien, qui est resté à bord et m'a rendu les plus grands services.
Jean Le Restif, matelot, Dinan, qui m'a aidé dans la reconnaissance des cloisons étanches.
Albin Ranchère, maître commis, qui a assisté le commandant Bruyat dans ses derniers instants et tout tenté pour le ramener à la vie.
Albert Arman, lieutenant, Bordeaux et Marcel Foucque, lieutenant, Nantes, qui ont assuré l'évacuation avec le plus grand calme, sont revenus à bord, et m'ont assisté avec un dévouement au dessus de tout éloge.
Gaston Quéaux, QM canonnier, 2e dépôt, Jean-Marie Lafond, QM canonnier, Dinan, Le Cléach Joseph, Matelot canonnier, Quimper, qui ont assuré le service de la pièce arrière et beaucoup aidé pour les manœuvres.
Miguel Palance, matelot, Oran, Auguste Durand, matelot, Narbonne, D'Onofrio Jean, matelot, Bône, Le Coadou Louis, matelot Tréguier, qui sont revenus à bord et ont assuré de jour et de nuit le service de barre et de manœuvre avec un grand dévouement.
Commentaire
Tout laisse supposer que Luc de Malglaive (qui signe "Le capitaine" et parle après le décès du commandant Bruyat de "mes lieutenants" ou "mon équipage") était le second du navire. Il a bien sûr, comme c'est normal, pris le commandement après la disparition du capitaine.
Le décès de ce dernier semble très brutal et il ne paraît pas avoir été blessé lors de l'explosion de la torpille puisqu'il a continué à donner des ordres pendant un certain temps.
On peut donc supposer qu'il a été victime d'un infarctus, ou d'une autre cause naturelle.
Enfin, dans un post précédent, Oliver signale que vers 17h00, UC 73 fut canonné à nouveau par un chalutier. Ce chalutier était donc le patrouilleur RICHELIEU. Le KTB de l'UC 73 colle tout à fait avec le récit du SAINT JOSEPH.
Cdlt