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Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 12:25 am
par LABARBE Bernard
Fô pas t'énerver Invité ! :P Je suppose "HumanBonb", avec un "neu" ou un "meu" avant le B ? Les bombes humaines ça existe ? :roll:
Quoique oui... Il m'est arrivé de croiser des "human bombes" mais c'est un autre sujet... Je mégare... Encore.
Désolé d'insister, mais "coup de main" et "nettoyeurs" rien à voir !
Si sur le site le vendeur indiquait "diplôme de nettoyeurs" c'est un voleur ou un pipeau.
Les coups de main étaient des opérations ponctuelles, sur une partie très limitée du front, pour obtenir des renseignements et tâter un peu le terrain en face. Investir une tranchée, faire si possible des prisonniers pour interrogatoire (verbal seulement, pas de gégène ou de baignoire à l'époque... :twisted: les gus parlaient allègrement, surtout que les questions leur paraissaient anodines: Depuis quand êtes-vous là, quel régiment avez-vous relevé, etc...) Ramener des indices de N° de régiments, des papiers trouvés dans des abris, bref, on ramasse tout ça et on rentre. Certains coups de mains étaient même précédés de bombardements copieux de la zone, pour destruction de barbelés, et même sur les arrières pour interdire l'arrivée de renforts. En fait, c'est tout le contraire du "nettoyage"...! On arrive, on prend, et on se casse vite fait !
Cordialement,

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 12:31 am
par Frederic Avenel
Bonsoir à tous,

Mon grand-père avait reçu cette mission de "nettoyeur de tranchées" lors de l'attaque de Champagne de septembre 1915. Il était alors fantassin au 153e RI, tout juste âgé de 20 ans.
Il avait été désigné pour cette mission et ne s'était nullement porté volontaire; il obéissait simplement aux ordres qui lui étaient donnés.

Il me semblait avoir mis son témoignage en ligne lors du précédent fil sur ce sujet, mais je m'aperçois qu'il n'en est rien (peut-être dans une autre existence?...). Alors le voici:

[...]Dans la nuit du 17, nous allons cantonner à Hans pour nous donner une petite détente mais surtout pour nous approvisionner, non seulement en vivres mais aussi en munitions. Je fus également doté d'un couteau avec une musette de grenades. J'étais nettoyeur de tranchées c'est-à-dire qu'il ne fallait pas laisser de vivants dans les tranchées prises à l'ennemi car nous avions eu en exemple que l'ennemi laissait toujours passer la première vague d'assaut pour tirer ensuite dans le dos des assaillants.
Nous sommes désignés pour faire une grande attaque. Dans la nuit du 22 septembre, nous quittons Hans pour arriver en position de première ligne, dans le secteur Maison de Champagne, main de Massiges. Quand la relève fut terminée, l'artillerie française a commencé la préparation d'attaque qui doit durer soixante-douze heures. Les deux premiers jours, l'artillerie allemande répondait à notre attaque et aspergeait d'obus nos tranchées. Nous avons eu beaucoup de pertes. C'était un bruit de tonnerre, sans arrêt. Il nous tardait à tous d'en finir avec cette vie là. Le troisième jour, le bombardement fut encore plus fort. Mais les Allemands se calmaient. Dans la soirée, nous avons fait une fausse sortie de tranchées ce qui nous permis de constater qu'il restait encore des mitrailleuses. Mais il y eut aussi des morts et des blessés. A présent il n'y a plus de doute, cela va être la grande attaque !
Dans la matinée du 25 septembre 1915, des officiers passent et nous préviennent de nous tenir prêts pour neuf heures quinze. L'artillerie française commence son tir de barrage quelques centaines de mètres devant nous et ce tir doit avancer en même temps que nous. Il nous fut fait une distribution de « gnole » que pour ma part je n'ai pas bue ainsi qu'un camarade. Nous nous étions d'ailleurs promis de rester côte à côte le plus longtemps possible, mais au bout de quelques mètres je ne l'ai plus revu. Il est vrai que dans la poussière et la fumée des obus on ne voyait pas loin. A l'heure exacte, tout le monde a donc sauté le parapet. Pour ma part, j'y ai laissé mon couteau planté dessus. Je n'étais pas décidé à égorger mes ennemis. [...]
La première ligne et la deuxième étant franchies, nous n'avions pas fini le nettoyage des tentes et des abris que des Allemands nous tiraient dans le dos. Comme nous n'étions pas loin de cette deuxième ligne de tranchées, nous avons fait demi-tour et en quelques minutes tous les trous et abris de la tranchée furent arrosés de grenades. Il y avait plus de morts que de vivants. Nos ennemis accusaient de grosses pertes en hommes. Un peu plus loin, il y avait des abris qui devaient être une porte de sortie pour des agents de liaison étant donnée la grande quantité de bicyclettes qui était à côté. Quelques grenades furent lancées qui firent sortir les occupants. Il y eut encore des blessés et des morts. Les autres furent faits prisonniers.
Georges Bouquet, soldat au 153e RI, qui reçut sa première blessure quelques minutes après cette scène.

La fonction existait donc au moins dès septembre 1915. Les nettoyeurs n'étaient pas forcément volontaires, au moins dans les premiers temps.
Je salue aujourd'hui l'acte de courage de mon grand-père qui, à la minute même où il sait se diriger vers une mort possible, se sépare d'un atout qui pourrait peut-être le tirer d'une mauvaise situation mais qu'il répugne à utiliser, bravant du même coup l'autorité militaire de ses chefs.

Bien cordialement,

Frédéric Avenel

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 12:48 am
par humanbonb
Témoignage très intéressant !!!!
et pour LABARBE Bernard, je ne me suis point énervé contrairement à toi :wink:

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:05 am
par Stephan @gosto
Bonsoir,

Merci Frédéric. Tout est à peu près dit dans ce remarquable témoignage. Et effectivement, dans ces actions de nettoyage, il apparaît que les grenades étaient bien plus prisées que le couteau - et à coup sûr bien plus efficaces, en même temps que - certainement - moins culpabilisantes.
La fonction existait donc au moins dès septembre 1915
Au moins dès juin 15, du côté de Neuville-Saint-Vaast, comme l'accrédite la photo que j'évoquais plus haut, prise le 28 juin.

Amicalement,

Stéphan

P.S. As-tu eu l'occasion de pousser la porte de l'église de feu l'abbé Boulé ?? :wink:

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:14 am
par Frederic Avenel
Bonsoir Stéphan,

Je m'y suis présenté pas plus tard que cet après-midi, ... mais la porte était fermée ! :cry: et aucune information à l'extérieur :evil:
En tout cas, le nom de l'abbé ne figure pas sur le monument aux morts qui fait face à cette église... et en face, du monument... c'est l'endroit où je travaille. J'aurai donc l'occasion d'y retourner. :wink:

amicalement,

Frédéric Avenel

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:19 am
par FX Bernard
De memoire les nettoyeurs étaient équipés d'un pistolet automatique browning, des grenades incendiaires et je ne sais plus quel autre type de grenades, et un poignard.
Juste pour le plaisir de pinailler, il s'agissait de pistolets automatiques de type Browning, dans les faits il s'agissait de pistolets espagnols come le Ruby et l'Astra. Ou alors de revolvers comme le 1892, le 1874 ou encore des 8 mm civils.
A l'époque le terme "Browning" était couramment utilisé comme nom commun pour désigner un pistolet, tous les lecteurs de Tintin confirmeront ;-).

f-xavier

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:43 am
par Leo91
Bonsoir à tous,

Je vois que mon fil a déchaîné les passions :wink:

En fait, si j'en suis venu à aborder le sujet des nettoyeurs de tranchées c'est parcequ'en plus de ma visite à la Caverne du Dragon, de passage au BDIC, alors que j'effectuais des recherches sur les brancardiers, je suis tomber sur un vieil ouvrage dont je ne me souviens malheureusement plus du titre :(

En des termes un peu différends, il expliquait qu'à l'issue d'un assaut, à la nuit tombée, le no man's land était le royaume des brancardiers et des nettoyeurs de tranchées, tandis que certains sauvaient des blessés d'autres étaient chargé de les achever et qu'au hasard des rencontres l'avantage tournait très souvent en défaveur du sauveteur :cry:
Qu'en dehors des obus non explosés et des tireurs isolés, le nettoyeur de tranché était le pire ennemi du brancardier...

Biensur, le style était beaucoup plus académique dans ce fameux ouvrage mais en gros, c'est l'idée qu'il voulait transmettre et que je m'éforce tant bien que mal de vous résumer ici :wink:

Des réactions peut-être ?

Amic@lement !!!

Lionel

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 1:08 pm
par dominique rhety
Le caporal désigna ensuite les grenadiers ou nettoyeurs de tranchées
J'en fis partie. Il nous tendit à chacun un grand couteau de cuisine à manche de bois blanc, destiné vraisemblablement aux entrailles allemandes. Je reçus le mien avec répulsion. J'avais la meme répulsion pour les grenades...
... Tandis que je considérais mon couteau, Poirier me tira par la manche :
- Donne-moi ta place comme nettoyeur de tranchées...


Gabriel CHEVALLIER " La Peur ", 1930 . La scène se passe en octobre 1915 .

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 4:03 pm
par LABARBE Bernard
Bonjour,
Un grand merci à frédéric pour ce super témoignage qui me conforte dans mon idée de ce que pouvait être effectivement le "nettoyage"... Je pensais en effet aux grenades moins "culpabilisantes" comme dit Stephan. On balance ça dans le trou, on entend hurler mais on voit pas... C'est pas du "décousu main"... Celà dit certains bouchers sadiques ou fous furieux, ou les deux, ont du utiliser le couteau, mais fort heureusement pour les pauvres bougres d'en face, la plupart devaient se rendre vite fait je pense.
Encore merci et à bientôt.

Re: Nettoyeurs de tranchées ?

Publié : jeu. oct. 27, 2005 8:15 pm
par Patrick ROCHET
Re.

Ne pas confondre Corps-Francs ("Commandos" à la recherche du renseignement, de prisonniers; raids sur écoutes ou petits postes voire sabotage d'artillerie ) les premiers datent du début de la stabilisation, ils évoluaient alors dans le no man's land et nettoyeurs de tranchées dont la mission est essentiellement d'éviter aux vagues d'assaut d'avoir à subir le tir "dans le dos" de mitrailleuses ennemies "oubliées" dans le lacis des positions conquises.

Patrick