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Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : mar. sept. 28, 2010 11:11 pm
par IM Louis Jean
Bonsoir à toutes et à tous,

Après réflexion j'ai choisi de placer ce sujet dans la partie "pages d'histoire - généralités" du forum plutôt que dans "pages du bibliophile" bien qu'il s'agisse de l'article d'une revue. Les modérateurs pourront la déplacer bien sûr s'ils l'estiment mal placée.
En effet la conférence du Sous-Intendant militaire Laporte est d'une richesse statistique passionnante. Entre les lignes apparaissent des précisions factuelles qui atténuent cette rigueur scientifique... ah le vin de raisins secs... et rejoignent la vie de nos régions. Il démontre combien "industrielle" fut cette guerre.

L'Intendance pendant la Guerre 14-18
LE PROBLÈME DE LA REUNION DES RESSOURCES
Nécessaires aux Armées

CONFÉRENCE FAITE DANS LA SALLE DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE ROUEN
Le 22 Janvier 1921

Par M. le Sous-Intendant militaire LAPORTE
http://gallica.bnf.fr/searchInPeriodiqu ... te&lang=FR page 66


Extrait : << Chaque mois le front français a exigé permettez-moi de vous donner quelques chiffres pour sa subsistance 120.000 têtes de bétail, 36.000 tonnes de farine, 1.000 tonnes de pain de guerre, 3.800 tonnes de sucre, 2.400 tonnes de café, 400 tonnes de chocolat, 2.000 de sel, 7.500 de légumes secs, 2.500 de lard, 1.200 de conserves, 25.000 de pommes de terre, 756.000 hectolitres de pinard. 18.000 hectolitres d'eau-de-vie, 100.000 tonnes d'avoine. 50 000 de foin, 45.000 de paille, 45.000 tonnes de combustible, pour tous nos camions 420.000 hectolitres d'essence, alors que l'habillement, de son côté, exigeait par mois 350.000 capotes, 530.000 vareuses. 700 000 pantalons, 700.000 effets de coiffure (je sais bien que tous nos enfants de France ont été plus ou moins coiffés avec les bonnets de police des poilus il y a eu, en effet, un peu d'exagération, mais il a fallu tout de même les fournir), 1 million de paires de chaussures. 1.350.000 eflets de grand équipement, sans compter les millions– 4 ou 5 je crois – de collections d'effets chauds qu'il fallait distribuer tous les hivers.
Vous voyez donc quel effort gigantesque le pays a fait au cours de ces quatre années.

J'ajoute que je ne parle que du front français, car il a du fournir à l'armée serbe, aux armées russe, roumaine, américaine, toutes sortes de choses. >>


Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir
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Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : mer. sept. 29, 2010 7:33 pm
par pierreth1
Bonsoir,
Et ces chiffres montrent l'effort logistique qu'il a fallu faire
hors bétail et habillement, ce ravitaillement nécessitait à peu près l'équivalent de 4200 rotations de wagons citernes, 24000 de wagons ouverts, 12000 de wagons foudre, 8000 de wagons couverts. Soit très approximativement 50 000 rotations de wagon! auquelles s'ajoutent les rotations de wagon pour les britanniques! puis a partir de 17 pour les US. même en tenant compte d'une utilisation très optimale un wagon ne pouvait pas faire plus d'une rotation tous les 3 jours (et encore c'est purement théorique et l'on doit être plus proche de 5 à 6 jours en moyenne) soit toujours théorique 5 à 10 000 wagons immobilisés chaque jour
il faut aussi tenir compte des quais de déchargement qui ne sont pas allongeables à l'infini, que tant qu'un train n'a pas été déchargé les autres doivent être dérouté ou être déchargés ailleurs ce qui augmente les élongations logistiques..
(de nos jours SNCF fret c'est de l'ordre de 27000 wagons! à rapprocher des 100 000 wagons en bon état de roulement que doivent céder les allemands lors de l'armistice))
A cela s'ajoute les munitions et les hommes et l'on voit le casse tete que devait résoudre quotidiennement les services des transports miliitaires d'autant que la vie de la nation même rationnee devait continuer.
L'effort de la nation (et de l'allemagne) pour assurer vaille que vaille ce ravitaillement du front fut giganntesque
Cordialement
Pierre

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : mer. sept. 29, 2010 10:04 pm
par Jean RIOTTE
Bonsoir Jean Louis,
Bonsoir à toutes et à tous,
Merci beaucoup pour ce lien et ce sujet qui nous font toucher du doigt un aspect de cette guerre dont on parle peu et du gigantesque effort fourni par la Nation pour faire face au conflit.
Cordialement.
Jean RIOTTE.

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : mer. sept. 29, 2010 11:14 pm
par chanteloube
bonsoir,
J'ajoute que pour régler tous ces problèmes il a fallu, d'une certaine façon, nationaliser toute la production et veiller au partage des ressources.
C'est le "socialistes" A. Thomas qui en fut chargé.
Il est assez curieux, d'ailleurs, de remarquer que dans les périodes de crise on ne s'effarouche pas d'un peu de dirigisme
Toutes ces aspects du conflit ont été trés étudiés et les énormes profits de guerre ont fait l'objet de nombreuses analyses.
Ces travaux, malheureusement, ne sont pas "grand public", on se demande bien pourquoi!
Cordialement CC

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : jeu. sept. 30, 2010 10:53 am
par IM Louis Jean
Bonjour à toutes et à tous,
Toutes ces aspects du conflit ont été trés étudiés et les énormes profits de guerre ont fait l'objet de nombreuses analyses.
Ces travaux, malheureusement, ne sont pas "grand public", on se demande bien pourquoi!
Cordialement CC
Ils le sont!
François Bouloc, cité avec d'autres auteurs par P. Mercadal :jap: , a publié en 2008 un livre dont la matière est issue des recherches effectuées pour sa thèse soutenue en 2006.
Sur ce livre lire la critique fouillée de Pierre Chancerel http://www.nonfiction.fr/article-1788-p ... alites.htm.

Pour mettre un peu de contexte :
<< On sait moins que la Première Guerre mondiale fut un temps d’innovations fiscales au nom de la solidarité. L’impôt sur le revenu en faveur duquel Joseph Caillaux plaidait depuis longtemps fut adopté le 31 juillet 1917, cependant que le gouvernement d’Aristide Briand imaginait une contribution provisoire sur les bénéfices exceptionnels ou complémentaires en temps de guerre, le 1er juillet 1916. En l’espèce, seul était pris en compte le montant du profit : l’État entendait supprimer ou réduire le hiatus entre le bonheur privé de certains foyers et le malheur public. La contribution extraordinaire représenta jusqu’à 15 % des recettes budgétaires de la France, en 1920-1921. Les "profiteurs de guerre" ne furent donc pas oubliés au profit de quelques lampistes, contrairement à une conviction très répandue dans l’opinion publique des années 1920-1930 . Les difficultés du recouvrement des contributions alimentèrent en effet l’idée d’une "impunité des riches" qui n’apparaît guère fondée à l’examen des archives.>> http://www.betapolitique.fr/Comptes-reg ... entreprise Cité pour les dates et les chiffres, sans jugement de valeur.

Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir


Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : jeu. sept. 30, 2010 1:37 pm
par chanteloube
Bonjour,
Je suis, encore une fois, d'accord avec P.Mercadal......il faut faire l'effort de sortir des sentiers rebattus et des idées reçues
Quand je dis "grand public" je pense tout public...et publicité des ouvrages publiés peu fréquente dans les médias.
D'ailleurs tous les travaux auxquels je fais allusion sont issus de la recherche universitaire (que l'on vilipende -parfois à juste titre, souvent à tort- sur ce forum). Ici, nous sommes des passionnés donc pas exactement ce que l'on désigne habituellement par les termes "grand public".
Demandons un peu qui de nous a lu les travaux de Bouloc (qui est loin d'être le seul à avoir travaillé cette question et n’a pas épuisé la question ) et qui était à son jury de thèse ?

Par ailleurs, pour répondre à ce paragraphe contre lequel je m'élève absolument:

<< On sait moins que la Première Guerre mondiale fut un temps d’innovations fiscales au nom de la solidarité. L’impôt sur le revenu en faveur duquel Joseph Caillaux plaidait depuis longtemps fut adopté le 31 juillet 1917, cependant que le gouvernement d’Aristide Briand imaginait une contribution provisoire sur les bénéfices exceptionnels ou complémentaires en temps de guerre, le 1er juillet 1916. En l’espèce, seul était pris en compte le montant du profit : l’État entendait supprimer ou réduire le hiatus entre le bonheur privé de certains foyers et le malheur public. La contribution extraordinaire représenta jusqu’à 15 % des recettes budgétaires de la France, en 1920-1921. Les "profiteurs de guerre" ne furent donc pas oubliés au profit de quelques lampistes, contrairement à une conviction très répandue dans l’opinion publique des années 1920-1930 . Les difficultés du recouvrement des contributions alimentèrent en effet l’idée d’une "impunité des riches" qui n’apparaît guère fondée à l’examen des archives>>
parce que son auteur mélange habilement tout et rien:
par exemple "La contribution extraordinaire représenta jusqu’à 15 % des recettes budgétaires de la France" n'a rien à voir avec les profits de guerre.... chacun le comprend, et affirme: que "la Première Guerre mondiale fut un temps d’innovations fiscales au nom de la solidarité" ce qui est démenti par les faits.
Les Archives "de la commission Rothschild" qui a enquêté sur le sujet après le conflit montrent que de moratoire en moratoire et de dévaluation en dévaluation les profits de guerre n'ont pas été taxés à leur vraie valeur et que les milliers de petites gens qui avaient « confié » leur or à la France ont été spoliés, contrairement aux entreprises qui avaient immédiatement investi ( et c’est tout à fait normal et logique dans l’optique des chefs de ces entreprises) en locaux et en machines outils (lesquelles machines avaient été trés souvent payées par des subventions exceptionnelles jamais prises en compte en tant que profits)
Pour les curieux...je renvoie aux différents n° du "journal officiel" qui ont suivi l'armistice..ils sont instructifs...Pour les trés curieux je renvoie aux archives A Thomas et aux ouvrages qui lui ont été consacrés.
Cordialement.
CC

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : jeu. sept. 30, 2010 3:39 pm
par Jean RIOTTE
Bonjour,
Merci à tous pour ces ouvertures et directions de recherche sur un aspect de ce conflit qui reste tout de même peu connu.
Et toutes mes excuses à Louis Jean pour l'inversion de ses prénoms !
Bien cordialement.
Jean RIOTTE

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : jeu. sept. 30, 2010 9:10 pm
par IM Louis Jean
Bonsoir à toutes et à tous,
Merci à tous pour ces ouvertures et directions de recherche sur un aspect de ce conflit qui reste tout de même peu connu.
Oui et non. Je m'explique, oui le fil s'oriente vers un sujet passionnant, non car il ferme de facto le sujet initial. Pas de récriminations de ma part car en répondant j'ai glissé aussi chef.
Pour en revenir à l'extrait j'ai bien précisé "sans jugement de valeur" car, ignorant le fond du sujet, je ne me permets pas d'émettre des affirmations ni des statistiques sur les forumeurs sans les étayer. J'aurais dû souligner et mettre en gras!

Ouvrir un nouveau fil ou réveiller un ancien peut être? Changer le titre du fil?

Quant à "grand public" versus "tout public" ... la Première Guerre Mondiale intéresse-t'elle le "tout public"??? Quoique les BD et films sur le thème aient du succès.


Cordialement
IM Louis Jean
sesouvenir

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : ven. oct. 01, 2010 7:25 pm
par chanteloube
Bonjour,
Enfin...aprés lecture, instructive par ailleurs mais d'un discours tellement gonflé de satisfaction, pour le sous-intendant Laporte il n'a rien manqué aux Poilus pendant tout le conflit...
"Tout le monde il est bien content de soi"
Nous revoici confronté au problème des sources!

Cordialement.
CC

Re: Le problème de la réunion des ressources nécessaires aux Armées

Publié : sam. oct. 02, 2010 1:57 pm
par pierreth1
Bonjour, ,
Certes autosatisfaction, mais paradoxalement même si ce ne fut pas suffisant il y a quand même de quoi être admiratif. donc en dehors du coté plaidyer prodom, les chiffres fournis, même si ils peuvent avoir été exagérés sont remarquables!
Cet effort logistique est énorme que ce soit sur le plan financier pour les achats (y compris à l'étranger) sur le plan production alors que nombre de bras manquent du fait de la mobilisation, notamment dans les fermes ou sur le plan du transport. Je n'ai pas les chiffres français ( ils sont disponible dans l'ouvrage technique de Marcel Peschaud: "politique et fonctionnement des chemins de fer français pendant la guerre") mais concernant les allemands le nombre de locomotives passe de 28000 à 34000 et les wagons de 600000 à 855000 ce qui fait passer le tonnage de 9 millions de tonnes à 12 ce qui necessite donc plus de conducteurs et chauffeurs de locomotive, plus d'heures de travail dans les triages etc.. donc moins de combattants..
Par ailleurs Les approvisionnements que ce soit pour la vie ou le combat n'étaient certes pas suffisants mais cela dans aucunes des armées en présence tout simplement car l'effort demandé aux nations dépassait leurs capacités et en cela l'intendance ne peut en être tenu pour responsable. Il y eut de profiteurs, des incompétents mais même si cela n'avait pas existé l'amélioration n 'aurait été qu'à la marge.
Le front nécessitait des combattants , la logistique militaire et civile des hommes, les entreprises et l'agriculture des bras et la vie de la nation devait continuer, et les blessés invalides revenus du front créaient eux une charge supplémentaire (non combattants, non producteurs et nécessitant du personnel pour s'en occuper (au lieu de travailler à la production..) c'était tenter de résoudre la quadrature du cercle, le travail des femmes a un peu contribué à améliorer cette situation dans les usines ,mais pour ce qui est des travaux agricoles c'est moins évident car les femmes travaillaient déja aux champs et les enfants aussi, qu'en travaillant plus elles aient pu améliorer un peu la "productivité" (terme à la mode) sans doute mais de façon minime or la France est encore une nation agricole, de plus la réquisition des chevaux pour l'armée obère la capacité de transport civile, et le travail des champs. Cette "imgae d'Epinal" des femmes aux champs en 1914 1918 ne réflète pas la réalité à quelques exeptions près les agricultrices ont toujours participé aux travaux agricoles, (voir les tableaux du 19 siecle type l'angélus, les glanneuses etc..)

Pour donner un ordre d'idée à la fin des années 90 à la logistique d'une division blindée française (lors d'exercices PC en salle) dans le cas de combats de moyenne à forte intensité nous n'avions pas la capacité théorique de répondre aux besoins de nos régiments et tout l'art consistait en fonctions des plans du général commandant à essayer de trouver les impasses sur le ravitaillement les plus judicieuses et les moins "risquées". Et si de nos jours nous sommes satifaits du soutien en opérations extérieure de nos soldats (encore que depuis 30 ans nous devions acheter de notre poche au vieux campeur, ou à USMLC de compléments de paquetage que les armées ne peuvent pas fournir pour des raisons bugétaires) il ne faut pas oublier que la la logistique nationale approvisionne moins de soldats qu'il n'uy en avait dans une seule division d'infanterie et ce avec des moyens incomparables!
Travaillant maintenant dans le privé je vois quotidiennement nos entreprises incapables de respecter des délais de livraisons (dépassements en mois!) et des entreprises de livraisons informatisées envoyer dans de mauvaises direction des chargements, les perdre, ce qui fait perdre d'ailleurs accessoirement des marchés à ma société...
Donc au vu de mes expériences professionnelles je suis admiratif de ce qu'ont pu réaliser les nations en guerre, cela a demandé a la population des efforts d'adaptation inouis, aux dirigeants politiques et entrepreneurs de même (évidemment lesentrepreneurs en ont tirés des profits), cela ne retire rien aux mérites et au courage des soldats combattants qui souffraient dans les tranchées, mais ils n'ont pu tenir que parce que l'arrière a tenu et a réussi à leur fournir en quantités a peu près suffisantes ce dont ils avaient besoin, ce qui ne fut pas le cas (notamment à cause du blocus) de leurs adversaires chez qui les rationnements sont apparus rapidement.
Cordialement
Pierre