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Re: Décret du 9 août 1911

Publié : ven. août 06, 2010 9:07 pm
par Arnaud Carobbi
Bonjour à tous,

Malgré de longues recherches, je n'arrive pas à mettre la main sur le décret du 9 août 1911. Ce décret est relatif au règle d'affectation des classes. Evidemment, je me suis jeté sur Gallica... où l'année 1911 (comme l'année 1915 !) n'est pas disponible !
Quelqu'un aurait-il ledit décret sous la main ? Ou un autre moyen de trouver ces textes ?
En désespoir de cause, j'irai faire un tour dans les journaux...
Bien cordialement,
Arnaud

NB : édition pour modifier le titre du sujet maintenant que le texte est trouvé et disponible dans une réponse.

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : ven. août 06, 2010 11:05 pm
par Stephan @gosto
Bonsoir Arnaud,

En allant farfouiller dans les diverses publications de l'armée tu devrais, au moins, trouver quelques échos sur ce décret. Par exemple, ici :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5 ... .f8.langFR

Bonne soirée.

Stéphan

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : ven. août 06, 2010 11:15 pm
par Arnaud Carobbi
Bonsoir Stépha,

Tu as de l'humour quand tu écris "Bonne soirée". tu sais à quoi je vais la passer ! :lol: :bounce: Et grâce à toi qui plus est !!!
Merci beaucoup pour cette piste.
Edition : c'est exactement ce qui m'intéresse ! Bien joué Stéphan. Cela devrait répondre à la question, "pourquoi certains hommes étaient-ils envoyés loin de chez eux pour faire leur service militaire alors que d'autres allaient au régiment le plus proche ?".
Amitiés,
Arnaud

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : lun. août 09, 2010 4:09 pm
par garigliano1
bonjour
J'étais également intéressé par ce texte.
Ce matin , aux Archives Municipales, on m'a fait une photocopie du JO du 10/08/1911 . On peut y lire le rapport du ministre Messimy et le décret du président . Je peux le scanner et vous l'adresser.

cordialement
yves

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : lun. août 09, 2010 10:19 pm
par chanteloube
Bonsoir Arnaud, bonsoir Garigliano1
Je vois, Arnaud, que tu occupes bien tes vacances!
A la volée, entre deux déplacements,
la réponse à la question:
"pourquoi certains hommes étaient-ils envoyés loin de chez eux pour faire leur service militaire alors que d'autres allaient au régiment le plus proche ?".

se trouve sérieusement évoquée par Philippe Boulanger dans "La France devant la conscription" (un texte issu de sa thèse de doctorat Paris IV ) une publication conjointe 2001 de la CHFM et ISC

si ce n'est pas abuser, Garigliano1, je vous en serais reconnaissant de m'envoyer aussi une copie du rapport Messimy. Merci

bien cordialement
CC

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : lun. août 09, 2010 10:35 pm
par Arnaud Carobbi
Bonsoir à tous,

Un immense merci à Yves qui m'a envoyé le texte tant recherché. :jap:
Et maintenant, pour tout le monde, le fameux texte, saisi ! :bounce:
Claude, merci pour la référence, je commande !

Bonne lecture,
Amitiés,
Arnaud
Ministère de la guerre.

RAPPORT
AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Paris, le 9 août 1911.

Monsieur le Président,

Le caractère fondamental de la loi du 21 mars 1905 réside dans l'égalité du service imposé à tout jeune homme apte à entrer dans l'armée.
Ce principe d'égalité avait été conservé avec soin jusque dans les détails d'application de la loi : c'est ainsi que, en vue d'exclure toute disposition arbitraire, mes prédécesseurs avaient adopté, pour l'incorporation des jeunes soldats, la règle de l'ordre chronologique de naissance ; les jeunes gens les plus âgés étant envoyés dans les garnisons les plus éloignées ; il ne devait être fait exception que pour certains jeunes gens présentant une situation d'un intérêt particulier, soit au point de vue social (mariés, veufs avec enfants, soutiens de famille, jeunes gens ayant un frère sous les drapeaux), soit au point de vue militaire (titulaires du brevet d'aptitude militaire, spécialistes de professions nécessaires aux besoins de l'armée).
ce mode de répartition était basé sur des considérations de vigueur physique, puisqu'il avait pour résultat d'envoyer les hommes les plus âgés, en général plus robustes, dans les garnisons à climat extrême. Malgré l'excellence de son principe, il a pourtant donné lieu dans l'application à certaines objections, et nombre de bons esprits ont trouvé choquant, que, par droit de naissance, les plus jeunes de nos conscrits eussent seuls 1e privilège de rester à proximité de leur famille.
Sans revenir au tirage au sort des conscrits, écarté par le législateur de 1905, il semble néanmoins désirable que le hasard intervienne seul désormais dans la répartition des jeunes soldats entre les garnisons ; c'est dans cet ordre d'idées que j'ai fait étudier un régime donnant sur ce point satisfaction au sentiment égalitaire de la nation.
Mais des critiques plus graves ont été apportées à nos procédés actuels en matière d'affectation des jeunes soldats ; j'estime, pour ma part, qu'elles sont fondées et qu'il importe de couper court à des errements qui, timidement apparus à la naissance du service à court terme, n'ont pas tardé à dégénérer en abus intolérables.
La coutume, en effet, s'est introduite de solliciter des affectations de faveur pour des jeunes gens n'y ayant aucun droit par situation de famille, ne s'en étant rendus dignes par aucun effort personnel, mais qui ont su ou pu faire valoir à propos leurs convenances ou leurs intérêts.
Grandissant chaque année, le nombre des affectations spéciales n'a pas tardé à provoquer le trouble dans les opérations du recrutement ; les bénéficiaires de ces faveurs se concentrent dans certains régiments aux garnisons privilégiées, par contre les régiments stationnés aux frontières restent toujours exposés à voir leurs effectifs tomber au-dessous des fixations. Si l'on cherche à établir un nivellement après l'incorporation en opérant des prélèvements sur les garnisons hypertrophiées, cette mesure de fortune, regrettable en soi, pèse toujours sur des jeunes soldats, dont l'affectation première ayant été effectuée en toute équité et conformément à la règle.
Un autre inconvénient, non moins grave de cet usage, c'est qu'il a pour effet de mettre sur le même pied, les pupilles des S. A. G., pourvus du brevet d'instruction militaire, intéressante catégorie dont on ne saurait trop favoriser le développement, et à qui, en conséquence, on avait cru devoir octroyer le privilège envié du choix du régiment et des jeunes gens dont le plus grand, sinon le seul mérite, est de pouvoir se targuer de relations influentes.
La conséquence, c'est le nombre de jeunes gens que leur instruction et leur éducation devraient appeler à rechercher une instruction militaire préparatoire et qui trouveraient ainsi dans le choix de leur affectation la récompense de leur léger effort, se dérobent devant cet effort, confiants dans leurs appuis pour obtenir un résultat équivalent.
Non seulement, les sociétés de préparation militaire perdent de la sorte des éléments excellents, mais leurs élèves se découragent de voir ce qu'ils considèrent à juste titre comme la récompense de leur travail attribuée à d'autres qui n'y ont aucun droit ; et l'opinion s'accrédite chaque jour que pour obtenir le régiment de son choix, il n'est pas nécessaire de le mériter par un travail et une préparation, mais qu'il suffit de s'attirer l'intérêt d'une personnalité osant s'adresser directement en haut lieu.
Aussi, dans un récent discours prononcé à Caen, M. Cazalet, président de l'union des sociétés de gymnastique de France, m'adressait-il les paroles suivantes :
"Vous me pardonnerez si j'exprime avec netteté et sans aucun détour la douloureuse surprise que provoque la fréquence souvent injustifiable des affectations spéciales.
"Nous pensons tous que les affectations spéciales font perdre des milliers d'élèves à nos sociétés. Pourquoi, en effet, faire l'effort d'un travail soutenu pendant plusieurs années pour parvenir au brevet militaire, puisque l'on peut, par une simple faveur, arriver par un détour au même résultat ?
"Le breveté met en dessus de tous les avantages le choix du régiment ; que dirons-nous à nos jeunes gens pour les exciter au travail et provoquer leur émulation, si d'autres, qui ne se sont pas préparés et qui ne se sont pas souciés de suivre nos enseignements, sont affectés à un titre que l'on qualifie d'exceptionnel et qui n'en est que plus fâcheux dans une démocratie au même corps qu'eux-même ?
"La faveur n'est acceptable que lorsqu'elle est méritée et assise sur une base noble comme celle du mérite, comme celle du travail. Si elle a un autre caractère, elle froisse le sentiment de justice ?"
De son côté, M. Adolphe Chéron, président des sociétés de préparation militaire de France, m'a adressé également les doléances des présidents de ces sociétés.
Dans le but de remédier à cette situation, j'ai fait préparer un décret aux termes duquel les règles d'affectation des jeunes soldats, jusqu'ici fixées par de simples instructions ministérielles, prendront u caractère impératif défini par un acte public ; en vertu de cet acte, toute affectation nominative, en dehors de celles résultant de situations spéciales dûment fixées, sera à l'avenir formellement interdite. Le hasard, résultant du tirage au sort annuel d'une lettre initiale, interviendra seul pour régler la répartition des hommes figurant sur les listes subdivisionnaires.
Si vous approuvez les conclusions de ce présent rapport, j'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien revêtir de votre signature le décret ci-joint.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon respectueux dévouement.
Le ministre de la guerre,
Messimy

Le président de la République française,
Sur le rapport du ministre de la guerre,
Vu la loi du 24 juillet 1873, article 5, sur l'organisation générale de l'armée ;
Vu la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de l'armée, et notamment l'article 35,

Décrète :
Art. 1er. - Chaque année, un arrêté ministériel répartit, entre les divers corps de troupes, le contingent à incorporer. Cet arrêté énumère, pour chaque subdivision de région, les corps de troupe auxquels doivent être affectés les jeunes gens domiciliés dans ladite subdivision et détermine le nombre d'hommes que celle-ci doit verser dans chacun de ces corps.
Art. 2. - Les commandants de recrutement sont tenus de procéder, pour chaque subdivision, à l'affectation dans les corps de troupes énumérés comme il est dit ci-dessus, des jeunes gens domiciliés dans ladite subdivision.
L'affectation est faite par eux dans chaque arme ou service, en tenant compte de l'aptitude physique de chacun des jeunes gens, de sa profession et des conditions particulières exigées par les règlements militaires pour l'admission dans les diverses armes ou services.
La répartition des jeunes soldats entre les corps de troupes est faite d'après une liste de répartition établie dans chaque subdivision de région ainsi qu'il suit :
Toutes les listes de recrutement d'une même subdivision de région sont fusionnées dans une liste unique établie dans l'ordre alphabétique et commençant par une lettre, désignée par le tirage au sort et indiquée tous les ans par l'arrêté ministériel visé à l'article 1er du présent décret.
Le tirage au sort a lieu au ministère de la guerre par les soins du chef d'état-major de l'armée en présence des sous-chefs d'état-major de l'armée.
Les premiers inscrits de chaque arme ou service sur la liste ainsi établie et dénommée liste de répartition sont envoyés dans les corps de troupes les plus éloignés.
Les commandants de recrutement font les désignations en opérant pour l'ensemble de leur subdivision sans distinction de canton.
Art. 3. - Par dérogation aux règles établies dans l'article précédent, peuvent être envoyés dans des corps de troupes autres que ceux désignés pour la subdivision de région dans laquelle ils sont domiciliés ou que ceux auxquels ils seraient affectés en raison de leur classement sur la liste de répartition prévue à l'article 2 du présent décret, les hommes appartenant aux catégories suivantes :
1° Les hommes mariés ou veufs avec enfants ;
2° Les hommes ayant un frère en service ;
3° Les hommes titulaires du brevet d'aptitude militaire institué par la loi du 8 avril 1903 ;
4° Les soutiens indispensables de famille dans la limite des corps de troupes ou services que le bureau de recrutement dont ils relèvent est appelé à fournir ;
5° Les hommes résidant à l'étranger, aux colonies ou dans les pays de protectorat ;
6° Les hommes exerçant une profession présentant pour les besoins de l'armée une utilité particulière.
Art. 4. - La nomenclature des professions visées à l'article 3, paragraphe 6e, est fixé par l'arrêté ministériel prévu à l'article 1er du présent décret ainsi que le nombre des emplois de chacune de ces professions à pourvoir dans les différentes armes.
Cette nomenclature comprends deux groupes.
Dans le premier groupe sont rangées les professions (tailleurs, cordonniers, maréchaux ferrants et autres professions de même ordre) à raison desquelles ceux qui les exercent peuvent être répartis dans les corps de troupes ou services, que le bureau de recrutement dont ils relèvent est appelé à fournir, au moyen d'une affectation spéciale par les communautés de recrutement, en suivant l'ordre d'inscription sur la liste de répartition, ainsi qu'il est dit à l'article 2.
Dans le second groupe figure certaines professions constituant des spécialités d'ordre technique ou industriel (électriciens, mécaniciens, employés de chemin de fer et des lignes télégraphiques et autres professions spécialisées).
Il est pourvu aux emplois du 2e groupe au moyen de listes d'affectations nominatives qui sont dressées par le ministre de la guerre et notifiées aux commandants de recrutement en même temps que l'arrêté de répartition.
En dehors du cas visé au précédent paragraphe aucune affectation spéciale ne peut être faite par le ministre de la guerre.
Art. 5. - Des instructions ministérielles fixent :
1° Les conditions dans lesquelles peuvent recevoir une affectation spéciale les jeunes gens appartenant aux catégories énoncées à l'article 3 ;
2° Les règles d'affectation des jeunes gens omis, de ceux qui sont nés de parents étrangers et de ceux qui ont des antécédents judiciaires.
Art. 6. - Le ministre de la guerre est chargé de l'exécution du présent décret.
Fait à Rambouillet, le 9 août 1911.

A. FALLIERES.

Par le Président de la République ;
Le ministre de la guerre,
MESSIMY.

Re: Décret du 9 août 1911

Publié : mar. août 10, 2010 1:38 pm
par chanteloube
Bonjour à tous,
Merci Garigliano1, merci Arnaud.
Ce texte, comme nous le savons tous, nous aide à comprendre comment un texte législatif, quel qu'il soit, peut être vidé de son sens et privé d'efficacité par les modes d'application, lorsqu'il dérange un peu. Je "crois" que cela est toujours valable.
Cordialement à tous
CC