Vauquois Marius Roussel
Le Démocrate de Seine-et-Marne : journal de l'arrondissement de Coulommiers : politique, administratif, judiciaire, agricole, industriel, commercial, littéraire et d'annonces légales
Edition du 25 octobre 1924.
Site Gallica de la BNF
Pour un Monument aux Morts de Vauquois
Sur Vauquois, la butte crevée de mines et de trous d’obus, boursouffiée, ravinée, ridée par des milliers d’explosions, un monument doit être élevé. Ce monument doit évoquer l’héroïsme de ceux qui, malgré la défense opiniâtre de l’ennemi, ont mis le pied sur le faîte de cette colline, l’ont gardée, sont morts sur ses flancs, sont enfouis dans ses entrailles. Vauquois dominant l’Argonne et la forêt de Hesse servait a l’ennemi, en 1914, pour épier nos mouvements et faire canonner nos formations. Pour lui enlever cet avantage, plusieurs assauts furent tentés en octobre 1914. Le 28 octobre par un bataillon du 46e et du 331e, pendant qu’un bataillon du 89e attaquait sur Boureuilles. Reprises les 29 et 30, nos attaques n'obtiennent qu’un faible résultat, mais le 31 octobre, on s’établissait solidement a la Cigalerie, a ia Hardonnerie et sur les pentes sud de Vauquois, nous donnant ainsi une base de départ pour les attaques futures. Une nouvelle tentative fut faite le 9 décembre par le 131e, mais eile ne donna aucun résultat. Il était réservé à la 10e division de s’en emparer définitivement. Le 17 février 1915, après une préparation d’artillerie qui dure deux heures, le 31e tente l'escalade de Vauquois. Toutes ses compagnies ne peuvent franchir les parapets. Le 76e, à gauche, part lui aussi de magnifique façon, essayant d'emporter Vauquois par l'ouest, mais les Allemands, par la mitrailleuse et l’obus, nous causent de très grosses pertes ; pourtant Vauquois est atteint par quelques fractions, mais elles sont obligées, sous la rafale d’obus de Montfaucon et d’Argonne, de battre en retraite et s’accrochent à mi- pente de ia colline. Le 28 février, l’attaque est menée par la 19e brigade, par régiments accolés, soit deux bataillons du 46e et deux bataillons du 89e qui s'élancent à nouveau sur la butte. Une préparation d’artillerie qui dure quatre heures leur facilite cette escalade. Ils descendent de nombreux prisonniers, mais à la nuit, pris de nouveau sous un feu intense, privés de la plupart de leurs chefs, ces vaillants bataillons sont encore une lois obligés de revenir à leurs tranchées de départ. Le lendemain 1er mars, l’attaque est reprise par la 10e division toute entière. Quatre heures durant, notre artillerie pilonne encore ce sommet que nous voulons gagner et le 31e entier, secondé par un bataillon du 46e et un bataillon du 89e, franchissent les parapets et s’élancent sur les flancs de la colline. Le 76e, en réserve immédiate, se tenait prêt à les appuyer. Les mitrailleuses et les pièces d'artillerie allemandes déclanchent un feu de barrage inouï. Le spectacle est à la fois grandiose et affreux : le courage déployé par nos fantassins, magnifique. Le général Valdant, commandant la 10e division, et qui, de son poste d'observation en plein air, est témoin de l’héroïsme des troupes d’assaut, se découvre et dit aux officiers qui l'entourent : « Saluez, Messieurs, ce sont des héros qui montent au sacrifice ». Et rien ne les arrête. Ils sautent dans les tranchées ennemies et commencent la lutte au fusil et à la baïonnette. L'hécatombe continue. Ils se battent de cave en cave. C'est une lutte de démons dans une atmosphere d’enfer qui dure pendant près de quatre jours. L’ennemi, en effet, déclanche des contre attaques de jour et de nuit. Il y emploie 14 unités, mais nos compagnies d’assaut, réduites de moitié, ont été mises en réserve et le 42e d’intanterie coloniale, le 76e et le 313e, mis à la disposition du général commandant la 10e D. I., tiennent tête à ces contre-attaques et même élargissent le terrain conquis. Aucun récit ne peut donner une idée de ce que fut la lutte pour cette position. Il faut l’avoir vécue pour se rappeler le cauchemar perpétuel que fut l’attaque et que demeure son souvenir. Les deux artilleries tonnaient, le 210 était mêlé au 77.
Notre artillerie, aussi, joue son rôle. L’artillerie de campagne de la 10e division, le vaillant 13 de Vincennes, porte ses pièces sur la ligne de feu et cloue sur place, à plusieurs reprises, des contre-attaques ennemies. De son côté, le génie de la 10e division, compagnies 5/1 et 5/3, marchent a lassaut avec l’infanterie et lui donnent un appui de tous les jours qu’on ne peut oublier. Gagner Vauquois avait été meurtrier. Le garder le fut peut-être davantage. C’était un crapouillotage continu : grenades, torpilles éclataient sans trêve, percutants et fusants arrosaient sans relâche. La terre était percée de mines et à leurs éclatements se joignaient les liquides enflammés. Ceux qui ont vécu cet enfer, qui savent combien de morts cette butte nous a coûté, veulent que le sacrifice de leurs camarades soit magnifié. Un des leurs, le sculpteur Marius Roussel, a conçu un chef-d’œuvre. L’Association des Anciens Combattants du Ve C.A., œuvre de guerre n° 2583, a formé un comité d’exécution ; le général Valdant, ancien commandant de la 10e D.I., le préside. Il faut que le courage des morts soit rappelé. Il faut que ce monument soit élevé par les dons de ceux qui se souviennent. Nous faisons appel à tous les Français. Le Comité.
La maquette du monument est exposé aux établissements Blanchet et Lachart, 12, avenue de l'Opéra. Les souscriptions sont reçues chez le camarade Grolleau, trésorier, à Chanteloup, par Andrésy (Seine-et-Marne) : chèque postal 612-79