La Grand Guerre du cardinal Gerlier
Publié : lun. mai 12, 2025 2:41 pm
Bonjour,
Je profite de l'actualité papale pour proposer un coup d'œil sur un prince de l'Église.
Il s'agit de Pierre Gerlier (1880-1965), cardinal archevêque de Lyon et primat des Gaules. Ce haut dignitaire du clergé a laissé un renom légèrement écorné par son attitude au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il lui a été reproché son soutien affiché au maréchalisme, bien qu'il ait par ailleurs couvert des réseaux de mise à l'abri d'enfants juifs, action qui lui a valu le titre de Juste parmi les nations à titre posthume.
Pierre Paul Marie Gerlier est né le 14 janvier 1880 à Versailles. Il appartient donc pleinement à la génération des anciens combattants de la Grande Guerre. Pour cerner sa participation à celle-ci, on dispose d'un certain nombre de documents indirects.
Il ne faut pas trop se fier à sa notice Wikipedia qui lui attribue indûment un grade d'officier pendant la guerre.
Sa fiche matricule aurait été une précieuse source de référence. Le souci est que cette pièce ne se trouve ni à Paris, ni aux AD 78 ni à celles de la Gironde où sont celles de ses deux frères aînés. En son absence, ont doit se passer d'un certain nombre d'informations utiles. Il est malgré tout possible de préciser son parcours.
Le dossier de Légion d'honneur du cardinal consultable sur Leonore https://www.leonore.archives-nationales ... ice/160918 contient une feuille de renseignement de 1935 préalable à sa nomination dans l'ordre. Elle indique que Mgr Gerlier a été mobilisé le 2 août 1914, blessé et fait prisonnier le 16 septembre suivant, et interné en Suisse le 23 septembre 1917. Il est par ailleurs titulaire de la Croix de Guerre 1914-18 avec une citation.
Par la suite, un mémoire de proposition pour le grade d'officier de la Légion d'honneur le crédite en 1954, outre la Croix de Guerre, de la Médaille militaire. L'attribution de celle-ci serait donc intervenue entre 1935 et 1954, certainement au titre des anciens combattants (et sans doute des bonnes relations protocolaires entre l'Église et de l'État).
Pour approfondir ces éléments, on peut notamment s'en remettre aux bons offices d'un journal régional, Le Bon sens pyrénéen (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5 ... rk=64378;0), qui brosse la biographie du chanoine Gerlier à l'occasion de sa nomination comme évêque de Tarbes et de Lourdes en 1929. On y trouve une narration relativement détaillée de sa guerre de Quatorze :
Le JMO du 104e RI https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 91d192ce45 (vue 10 de la numérisation) ne livre qu'un récit succinct du combat de la ferme Mériquin, où deux de ses bataillons sont engagés :
La captivité de l'adjudant Gerlier est documentée par plusieurs fiches et listes du CICR :
https://grandeguerre.icrc.org/fr/File/S ... r%20pierre
Il semble avoir séjourné dans différents lieux de détention. Cologne n'est pas sur la liste mais c'était peut-être son point de chute initial au début de sa captivité, avant qu'il ne soit enregistré par la Croix Rouge.
De janvier à juillet 1915, il est répertorié sur les listes de prisonniers français pensionnaires des hôpitaux de réserve de Celle (Basse-Saxe). Il est soigné au Josephstift pour "fusschuss" (ce que je crois pouvoir traduire par blessure au pied).
En septembre suivant, il est toujours sur la "lazarett listen" à Celle avec la mention "scheuen" : convalescent ?
Un rétablissement long, donc, mais sans doute sans séquelle critique dans la mesure où les photographies ultérieures de son long ministère de prélat montrent qu'il se déplaçait sans utiliser de canne.
En avril 1916, l'adjudant Gerlier est détenu à Mannheim (Bade-Wurtemberg).
Il apparaît ensuite sur une liste de captifs transférés avant le 13 mai 1916 de Mannheim au camp de Tauberbischofsheim (Bade-Wurtemberg).
En janvier 1917, il séjourne à Zerbst (Saxe-Anhalt) venant de Rastatt.
C'est depuis Zerbst que Pierre Gerlier est transféré en Suisse en septembre 1917, au motif semble-t-il de "grande faiblesse générale". Il est finalement rapatrié en France depuis Fribourg le 24 juillet 1918.
Certes méritante, l'expérience combattante du futur cardinal a donc été moins marquée par l'épreuve du feu que par celle de la captivité. Sa courte campagne de guerre s'est conclue par une blessure au combat et une capture au bout six semaines. S'ensuivit une longue détention abrégée par un rapatriement sanitaire peu avant la fin de la guerre. En cela il est le représentant de marque du demi-million de militaires français qui partagèrent cette destinée captive.
Pour compléter pleinement ce tableau, il faudrait mettre la main sur sa fiche matricule, et éventuellement sa décoration de la Médaille militaire avec son motif d'attribution.
Cordialement
Je profite de l'actualité papale pour proposer un coup d'œil sur un prince de l'Église.
Il s'agit de Pierre Gerlier (1880-1965), cardinal archevêque de Lyon et primat des Gaules. Ce haut dignitaire du clergé a laissé un renom légèrement écorné par son attitude au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il lui a été reproché son soutien affiché au maréchalisme, bien qu'il ait par ailleurs couvert des réseaux de mise à l'abri d'enfants juifs, action qui lui a valu le titre de Juste parmi les nations à titre posthume.
Pierre Paul Marie Gerlier est né le 14 janvier 1880 à Versailles. Il appartient donc pleinement à la génération des anciens combattants de la Grande Guerre. Pour cerner sa participation à celle-ci, on dispose d'un certain nombre de documents indirects.
Il ne faut pas trop se fier à sa notice Wikipedia qui lui attribue indûment un grade d'officier pendant la guerre.
Sa fiche matricule aurait été une précieuse source de référence. Le souci est que cette pièce ne se trouve ni à Paris, ni aux AD 78 ni à celles de la Gironde où sont celles de ses deux frères aînés. En son absence, ont doit se passer d'un certain nombre d'informations utiles. Il est malgré tout possible de préciser son parcours.
Le dossier de Légion d'honneur du cardinal consultable sur Leonore https://www.leonore.archives-nationales ... ice/160918 contient une feuille de renseignement de 1935 préalable à sa nomination dans l'ordre. Elle indique que Mgr Gerlier a été mobilisé le 2 août 1914, blessé et fait prisonnier le 16 septembre suivant, et interné en Suisse le 23 septembre 1917. Il est par ailleurs titulaire de la Croix de Guerre 1914-18 avec une citation.
Par la suite, un mémoire de proposition pour le grade d'officier de la Légion d'honneur le crédite en 1954, outre la Croix de Guerre, de la Médaille militaire. L'attribution de celle-ci serait donc intervenue entre 1935 et 1954, certainement au titre des anciens combattants (et sans doute des bonnes relations protocolaires entre l'Église et de l'État).
Pour approfondir ces éléments, on peut notamment s'en remettre aux bons offices d'un journal régional, Le Bon sens pyrénéen (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bd6t5 ... rk=64378;0), qui brosse la biographie du chanoine Gerlier à l'occasion de sa nomination comme évêque de Tarbes et de Lourdes en 1929. On y trouve une narration relativement détaillée de sa guerre de Quatorze :
Il fut mobilisé dès le début de la grande guerre. Adjudant au 104e régiment d'infanterie, il combat dans la Meuse, est blessé à la bataille de la Marne et fait prisonnier le 16 septembre 1914, puis emmené en captivité à Cologne. Le 23 septembre 1917, il sera interné en Suisse, et plus tard rapatrié. Reproduisons la citation à l'ordre du jour du régiment, qui a mérité à Mgr Gerlier la croix de guerre :
Sous-officier d'un très bel exemple, et qui a fait preuve, au feu, des plus belles qualités militaires. A été grièvement blessé au combat de la ferme du Mériguin, le 16 septembre 1914.
Démobilisé le 1er mars 1919, Mgr Gerlier rentrait au séminaire pour terminer ses études de théologie.
Le JMO du 104e RI https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 91d192ce45 (vue 10 de la numérisation) ne livre qu'un récit succinct du combat de la ferme Mériquin, où deux de ses bataillons sont engagés :
(la citation attribuée au chef de bataillon Forcinal reproduit presque mot à mot cette évocation : à se demander qui a copié qui ! Voir son dossier Leonore : https://www.leonore.archives-nationales ... ce/144871))Les 1er et 2e Btns résistent huit heures durant à la ferme Mériquin où ils sont attaqués par des forces ennemies quatre fois supérieures. Malgré l'énergie farouche déployée par le Cdt Forcinal, qui commande les troupes, la ferme doit être abandonnée et les 1er et 2e Btns vont cantonner le soir à Bellefontaine.
Le Cdt Forcinal, grièvement blessé, dut être amputé d'une jambe. Il fut cité à l'ordre de l'armée pour sa conduite.
La captivité de l'adjudant Gerlier est documentée par plusieurs fiches et listes du CICR :
https://grandeguerre.icrc.org/fr/File/S ... r%20pierre
Il semble avoir séjourné dans différents lieux de détention. Cologne n'est pas sur la liste mais c'était peut-être son point de chute initial au début de sa captivité, avant qu'il ne soit enregistré par la Croix Rouge.
De janvier à juillet 1915, il est répertorié sur les listes de prisonniers français pensionnaires des hôpitaux de réserve de Celle (Basse-Saxe). Il est soigné au Josephstift pour "fusschuss" (ce que je crois pouvoir traduire par blessure au pied).
En septembre suivant, il est toujours sur la "lazarett listen" à Celle avec la mention "scheuen" : convalescent ?
Un rétablissement long, donc, mais sans doute sans séquelle critique dans la mesure où les photographies ultérieures de son long ministère de prélat montrent qu'il se déplaçait sans utiliser de canne.
En avril 1916, l'adjudant Gerlier est détenu à Mannheim (Bade-Wurtemberg).
Il apparaît ensuite sur une liste de captifs transférés avant le 13 mai 1916 de Mannheim au camp de Tauberbischofsheim (Bade-Wurtemberg).
En janvier 1917, il séjourne à Zerbst (Saxe-Anhalt) venant de Rastatt.
C'est depuis Zerbst que Pierre Gerlier est transféré en Suisse en septembre 1917, au motif semble-t-il de "grande faiblesse générale". Il est finalement rapatrié en France depuis Fribourg le 24 juillet 1918.
Certes méritante, l'expérience combattante du futur cardinal a donc été moins marquée par l'épreuve du feu que par celle de la captivité. Sa courte campagne de guerre s'est conclue par une blessure au combat et une capture au bout six semaines. S'ensuivit une longue détention abrégée par un rapatriement sanitaire peu avant la fin de la guerre. En cela il est le représentant de marque du demi-million de militaires français qui partagèrent cette destinée captive.
Pour compléter pleinement ce tableau, il faudrait mettre la main sur sa fiche matricule, et éventuellement sa décoration de la Médaille militaire avec son motif d'attribution.
Cordialement