Bonjour à tous,
□ Le 12 octobre 1915, le paquebot Sant’Anna, de la Compagnie française de navigation à vapeur (Cy-prien Fabre & Cie), fut réquisitionné par l’autorité maritime à Marseille, son port d’attache. Début Dé-cembre 1915, il fut inscrit en qualité de « croiseur auxiliaire » sur la Liste des bâtiments de la flotte (J.O. 8 déc. 1915, partie « Avis et communications », p. 8.273). Enfin, par un décret du 10 décembre 1915 (J.O. 12 déc. 1915, p. 9.096), fut nommé à son commandement le lieutenant de vaisseau de réser-ve François Joseph PAVY.
Le 12 décembre 1915, prirent passage à Marseille :
• Le colonel Georges René ALEXANDRE et le capitaine DAILLE, qui avaient été chargés le 8 décembre 1915 par le général JOFFRE d’une mission spéciale d’information sur la situation à Salonique et sur le front d’Orient. (1)
René ALEXANDRE fut promu général de brigade le 20 décembre 1917 et fut appelé le 21 août 1918 au commandement de l’artillerie du 5e Corps d’armée.
• Une première fraction du IIIe Groupe de 105 du 111e Régiment d’artillerie lourde (2), soit :
— l’État-major du Groupe (Capitaine Charles Eugène Léon BRION, commandant) ;
— les officiers et les hommes de la 5e Batterie (Capitaine Louis Ferdinand Gustave AGABRIEL, com-mandant. École polytechnique, promotion 1905) (3) ;
— les officiers et les hommes de la 6e Batterie (Capitaine Alexandre Marcel ALLAIN, commandant. École polytechnique, promotion 1907) ;
— les chevaux et les voitures de service, à l’exclusion des canons et des caissons.
Une seconde fraction du IIIe Groupe de 105 du 111e Régiment d'artillerie lourde, constituée par les officiers, les hommes, les chevaux et le matériel de la 4e Batterie (Capitaine Charles Jules Ernest QUINTIN, commandant), embarqua à Marseille le 19 décembre 1915 sur le transport auxiliaire Savoie-II, cargo mixte de la Société générale de transports maritimes à vapeur (S.G.T.M.) réquisitionné à Mar-seille le 24 février 1915. Elle parvint à Salonique le 24 décembre 1915.
Le 15 décembre 1915, vers 10 heures, l’équipage du Sant’Anna aperçut un sous-marin, accompagné d’un cargo, qui se dirigeaient sur le navire. Celui-ci vira rapidement à tribord, puis augmenta de vi-tesse, tandis qu’un ou plusieurs des deux canons de 57 mm italiens ou des quatre canons de 47 mm installés à bord avant le départ ouvraient le feu sur les bâtiments suspects qui disparurent alors rapide-ment. Mais, selon les Mémoires du général René ALEXANDRE publiés après guerre (1), il apparut ulté-rieurement que les deux bâtiments en question battaient pavillon français !
Le Sant’Anna mouilla en rade de Salonique le 18 décembre 1915 au matin. Au retour, prirent passage à son bord 270 orphelins serbes, accompagnés de 13 institutrices, qui débarquèrent à Marseille le 27 décembre 1915. (4)
Peu après, du 20 au 25 janvier 1916, le Sant’Anna assura le transport de Marseille à Salonique de la majeure partie du personnel et du matériel du 2e Groupe de 155 longs (Chef d’escadron Jean Henri LANGLOIS) du 143e Régiment d’artillerie lourde coloniale, constitué à Castres, le 25 décembre 1915. (5) (6)
Finalement, il fut torpillé le 11 mai 1918 au large de la Tunisie par le sous-marin allemand UC-54 (Kapi-tänleutnant Heinrich XXXVII, Prinz REUß zu KÖSTRITZ), à 26 milles à l’Est du cap Bon, par 37° 4’ N. et 11° 36’ E., alors qu’il allait avec des troupes de Marseille à Salonique, via Bizerte.
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(1) • Général R. ALEXANDRE : « Avec Joffre d’Agadir à Verdun. Souvenirs 1911~1916 », Éd. Berger-Levrault, Nancy, 1932, p. 229 à 232.
« CHAPITRE II. ― A SALONIQUE — PREMIÈRE MISSION
Décembre 1915.
« 10 décembre. — En arrivant à Marseille, nous apprenons que le Sant’Anna, le paquebot de la Compa-gnie Cyprien Fabre
qui doit nous mener à Salonique avec un bataillon d’infanterie et le personnel de deux batteries de 105, ne partira que demain dans l’après-midi. Encore doit-il s’arrêter à Toulon pour prendre un supplément de cargaison. Cela fera déjà quarante-huit heures de retard.
« Au cours des démarches administratives que comporte toujours un embarquement, nous faisons la connaissance du capitaine de réserve Bouet, gendre de Sarrail, qu’il a pris dans son cabinet ; il fera route avec nous. Notre conversation roule, naturellement, sur son beau-père. »
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« 12 décembre. — Nous embarquons à 16 heures. Comme la rade de Toulon est fermée la nuit, nous allons faire le bouchon à l’Estaque, pour attendre le lever du jour.
« 13 décembre. — A 8 heures, nous entrons dans la petite rade de Toulon. Rien ne paraît. Sur mes ins-tances, car j’ai hâte de partir, le commandant Japy [Lire : Pavy], commandant le Sant’Anna se décide à envoyer un officier prévenir la marine de notre arrivée. Au bout de quelques heures, un remorqueur nous amène une gabarre portant 35 sacs de pommes de terre et une barrique de vin. C’est pour un tel fret, que l’on eût pu si facilement expédier de Toulon à Marseille par chemin de fer, que le Sant’Anna — 14.000 tonnes — perd vingt-quatre heures représentant pour le moins une dépense de quelques mille francs ! Nous devions également embarquer des canonniers pour servir les deux 57 mm italiens et les quatre 47 mm que l'on nous a généreusement accordés pour nous défendre contre les sous-marins. L’A-mirauté les a tout simplement oubliés. A la dernière minute, on racole dans la cour de la caserne des équipages de la flotte quelques braves mathurins, et l’on nous les expédie, dès qu’ils ont fait leur sac. Inutile de dire qu’ils n'ont jamais vu les canons qu’ils sont appelés à servir et n’ont aucune idée de leur maniement.
« L’Administration de la Marine est une belle chose, surtout en temps de guerre !
« Malgré le mauvais temps, une avarie de machines et la rencontre d’un submersible qui inquiéta fort notre commandant, mais fut reconnu plus tard comme étant de nationalité française, le voyage se fit sans incidents notables. Les sous-marins nous laissèrent tranquilles et ce fut fort heureux, car nos mo-yens de défense étaient illusoires et les passagers si nombreux que leur sauvetage, en cas d’attaque, eût été à peu près impossible. Le 18 au matin, nous pénétrions dans le port de Salonique, par un temps de brume tout à fait septentrional. »
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(2) Journal des marches et opérations du IIIe Groupe de 105 du 111e Régiment d'artillerie lourde, devenu, le 1er mars 1918, le 1er Groupe du 145e Régiment d’artillerie lourde — 11 décembre 1915 ~ 28 février 1918 — : Service historique de la Défense, Cote 26 N 1152/1, p. num. 6.
« Le Groupe a quitté Castres en deux fractions :
1re Fraction : État-major, 5e et 6e Batteries (personnel, hommes, chevaux et voitures de service seu-lement, les canons et les caissons devant être touchés à Salonique) ont été embarqués par chemin de fer le 11 décembre 1915.
12 décembre 1915. ― Arrivée à Marseille ; embarquement sur le Sant’Anna.
13 décembre 1915. ― Départ de Marseille (un homme manque à l’appel, disparu) ; escale à Toulon.
Mardi 14 décembre 1915. ― En mer ; organisation du tir des canons de 47 et 57 mm qui sont à bord.
Mercredi 15 décembre 1915. ― En mer ; grosse mer ; les travées de 5 ou 6 chevaux, insuffisamment résistantes, se rompent ; des chevaux roulent les uns sur les autres ; beaucoup d’accidents se produi-sent, sans qu’il soit possible d’intervenir à temps. Coût : une vingtaine de chevaux perdus à cause de l’aménagement défectueux du bateau (un rapport a été fourni au Quartier général, 1er Bureau).
Vers 10 heures, un sous-marin ennemi, convoyé par un cargo-boat, vient à notre rencontre ; le paque-bot vire à tribord et augmente de vitesse pendant que les canons du bord font feu sur le cargo et le sous-marin qui disparaissent.
Vendredi 17 décembre 1915. ― En mer ; rien de particulier.
Samedi 14 décembre 1915. ― 8 heures, en rade de Salonique. Débarquement. Départ pour le camp de Zeitenlick où le groupe arrive à 19 heures et s’installe au bivouac auprès d’éléments d’artillerie lourde (Commandant Opermann), à proximité d’un campement écossais. [...] »
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(3) Journal des marches et opérations de la 5e Batterie du 111e Régiment d'artillerie lourde, devenu, en Avril 1918, la 2e Batterie du 145e Régiment d’artillerie lourde — 1er octobre 1918 ~ 4 avril 1918 — : Service historique de la Défense, Cote 26 N 1152/6, p. num. 4.
« 11 décembre 1915. ― La Batterie quitte Castres à 8 heures. Elle est dirigée par voie ferrée sur Marseille. Tout le matériel, sauf deux caissons, la forge, la cuisine roulante et les arabas, est laissé à Castres.
12 décembre 1915. ― Arrivée à Marseille à 2 heures.
A 14 heures, la Batterie s’embarque à bord du Sant’Anna à destination de Salonique. Le paquebot quitte le port à 18 heures.
18 décembre 1915. ― Arrivée à Salonique à 10 heures. Le débarquement, commencé à 12 heures, est terminé à 16 heures. La Batterie est dirigée sur le camp de Zeitenlik. »
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(4) Le Temps, n° 19.897, Mardi 28 décembre 1915, p. 4. ~ L’Ouest Éclair — éd. de Caen —, n° 6.041, Mardi 28 décembre 1915, p. 2.
(5) « Historique du 143e Régiment d’artillerie lourde coloniale. 1914~1918. », éd. Bouchet, Toulon, sans date, in-16, 72 p. — Spécialement p. 27.
(6) Journal des marches et opérations du 2e Groupe de 155 longs du 143e Régiment d’artillerie lourde coloniale — 25 janv. 1916 ~ 30 juin 1918 — : Service historique de la Défense, Cote 26 N 1238/3, p. num. 2.
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Le croiseur auxiliaire Sant’Anna à Toulon le 20 septembre 1916
Mât de charge embarquant des caissons hippomobiles acheminés sur des barges
Photographie d’Amédée Alphonse EYWINGER

- SANT'ANNA – Toulon – 26 sept. 1916 – .jpg (276.04 Kio) Consulté 4913 fois
Images Défense
Réf. : SPA 32 E 1426