Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

bltedouard
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Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par bltedouard »

Bonjour à tous,


Je me questionne sur l’origine de la décision de ne pas envahir l’Allemagne, Est-ce que vous savez si Foch ou les alliés avaient un plan d’invasion ?
Est-ce uniquement une histoire d’économie du sang français ou bien des politiciens ont aussi influencé la décision ? Et, est-ce que Clemenceau souvent caricaturé en extrémiste anti-Allemand a eu un rôle à jouer dans cette décision ?

Merci comme toujours de votre bienveillance sous mes sujet :)
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kglbayrRIR2
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par kglbayrRIR2 »

Bonsoir
Après l'armistice de Compiègne du 11 novembre 1918, toutes les troupes allemandes du front occidental durent se replier derrière le Rhin. Les troupes des puissances victorieuses France, Belgique, Grande-Bretagne et États-Unis occupèrent alors les zones allemandes sur la rive gauche du Rhin ainsi que trois têtes de pont d'un diamètre d'environ 30 km (Cologne, Coblence, Mayence). Après 1919, aucune troupe allemande n’était autorisée à s’approcher du Rhin à 50 km.
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Ces dispositions furent confirmées par le traité de Versailles de 1919, mais en même temps l'occupation des territoires allemands fut limitée à 15 ans.
Comme les États-Unis n'ont jamais ratifié le Traité de Versailles, l'occupation a été principalement menée par les troupes françaises, belges et, jusque vers 1920, britanniques.
Du côté allemand, le régime d’occupation était perçu comme très dur.
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Le conflit éclata en 1923 lorsque la France et la Belgique occupèrent également la région de la Ruhr. La raison en était l’accusation selon laquelle l’Allemagne serait en retard dans le paiement des réparations. Cela a ensuite conduit à une grève générale et à des actions de sabotage du côté allemand. Les conséquences furent des mesures drastiques de la part des puissances occupantes et 137 morts du côté allemand. Les événements dans la région de la Ruhr (« Ruhrkampf ») ont contribué de manière significative à la montée du NSDAP, jusqu'alors plutôt insignifiant. Les États-Unis et l'Angleterre désapprouvèrent l'occupation de la région de la Ruhr et firent campagne en 1924 pour la fin de l'occupation et pour une réglementation contractuelle des réparations (plan Dawes).

Pourquoi l’Allemagne n’a-t-elle pas été complètement occupée en 1918 ?

1. Il ne faut pas oublier qu’au même moment une nouvelle grande puissance s’est formée à l’Est (l’Union soviétique). Du point de vue français, il aurait également été déraisonnable d’affaiblir l’Allemagne au point qu’elle ne soit plus en mesure d’opposer aucune résistance à une attaque de l’Union soviétique. On savait aussi que Lénine n’aurait vu la révolution socialiste s’achever que si elle avait eu lieu en Allemagne. (D'ailleurs, la rumeur circule encore aujourd'hui parmi les responsables politiques et militaires allemands selon laquelle, du point de vue de la France, l'Allemagne ne doit pas être assez forte pour pouvoir traverser à nouveau le Rhin, mais en même temps au moins assez forte pour arrêter une offensive hostile de la Russie à l’est du Rhin. Comment est-ce censé fonctionner ??)
2. Après la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne et les États-Unis en particulier se sont prononcés contre une occupation totale de l'Allemagne.

Cordialement
Joseph
.. Les officiers français étaient impuissants. Aucune persuasion n'a aidé, pas même l'avertissement de suivre l'exemple des courageuses troupes bavaroises. ..
Histoire rgtaire du RI Bavarois n°8 : Retraite de Russie (1813); p.380.
bltedouard
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par bltedouard »

Merci pour votre aide.

J'ai bien compris la situation après l'armistice mais ce qui m'intéresse c'est vraiment de savoir si avant le cessez-le-feu du 11 novembre il était prévu de pousser militairement en Allemagne.

De plus, j'ai entendu qu'il y avait des volonté d'éclatement de l'Allemagne et que la France aurait pu inciter à l'indépendance de la Bavière par exemple, est-ce vrai ?
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Yv'
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par Yv' »

Bonjour,

J'ai parcouru rapidement le tome 2 des Mémoires du maréchal Foch, et il en ressort que les Alliés avaient fourni un effort considérable dans les derniers mois de la guerre. De plus, les Allemands on demandé un armistice dès le 6 octobre.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... /f339.item

Cordialement,
Yves
Ingouf
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par Ingouf »

Bonjour,

Quelques éléments concernant l'état d'esprit du côté britannique immédiatement avant la fin du conflit.

Dans un discours en janvier 1918, le Premier Ministre David Lloyd George précise sa politique. Il affirme que les buts de guerre britanniques excluent le démembrement ou l'anéantissement de l'Allemagne.


Photo Wikicommons, libre de droits.
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We may begin by clearing away some misunderstandings and stating what we are not fighting for. We are not fighting a war of aggression against the German people. Their leaders have persuaded them that they are fighting a war of self-defence against a league of rival nations bent on the destruction of Germany. That is not so. The destruction or disruption of Germany or the German people has never been a war aim with us, from the first day of this war to this day. (...)

They have never aimed at the break-up of the German peoples or the disintegration of their state or country. Germany has occupied a great position in the world. It is not our wish or intention to question or destroy that position for the future, but rather to turn her aside from hopes and schemes of military domination, and to see her devote all her strength to the great beneficent tasks of the world. (...)

Nor did we enter this war merely to alter or destroy the imperial constitution of Germany, much as we consider that military, autocratic constitution a dangerous anachronism in the Twentieth Century. Our point of view is that the adoption of a really democratic constitution by Germany would be the most convincing evidence that in her the old spirit of military domination had indeed died in this war, and would make it much easier for us to conclude a broad democratic peace with her. But, after all, that is a question for the German people to decide…


Discours aux syndicats, Londres, 5 janvier 1918, (extrait), texte publié par le New York Times, 6 janvier 1918.


Traduction : Commençons par dissiper certains malentendus et préciser ce pour quoi nous ne nous battons pas. Nous ne menons pas une guerre d'agression contre le peuple allemand. Leurs dirigeants leur ont fait croire qu'ils se défendaient contre une ligue de nations rivales décidées à détruire l'Allemagne. Ce n'est pas le cas. La destruction ou la perturbation de l'Allemagne ou du peuple allemand n'a jamais été notre objectif de guerre, depuis le premier jour de ce conflit jusqu'à ce jour. (...)

Nous n'avons jamais cherché à diviser le peuple allemand ni à désintégrer son État ou son pays. L'Allemagne a occupé une grande place dans le monde. Nous n'avons ni l'intention ni le désir de remettre en cause ou de détruire cette position pour l'avenir, mais plutôt de la détourner de ses espoirs et projets de domination militaire, et de la voir consacrer toutes ses forces au bien commun de l'humanité. (...)

Nous ne sommes pas non plus entrés dans cette guerre simplement pour modifier ou détruire la constitution impériale de l'Allemagne, même si nous considérons cette constitution militaire et autocratique comme un dangereux anachronisme au XXe siècle. Selon notre point de vue, l'adoption par l'Allemagne d'une véritable constitution démocratique serait la preuve la plus convaincante que, chez elle, l'esprit de domination militaire aurait réellement pris fin avec cette guerre, et cela rendrait bien plus facile la conclusion d'une large paix démocratique avec elle. Mais, après tout, il appartient au peuple allemand de trancher sur cette question ...




The Private papers of Douglas Haig, 1914-1919, édition de Robert Blake, Londres 1952.
The Private papers of Douglas Haig, 1914-1919, édition de Robert Blake, Londres 1952.
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Le journal du maréchal Douglas Haig fait état d'une conversation au 10, Downing Street le samedi 19 octobre. En présence de responsables politiques et militaires britanniques, du Premier Ministre Lloyd George, du Conservateur Bonar Law.
La question porte sur les conditions britanniques concernant la demande d'armistice présentée par les Allemands. Une reddition sans conditions est évoquée.
En cas de refus allemand, les Alliés ont-ils les moyens de pousser vigoureusement en avant ? La réponse de Douglas Haig est négative, l'analyse de l'état des armées alliées est très pessimiste.


Traduction : Les Alliés peuvent-ils continuer à exercer une pression suffisamment vigoureuse sur l'ennemi pendant les mois d'hiver à venir, pour le forcer à se retirer si rapidement qu'il ne puisse pas détruire les chemins de fer, les routes, etc. ?

La réponse est négative. L'armée allemande est capable de se retirer jusqu'à sa propre frontière et de tenir cette ligne s'il y a une tentative de porter atteinte à l'honneur du peuple allemand, ce qui le pousserait à se battre avec le courage du désespoir.

La situation des armées alliées est la suivante :

ARMÉE FRANÇAISE : épuisée, elle n'a pas réellement combattu ces derniers temps. On y dit souvent que "la guerre est finie" et que "nous ne voulons pas perdre nos vies maintenant que la paix est en vue."

ARMÉE AMÉRICAINE : elle n'est pas encore organisée ; elle est mal équipée, à moitié formée, avec des services d'approvisionnement insuffisants. Les officiers expérimentés et les sous-officiers sont en nombre insuffisant.

ARMÉE BRITANNIQUE : elle n'a jamais été aussi efficace qu'aujourd'hui, mais elle a durement combattu et manque de renforts. Avec des effectifs en diminution, le moral est inévitablement affecté.

Les armées française et américaine ne sont pas capables de mener une offensive sérieuse à l'heure actuelle. Seule l'armée britannique pourrait amener l'ennemi à capituler. Mais pourquoi sacrifier encore des vies britanniques - et pour quel but ?

Durant l'hiver à venir, l'ennemi disposera de quelques mois pour se reposer et intégrer la classe de 1920, qui n'a pas encore été mobilisée. Il sera en mesure de détruire toutes ses infrastructures de communication avant de se replier. Cela entraînera un sérieux ralentissement de notre avancée si la guerre se prolonge jusqu'à l'année prochaine.




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Dans sa biographie de Douglas Haig, "The Chief", aux éditions Aurum Press (2011), Gary Sheffield estime que la bataille de la Sambre le 4 novembre 1918 sonne le glas des espoirs allemands. "The war had to be ended before the German army collapsed", la fin de la guerre devenait nécessaire sous peine d'effondrement de l'armée allemande. Dans un contexte de déroute de l'armée allemande, Gary Sheffield fait état d'un télégramme de Foch le 9 novembre, aux généraux Haig, Pershing et Pétain :

"L'ennemi désorganisé par nos attaques répétées, cède sur tout le front. Il importe d'entretenir et de précipiter nos actions. Je fais appel à l'énergie et à l'initiative des commandants en chef et de leurs armées pour rendre décisifs les résultats obtenus."

Au dos de l'exemplaire adressé à Haig, le maréchal britannique, laconique, a écrit : "Quite unnecessary", ce n'est franchement pas nécessaire.
(Archives du War Office, 158 / 30).

Une attitude nettement plus belliqueuse existait ailleurs au Royaume-Uni, en témoigne cette affiche d'un candidat de droite aux élections législatives peu de temps après la fin de la guerre. "Votez pour Martin, faisons payer l'Allemagne, pendons le Kaiser".



Document IWM, Londres.
Document IWM, Londres.
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Les critiques de Winston Churchill sur le traité de Versailles sont bien connues, par exemple dans le premier volume de ses mémoires "A gathering storm", chapitre "les folies des vainqueurs". "The economic clauses of the treaty were malignant and silly to an extent that made them obviously futile. Germany was condemned to pay reparations on a fabulous scale." Des sanctions bien trop sévères et contre-productives.

Son approche résolument anti-communiste "kill the Bolshie, kiss the Hun" ("Mort aux Bolchos, embrassez les Boches"), le situait dans la politique d'apaisement et de réconciliation souhaitée par certains Britanniques à Versailles. Un article d'Andrew Roberts sur le sujet :

https://www.nytimes.com/2019/03/28/opin ... -1919.html

Bien cordialement.
Eric
Dernière modification par Ingouf le mar. févr. 25, 2025 9:27 am, modifié 2 fois.
M1982
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par M1982 »

bltedouard a écrit : mar. sept. 17, 2024 12:17 pm J'ai bien compris la situation après l'armistice mais ce qui m'intéresse c'est vraiment de savoir si avant le cessez-le-feu du 11 novembre il était prévu de pousser militairement en Allemagne.
Une offensive était effectivement prévue pour le 14 novembre. Elle devait être lancée en Moselle annexée puis déboucher en territoire allemand vers Sarrebruck.

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Tanker
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par Tanker »

Bonsoir,

" Une offensive était effectivement prévue pour le 14 novembre "

Le 17 Novembre, par l'Armée du Général de Castelnau.
Mises en Alerte le 9 Novembre 1918, les unités de chars Renault FT (505°RAS, 506°RAS et 508°RAS) le Groupement St Chamond n° X et le Groupement Schneider n° IV ont été arrêtés sur train le 11 Novembre 1918, alors qu'ils allaient rejoindre leurs zones de déploiement dans le secteur de Lunéville.
Ce sont 775 chars qui devaient être engagés.

Dans cette affaire, si les allemands avaient un peu trainé à signer l'armistice, il est assez probable, qu'avec cette attaque, ce soit l'Armée américaine, positionnée au Nord du Groupe d'Armée de Castelnau qui aurait pénètré la première en Allemagne.

Ci-dessous, le détail de la proposition d'engagement faite par le Général de Castelnau au Maréchal Foch.

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NOTES SUR L'OPÉRATION DE LORRAINE
But de l'opération. - Rompre le front ennemi. - Nous assurer le débouché en terrain libre au Nord des forêts de Bride et Koeking et de Château-Salins: ce résultat sera atteint par l'occupation des hauteurs de Baronville-Morhange. Entamer l'encerclement de Metz sur la rive droite de la Moselle. - Pousser ultérieurement en direction de la Sarre.
La profondeur de l'avance à réaliser mesure environ 20 kilomètres.
Front d'attaque. - Limité à gauche par les avancées de la place de Metz, à droite par la région pré-vosgienne, son développement doit être, d'autre part, en rapport avec les moyens dont l'on disposera (20 D.I.).
Il faut considérer qu'à droite, l'assaillant aura intérêt à s'épauler à la région des Etangs, sans y pénétrer: difficultés de parcours, liaisons précaires entre l'infanterie et l'artillerie, ce n'est pas un terrain d' « exploitation ». Mais il sera nécessaire de tenir les débouchés de la région des Etangs en occupant les hauteurs de Juzelle-Donnelay-Château de Marimont ; - nécessaire aussi de raccorder le front atteint avec l'ancien front dans la partie où il restera stabilisé ; et, dans ce but, de s'emparer au Sud du Sanon, du Remabois, du signal de Xousse et des hauteurs qui bordent le ruisseau des Aulnes.
Ces considérations déterminent la droite de l'attaque.
La gauche devra obligatoirement englober la côte de Delme, qui est à manoeuvrer à la fois par le Nord et par le Sud. Or, de Port-sur-Seille, limite franco-américaine, à la station d'Emberménil, on compte, en rectifiant toutes les sinuosités du front, 52 kilomètres, sur lesquels 11 kilomètres correspondent, il est vrai, à des objectifs rapprochés du front de départ; il n'en reste pas moins que ce front d'attaque est trop étendu pour les moyens accordés.
On peut voir, par ailleurs, que, de Port-sur-Seille à Létricourt, le front de départ est orienté Est-Ouest, tandis qu'à partir de Létricourt il s'infléchit nettement vers le Sud-Est. Enfin, à l'Ouest de Létricourt, la gauche des attaques aura surtout une mission de flanquement et de couverture, mission qui incombera également aux troupes tenant le secteur entre la Moselle et Port-sur-Seille. De sorte qu'il y aurait intérêt à confier à la 2e armée américaine, étendue jusqu'à Létricourt, la mission de flanc-garde, qu'elle exécuterait en attaquant droit devant elle, de manière à se rapprocher de Metz, à attaquer et a déborder la côte de Delme par le Nord.
Le front d'attaque des 20 D.I. de la 8e armée serait ainsi réduit à 30 kilomètres (de Létricourt à l'étang de Parroy), auxquels s'ajoutent les 11 kilomètres séparant cet étang de la station d'Emberménil et correspondant à un objectif rapproché.
L'opération vaut la peine que l'on y consacre les moyens nécessaires pour en assurer la pleine réussite. L'ennemi, en effet, considère que Metz et le front lorrain constituent le pilier gauche de son dispositif. Nous devons, nous, chercher à ébranler ce pilier et à porter nos troupes en terrain libre, au delà des organisations ennemies.
La réussite de cette opération sera grosse de conséquences heureuses.

Objectifs successifs. -
Une fois dépassées les forêts de Bezange et de Gremecey, la partie centrale de l'attaque se heurtera aux importants massifs forestiers de Château-Salins, et de Bride et Koeking, massifs allongés dans le sens de l'attaque.
D'autre part, la seconde position passe par : la côte de Delme, la lisière Sud de la forêt de Château-Salins, la croupe au Sud du bois de la Geline, Juvelize, Donnelay.

En se basant sur ces particularités. il est logique de prendre pour objectifs successifs :
1° Le débouché des forêts de Gremecey et de Bezange ;
2° Une ligne passant par Tincry, Gerbecourt, la partie la plus étroite de la forêt de Bride (à hauteur de Saint-Médard), les hauteurs de Juvelize et Donnelay ;
3° Morville-sur-Nied, Baronville, Morhange, Guebling, Lindre-Haute.
De l'étang de Lindre, on se raccordera avec l'ancien front par le château de Marimont, le bois de la Garenne, le Remabois.

Le dernier objectif ainsi défini servira ensuite de base de départ pour l'exploitation vers la Sarre.
Il est difficile, et il serait inutile, de chercher à se représenter dans quelles conditions de temps on pourra atteindre cet objectif: elles dépendent du degré de résistance de l'ennemi, des délais nécessaires à la remise en état des communications, ainsi qu'au déplacement de l'artillerie, des circonstances climatériques.
Dosage des grandes unités. - Il sera déterminé par l'armée en fonction des facilités de débouché et de progression. L'armée aura aussi à tenir compte des conditions suivantes :
L'axe de l'opération à entreprendre est jalonné, d'une manière générale, par la grande route Moncel, Château-Salins, Baronville.

A droite de cet axe, le terrain se prête mieux à une pénétration rapide. En effet, de la. route au bois de la Geline, le terrain n'est pas boisé; le bois de la Geline n'est relié à. la forêt de Bride que par un isthme boisé sans épaisseur. Au Nord de cet isthme et du bois de la Geline, le terrain n 'est plus encombré de massifs forestiers; on opère en terrain libre.

A l'Ouest de la dite route, au contraire, les massifs forestiers de Gremecey et de Château-Salins ne sont séparés que par un couloir de 2 kil. 500 qu'emprunte la grande route Metz-Strasbourg et où s'élève le mamelon culminant dit « Télégraphe de Château-Salins ».

C'est donc dans le terrain au Nord de la base : plateau de Réchicourt-la-Petite, Arracourt, Bezange-la-Grande, que la progression sera la plus facile. La densité des grandes unités y sera fixée en conséquence.
De même à l'Ouest du massif Gremecey-forêt de Château-Salins, entre Aboncourt et Létricourt, l'attaque, opérant en terrain libre, devra avoir une densité en rapport avec les facilités de progression.
Sans entrer dans le détail du calcul des fronts à réserver à chacune des grandes unités de première ligne, on peut admettre comme première approximation que, de Létricourt à l'étang de Parroy (30 kilomètres), on déploiera 12 divisions.

La partie du front d'attaque comprise entre le Remabois et le Sanon, bien que correspondant à un objectif limité, présente cependant une sérieuse importance au début de l'action. Il importe, en effet, de posséder la région du signal de Xousse pour : appuyer l'aile Sud de l'attaque qui se développera au Nord du Sanon ; paralyser l'action flanquante des forces ennemies disposées dans le bois de la Garenne et la région du château de Marimont.

Deux ou peut-être trois divisions suffiront pour cette action au Sud du Sanon. qui doit être considérée connue une annexe indispensable de l'opération principale.
Il restera 6 divisions pour constituer la deuxième ligne du dispositif d'attaque et la réserve de l'armée.

Conclusion. - J'estime que 20 divisions me suffiront pour l'opération envisagée d'autant que l'armée américaine prendra à son compte l'attaque à l'Ouest de Létricourt.
Je crois que les grands résultats qu'on doit, à cette heure, rechercher dans le développement d'importantes opérations en Lorraine justifient cette augmentation des moyens à mettre en oeuvre .

CASTELNAU.


- - - - - - - - - - - - - - -
Bonne soirée - Michel
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garance.
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par garance. »

bonjour
d'après Isorni, début novembre 1918, Pétain avait supplié Foch de ne pas renoncer à cette offensive sans être entendu
Il en aurait pleuré
Comment les choses se seraient passées ?
Vaste uchronie !
"Il pleuvait en cette nuit de Noël 1914, où les Rois Mages portaient des Minenwerfer."
bltedouard
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par bltedouard »

Merci beaucoup pour vos réponses
Ingouf
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Re: Pourquoi le territoire allemand n’a pas été envahi en 1918 ?

Message par Ingouf »

Bonjour,

Complément de documentation sur l'attitude britannique à la fin du conflit. Une contribution pour répondre à la question : pourquoi les Alliés n'ont-ils pas attaqué et envahi l'Allemagne fin 1918 ? Perspective du commandant en chef des forces britanniques en France.

Extraits des Dépêches de Sir Douglas Haig, édition 1919 de son secrétaire personnel le Lieutenant-colonel Boraston (publié par Dent & Sons, Londres, Toronto).
Traduction des deux extraits en français et transcription de l'original anglais.

Sir Douglas Haig, 1917. Photo Wikicommons.
Sir Douglas Haig, 1917. Photo Wikicommons.
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Dans sa préface, le maréchal Foch situe l'importance de ce recueil :

"De tout temps, le Commandant en Chef des Armées Britanniques a adressé à son Gouvernement des Comptes-Rendus sommaires des périodes principales d'une campagne. Le Maréchal Sir Douglas Haig s'est conformé à cet usage. Il a rédigé, deux fois par an en moyenne, un aperçu des faits les plus saillants des opérations britanniques sur le front occidental. Les Comptes-Rendus embrassent la période où il commandait en Chef et s'étendent par suite de la fin de 1915 au début d'avril, 1919. Ces rapports, établis avec un absolu souci de la vérité et scrupuleusement exacts dans les moindres détails, sont marqués d'une hauteur et d'une largeur de vue incontestables. Ils constituent des documents historiques de premier ordre (...)."


Dépêches de Sir Douglas Haig, éditions Dent & Sons, Londres 1919.
Dépêches de Sir Douglas Haig, éditions Dent & Sons, Londres 1919.
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Extrait N°1. Dépêche du 21 décembre 1918.

"La situation militaire sur le front britannique dans la matinée du 11 novembre peut être résumée très brièvement. Lors des combats depuis le 1er novembre, nos troupes avaient brisé la résistance ennemie au-delà de toute possibilité de reprise et l'avaient contraint à une retraite désordonnée sur l'ensemble du front des armées britanniques. Par la suite, l'ennemi n’était plus en mesure ni d'accepter ni de refuser la bataille. La confusion totale de ses troupes, l'état de ses chemins de fer encombrés de trains abandonnés, la capture de quantités considérables de matériel roulant et d’équipements, tout cela montrait que notre attaque avait été décisive. Elle avait été suivie, au nord, par l'évacuation du saillant de Tournai, et, au sud, où les forces françaises avaient progressé en coordination avec nous, par un retrait rapide et coûteux jusqu'à la ligne de la Meuse.

Le plan stratégique des Alliés avait été réalisé avec une complétude rarement vue en temps de guerre. Lorsque l’armistice a été signé par l’ennemi, sa capacité défensive avait déjà été définitivement anéantie. La poursuite des hostilités n’aurait pu signifier que le désastre pour les armées allemandes et l'invasion armée de l'Allemagne.

Les raisons qui ont poussé les Alliés à ne pas continuer les hostilités sont mentionnées dans le dernier rapport, page 316 ci-dessous. Les difficultés d’approvisionnement auraient considérablement retardé notre avancée. Des destructions étendues auraient été causées dans les territoires traversés, et d'autres pertes auraient été inévitables. D'autre part, l'Armistice équivalait en fait à une reddition complète de l'ennemi, et tout ce qui aurait pu être gagné par les combats nous revenait plus rapidement et à moindre coût."



Transcription : The military situation on the British front on the morning of the 11th November can be stated very shortly. In the fighting since the 1st November our troops had broken the enemy's resistance beyond possibility of recovery, and had forced on him a disorderly retreat along the whole front of the British Armies. Thereafter, the enemy was capable neither of accepting nor refusing battle. The utter confusion of his troops, the state of his railways congested with abandoned trains, the capture of huge quantities of rolling stock and material, all showed that our attack had been decisive. It had been followed on the north by the evacuation of the Tournai salient, and to the south, where the French forces had pushed forward in conjunction with us, by a rapid and costly withdrawal to the line of the Meuse.

The strategic plan of the Allies had been realised with a completeness rarely seen in war. When the armistice was signed by the enemy his defensive powers had already been definitely destroyed.
A continuance of hostilities could only have meant disaster to the German Armies and the armed invasion of Germany.

The reasons which decided the Allies not to continue hostilities are referred to in the final Despatch, page 316 below. Supply difficulties would have very greatly delayed our advance. Widespread damage would have been caused to the country through which we passed, and further casualties must have been incurred. On the other hand, the Armistice in effect amounted to complete surrender by the enemy, and all that could have been gained by fighting came into our hands more speedily and at less cost.


Dépêches de Sir Douglas Haig, éditions Dent & Sons, Londres 1919.
Dépêches de Sir Douglas Haig, éditions Dent & Sons, Londres 1919.
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Dans sa "Dernière Dépêche", datée du 21 mars 1919, depuis le GQG britannique à Montreuil-sur-Mer, Douglas Haig insiste sur la nécessité imposée aux troupes britanniques, déjà exsangues, d'assurer le ravitaillement des populations civiles françaises nouvellement libérées, environ 800 000 personnes, soit 5 millions de rations sur une période excédant six semaines, avant que l'administration française ne soit capable de prendre le relais. Haig détaille ensuite pourquoi il n'était pas raisonnable de poursuivre en Allemagne :


Extrait N°2 :

"On comprendra aisément d’après ce qui précède que si notre avance s’était déroulée face à une opposition active, même de la part d’un ennemi vaincu et démoralisé, notre progression aurait été considérablement ralentie. Les difficultés d’approvisionnement auraient été énormément accrues de multiples façons, notamment par la nécessité d’acheminer de grandes quantités de munitions. Ponts, chemins de fer et routes auraient été détruits devant nous, ou dynamités après notre passage par des mines à retardement. D'immenses pertes auraient été infligées aux biens de toutes sortes et des souffrances incalculables imposées aux habitants des régions envahies de Belgique, de France et du Luxembourg."


Transcription : It will readily be understood from the foregoing that had our advance been conducted against active opposition, even from a beaten and demoralised enemy, our progress must have been greatly delayed. The difficulties of supply would have been enormously increased in many ways, among which would have been the necessity of bringing forward large quantities of ammunition. Bridges, railways and roads would have been destroyed in front of us, or blown up after we had passed by delay-action mines. Immense loss would have been caused to property of all descriptions and incalculable suffering inflicted upon the inhabitants of the invaded districts of Belgium, France and Luxembourg.


Londres, 19 juillet 1919. Défilé des troupes alliées. <br />Photo Fernand Cuville, musée Albert Kahn, Boulogne-Billancourt.
Londres, 19 juillet 1919. Défilé des troupes alliées.
Photo Fernand Cuville, musée Albert Kahn, Boulogne-Billancourt.
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La plupart des habitants du Royaume-Uni ont éprouvé une grande fierté d'avoir gagné cette guerre sur le continent européen, mais aussi un immense soulagement qu'elle s'achève enfin. Une guerre bien trop longue explique Douglas Haig dans sa dernière dépêche : "Sans doute, la fin aurait pu arriver plus tôt si nous avions été capables de développer les ressources militaires de l'Empire plus rapidement et avec un plus haut degré de concentration, ou si la défection de la Russie en 1917 n'avait pas donné à nos ennemis un nouveau souffle."

À la Chambre des communes, le 11 novembre 1918, le Premier ministre David Lloyd George déclare : "À onze heures ce matin a pris fin la guerre la plus cruelle et la plus terrible ("the cruellest and most terrible war") qui ait jamais ravagé l'humanité."

Un terrible bilan outre-Manche, l'historien britannique Eric Hobsbawm souligne que "la Grande-Bretagne ne fut plus jamais la même après 1918, car le pays avait ruiné son économie en menant une guerre bien au-delà de ses ressources." (The Age of Extremes, 1994).

Les pertes humaines sont évaluées par de prestigieuses références comme l'Encyclopædia Britannica à 886 000 militaires britanniques tués pendant le conflit (avec comme triste record le 1er juillet 1916, premier jour de la Bataille de la Somme, avec 57 470 hommes mis hors de combat ce seul jour, près de 20 000 morts). Le traumatisme est profond, aujourd'hui encore, par exemple en Écosse, dont les régiments écossais ont été terriblement éprouvés à Loos-en-Gohelle en 1915. Un cénotaphe temporaire est érigé à Londres dès 1919.

Bien cordialement.
Eric
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