La relève britannique de la 10e Armée française mars 1916

bltedouard
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La relève britannique de la 10e Armée française mars 1916

Message par bltedouard »

Bonjour à tous,

En faisant un tour sur le site https://www.carto1418.fr/19160331.php , je constate que la 10e armée française dans l’Artois a été redéployée pour combler les pertes de l’attaque sur Verdun laissant la relève à la 3e armée britannique en mars 1916.

Je constate également que la quasi-totalité du front du Nord-Pas-de-Calais est, en dehors d’une petite partie des Flandres, sous contrôle britannique. Cette répartition du front va visiblement tenir jusqu’à l’offensive du printemps 1918 avec le retour d’unités françaises dans les environs de Bailleul.

C’est pourquoi je vous demande si un accord formel a été conclu pour assurer cette nouvelle répartition du front entre Français et Britanniques en 1916 ?
Car j’ai du mal à comprendre les mécanismes autour de cette relève, je présume que les Britanniques ont dû redéployer des troupes en urgence pour tenir une portion du front supplémentaire donc, est-ce que cette répartition exclusive des britanniques dans le Nord-Pas-De-Calais était une demande de leur État-major pour soulager les Français et se simplifier la tâche entre alliés ?


Merci d’avance pour votre aide.
air339
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Re: La relève britannique de la 10e Armée française mars 1916

Message par air339 »

Bonjour,

Joffre, dans ses Mémoires (tome 2, page 234) , écrit qu'il demande aux anglais, le 22 février 1916, de lui créer des disponibilités en relevant la 10e Armée. Le général Haig lui répond favorablement dès le lendemain. Le colonel des Vallières confirme cette bonne volonté ("Au soleil de la cavalerie", page 149).

Cordialement,

Régis R
bltedouard
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Re: La relève britannique de la 10e Armée française mars 1916

Message par bltedouard »

Merci beaucoup
Ingouf
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Re: La relève britannique de la 10e Armée française mars 1916

Message par Ingouf »

Bonjour,

En complément de la réponse précédente, un point de vue britannique.
- Extrait de la biographie de Douglas Haig par Gary Sheffield, pages 160 et 161.
- Extrait du journal de Douglas Haig en date du 14 février 1916.
- Passage d'une lettre de Haig à Robertson, 19 février 1916.


Chantilly, décembre 1915. Le général Joffre et le général Haig. Photo National Library of Scotland.
Chantilly, décembre 1915. Le général Joffre et le général Haig. Photo National Library of Scotland.
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Le véritable schéma des relations entre Haig et les Français est établi à la fin du mois de décembre, lorsque Joffre propose une offensive anglo-française dans la région de la Somme et demande aux Britanniques de reprendre une partie du front tenu par sa 10e armée. (note 115, journal de Douglas Haig, entrée du 29 décembre 1915).
Haig accepte, mais reçoit une autre demande, plus exigeante. Le 20 janvier, Joffre et lui conviennent d'un combat préliminaire britannique afin d' "épuiser l'ennemi" sur la Somme aux alentours du 20 avril, qui sera suivi d'une offensive britannique sur la côte des Flandres et d'une attaque française plus au sud. Quelques jours plus tard, Joffre place la barre plus haut en suggérant que la BEF organise une bataille d'usure supplémentaire ailleurs en mai. Ceci était difficile pour Haig. Il devient évident qu'il est politiquement inacceptable que l'armée britannique soit utilisée de cette manière.
Peut-être Joffre, lui-même soumis à des pressions politiques internes, testait-il le nouveau commandant en chef britannique pour voir jusqu'où il pouvait aller. Haig s'oppose à cette suggestion, craignant que de telles batailles "n'apparaissent ... comme des échecs, affectant ainsi notre "crédit", ce qui est d'une importance capitale alors que l'argent se raréfie en Angleterre."

Le fait d'épuiser l'ennemi et de lancer ensuite l'attaque principale était conforme à la pensée militaire de Haig, mais il voulait un effort continu et bien coordonné "par tous les alliés" ; le plan de Joffre avait l'air de refiler le sale boulot au petit nouveau. Le 14 février, Haig et Joffre conviennent d'attaquer la Somme au début du mois de juillet. Bien que l'idée d'offensives préliminaires en avril et en mai soit écartée, Haig accepte une attaque limitée dans le secteur Ypres-La Bassée une ou deux semaines avant l'effort principal sur la Somme. (note 117, journal de Douglas Haig, entrée du 31 janvier 1916, et lettre à Joffre, 21 février 1916).

Extrait de "The Chief, Douglas Haig and the British Army", par Gary Sheffield, éditions Aurum Press, 2011.



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Traduction d'un extrait des "papiers personnels de Douglas Haig", 1914-1919, disponibles en ligne.
Entrée du lundi 14 février 1916.
GQG français, Chantilly, en présence des généraux Joffre, de Castelnau, Buat.


" ... j'ai dit que l'état général de l'armée britannique (avec un déficit de 75 000 hommes sur 39 divisions), et toutes ces divisions manquant d'entraînement, combiné à la difficulté de déplacer tant de divisions ensemble rendait impossible la relève de la 10e armée dans un futur proche.
Le général Joffre m'a demandé si j'acceptais le principe d'une relève de la 10e armée. J'ai dit "certainement" et il a demandé "quand ?", j'ai répondu "l'hiver prochain". Le vieil homme a ri, et j'ai fait remarquer qu'à l'impossible nul n'est tenu ; de plus il manquait d'effectifs à l'arrière, et il est bien plus coûteux d'attaquer que de tenir le front, donc que les Britanniques doivent maintenant attaquer et non se contenter de tenir passivement le front. J'ai ajouté que je n'avais aucun doute sur le succès de cette attaque, si elle était correctement préparée. Le général Joffre a cessé d'argumenter. J'ai donné mon accord pour que l'aile gauche française pousse vers la rive nord de la Somme pour l'attaque et que les attaques principales françaises et britanniques soient "tuilées", c'est-à-dire, côte à côte.
Le général Castelnau doit envoyer des officiers d'état-major en reconnaissance demain sur la zone de Maricourt afin de boucler ceci au plus tôt.

Aujourd'hui fut une conférence de toute importance. La position des forces britanniques pour toutes les opérations de cette année dépendait que je ne cède pas sur :
- la nature et le moment des attaques pour user l'ennemi
- ne pas gaspiller des divisions à relever la 10e armée.
En étant bien carré dans mon approche, j'ai gagné sur ces deux points. Mais ce fut un combat difficile et incertain. J'ai dû être ferme sans être malpoli pour gagner ce bras de fer.



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Même réticence de Haig à cette demande de relève de la 10e armée française, exprimée dans une lettre du 19 février 1916 au général Robertson :

"J'ai été très ennuyé ('considerably annoyed'), mais je ne l'ai pas montré, que l'on (le général de Castelnau) revienne de nouveau à la charge pour la demande de relève de la 10e armée. Cette fois la raison invoquée est l'imminence d'une attaque sur Verdun, et la nécessité d'y concentrer toutes les divisions françaises possibles. Il s'attend à une attaque enveloppante sur le saillant de Verdun combinée avec des attaques des lignes françaises plus à l'ouest en Champagne.
Je lui ai affirmé, bien entendu, que si les Allemands passaient vraiment à l'attaque, l'armée britannique soutiendrait les Français de toutes ses forces, et de la meilleure des manières possibles. C'est à dire soit en se déployant sur un front plus large, soit en contre-attaquant. Cette dernière tactique ayant ma préférence comme un excellent moyen de défense."


Bien cordialement,
Eric
Pièces jointes
Biographie de Douglas Haig par Gary Sheffield.
Biographie de Douglas Haig par Gary Sheffield.
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