Conseils de guerre et vices de procédure

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Eric Mansuy
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Conseils de guerre et vices de procédure

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Après un article de fond sur les très importantes lois d'amnistie votées dans les années 1920-1930, Prisme s'est intéressé aux conséquences de la suspension des conseils de révision, en particulier pour les jugements prononcés par les conseils de guerre temporaires spéciaux. En l'absence des conseils de révision qui étaient des juridictions souveraines du droit, apparaissent des vices de procédure, qui illustrent de la méconnaissance du fonctionnement de la justice militaire. Cet article présente l'un de ces cas.

Bonne lecture

https://prisme1418.blogspot.com/2024/03 ... amier.html

Bien cordialement,
Eric Mansuy
"Un pauvre diable a toujours eu pitié de son semblable, et rien ne ressemble plus à un soldat allemand dans sa tranchée que le soldat français dans la sienne. Ce sont deux pauvres bougres, voilà tout." Capitaine Paul Rimbault.
air339
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Re: Conseils de guerre et vices de procédure

Message par air339 »

Bonjour Eric,

Merci pour le conseil de cette lecture.

Les vices de procédures peuvent aussi venir de haut, comme ce décret du 6 septembre 1914 instituant les CGS. Publié au JO du 7 septembre, il est illicite car non décidé en Conseil des Ministres, et surtout son contenu dépasse la compétence d'un décret.
Dénoncé en janvier 1915 par le Sénat, il finit par être légalisé sous forme de loi le 30 mars 1915, et publié au JO le 31. Le Conseil d'Etat se penchera sur cette question brûlante en 1918, puis en 2015.

Bien cordialement,

Régis R
garigliano1
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Re: Conseils de guerre et vices de procédure

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous, Bonjour Régis

Cet article ne s’intéresse pas aux conséquences de l’état de siège proclamé le 2 août 1914, ni à la décision du 4 août 1914 de la Chambre des députés et du Sénat qui ont décidé de s’ajourner sine die et ce jusqu’en décembre 1914.

Cet article vise à montrer les conséquences de la suspension du conseil de révision, juridiction souveraine du droit qui se subsiste à la Cour de cassation en temps de guerre. Les conseils de guerre temporaires ordinaires disposaient d’un commissaire-rapporteur, d’au moins un greffier qui étaient très majoritairement issus du domaine judiciaire ou notarié. L’ordre de mise en jugement était majoritairement établi par le général de division, qui nommait les juges après un rapport et des conclusions fournis par le commissaire-rapporteur.

Les conseils de guerre temporaires spéciaux rapidement créés, rapidement mis en œuvre, n’avaient pas de structure attitrée comme un commissaire-rapporteur à demeure. Les officiers en place ont dû gérer cette situation avec leurs connaissances du fonctionnement de la justice militaire. La lecture des dossiers de procédure le montre : beaucoup de pièces sont encore manuscrites même en 1915, des connaissances qui reflètent le fonctionnement des conseils de guerre permanents comme un commissaire du gouvernement, fonction qui n’existe pas au sein des conseils de guerre temporaires. A la décharge des intervenants, les conseils de guerre temporaires n’avaient jamais fonctionné avant le mois d’août 1914. A la décharge également des intervenants, cela nécessite non seulement d’avoir de bonnes connaissances du code pénal, du code d’instruction criminelle mais aussi de bien connaître des commentaires sur le fonctionnement de la justice militaire comme ceux de Pradier-Fodéré/le Faure ou de Leclerc de Fourolles/Courtois, ouvrages de plus 800 pages chacun.

Quand on cumule sur la même période la suspension des conseils de révision à la création des conseils de guerre temporaires spéciaux, l’apparition de certains vices de procédure comme ceux décrits dans l’article était inéductable.
bersot-administrateur.JPG
bersot-administrateur.JPG (67.12 Kio) Consulté 759 fois
On retrouve ces vices de procédure dans une série de dossiers dont celui de Lucien Bersot.

La décision de suspendre les conseils de révision et de créer les conseils de guerre spéciaux a été faite par l’autorité politique sous la pression des évènements.

Cordialement
Yves
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Eric Mansuy
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Re: Conseils de guerre et vices de procédure

Message par Eric Mansuy »

Bonjour à tous,

Prisme poursuit ses recherches sur les militaires français fusillés en 1914-1918.
Comme d'autres, le jugement du soldat Laforest est entaché d'un vice de procédure. Les conseils de révision étant suspendus entre le 1er septembre 1914 et le 8 mai 1916, ces vices de procédure n'ont pas été détectés immédiatement. Les conseils de guerre temporaires spéciaux en particulier, n'ayant pas de personnel attitré, ont constitué un « terreau » idéal pour une prolifération non négligeable de ces vices de procédure.

Il existe beaucoup de catégories de vices de procédure mais celui qui a entaché le jugement de Laforest est factuellement assez facile à détecter. Dans le cas du fusillé Lucien Bersot, la Cour de Cassation a relevé le même vice de procédure.

http://prisme1418.blogspot.com/2024/04/ ... ement.html

Bien cordialement,
Eric Mansuy
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garigliano1
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Re: Conseils de guerre et vices de procédure

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous

Les vices de procédure n’ont pas vraiment été étudiés en détail. Cela tient à 4 raisons principales :

-peu d’historiens hormis la petite cohorte de chercheurs (général Bach, Loez, Offenstadt, St Fuscien, Prost auquel on pourrait ajouter Denis Rolland) qui ont rédigé le rapport sur le centenaire dit rapport Prost remis au PR en octobre 2013, sont en mesure d’en parler.

-hormis quelques cas facilement décelables, les vices de procédure demandent une très bonne connaissance du code de justice militaire, d’une partie du code pénal, d’une partie du code d’instruction criminelle et des commentaires du code de justice militaire comme ceux de Victor Foucher (1020 pages), de Leclerc/Coupois, de Pradier-Fodéré (plus de 800 pages). Ces derniers ouvrages écrits par des juristes sont denses, ils sont plutôt destinés à des personnes ayant des connaissances en droit.
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jugement 1.JPG (182.78 Kio) Consulté 514 fois
-seule la période comprise du 17 août 1914 et le 8 juin 1916 où les conseils de révision ont été suspendus, est concernée.

-enfin cela nécessite de posséder une solide base quantitative. En effet, si ces vices de procédure étaient très peu nombreux, la question ne se poserait même pas.

Cordialement
Yves
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garigliano1
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Re: Conseils de guerre et vices de procédure

Message par garigliano1 »

Bonjour à tous

Certains vices de procédure sont assez faciles à détecter. Par exemple , l'âge requis pour être juge est de 25 ans. Certains jugements ont d'ailleurs été cassés pour le non respect de cette règle.

Pour illustrer la difficulté pour des juges des conseils de guerre de ne pas produire des vices de procédure, voici la transcription d'une décision d'un conseil de révision.
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vice 3.JPG (183.74 Kio) Consulté 392 fois
Attendu qu’avant la clôture des débats, le président du conseil de guerre a posé les questions subsidiaires de double abandon de poste en présence de l’ennemi et que ces questions, résolues affirmativement, ont entraîné la condamnation à la peine de mort.

Attendu que de l’article 338 du code d’instruction criminelle autorise le président à poser une question au cas où il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes non mentionnées dans l’acte d’accusation. Cette disposition ne l’autorise pas à poser une question relative à un crime distinct et séparé de celui qui fait l’objet de l’accusation, alors surtout, que cette question résolue affirmativement doit avoir pour effet d’aggraver la situation pénale de l’accusé.

Qu’en matière pénale, toutes les dispositions de la loi sont de droit étroit

Attendu que le crime d’abandon de poste en présence de l’ennemi, étant distinct du crime de désertion en présence de l’ennemi, le président du conseil de guerre ne pouvait poser les questions subsidiaires d’abandon de poste en présence de l’ennemi, encore que l’une et l’autre accusation reposassent sur le même fait.

D’où et suit qu’il y a violation des articles susvisés et que le jugement dont est recours, est entaché de nullité comme ayant statué sur incrimination dont le conseil de guerre a été irrégulièrement saisi


Le conseil de révision de la 1ère armée a cassé le jugement qui avait condamné à mort ce chasseur de la Cie de mitrailleuses du 5e BCP.

On comprend bien que les juges n'avaient pas tous, les connaissances requises surtout quand un commissaire-rapporteur attitré n'était pas présent. Les décrets ministériels les ont mis dans une situation délicate.

Cordialement
yves
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