Alfred Laurent, appelé du contingent, dans la Marine d'octobre 1913 à Août 1919

[Lunardi]

Mon grand-père s'appelait Alfred Laurent, il est né le 4 janvier 1892 à Batz-sur-Mer en Loire-Inférieure. Orphelin très tôt, il est élevé par sa sœur Marie. Il apprend le métier de maçon. Il est appelé avec sa classe à rejoindre Brest, au second dépôt des équipages de la flotte le 9 octobre 1913. Incorporé sous le matricule 26721, son parcours est ensuite peu commun.

De Brest, il est envoyé à Marseille, d'où il prend passage sur le paquebot Armand Béhic de la Compagnie des Messageries Maritimes, qui dessert l'Asie et l'Océanie. Après un long voyage (un mois et demi), il rejoint Tahiti via Nouméa, pour y être affecté sur la canonnière la Zélée. Il y est aide-chauffeur lorsque la guerre est déclarée et que le lieutenant de Vaisseau Destremau organise la défense de l'île. Il reçoit d'ailleurs les félicitations pour ton travail de maçonnerie. Après le bombardement de Tahiti, il sert sur la Zélée annexe, navire dont je ne retrouve pas trace.

Le 1er décembre 1914, c'est sur le croiseur cuirassé Montcalm qu'il embarque à destination de Yokohama, Singapour (entre les deux sans doute Shanghai et l'Indochine) où semble-t-il le Montcalm doit faire l'objet de réparations. Ensuite, il passera de longs mois sur le canal de Suez et en mer Rouge à patrouiller pour défendre et protéger la zone.

Fin 1915, il rejoint le croiseur d'Entrecasteaux. Les patrouilles sur le canal continuent. Quelques mois plus tard, départ pour la Méditerranée. Le d'Entrecasteaux reste à quai à Oran pendant 5 mois puis accompagne le futur maréchal Lyautey lors de sa visite d'Agadir. Retour en mer Rouge en fin d'année 1916, vers Djibouti.

AIfred contracte la fièvre typhoïde et passe à deux doigts de la mort. Il passe presque 3 mois à l'hôpital français de Suez avant d'être rapatrié à Toulon.

Trois ans après son départ de France, il bénéficie (enfin) d'une permission qui lui permet de revoir les siens à Batz-sur-Mer (sa sœur et ses deux frères plus âgés, blessés de guerre).

Il est ensuite affecté au fort de l'Eve à Saint Nazaire au moment des premières arrivées de "Sammy" en France, après l'entrée en guerre des Etats-Unis d'Amérique. Peu de temps après, il part pour Bordeaux, d'où on va l'envoyer de l'autre côté de l'océan Atlantique. Il n'est plus aide-chauffeur (sans doute des séquelles de la typhoïde) mais cuisinier !

Il prend passage sur le paquebot Chicago pour rejoindre New-York et son centre naval. J'ai retrouvé en 2014 la trace de son arrivée à Ellis Island, le 9 octobre 1916, sur les fichiers mis à disposition du public. Il va alors participer au convoyage vers l'Europe de l'un des chasseurs de sous-marins que la France a commandés aux Etats-Unis, traversé de l'Atlantique effectuée pendant l'hiver 1917/1918.

De retour sur le bassin méditerranéen, via le Portugal puis Oran, il effectue des patrouilles sur le chasseur de sous-marins au large des côtes françaises.

Fin 1918, la guerre est terminée, mais on l'envoie en mer du Nord, toujours pour les patrouilles. Malade (grippe espagnole ?), il passe au moins un mois à l'hôpital de Rosendael. Il part en convalescence (et en permission !) à Batz avant de rejoindre Lorient.

Il sera démobilisé le 23 août 1919.

Pendant son périple de 2145 jours, il a mis le pied dans 19 pays au moins, parcouru au bas mot 105 000 km sur les mers (l'équivalent de presque trois tours du monde).

Il n'aimait pas évoquer cette période de sa vie, il en parlait peu avec sa femme et ses enfants. A l'issue de la guerre, il a repris son travail de maçon et continué aussi, en tant que paludier, à récolter le sel dans les salines de la presqu'île guérandaise. Il est mort au tout début des années 60.

Mon père, Jean Laurent, a toujours eu à cœur de transmettre l'histoire d'Alfred, son père. Il a retracé son parcours à partir des cartes postales que mon grand-père échangeait avec sa sœur et ses frères.

En 2022, j'ai repris le flambeau, pour raconter son histoire. Le forum 14 18 (et d'autres sites dont celui qui s'appelle Mémoires des hommes) m'a grandement servi à reconstituer son périple et à comprendre pourquoi il avait été envoyé notamment aux Etats-Unis et bien d'autres choses. Un grand merci à tous ceux qui y ont contribué par leurs apports très intéressants et documentés.

J'ai tiré un petit livre de cette histoire, qui s'appelle Le tour du monde malgré lui, le voyage improbable d'un jeune maçon breton.


Si certains d'entre vous sont intéressés par l'histoire de mon grand-père (je ne sais pas si ce forum est le lieu pour cela), ils peuvent trouver ce livre ici : https://www.thebookedition.com/fr/le-to ... 323ea17547

[michelstl]

Bonjour
Merci pour ce partage.

(Je ne suis pas expert des bâtiments de guerre)

(vous avez participé à ce fil)
Zélée annexe voir search.php?keywords=Zélée&fid%5B0%5D=104
Extrait: »La ZELEE ANNEXE est citée dans le journal "La Dépêche de Brest" du 15 avril 1915 comme un bâtiment de Rochefor»
Ou l'on parle davantage de la «Zélée canonnière», mais de Tahiti aussi
viewtopic.php?t=43405&hilit=zélée


Livre que vous nous présenté, mais ici ou l'on peu lire quelques passages
https://books.google.ca/books?id=_YLYEA ... ti&f=false
Zélée annexe, réquisition d'une goélette (page 92 etc
https://books.google.ca/books?id=_YLYEA ... 22&f=false

Zelee annexe.jpg (95.19 Kio) Consulté 526 fois

etc...

[markab]

Bonjour Michel, bonjour à tous,

Je n'arrive pas à ouvrir les liens sur books.google.ca mais l'extrait du livre numérique de Françoise (sur books.google.fr) évoque l'existence d'un navire ZELEE ANNEXE. Il n'en est pas fait mention dans les divers ouvrages que j'ai lu (ou relu) sur la défense de Papeete (Tahiti).

Je vais tenter de retrouver le nom de la goélette qui aurait pu être réquisitionnée (le SAINT MICHEL faisait à cette époque la liaison inter-îles). C'était une goélette qui a été remplacée par le vapeur SAINT MICHEL puis le vapeur SAINT FRANCOIS....

Et pour faciliter la recherche, les navires locaux qui font les liaisons inter îles sont communément appelés des "goélettes" .

Sinon, la navigation entre Moorea et Tahiti devait avoir pour seul objectif de maintenir les compétences de l'équipage car les deux iles sont très proches (de nos jours, la traversée dure une grosse demi-heure de mémoire).

A bientôt.

[markab]

Bonjour,

Voici un entrefilet publié par le journal "Navigazette" du 23 mai 1913 (Gallica) sur la livraison prévue des vapeurs SAINT FRANCOIS et SAINT MICHEL (en remplacement de la goélette) :

SAINT FRANCOIS SAINT MICHEL Navigazette 1913-05-23 a.jpg (9.26 Kio) Consulté 500 fois

SAINT FRANCOIS SAINT MICHEL Navigazette 1913-05-23 b.jpg (18.19 Kio) Consulté 500 fois

A bientôt.

[markab]

Bonjour,

Voici un article sur une mission conjointe de la ZELEE et de la goélette SAINT MICHEL en 1906 (publiée par le journal "La Dépêche de Brest" du 25 mars 1906 - Gallica) :

ZELEE SAINT MICHEL La Dépeche de Brest 1906-03-25.jpg (170.91 Kio) Consulté 497 fois

A bientôt.

[Lunardi]

Bonjour et merci à tous ceux qui ont bien voulu m'apporter leurs éclairages.
J'ai oublié de préciser dans mon précédent post que le livre que j'ai écrit sur l'histoire de mon grand-père est une biographie "romancée". En effet, si j'ai en mains certains éléments de son histoire : son livret militaire et des cartes postales échangées avec sa famille, il n'a jamais raconté dans le détail à ses enfants son périple. J'ai donc dû, pour écrire son histoire, en m'appuyant sur des faits réels (certains sont issus de ce forum, d'autres de recherches sur le site de l'armée Terre des hommes, d'autres encore de recherches Internet) imaginer ou romancer son histoire.
Il est fait mention de la Zélée annexe sur son livret militaire mais je n'en trouve pas trace ailleurs. Comme il racontait avoir fait naufrage sur un bateau lorsqu'il était à Tahiti, j'ai imaginé dans mon roman biographique, que cela se passait sur la Zélée annexe, une goélette. Mais cela reste pour cette partie en tout cas, romancé.

Merci à vous

Françoise