Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

ALVF
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Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

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Bonsoir,

Un sujet ancien a tenté de détailler les quantités produites de canons de campagne de 75 modèle 1897 mais s'est perdu dans des discussions byzantines, certains intervenants voulant à toute force ne tenir compte que des canons en service dans les unités mobilisées alors qu'il faut prendre en compte le total des existants à une date considérée car tous les canons construits ne sont pas en service sur le front.
Je tente donc une nouvelle approche du sujet en m'appuyant quasi exclusivement sur les documents d'archives et en demandant aux lecteurs de ne pas immédiatement intervenir en brandissant des chiffres tirés d'auteurs connus ou inconnus, chiffres obtenus trop souvent en se recopiant les uns les autres. Il convient notamment de ne pas s'en tenir à une approche sommaire du genre "il existe tant de Divisions d'Infanterie (d'active de réserve ou territoriales) dotées de tant de canons donc le total des 75 en août 1914 est de l'ordre d'un peu plus de 3900 (ou 3950, ou 3968, etc...)". La réalité est tout autre mais, avant de développer ce sujet, il est nécessaire de clarifier les appellations concernant les matériels d'artillerie de campagne de 75 modèle 1897 puis de détailler tous les matériels équipés d'une bouche à feu de 75 modèle 1897 avant d'estimer les quantités réellement produites pour terminer par une tentative d'approche de la production de canons de 75 modèle 1897 classée par année de 1896 à 1920 et même un peu au-delà.

-1: Appellations des éléments du matériel de 75 modèle 1897 et règles d'immatriculation:

On emploie trop souvent à l'époque de la mise en service du matériel de 75 de campagne comme à l'époque contemporaine des termes génériques "canon", "bouche à feu", "matériel". Administrativement, il faut être précis:
-l'ensemble du matériel de 75 modèle 1897 est avant tout une "voiture canon de 75 modèle 1897" composée d'un avant-train et de gros éléments (bouche à feu, frein de tir, affût), l'ensemble est appelé fréquemment "canon de 75 modèle 1897".
-les éléments principaux sont numérotés:
...bouche à feu (tube, manchon et culasse); le manchon porte le numéro de fabrication, les initiales de l'établissement usineur, le millésime de l'usinage, construite avant-guerre presque exclusivement par la Fonderie puis Atelier de Bourges (A.B s).
...frein, construit presque exclusivement par l'Atelier de Puteaux (A.P x).
...affût, avant-train, arrière-train (divers constructeurs).
...pour mémoire sont numérotés aussi: le support de pointage, l'appareil de pointage, le niveau de pointage, le débouchoir.
Pour suivre avec précision les matériels, dont tous les éléments sont interchangeables, l'immatriculation la plus facile à suivre est celle du manchon qui donne le numéro du matériel car les freins sont immatriculés par séquences annuelles et il est très difficile de les suivre.
Avant de détailler les productions, il convient de distinguer les différents matériels armés de la bouche à feu de 75 modèle 1897.
(à suivre).
ALVF
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Re: Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

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Bonsoir,

Avant d'entamer l'étude des quantités de canons de 75 modèle 1897 produites, je mentionne quelques données relatives aux variantes de matériels existant en août 1914 équipés de bouches à feu de 75 modèle 1897:

-2: Différents matériels équipés de la bouche à feu de 75 modèle 1897:

Un rappel chronologique, le matériel de campagne de 75 modèle 1897 a été adopté officiellement le 28 mars 1898 alors que de nombreux matériels ont déjà été achevés:
-dès 1895, une première tranche de 340 bouches à feu de 75 mm est commandée pour livraison à partir de 1896, car les tracés définitifs du manchon, du tube et de la culasse ont été établis. Ceci explique qu'il existe en 1914 des matériels de 75 modèle 1897 portant sur le manchon la date d'immatriculation de "1896" (je reviendrai ultérieurement sur ce point).
-par contre, la construction en série des freins du 75 ne commence qu'en 1897 après mise au point définitive au cours de cette année là.
En 1914, les variantes de matériels sont les suivantes:
-l'écrasante majorité des matériels est constituée par les voitures canons de 75 modèle 1897 de l'artillerie de campagne. Plusieurs modifications ont été apportées à ces matériels entre 1896 et 1914, la plus importante et la plus visible étant l'adoption d'un nouveau masque pour protéger les servants.
--le canon de 75 sur affût de casemate destiné à l'armement des casemates de Bourges de la fortification permanente. La bouche à feu est entièrement semblable à celle du canon de campagne.
-le canon de 75 sur affût de tourelle destiné à l'armement des tourelles doubles des forts modernisés ou récemment construits. La culasse et le manchon sont semblables à ceux du matériel de campagne mais les tubes de ces matériels sont raccourcis.
-le canon de 75 approprié au tir de côte, destiné à l'armement des jetées des grands ports de guerre ou de commerce ou de certains ouvrages de côte. La bouche à feu est semblable à celle du matériel de campagne, seul l'affût comprend des modifications d'ailleurs mineures.
-le canon de 75 approprié au tir de DCA sur plateforme modèle 1911 dont la bouche à feu est semblable à celle du matériel de campagne.
-le canon de 75 modèle 1897 sur autocanon modèle 1913, ce matériel de la Défense Contre-Aéronefs est en cours de construction en série. En août 1914, seul le prototype est en service.

Pour clôturer cette introduction, je joins une rare photographie montrant les premières batteries de 75 mises en service à Vincennes. Avant de rejoindre les polygones de tir, les matériels sont soigneusement tenus à l'abri des vues de "l'ennemi qui nous regarde". Les premières batteries montrées en public sont celles participant à la Revue du 14 juillet 1899. Les grandes nations découvriront cette pièce révolutionnaire en action lors de l'expédition internationale en Chine pour lutter contre la révolte des Boxers où notamment les allemands découvrent avec dépit la rapidité et l'extraordinaire stabilité du tir du 75:
Vincennes les premiers 75 en service.jpg
Vincennes les premiers 75 en service.jpg (163.72 Kio) Consulté 719 fois
Les quantités produites et la répartition de ces matériels feront l'objet d'un autre message.
Guy François.
(à suivre)
ALVF
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Re: Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

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Bonsoir,

Pour la situation du nombre de voitures canons de 75 de campagne en août 1914, les archives ne sont pas concordantes, les chiffres les mieux documentés précisent (Ministère, GQG, Commission du Sénat):
-4712, 4754 ou 4682. A noter que dans le livre du général Baquet, qui a dirigé les bureaux de l'Artillerie au ministère de la guerre, ce nombre est de 4780.
On peut raisonnablement tabler sur cette fourchette de 4682 à 4780. Il est possible que les variations s'expliquent par la prise en compte ou non des pièces et éléments de pièces stockés en Réserve Générale ministérielle et des pièces de DCA sur plateforme modèle 1911 des places fortes car ces matériels sont à l'origine des voitures canons de campagne simplement installées sur la plateforme de tir de DCA. Ces matériels sont au nombre de 48 en août 1914.

Le chiffre de 4712 est intéressant car on y trouve le détail des existants:
...2748 dans les D.I et les Corps d'Armée actifs.
... 852 dans les D.R.
... 192 dans les D.I territoriales.
... 250 sont dans les Parcs des Armées et constituent des rechanges immédiats pour les Grandes Unités.
... 370 sont dans les dépôts des Régiments d'artillerie (emploi pour l'instruction).
... 252 sont dans les Places, essentiellement affectées aux batteries de sortie des places.
... 44 sont en Afrique du Nord, en opération en Algérie et au Maroc.
... 4 en Réserve Générale.

Le chiffre de 4682 est un peu différent et indique:
...2676 dans les D.I et C.A actifs.
... 804 dans les D.R.
... 192 dans les D.I.T.
... 246 dans les Parcs.
... 420 dans les dépôts et dans les collections de rechange.
... 252 dans les Places.
... 48 en DCA des places.
... 44 en Afrique du Nord.

Toutefois, ces chiffres ne représentent pas tous les matériels de 75 construits, il faut y ajouter:
-64 pièces de 75 sur affût de casemate en position.
-96 pièces de 75 dans les tourelles de fortification.
-24 pièces de 75 appropriées au tir de côte.
Il existe des pièces de rechange pour ces matériels dont le nombre n'est pas connu avec certitude.
De surcroît, les quantités de pièces de 75 modèle 1897 en service aux Colonies ne sont pas prises en compte car elles ressortent de l'Armée coloniale en Afrique sub-saharienne, à Madagascar et en Indochine (seules les pièces du Corps Colonial engagé sur le front français sont totalisées dans les chiffres figurant ci-dessus).
Les chiffres sont mal connus.
En Indochine, il y a une vingtaine de 75 modèle 1897, on sait qu'en 1908, il existe 10 pièces de 75 modèle 1897 au Tonkin et 8 autres à Saïgon auxquelles s'ajoutent les 2 canons de 75 sous tourelle de l'ouvrage de la Route de Baria (et il y a certainement des rechanges).
Pour le Sénégal, on connaît 2 pièces de 75 appropriées au tir de côte à Gorée mais l'existence de batteries de 75 de campagne n'est pas définie avec certitude.
En résumé, il semble bien que le nombre de bouches à feu de 75 construites à la date du 2 août 1914 soit plus près de 5000 unités construites pour le service des divers matériels de 75 modèle 1897. et peut-être même plus!

En effet, avant de détailler les quantités produites pendant la Grande Guerre et un peu après, je publierai une petite étude des immatriculations des manchons des bouches à feu de 75 modèle 1897 qui sont assez surprenantes car il n'y a aucune raison de penser que ces immatriculations aient connu une ou plusieurs solutions de continuité.
Pour fixer les idées:
-la pièce n° 1 date de 1896.
-en 1913, la plus haute immatriculation connue est de 5508.
-en 1918, la plus haute immatriculation connue est de 25427.
-en 1933 encore, pour le nouveau matériel de campagne modèle 1897-33, on trouve même un 28237...et il doit y avoir mieux ensuite!
Cordialement,
Guy François.

(à suivre)
ALVF
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Re: Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

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Bonsoir,

Avant de publier le décompte annuel des fabrications du canon de 75 entre 1896 et 1919, je livre quelques chiffres relevés dans les archives concernant la fabrication du 75 et le parc des existants aux Armées en choisissant quelques dates significatives.

-La fabrication du 75 pendant la Grande Guerre:

La fabrication reprend très lentement en 1914 car les établissements de l'artillerie sont désorganisés au moment de la mobilisation qui touche de nombreux ouvriers et employés.
-en août 1914, 69 canons de 75 neufs sont construits.
-la production d'août 1914 à décembre 1915 est de l'ordre de 1.300 insuffisante pour compenser les pertes (capture et explosions accidentelles).
-la production ne devient satisfaisante qu'à partir de 1916 (environ 3.500 exemplaires).
-en 1917, 8.000 sont construits, il est enfin possible de céder des 75 modèle 1897 aux alliés qui avaient dû se contenter jusque là de 75 Schneider de différents types (notamment la Serbie).
-en 1918, la production est du même ordre, permettant la fourniture du 75 modèle 1897 à l'Armée américaine.
Il n'est pas simple de déterminer la production des pièces neuves car des milliers de pièces passent à Bourges pour être réparées et (ou) recevoir certains éléments neufs (frein, tube, etc...).
Les chiffres de production ne sont pas identiques en statistiques, il semble que pendant la guerre, ont été construits:
-32.000 tubes, ce chiffre comprend la production des pièces construites entièrement neuves et les tubes de remplacement sur des manchons plus ou moins anciens.
-14.000 affûts.
-23.000 freins.
-15.000 avant-train.
-9.000 arrière-train.
Bien malin celui qui peut détailler avec précision combien de pièces entièrement neuves ont été produites pendant la Grande Guerre!

-Quantités de 75 modèle 1897 aux Armées:

Il faut attendre 1916 pour retrouver un parc de 75 aux Armées supérieur à celui de 1914 après les captures de 1914 et les éclatements de 1915.
-le 20 février 1916, à la veille de l'attaque de Verdun, on compte aux Armées (pièces d'instruction des dépôts et en réserve exclues):
3.899 canons de 75 modèle 1897 aux Armées plus 44 autocanons de DCA.
-le 1er mai 1917:
5.081 aux Armées plus 94 de DCA.
-le 20 mai 1918:
5.694 aux Armées françaises, articulées en:
...4908 dans les Grandes Unités du front Nord-Est.
... 143 autocanons de 75 DCA.
... 289 pièces de 75 demi-fixes de DCA.
... 4 pièces de 75 sur remorque de DCA.
... 350 en pièces de Défense contre les Tanks (DCT).
En outre 729 pièces sont en entretien.
En réserve générale à Bourges, il y a: 2.753 tubes, 338 freins, 632 affûts.
Il faut ajouter:
-327 pièces de 75 à l'Armée française d'Orient.
-125 pièces à l'Armée serbe, 16 à l'Armée grecque.
Les chiffres de l'Armée américaine ne sont pas comptés.

Un nouveau message essaiera de détailler la production par année de 1896 à 1919 avec une marge d'erreur acceptable en l'absence de tout document de synthèse découvert à ce jour.
Cordialement,
Guy François.
ALVF
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Re: Le canon de 75 modèle 1897 quantités produites et nombre des existants

Message par ALVF »

Bonsoir,

Le présent travail s'appuie sur les immatriculations relevées dans divers documents et concernant les bouches feu de 75 modèle 1897, plus précisément les inscriptions figurant sur les manchons qui suivent un ordre numérique sans solution de continuité. Ces inscriptions sont:
-le numéro de fabrication
-les initiales de l'établissement usineur, c'est à dire pour la quasi totalité des bouches à feu, la Fonderie de Bourges devenue Atelier de construction de Bourges (A.Bs).
-le millésime de l'usinage (exceptionnellement certaines bouches à feu ont porté le millésime de la commande).
Je livre donc le résultat des observations effectuées par années de 1896 à 1919.
Il est nécessaire de rappeler quelques faits:
-l'essentiel des commandes initiales de canons de 75 a fait l'objet des fabrications de 1897 à 1902.
-au cours des années 1902 à 1906, les fabrications sont très peu nombreuses, conséquence de la calamiteuse gestion du Ministre de la Guerre, le général André, plus soucieux de "républicaniser" l'Armée et de confier aux loges maçonniques la tâche de dénoncer les officiers (et leur famille) allant à la messe. Aucune quantité notable de matériels d'artillerie n'est mise en commande sous son long ministère et le stock des munitions de 75 tombe à 300 coups par pièce.
-après la "grande peur" des crises marocaines de 1905 et 1911 (surtout cette dernière qui fait craindre une guerre imminente avec l'Allemagne), les commandes augmentent sensiblement. L'artillerie se développe, jusqu'en 1914, le nombre de régiments d'artillerie augmente de près de 50% et les stocks de munitions s'accroissent, surtout de 1912 à 1914, pour atteindre un peu plus de 1.300 coups par pièce.
-le nombre de pièces de 75 réformées avant 1914 n'est pas connu avec certitude mais est très faible et ne doit pas excéder quelques dizaines (usure par les tirs d'instruction, pièces tirant beaucoup servant à la recette des projectiles, etc...).
-le nombre des pièces détruites par accident est lui aussi très faible puisqu'on sait qu'il est de l'ordre d'un incident majeur par 500.000 coups tirés.
Les quantités exactes de 75 produites doivent figurer dans les archives ministérielles ou du Service des Forges mais je ne les ai pas trouvées!
Voici donc le résultat du recensement des productions dont le détail peut évidemment être amélioré, certaines années relevées comportent plusieurs dizaines de numéros et les chiffres sont donc significatifs. Seuls les chiffres extrêmes sont mentionnés ci-après.

Production par années de 1896 à 1919 d'après les immatriculations connues des bouches à feu:

-1896: n° 6 à 196 au moins.
-1897: n° 237 à 1722.
-1898: pas de numéro relevé, on peut supposer que les canons fabriqués cette année là portent par exception le numéro de la date de commande "1897".
-1899: n° 1786 à 2924.
-1900: n° 2988 à 3876.
-1901: n° 3899 à 4391.
-1902: n°4448 à 4534.
-1903 et 1904: aucun numéro relevé.
-1905: un seul numéro relevé, n° 4649.
-1906: aucun numéro relevé.
-1907: n° 4716 à 4849.
-1908: n°4863 à 5210.
-1909: n°5242 à 5354.
-1910: un seul numéro, n° 5203 (recette tardive après usinage défectueux à la recette?).
-1911: deux numéros relevés, n° 5442 et 5447.
-1912: aucun numéro relevé.
-1913: un seul numéro relevé, n° 5508.
-1914: aucun numéro relevé.
-1915: n° 5815 à 6858.
-1916: n° 6972 à 10233.
-1917: n° 11851 à 17951.
-1918: n° 18124 à 25421.
-1919: n° 26299 à 26394.

Il est évident que certaines séquences sont très peu documentées. Parfois, des numéros constituent des anomalies portant le numéro de l'année précédente. Ce sont probablement des matériels non admis en recette et présentés de nouveau après rectification de l'usinage d'un ou plusieurs éléments.
Curieusement, je n'ai pas trouvé d'immatriculations datant de 1914 alors que les années 1915 à 1918 sont très documentées.
Une quasi certitude, le "tube 1233" de Paul Lintier a été usiné en 1897!
Les lecteurs pourront peut-être compléter ces états qui n'ont rien de scientifiques mais sont tout de même significatifs pour certaines années.
Cordialement,
Guy François.
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