La résistance armée en 14-18

bltedouard
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La résistance armée en 14-18

Message par bltedouard »

Bonjour à tous,

Est-ce que la résistance de la Première Guerre mondiale avait une frange armée comme pour la seconde avec des sabotages à l’explosif, des assassinats envers les forces d’occupation allemandes dans le Nord de la France ? On a souvent entendu parler des francs-tireurs en Belgique mais est-ce que l’exemple belge correspond bien à un mouvement de résistance ou bien juste une exagération et une paranoïa des troupes allemandes ?


Merci d’avance pour votre éclairage.
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kglbayrRIR2
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par kglbayrRIR2 »

Bonne soirée,
Un sujet douloureux qui n'a guère été traité, surtout du côté allemand ! Comme c'est souvent le cas, la situation est probablement trop complexe et aussi trop différente dans les phases respectives de la guerre pour qu'un système général soit reconnaissable. À mon avis, trop peu d'attention est accordée au fait que la partie prussienne, en raison d'expériences historiques, avait une perception significativement différente de la France que, par exemple, la Bavière, où la France a été considérée pendant des siècles comme une puissance protectrice traditionnelle contre l'Autriche-Hongrie agressive.

A la lecture des histoires régimentaires dont je dispose des unités prussiennes qui ont participé à la « Marche sur Paris » en 1914, j'en suis venu à réaliser qu'on ne peut guère parler de « paranoïa ». Le fait que les « seigneurs du monde » autoproclamés - comme Thomas Mann décrit de manière assez critique l'officier prussien typique - aient été « rendu si difficile » pour une « promenade à travers la Belgique » a probablement fait renaître le mythe du « Franktireur » d'un mélange d'étonnement, d'exaspération et de colère, comme on s'en souvenait plus ou moins comme un mythe de la guerre de 1870/71.
Garde prussien. Caricature dans le magazine satirique bavarois « Simplicissimus ».
Garde prussien. Caricature dans le magazine satirique bavarois « Simplicissimus ».
thöny_simpl.png (709.4 Kio) Consulté 2230 fois
Il peut sans aucun doute y avoir eu des cas individuels d'utilisation illégale d'armes par des civils. Certains rapports des histoires régimentaires semblent tout à fait crédibles, apparemment des civils ont été pris en flagrant délit avec le « pistolet fumant », mais dans la plupart des cas, il faut supposer que seuls des prétextes ont été recherchés pour briser toute résistance par la force brute. Peut-être était-ce aussi intentionnel que la nouvelle de ces violents excès décourage la population de continuer à résister. Donc c'était moins paranoïaque, la « folie avait quand même une certaine méthode », pour reprendre Shakespeare. Le « peuple des poètes et des penseurs [Volk der Dichter und Denker] montrait déjà les premiers signes pour devenir le « peuple des juges et des bourreaux [Volk der Richter und Henker]».

Sur le front de l'Est (Lorraine), où la 6ème armée (bavaroise) a agi, on assiste à des développements similaires lorsque, après la bataille de Morange, l'avancée vers la Trouée de Charmes s'est arrêtée. En tant que bavarois de naissance - je l'avoue - on est bien sûr enclin à attribuer les événements scandaleux qui se sont déroulés entre Lunéville et Gerbéviller au XXIème corps (prussien) et à ses unités non bavaroises.
A Lunéville, par exemple, on a aussi l'impression que les sensibilités intra-lorraines ont également joué un rôle dans les régiments germano-lorrains de ce corps. Cependant, si l'on lit les lettres de poste de campagne publiées,
https://digi.landesbibliothek.at/viewer ... 0904869/1/
qui ne reflètent généralement pas de manière très fiable la situation sur le front lorrain et sont souvent falsifiées, il ne reste malheureusement pas grand-chose du « noble Bavarois ». Dieu soit lamenté.

Après tout, il existe encore en Lorraine des pierres tombales érigées par des unités bavaroises et sur lesquelles des guerriers bavarois et français sont gravés à parts égales en tant que défenseurs de la patrie. Il n'en est pas de même des troupes purement prussiennes.
grabstein_chicourt_lothr_1914.jpg
grabstein_chicourt_lothr_1914.jpg (79.27 Kio) Consulté 2230 fois
Alors que la guerre se transformait en guerre de tranchées, il semblait y avoir eu relativement peu de contacts directs entre les habitants et les occupants, car les zones de combat immédiates étaient pour la plupart évacuées. Les auteurs des histoires régimentaires rapportent souvent des tentatives assez puériles pour prouver à la population restante qu'ils ne sont pas les barbares que le public français a fait d'eux. En même temps, cependant, on ne cache pas le fait qu'on a plusieurs fois « acheté telle ou telle chose sans reçu [Signification : volé] ».
Ce qui m'est particulièrement resté en mémoire lors de la lecture, c'est la réflexion d'un officier saxon qui trouvait extrêmement regrettable que la population adulte, même après trois ans d'occupation allemande, ne parlât toujours pas un seul mot d'allemand ( !!! ). En même temps, cependant, il a manifestement exprimé une admiration honnête que la population française ait enduré stoïquement toutes les épreuves de la guerre avec « c'est la guerre » et n'ait jamais abandonné l'espoir d'un tour heureux de la guerre, tandis que ses propres parents à la maison n'étaient pas épargnés par les critiques et les reproches.
L'auteur d'une histoire régimentaire prussienne a remarqué une jeune femme, alors âgée d'environ 18 ans, qui pendant toute la période d'occupation qui a suivi a toujours « regardé à travers les soldats » sans aucune émotion ni réaction lorsqu'elle les rencontrait dans la rue. L'expression la plus appropriée pour cela en allemand contemporain est : « Elle n'a même pas ignoré les soldats ».

Une forme de résistance qui - comme on le rapporte - exigeait le respect des soldats.

Autant que je me souvienne, mon grand-père, qui a été en poste hors d'Arras pendant plus de deux ans, n'a rien dit sur les contacts avec la population locale. On peut au moins en conclure qu'il n'y a pas eu de résistance significative sur le terrain de la part de la population civile. Le journal de guerre, que j'ai pu consulter dans les archives de guerre à Munich, ne rapporte aucun événement de ce genre. Aucune représaille de quelque nature que ce soit contre la population civile n'a été ordonnée par le régiment à aucun moment (ceci fait référence à toute la période de guerre, soit dit en passant).

Néanmoins, la relation n'était probablement pas aussi rose que l'officier Alfons Schneider du régiment de grand-père voudrait nous le faire croire. Son petit livre (Alfons Schneider, Arras et Somme, Munich 1917) a été traduit en français en 1997 par le « Cercle archéologique arrageois ».

https://www.amazon.fr/Dans-tranch%C3%A9 ... B0006QRN76

p 63
La cohabitation entre la population civile et militaire se passe le mieux possible. L’idee de liberation a disparu et ils ne désirent plus les liberateurs. La force du feu d’artillerie leur fait craindre une destruction de leurs maisons et de leurs fermes en cas d’attaque de notre adversaire. Dans ces conditions ils preferent une paisible cohabitation avec l’ennemi plutôt qu’une reflexion sur l’avenir avec les leurs, qui se passerait sur les ruines de leur maison. Ils ont suffisamment d’exemples à ne pas suivre pour aller dans ce sens. Ils vivent tranquillement et se contentent de ce que l’administration leur attribue. Assignee au travail dans les cultures par la Kommandantur, tôt le matin une foule de femmes et de jeunes filles part aux champs. Pour ce travail, comme pour tout autre, elles sont payées.
Peinture d'Alfons Schneider
Peinture d'Alfons Schneider
dans les champs.png (663.99 Kio) Consulté 2230 fois
Il est indubitable que son livre s'adresse à d'autres combattants et reflète l'autosatisfaction et les vœux pieux des officiers allemands et bavarois. Même si son regard sur la population française se caractérise par la compréhension et la bienveillance, on remarque une certaine arrogance (une attitude condescendante) dans ses propos, assez courante chez les officiers. Du moins a-t-on l'impression que à Bailleul-Sir-Berthoult ou à Gavrelle une entente s'est faite par des efforts linguistiques mutuels.

Par exemple, un épisode du livre, qui - s'il est vrai - a dû être amusant pour les lecteurs bavarois, en tant que Français, vous ne pouvez probablement pas en rire. L'auteur raconte qu'il a été approché par une femme de la région parce qu'elle ne pouvait pas interpréter correctement certaines expressions d'un officier d'ordonnance bavarois.

- Monsieur, qu’est ce que ca veut dire «Mistviech»?
- Tu es un Mistviech.*
- Moi?
- Oui.
- Bien, une ordonnance est venu me demander des oeufs. J’en n’ai pas ; il dit «Mistviech». Est-ce que c’est un bon mot ?
- Oui, mais pas très bon. Tout depend comment il a dit.
- Il a ri.
- Donc ça va.
- Il a aussi dit, «schwarzer Deifi »**! C’est moi aussi ?
- Bien entendu, tu ressembles à un diable noir, tu comprends ?
- Oui, mais ce n’est pas bon.
___________________________
* Bavarois pour un animal qui vit sur le fumier. Mais cela peut aussi identifier quelqu'un qui est particulièrement sophistiqué.
** Bavarois pour «diable noir» ou «diable aux cheveux noirs». Cela aussi peut être un compliment. Selon la façon dont vous le dites.

Cordialement
Joseph
.. Les officiers français étaient impuissants. Aucune persuasion n'a aidé, pas même l'avertissement de suivre l'exemple des courageuses troupes bavaroises. ..
Histoire rgtaire du RI Bavarois n°8 : Retraite de Russie (1813); p.380.
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michelstl
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par michelstl »

Bonjour
Merci Joseph pour ce regard intéressant.
Salutations
Michel
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stcypre
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par stcypre »

bonjour,
j'ai publié 2 livres sur la résistance . Celle-ci n'était pas ou peu armée, puisque tout civil trouvé avec une arme était fusillé, les allemands étaient féroces.
Mon premier "Un cri dans le silence" parle de cette résistance.
Le second (sur un total de 12 à ce jour), parle de la résistance des femmes "Les insoumises de 1914-1918", suivi de "Le château des supplices" qui développe les prisons allemandes des résistantes françaises et belges.
Cordialement.
Stcypre.
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stcypre
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par stcypre »

voici les 2, 4ème de page de mes livres...
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stcypre
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par stcypre »

le second
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Mercadal P
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par Mercadal P »

Bonjour .
En dehors des missions visant à fournir des renseignements sur les activités de l'ennemi, il y a quelques cas de sabotage dans la zone occupée mais ils sont le fait de personnels agissant seuls ou en équipes ( militaires, douaniers : ces derniers en raison de leur très bonne connaissance du terrain ) déposés , en avion - parfois exfiltrés par la même voie - derrière les lignes allemandes; si le commandement n'a pas de difficultés à recruter, à sélectionner et à former des volontaires - parfois stimulés par des primes - les pilotes ne se ruent pas pour effectuer ces missions spéciales à la fois très dangereuses et , bien entendu, aucunement médiatisées lorsqu'elles réussissent . Toutefois, parmi les pilotes les plus célèbres on relève les noms de Guynemer, Navarre et Védrines .
Les personnels ainsi déposés trouvent parfois un appui logistique sous forme d' hébergement temporaire , chez les habitant des régions occupées mais l'indifférence prudente voire les refus catégoriques de toutes formes d'aide compte tenu des risques encourus sont fréquents sans parler des dénonciations à l'autorité allemande locale .
Au revoir.
PML
bltedouard
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par bltedouard »

Merci pour vos réponses, est-ce que vous pouvez développer sur les sabotages et les missions effectuées par des soldats déposés en avion svp ?
Mercadal P
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Re: La résistance armée en 14-18

Message par Mercadal P »

Bonjour.
Le plus sûr est de lire les ouvrages consacrés à ce sujet; il en existe, à ma connaissance, au moins trois:
-Les agents des missions spéciales. J.L Michelet. Ed Société d'histoire des Ardennes
-L'aviation des missions spéciales. Damien Roche-Deroche. Ed Damien Roche-Deroche
-Les missions spéciales pendant la première guerre mondiale. Olivier Lahaie. Ed. Histoire & Collections
De plus, ce site donne de bonnes informations sur le rôle très important joué par les douaniers :
https://histoire-de-la-douane.org/1915- ... speciales/
Au revoir.
PML
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