Secours financiers envoyés à un tirailleur algérien prisonnier de guerre

Yann LE FLOC'H
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Secours financiers envoyés à un tirailleur algérien prisonnier de guerre

Message par Yann LE FLOC'H »

Bonjour,

J'ai trouvé récemment dans un vide-grenier du 44 pour une somme modeste (3 euros) une carte postale ancienne qui m'intrigue par sa correspondance.

En effet, si la vue de cette CPA est en elle-même est relativement banale, la correspondance est intrigante.

Dans un style particulièrement administratif, un capitaine français , chef du bureau arabe de DJELFA informe en mars 1916 monsieur (le terme est assez surprenant ...?) Miloud Ben Mogueri du 1er RTA , prisonnier de guerre à ZOSSEN (Allemagne) qu'il a bien reçu sa lettre et qu'il lui adresse en retour un mandat de 5 francs. Il lui demande d'en accuser réception.
Un tampon du bureau des "Affaires Indigènes" de Djelfa a été apposé sur la carte de même qu'un tampon allemand de censure, qui semble attester que la carte a bien atteint son destinataire.

Je ne suis pas du tout spécialiste de l'armée d'Afrique et de l'Algérie coloniale mais je pense que ce document est intéressant par ce qu'il révèle de l'administration de ces unités.

Y avait-il des budgets dans les bureaux arabes pour soutenir financièrement les tirailleurs indigènes prisonniers en Allemagne ? Peut-on imaginer qu'il s'agissait de les solder ainsi à distance en compensation de leur engagement théoriquement volontaires, puisqu'ils n'étaient pas de citoyens français ?
Ou peut-on imaginer que le bureau arabe faisait l'intermédiaire entre les familles de tirailleurs ou les tribus (j'imagine qu'ils étaient non francophones et démunis de moyens de paiement adaptés) et les militaires prisonniers ?
Ce genre de secours était-il courant ou était-il réservé à certains indigènes de haut rang (fils de notables, par exemple) ?

DJELFA est une ville située à 300 km au sud d'Alger, aux confins du Sahara et centre d'une région caractérisée par l'absence quasi totale de colons européens.

Je pense que ce genre de document doit être très rarement préservé , c'est un petit miracle qu'il soit parvenu jusqu'à nous .

Qu'en pensent les spécialistes du forum ?

Merci d'avance.

Yann LE FLOC'H
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kglbayrRIR2
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Re: Secours financiers envoyés à un tirailleur algérien prisonnier de guerre

Message par kglbayrRIR2 »

Bonsoir,
Yann LE FLOC'H a écrit : lun. juin 26, 2023 10:01 pm Je pense que ce genre de document doit être très rarement préservé , c'est un petit miracle qu'il soit parvenu jusqu'à nous .
Qu'en pensent les spécialistes du forum ?
Merci d'avance.
Yann LE FLOC'H
une explication pourrait être que le camp de Zossen a été créé par les Allemands spécifiquement dans le but d'inciter les soldats musulmans à faire défection. Le camp s'appelait « Halbmond-Lager » en allemand.
Dès le 15 novembre 1914, le sultan calife d'Istanbul avait appelé tous les musulmans des colonies anglaises et françaises au djihad contre l'Angleterre et la France.
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« Les notres » se sont efforcés de retourner les musulmans contre leurs puissances coloniales respectives en leur accordant un traitement préférentiel.
La première mosquée sur le sol allemand a même été construite pour eux.
En fait, un bon nombre de prisonniers ont changé de camp.

Ainsi, la carte pourrait être un bon exemple de la façon dont les Français s'occupaient de leurs propres soldats - ou du moins des « opinion leaders » importants parmi eux. Une mesure très intelligente, je pense!

https://de.wikipedia.org/wiki/Halbmondlager

Cordialement
Joseph
.. Les officiers français étaient impuissants. Aucune persuasion n'a aidé, pas même l'avertissement de suivre l'exemple des courageuses troupes bavaroises. ..
Histoire rgtaire du RI Bavarois n°8 : Retraite de Russie (1813); p.380.
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stcypre
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Re: Secours financiers envoyés à un tirailleur algérien prisonnier de guerre

Message par stcypre »

Bonjour, il y a là rien de particulier.
En effet il était courant que des hommes (officiers et soldats) et des femmes notamment par le marrainat, envoient des sommes d'argent à des prisonniers de guerre.
Les allemands ne se gênaient pas pour séquestrer les sommes envoyées, et le changement de monnaie n'était pas des plus légal, bien entendu au profit des officiels des camps.

Voici ce que j'ai publié sur ce camp:

ZOSSEN

Dans ce lieu 15 000 militaires prisonniers, dont environ 4 800 soldats musulmans et 2 500 civils. L’annexe où demeuraient les musulmans s’appelait Wünsdorf mais aussi Halbmonlager (camp du croissant) ou Zentralafrikaner et Mohammedaner. Il contenait des algériens, marocains, tunisiens, des sénégalais, des Tatares et Kirghizes. Au centre du camp une mosquée avec son minaret avait été érigée sur l’ordre du Kaiser, se disant l’ami du Sultan rouge (sic) !
Les civils étaient réunis dans l’annexe Weinberge, près d’un Lazarett.
Kommandant : Weinberge, Oberst Böhlau. Wünsdorf, major Von Hadeln.
Lazarett : Une épidémie de Flecktyphus frappa surtout les russes. L’équipe médicale allemande affirmait avoir réalisé des expériences remarquables avec des injections contre le choléra et le typhus.
Journal : Le Héraut.
Anecdotes : Une vingtaine de longs fossés, tenant lieu de cabinets avaient été creusés pour les besoins des prisonniers. Ils étaient bordés de sortes de lattes en bois « les perchoirs », soutenus par des supports. Sur ces perchoirs, les hommes pouvaient s’accroupir par 50, suivant le rapport d’un médecin prisonnier. « Il en est résulté que les prisonniers ont adopté l’expression, aller au perchoir, afin de satisfaire un besoin naturel »
Le poteau avait un écriteau indiquant la cause de la punition. Il existait une sanction particulière, la cage à lion. Cette cage composée de piquets de bois et de fil de fer barbelé interdisait au puni de se détendre après une journée passée accroupi.
Les témoins ont parlé de soupe au caniche et de potage Klippfisch, à base de têtes et de peaux de morues salées du Nord, mêlées avec du gruau d’orge. Les musulmans se voyaient servir, suprême sacrilège pour le Coran, une soupe avec des tétines de truie.
Ces mêmes soldats étaient soumis à la propagande allemande, pour les exhorter à « se révolter contre leurs maîtres coloniaux », en allant combattre en Turquie avec leurs frères. Cette campagne, aujourd’hui on dirait ce Jihad, était l’œuvre d’un diplomate allemand, Max von Oppenheim. Mais il faut le dire, cette action de retournement de soldats n’avait eu aucun succès.
Livre :
Steen : Négociations pour les prisonniers de guerre, 1918.
Collectif : Revue des anciens PG du fort de Charlemont, 1931.

Cordialement. Stcypre
la vérité appartient à ceux qui la recherchent et non à ceux qui croient la détenir.
Yann LE FLOC'H
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Re: Secours financiers envoyés à un tirailleur algérien prisonnier de guerre

Message par Yann LE FLOC'H »

Bonjour,

merci pour vos recherches et vos informations.

Cordialement

Yann LE FLOC'H
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