Plus de 10 ans après le dernier article de cette série, un petit retour ponctuel.
Bonne découverte,
Amicalement,
Arnaud
Verdun, octobre 1916. Des sentinelles du 311e RI capturent trois soldats allemands venus en patrouille. Trouvant le rapport trop épique, le commandant de brigade renâcle à les récompenser.
Octobre 1916. Le front de Verdun sur la rive droite est toujours particulièrement actif suite à la première phase offensive française du 24 qui a permis la reprise du fort de Douaumont. La rive gauche est plus calme. Affectés sur la riche gauche au secteur de Chattancourt depuis une quinzaine de jours après avoir relevé le 339e RI, les hommes de l’avant-poste (A.P.) de la tranchée des Zouaves ont une fin de nuit agitée.
- Patrouille allemande
À l’échelle du conflit, Verdun est un petit secteur. À l’échelle de Verdun, Chanttancourt est un petit secteur.
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Continuons notre approche vers un petit poste en avant de la tranchée de Zouaves occupé par deux soldats français du 311e RI.
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Ce matin 30 Octobre 1916 à 4h45' une patrouille allemande venant de la direction Tranchée de Piémont - Boyau de Valence, forte de 1 caporal (?) et 2 soldats s'est approchée à proximité d'un de nos postes de guetteurs, en avant du réseau de la nouvelle tranchée N des Zouaves.
Les deux sentinelles les voltigeurs Arnaud et Vincent avaient été prévenues qu'une patrouille du 312e opérait devant nos lignes entre 4 heures et 4h30'. Devinant dans la nuit encore obscure un groupe d'hommes s'avançant l'un derrière l'autre dans leur direction ils étaient sur leurs gardes et firent les sommations d'usage. Tout en continuant à avancer le groupe y répondit par des mots sans suite où ceux de Oui ! Oui ! furent seuls compris.
Le voltigeur Arnaud reconnaissant l'ennemi fit feu et atteignit un des patrouilleurs qui s'affaissa en poussant des cris de douleur. Ces deux camarades, porteurs de leur fusil et de grenades, entamèrent une lutte corps à corps avec les soldats Arnaud, Vincent et Thomin qui, attiré par le bruit de la lutte n'avait pas hésité à franchir le parapet de la tranchée, muni de grenades, pour se porter au secours de ses camarades.
Après une très courte résistance les deux Bôches valides jetèrent sur le sol fusil et grenades et se constituèrent prisonniers.
Le voltigeur Vincent fut légèrement blessé au lobe de l'oreille droite. Avec son camarade Thomin il conduisit au P.C. du commandant de la Cie les deux prisonniers qui fûrent (sic) de là dirigés sur le PC du chef de Bon en vue de leur interrogatoire.
Une patrouille fut aussitôt envoyée par le Chef de la section d'occupation de l'ouvrage des Zouaves (S/ Lieutenant Long), elle découvrit en avant du réseau le blessé étendu grièvement atteint. Ramassé par les brancardiers, ledit blessé fut conduit sur un brancard au Poste de secours du bataillon.
Fouillé, rien ne fut trouvé sur les prisonniers qui soit intéressant.
Aux A.P. le 30 Octobre 1916
Le Lieutenant comt la 23e Cie/311e
Oury
Le blessé allemand est au P.S. de Chattancourt, il sera évacué cette nuit sur Marre.
Le soldat Vincent s'est rendu au P.S. de Marre après avoir été soigné à Chattancourt.
Les deux prisonniers ont été dirigés sur RI.
Le chef de Bon Pouhaër, Cdt les A.P.
Le rapport est accompagné d’un croquis qui permet de découvrir en détail les lieux où se déroulèrent les faits cette nuit-là. Les deux sentinelles sont placées dans le carré bleu.
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Toutefois le JMO ne comporte pas seulement le rapport et le croquis. On peut découvrir une partie de la suite de cette histoire, non pour les prisonniers allemands mais pour les soldats français impliqués. Cet exemple, habituellement disséminé dans les archives des différents corps, quand elles ont été conservées, se retrouve résumé ici. La suite commence par la critique sévère du rapport réalisé, trop « épique » au goût du commandant de brigade.
Vu et transmis
Le Chef de Bon Ct provt le Régt tient à signaler à l'autorité supérieure le sang-froid et la présence d'esprit qu'ont montrés les soldats Arnaud et Vincent qui étant en sentinelles ont procédé à l'arrestation des patrouilleurs ennemis.
L'acte accompli par le soldat Thouvin* qui est venu spontanément porter aide et assistance à ses 2 camarades mérite également d'être signalé.
Le Chef de Bon Ct provt le Régt émet l'avis que ces 3 hommes doivent être cités à l'ordre de la Division.
Le 30 oct. 1916
Le Chef de Bon Héran Ct provt le 311e
n°3093
Avis du Colonel Valentin Commt la 129e Brigade
Le compte-rendu du Cnnt de la 23e Cie est peu clair, peu net et ne concorde pas du tout avec mes renseignements.
Après observation faite au Lt Oury Cmmt la 23e, et complément d'enquête de sa part, les faits sont à rectifier ainsi :
1° La patrouille Boche s'est approchée du réseau de fil de fer.
2° Elle est éventée par nos sentinelles qui tirent dessus.
3° Un patrouilleur boche essaye de se servir d'une grenade, mais celle-ci tombe et éclate.
4° Un boche est blessé. Par qui, par quoi ? Par la grenade ou le fusil d'un de nos hommes ?
5° Les 2 boches restants s'avancent pour se rendre.
6° Ils sont pris par nos sentinelles.
Il n'y a donc pas eu de combat au corps à corps !
Il n'en est pas moins vrai, que, si la conduite des sentinelles Arnaud et Vincent et celle du soldat Thouvin* n'a pas été la conduite épique signalée dans le rapport ci-dessus, elle n'en a pas moins été ce qu'elle devait être, c'est-à-dire belle, ces hommes ont fait leur devoir et seront récompensés par leur Colonel.
Pour ce qui est du retard mis à envoyer les renseignements et au rapport trop imagé du Cmmt der Cie j'en fais mon affaire.
Les armes de ces prisonniers seront envoyées ce soir ou demain matin.
Colonel.
Le colonel demanda donc une enquête suite à ce rapport pour en conclure que ces hommes ne firent que leur devoir. Il fit remonter son rapport au niveau hiérarchique supérieur, à savoir le commandant de la 65e Division d’infanterie.
Vu et transmis au Général Cmdt le Groupement C.
Quelles que soient les subtilités soulevées par le Cmdt de la Brigade il n'en résulte pas moins :
1° que le Voltigeur Vincent a été blessé et par le fait de l'ennemi.
2° que les Voltigeurs Arnaud, Vincent et Thouvin* sont de vigoureux soldats et méritent récompense.
30-10-16
Le Gal Blondier de la 65 D
Le commandant de la 65e DI fit alors remonter un niveau encore au-dessus, au commandant du secteur appelé Groupement C :
3728/2
Fait renvoi au Gal Ct la 65e DI
Récompenses à accorder par le Chef de Corps (citations ou permission à titre exceptionnel ou les deux s'il le juge utile). En outre, les soldats Arnaud, Vincent et Thouvin* se partageront une prime de 75 fr pour capture de 3 prisonniers.
QG, S.P. 46, le 1er Novembre 1916
Le Général Commandant le Groupement C
65e Division Transmis pour exécution au Colonel comdt la 129e Brigade
2-11-16
On ne sait pas hélas comment se termina l'histoire : quelle fut la récompense attribuée, en dehors des 75 francs ? En effet, aucun des JMO disponibles ne l'indique et les fiches matricules des trois hommes concernés n'ont pas été retrouvées pour l'instant. Malgré les réticences à récompenser les soldats par le commandant de brigade, le JMO de cette unité à la date du 30 octobre ne mentionne pourtant que la capture de ces soldats allemands.
« 30 octobre : Une patrouille ennemie composée d'un sous-officier et de 2 hommes qui s'était approchée vers 4 heures de la tranchée de Doiran, a été éventée, attaquée et prise. »
Quant au JMO du 31e RI, bien que précisant les pertes quotidiennes et ayant intégré le rapport et la correspondance autour de cette patrouille, il n’indique aucune décoration dans ses pages.
* Concernant le nom du soldat, le rapport a une graphie très claire et indique « Thomin » quand les autres écrits, de mains différentes, indiquent « Thouvin ». La graphie choisie par chacun des rédacteurs a été respectée.
- En guise de conclusion
La consultation donne parfois accès à des documents d’habitude relégués aux annexes ou dans les cartons des échelons supérieurs, quand ils ont été conservés. Ici, on a pu découvrir le cheminement ascendant puis descendant visant à récompenser les soldats concernés. Hélas, on ne sait pas ce qu’elles furent au final.
- Sources :
Service Historique de la Défense :
SHD 26 N 747/3 : JMO du 311e RI
https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 1fd4adc5a3
SHD 26 N 652/4 : JMO du 60e RI (carte du secteur en novembre 1917)
SHD 26 N 530/9 : JMO de la 129e Brigade d’infanterie.
SHD 26 N 385/3 : JMO de la 65e Division d’infanterie.