Page 1 sur 1

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : sam. oct. 10, 2009 6:42 pm
par Arnaud Carobbi
Bonjour à tous,

Mon intention n'est pas de recueillir d'images de gueules cassées ; je souhaite que ce sujet soit l'occasion d'échanger sur le thème de la diffusion de certaines images particulièrement difficiles à regarder en raison de ce qu'elles montrent, mais pas d'en faire l'étalage. Je pense en particulier aux images de gueules cassées telles qu'elles ont pu être montrées dans certaines discussion, pas plus tard que cette semaine.
Il s'agit aussi pour moi de tordre le cou à certaines images que l'on peut avoir sur « la jeunesse » telle que je peux les lire, trop souvent à mon goût, sur le forum. Tout est toujours plus complexe que la simplificatrice généralisation que l'on peut en faire... évidemment liée au thème dont il est question ici.
  • Contexte :
A l'occasion du cours de troisième sur la Première Guerre mondiale, il est question des conséquences du conflit. Depuis 10 ans, je diffuse des images de gueules cassées sur lesquelles nous discutons et tirons la conclusion que le conflit ne fait pas que des morts, que les blessés ne le sont pas qu'aux bras ou aux jambes. Il s'agit de commencer à leur faire comprendre les conséquences humaines de la guerre, après la lecture d'un tableau sur les morts et la diffusion d'une photographie de mutilés, avant de passer aux victimes civiles (veuves et orphelins) et aux autres conséquences (grippe espagnole et chute de la natalité).

Une semaine après la diffusion des images, suite à une discussion avec une collègue qui a fait le choix cette année de ne plus diffuser ces images et à un sujet sur le forum dans lequel des images de gueules cassées très dures à mes yeux ont été diffusées sans avertissement ni précaution de la part de l'auteur du message, et d'échanges sur le sujet avec d'autres membres du forum, j'ai décidé de demander leur avis sur la question à mes élèves.

Non qu'ils soient représentatifs de la population de 14/15 ans française, mais j'ai bien noté chaque année l'effet réel de la diffusion de telles images : silence immédiat dans la salle, élèves choqués, parfois demandant de quitter quelques instant la salle ou de ne pas regarder (une poignée en 10 ans). Ce choix pédagogique, je l'assume, j'estime qu'ils arrivent à un âge où ils peuvent voir, où leur esprit critique commence à pouvoir réfléchir sérieusement sur ce qu'ils voient sans créer un traumatisme. D'autant plus qu'ils ne sont pas laissés seuls face à ces images, mais que le dialogue est ouvert ensuite, des explications sont données.
Il ne s'agit donc pas de leur demander s'ils veulent plus de gore et de sensationnel, mais bien comprendre plus précisément quel est l'impact de ces images et ce que eux en pensent. Car en tant qu'adulte, on parle bien souvent à la place des adolescents, laissons-leur un peu la parole. Et constatons la diversité de leurs réactions, de leur vision des choses.

J'en ai profité pour demander, hélas maladroitement, le recul qu'ils ont par rapport à certains jeux vidéos et films.

Image
  • Méthodologie :
Les élèves ont été interrogés sans avoir été préalablement avertis, de manière anonyme, lors de cours qui se suivaient ce qui n'a pas laissé des élèves discuter des questions avant d'y répondre.
Sur 47 élèves, 4 étaient absents. Les 43 élèves ont répondu.
Dans le fil des conclusions sur ce questionnaire, j'ai transcrit des extraits de réponses choisies pour leur sujet, leur apport à la question ; une fois encore, il s'agit d'un choix, avec toutes les limites que cela comporte. Les textes ont été corrigés en ce qui concerne l'orthographe, non sur le fond ou la formulation. Le mot générique « un élève » au masculin a été choisi, sachant que je n'avais pas demandé d'indiquer le sexe sur le questionnaire. Ne pas y voir donc uniquement des réponses de garçons.
  • Question 1 : Aviez-vous déjà vu des images de gueules cassées ?
Sous-entendu avant le cours.
Image
Un peu moins des trois quart des élèves n'avaient jamais vu ce type d'images.
  • Question 2 : Avez-vous déjà vu des images « difficiles » ?
La question a été précisée par un commentaire oral : il s'agissait d'images difficiles, animées ou fixes, liées à un conflit et à ses conséquences sur l'Homme.

Image

Plus de la moitié estime avoir déjà été en contact avec des images difficiles à regarder. Mais les exemples demandés montrent que le mot « difficile » n'a pas le même sens pour tous. Pour certains, il s'agit des images d'un film (« 300 » et « un film sur le débarquement »ont été cités), pour d'autres d'images vues sur internet ou aux informations à la télévision : « J'ai vu les attentats d'Irak, l'Afrique en Côte d'Ivoire et les guerres civiles ». Pour 5 d'entre-eux, ce sont des vidéos vues sur téléphone portable, dont « des personnes qui coupent la tête d'une personne et lui mettent sur le dos » (références à des vidéos tournés par les preneurs d'otage en Irak et qui circulent sur le net). Rappelons ici que la majorité des portables permettent désormais de visualiser des vidéos que les adolescents s'échangent sans le moindre contrôle de la famille dans la quasi-totalité des cas. Cependant les images violentes viennent aussi des cours ; à commencer par les élèves n'ayant pas le souvenir d'avoir déjà vu de telles images, mais aussi par le rappel d'images vues lors des formations à la prévention routière en 5e : « Une femme totalement brulée au visage. On nous avait montré ça lors de l'ASSR1 au collège » pour trois d'entre eux, ou d'un cours (les enfants soldats). Un élève précise qu'il a vu des images dans un magazine papier et deux autres « en vrai » (référence à un événement familial).
  • Question 3 : Quelle a été votre réaction à la vue des images de gueules cassées la semaine dernière ?
Aucun commentaire n'a été fait sur cette question oralement.

Image

La moitié se dit avoir été « choquée » par la vue des images. Très peu disent n'avoir rien ressenti. Cela montre la puissance que peuvent avoir certaines images. Malgré tout, je dirai que les images choisies sont parmi les moins dures. Un visage de profil qui ne laisse qu'imaginer ce que pouvait être la vision de face ; un visage de face déjà soigné. Très loin de l'insoutenable image publiée dernièrement, qui attire le regard vers cette partie déshumanisée si violente quand on observe le regard de cet homme.
Le résultat pédagogique serait-il le même avec cette image ? Est-il nécessaire de montrer ce qu'il y a de plus dur pour faire comprendre que la guerre c'est ça aussi, qu'on peut être meurtri dans toutes les parties de son corps ? Ne tombe-t-on pas alors dans une forme de surenchère sensationnaliste digne de certaines émissions de télévision ?

La majorité a été choquée et certains commentaires sont instructifs, sur ce thème mais aussi plus généralement sur nos manières de faire : « Cela m'a choqué, comme n'importe qui, mais c'est bien de les voir. On nous dit toujours des exemples et c'est à nous d'imaginer. Là, on a un fait, une réalité ». Vous noterez le « comme n'importe qui » et le fait que l'image soit un facteur important de compréhension, bien plus précis que l'image que peuvent se faire des adolescent des choses. Montrer l'image, c'est éviter que la représentation des jeunes ne soit construite à partir des stéréotypes véhiculés par d'autres fournisseurs d'images. Un autre élève a écrit : « Pas choqué, c'est la réalité des choses ».
  • Question 4 : Avez-vous parlé entre amis (de la classe ou d'une autre classe) des images vues en cours ?
Image
  • Question 5 : Avez-vous parlé avec votre famille, le soir, des images vues en cours ?
Image

Sur le net, on parle de « buzz » ; ici, de bouche à oreille. Il ne fait aucun doute pour moi que la grande majorité des cours ne font l'objet d'aucune discussion entre élèves ; sorti du « c'était sur quoi le contrôle ? » quand plusieurs classes ont le même professeur, les échanges portent sur tout sauf sur cela. Seuls les événements qui se sont déroulés dans un cours, la blague d'un camarade... font l'objet de discussions, et parfois quelque chose plus digne d'intérêt.
Pour ces images, un quart dit en avoir parlé après. Sans autre commentaire.

Par contre, ils ne sont que 16% à en avoir parlé chez eux. Cette statistique va dans le sens, à mon avis, d'une nécessaire réflexion sur ce qui est montré sur cette question sur le forum. En effet, les adolescents restent bien souvent seuls face à la violence des images, sans filtre, sans en parler. On peut reprocher aux adolescents de regarder seuls des films, des images difficiles... mais c'est aussi le rôle des adultes de les aider à donner du sens, parfois à vivre avec ces images. Lancer le dialogue sur la question plutôt que d'attendre qu'il ne soient demandeurs.
Parmi ceux qui ont échangé avec leur famille, deux ont précisé : « Oui, avec ma mère car j'avais déjà vu le documentaire avec elle et les images. Elle trouve que ça peut faire peur à certains. » ; « Oui, j'en ai parlé avec mes parents et ils m'ont dit que c'était bien car ça nous montre ce qu'ils ont vécu à la guerre ».
  • Question 6 : Suite à la diffusion des images, avez-vous fait une recherche sur internet sur ce thème ?
Image

La grande majorité des élèves n'ont pas eu la curiosité de chercher plus avant sur ce thème. Plus la curiosité ou recherché plus gore et sensationnel ? On en revient au même point. Si vraiment ils avaient vu ces images comme quelque chose d'amusant, il est probable qu'ils auraient fait la démarche de trouver d'autres images sur le net (la quasi totalité y a accès désormais). Or ils ne l'ont pas fait. Ces images se suffisent à elles-même ?
Je pense que c'est un point qui plaide en faveur de l'idée que montrer ces images n'a pas un caractère voyeuriste ou impudique. Si les élèves avaient pris ces images pour leur simple aspect spectaculaire, ils se seraient précipités pour en voir d'autres, que l'on trouve très facilement. Or la grande majorité ne l'a pas fait.
  • Question 7 : Qu'avez-vous retenu de ces images ? Avez-vous appris quelque chose grâce à elle ?
Image

J'en arrive aux questions sur leur opinion face à ces images. Nous ne sommes plus sur leur ressenti au moment de la diffusion mais bien sur leur vision des choses une semaine après.
Pour la majorité d'entre eux, la diffusion des images semble permettre une prise de conscience de ce qu'est vraiment la guerre : des horreurs, des séquelles, des souffrances. Cinq d'entre eux ont utilisé le mot « réalité ». Voir ces images, c'est approcher sa compréhension du réel de ce qui se passe dans un conflit. « La réalité, ce que les gens ont vécu. Ce qui aurait pu nous arriver si l'on était né plus tôt » ; cette réponse ainsi formulée est unique, mais montre que ce peut être une vision d'adolescent aussi. Plus fréquemment, « J'ai retenu qu'il n'y avait pas seulement des hommes qui perdaient un bras ou une jambe mais certaines parties du visage », « Ces images m'ont fait voir la guerre sous un angle qui je ne voyais pas. On voit beaucoup la guerre comme tu te fais tirer dessus et les morts, mais en fait il y a aussi des handicapés. ». « Un éclat d'obus, de grenade, une balle peuvent faire plus de dégâts que je ne le pensais ». Les éléments retenus sont d'une grande diversité, même s'ils peuvent être réunis en quelques thèmes. Les images en tout cas apportent une vision plus complexe de ce qu'est une guerre et ses conséquences, chacun ayant déjà sa propre sensibilité qui va jusqu'à cet exemple : « J'ai de la pitié pour ces hommes car ensuite leur vie peut être difficile. J'ai appris que la guerre est plus difficile qu'on ne le pense ». Le « on » remplace le « je », mais il s'agit bien de cela.
  • Question 8 : Fallait-il diffuser ces images ? Argumentez votre opinion.
Image Image

L'argumentation fait partie des méthodes travaillées en Histoire et en Français en troisième, c'est toujours intéressant de le faire faire dans un cadre différent.
La réponse est assez catégorique : 84% pensent qu'il faut montrer ces images ; 2 élèves ont eu un discours plus nuancé, apportant du pour et du contre ; un élève s'est montré opposé à cette diffusion en raison des risques : « Je pense qu'il ne fallait pas les diffuser car certaines personnes peuvent être choquées ». Parmi les pour, il est intéressant de noter qu'apparaît encore l'idée de réalité : « Oui, la vérité et la réalité sont importantes ». D'autres ont un peu plus développé leurs idées : « Oui, peut-être que c'est un peu traumatisant (...). Sinon, à quoi ça sert de nous apprendre ce qu'étaient les grandes guerres, parler de ce qui leur ait arrivé ne sert à rien sans justification, sans preuve. Les textes ne font pas tout, mais les images le font ». Il est vrai que nous travaillons à partir de textes et d'images, mais cet élève pointe du doigt que la narration d'un fait est parfois moins forte si elle n'est pas ensuite illustré. L'image apporte un plus, surtout pour des jeunes qui n'ont pas encore d'images précises, en dehors de certains stéréotypes dont j'ai déjà parlé. C'est dans ce sens, à mon avis, qu'il faut prendre son idée. « Je pense que oui. C'est bien d'avoir vu ces images, pour vraiment comprendre à quel point la guerre est quelque chose d'horrible ».

Pour conclure sur ce point, je pense vraiment que la diffusion de ces images apporte un plus dans la compréhension de la guerre, de ce qu'est la guerre chez les élèves. Nourris de stéréotypes liés aux films, aux jeux, il est bon de confronter, parfois un brutalement je le conçois, leur vision à une réalité terriblement humaine. Mais pas sans précaution ; certes, la seule précaution prise en classe est de les avertir du caractère « dur » des images proposées, mais une précaution est aussi de garder un temps de discussion après la diffusion. Le problème d'internet, est que les jeunes ont accès à des images « dures » très facilement. Il semble que sur le forum il soit possible de diffuser ce type d'image car elles entrent bien dans ce thème. Mais il faut penser qu'il n'y a pas que des adultes qui connaissent le thèmes qui y ont accès ; sans faire la politique de l'autruche (« On diffuse puisqu'ils peuvent trouver facilement ailleurs »), je pense qu'il faut vraiment prendre un minimum de précaution, comme cela avait été fait dans un autre sujet sur ce thème dans la rubrique santé.

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : sam. oct. 10, 2009 6:43 pm
par Arnaud Carobbi
Un dernier thème a retenu mon attention, suite à plusieurs discussions sur le sujet : les jeux de guerre et les films. Les généralisations sont fréquentes sur « les jeunes qui jouent à des jeux vidéos de guerre ». Je ne vais pas cacher que je pense qu'il s'agit une fois encore d'un procès en sorcellerie : tous ne jouent pas, que le garçon qui n'a jamais « joué à la guerre » enfant me jette la première pierre (mince, je généralise !) même si je reconnais que le thème est le même mais pas la forme, surtout, j'ai voulu savoir s'ils faisaient la distinction entre le jeu et la réalité. Une fois encore, je crois que les choses sont plus complexes que les généralisations faciles.
  • Question 9 : Jouez-vous à des jeux vidéos (style Call Of Duty ou Medal Of Honour) ?
Par jeu de guerre, je ne prends que les jeux de type FPS ("First Personnal Shooter" où le joueur voit son bras droit armé et tire sur les adversaires).
Image
Oralement, j'ai précisé qu'on pouvait finalement inclure tout jeu du même type (je pense ici au fameux GTA, interdit aux moins de 16 ans). Je pense que si je n'avais pas donné cette précision, le résultat aurait été légèrement différent, mais dans l'esprit, ce genre de jeu demande au joueur de tirer sur des personnes.

Image

Plus de 50% des élèves ont déjà joué à ce type de jeu ;
  • Question 10 : Avez-vous vu des films d'épouvante ou d'horreur ?
Image

J'ai précisé oralement le type de film auquel je pense : Saw par exemple. Aucune question particulière n'a été posée, tous semblant avoir compris sans précision supplémentaire le type de film auquel je faisais allusion. Le résultat est plus clair encore : rares sont les élèves n'ayant jamais vu de films de ce type.
Le plus important n'est pas là à mon sans : ce qui est plus important est de savoir si les adolescents interrogés pensent pouvoir faire la part du réel et de la fiction. La question 11, mal posée à mon avis car donnant une réponse implicite, était là pour voir ce qu'il en était.
  • Question 11 : Faites-vous la différence entre ce que vous voyez dans un jeu ou un film et ce qui vous a été montré en cours ?
ImageImage

Les réponses font l'objet de deux graphiques : le premier montre le résultat global pour les 43 interrogés ; le second juste les réponses exprimées (oui ou non).

Rien qu'en remplaçant la formulation du « Faites-vous » par « Y a-t-il une différence... » le résultat aurait été moins critiquable.
Cependant, poser la question n'a pas apporté un « Oui » généralisé. Outre les 7 n'ayant vu ni films ni ces jeux, deux ont répondu non, qu'ils ne faisaient pas de différences (hélas sans expliquer) et deux réponses montraient de l'embarras car voyant finalement peu de différences. « Non, on ne fait plus de différences : les jeux sont tellement bien faits qu'on s'amuse presque à tuer les ennemis ».

Ce sont tout de même 29 élèves qui ont répondu qu'ils voyaient la différence ; dire oui, c'est bien, mais leurs explications vont bien dans ce sens : « Ce n'est pas pareil parce que les jeux vidéos ne sont pas vrais. Ce qu'on nous a montré en cours a été difficile à regarder mais c'est la réalité », « Oui, les jeux et les films sont moins réels », « Dans un jeu, c'est moins choquant car c'est par la réalité, alors que en cours c'est plus choquant car on sait que c'est la réalité », « Oui, la vraie vie est beaucoup plus choquante que les jeux vidéos ou les films. Dans un jeu, tu te prends une balle, tu cours encore, mais dans la réalité, tu n'as plus de jambe »... Cependant un élève montre bien par sa réponse, que les techniques employées par les industries du jeu et du cinéma font que la frontière entre le réel et les univers de ces deux industries se diluent : « La seule différence entre des films et les images montrées en cours, c'est que l'ion sait que dans les films ce n'est pas vrai alors que les images elles sont réelles ». Le rendu du réel dans les jeux et le cinéma n'enlève finalement pas grand chose à l'horreur des images proposées car ces adolescents font la distinction et ont compris que ce n'était pas un maquillage, mais une personne, une individualité définitivement meurtrie. « Oui, dans les jeux et les films, on sait que ce qui se passe (tête arrachée, etc) est une comédie, mais ce qui a été montré en cours ce n'est pas de la comédie. On trouve marrant les films et les jeux d'épouvantes, mais la guerre ça ne l'est pas ! »

Je le répète, cette petite étude ne se veut le reflet que des réponses de 43 élèves, non un tableau fidèle des jeunes de 14/15 ans d'aujourd'hui.

Amicalement,
Arnaud

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : sam. oct. 10, 2009 8:12 pm
par chanteloube
Arnaud,
Ce travail fort instructif a du vous prendre un temps énorme pour le concevoir, le dépouiller et le mettre en forme.
Largement plus que les 35h dont on veut nous faire croire que ....passons.
Il me souvient...mais c'est dans un autre temps, que le film de Resnais "Nuit et brouillard" sorti en 1955 avait été censuré et je crois bien ( je n'en suis pas certain) qu'il avait fallu enlever quelques images montrant des gendarmes français devant un camp français pour qu'il puisse finalement sortir et encore, assorti d'une interdiction aux mineurs.
Problématique un peu différente mais "images dites insoutenables"
Les révisos n'aiment pas ce film.
CC

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : sam. oct. 10, 2009 10:31 pm
par mireille salvini
bonjour à tous,bonjour Arnaud,


tout d'abord,merci et bravo pour cette étude extrêmement intéressante,rigoureuse,concise et captivante :love:

je retrouve tout à fait l'état d'esprit de mes ados à moi,ados "moyens" ayant accès à internet et "normalement" bien dans leurs baskets
et c'est pour cela que je trouve cette étude au plus juste de la réalité.

par rapport à la différence faite entre ces jeux de guerre et des photos de guerre,
il est rassurant de voir que la majorité des jeunes savent instinctivement (?) faire la distinction....sans doute une histoire de regard humain capté ou pas.
quant à ceux qui disent ne pas faire de différence,n'est-ce pas une manière pratique de repousser une vérité dérangeante que de la confondre avec du "pour-du-faux" ?

...surtout à cet âge somme toute fragile où l'on se rend compte que les adultes ne sont pas aussi forts et aussi admirables que l'on pensait étant enfant.


pour conclure,j'ai toujours pensé que pour étudier objectivement toute chose,il fallait aller tout au fond de ces choses,face claire comme face obscure.
c'est parfois difficile et il est important de se réserver un cadre pour le dialogue,pour les questions,pour la réflexion.

c'est pour ça qu'il faudra toujours montrer ces images difficiles des Gueules Cassées pour ne jamais les verser dans l'oubli,
mais il ne faudra(it) jamais les "balancer" comme ça,comme une image de cirque.


amicalement,
Mireille

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : sam. oct. 10, 2009 11:27 pm
par Titeuil
Bonsoir à tous, bonsoir Arnaud

Bravo pour votre travail considérable, très instructif, plein d'humanité.
Concernant les enfants de cycle 3, ce qui fonctionne putôt bien, ce sont les témoignages écrits, les courriers de soldats envoyés aux familles notamment. Les élèves sont en effet capable de mesurer les conséquences sociales et humaines de la guerre, qui ne fait pas que des combattants tués : il y a des mères seules, des enfants sans papa. Ceci touche les élèves, qui se représentent les faits dans la projection (comme être un papa pouvant être tué, comme être une maman sans mari, et surtout comme être un enfant privé de son papa). Cette projection induit l'empathie, et donc permet de rendre lisible et compréhensible un phénomène que des millions d'individus ont vécu : la guerre est une chose triste qui sépare les familles, parfois pour toujours.
Concernant les gueules cassées, je pense (sans pour autant connaître le monde des adolescents) que cette projection est rendue absolument impossible : qui peut se représenter le fait de pouvoir devenir une gueule cassée compte tenu de la violence des clichés ? Il me semble que les mécanismes de défense, face à des images aussi dures, ne peuvent induire l'empathie, et permettre une saisie objective des phénomènes historiques. Ceci est à mon sens trop brutal pour que les élèves se disent "ceci aurait pu m'arriver", à l'inverse d'un témoignage écrit laissant place à l'imagination, à l'appropriation d'une construction mentale permettant un accès à une projection. Mais ceci n'est que l'humble avis d'un instit bien peu calé en histoire... et surtout cela dépend évidemment des finalités pédagogiques que l'on se fixe en fonction de nos populations et des contenus des programmes.

Bien à vous,

Bien à vous tous,

Christophe

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : dim. oct. 11, 2009 11:41 pm
par Daneck
Tu as réalisé une très belle enquête Arnaud.
Personnellement, en tant qu'instit' de cycle 3, j'ai abordé la question des blessures "plus ou moins" graves de la façon suivante : j'ai apporté aux élèves 3 ou 4 éclats d'obus de tailles différentes, allant du schrapnell (qui n'est pas un éclat d'obus, je le sais) jusqu'à un éclat de plus de 20 cm de longueur, passant par 2 tailles intermédiaires et j'ai parlé des blessures qu'ils pouvaient occasionner. De l'éclat d'obus dans le bras qui n'empêche pas de rester au front à l'éclat d'obus qui coupe un corps en plusieurs morceaux, passant par l'éclat qui coupe une main, un pied, ....
J'ai donc abordé ce thème de la blessure en ne montrant pas d'images sensibles mais en montrant aux élèves les causes des blessures et en les laissant se faire leur propre image, avec des exemples assez explicites.

Daneck

Re: Montrer ou non certaines images - le cas des gueules cassées

Publié : mar. oct. 13, 2009 7:01 pm
par marcel clement
Bonjour à tous,

Il y a dans le livre :"Un toubib sous l'uniforme - Témoignage du médecin-major François Perrin 1908-1918", éd. Anovi, à la fin des photos prises par le Docteur Perrin.
J'ai déjà vu pas mal de photos de Gueules Cassées, mais il y en a deux qui sont particulièrement épouvantables à regarder.

Bien que j'approuve l'intention de l'éditeur qui écrit :

" Il ne faut voir ni indécence ni voyeurisme dans les pages qui suivent. Elles sont simplement le reflet de ce qui fut le quotidien du médecin-major Perrin pendant de trop longues années.
Elles sont également le reflet de la souffrance des hommes ( souffrance physique, certes, mais aussi souffrance morale), car la guerre n'est pas plus une affaire de tactique et de logistique que d'héroïsme ou d'épopée. Elle est avant tout une affaire d'hommes, dont les corps et les âmes meurtris nous rappellent, certes durement, le vrai visage du conflit qui hante toujours les conscience, près d'un siècle plus tard. "

La question reste : Faut-il tout montrer ? et tout montrer également sur notre forum ?

Amicalement,

Alain MC