Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage
Publié : dim. sept. 18, 2022 11:59 am
Bonjour
Je viens de transcrire le carnet de notes de campagne d'Émile Isidore Paul Picherit [note 1], caporal au 93ème Régiment d’infanterie, 9ème Compagnie.
Pouvez-vous m'aider à identifier les soldats dont l'évocation est en gras :
- le soldat qui a eu un doigt coupé (identification impossible ?)
- l'adjudant de la compagnie (9ème) (j'ai identifié 3 adjudants mais pas leur compagnie MORIETTE, VERGER et MICHAUD)
- le soldat blessé et qui mourut 2 jours plus tard (identification impossible ?)
Départ de la Roche-sur-Yon le 24 août 1914 à 9h du matin, musique en tête. Arrivée à Angers 6h du soir. Arrivée à Paris le 26 après avoir fait le tour de Paris par la grande ceinture. Départ de Paris et arrivée à Reims à 3h du soir sous une pluie battante. Continuation du trajet sur Vouziers [Ardennes]. Arrivée à 11h du soir. Passé la nuit sur les banquettes d’un train de bestiaux toujours sous la pluie.
Dans la matinée du 27, triste spectacle près de deux cents blessés plus ou moins atteints défilent dans la cour de la gare de Vouziers, beaucoup sont portés sur des brancards.Départ de Vouziers le 27 août à 10h du matin. Après un voyage lent au dessus des ponts minés, on arrive à Launois-sur-Vence [Ardennes]. Alors, à partir de ce moment, commence la campagne à pied. Concentration des troupes sur la place de la mairie. Des quantités considérables d'émigrants belges et de la frontière française défilent devant nous. Spectacle triste qui fait peine à voir hommes, femmes, enfants et nous ???? chevaux, bétail de toute sorte suivent.
Du 27 août au 28, première nuit que nous couchons dehors. Tout le bataillon couche dans une prairie dont l’herbe est toute mouillé : ça fait toujours plaisirs. Le lendemain matin à 1h, raide comme des bâtons, après avoir fait le jus, nous partons pour faire une marche de 45 kilomètres. À 2 heures de l’après-midi du 28, nous arrivons à 15km de Sedan. Le canon tonne et fait rage. Les aéroplanes survolent des troupes, nous voyons de lors éclater les obus mais nous ne prenons pas part à la bataille. Le soir du 28, nous partons à la recherche du 93ème qui est presque tout anéanti, sur 3000 hommes de son effectif, il n’en reste plus que 800 ou 900. Nous couchons à Remilly [Ardennes], il est 11h du soir (éreinté).
Le 29 à 3h du matin, réveil en sursaut l’ennemi est à nos trousses. Nous nous formons tant bien que mal et nous battons en retraite après avoir fait encore une trentaine de kilomètres. On nous emmène dans un petit village de peut-être 7 ou 8 maisons. Là, on nous dit : « vous allez camper dans cette prairie avec des sentinelles autour ». Nous commençons à faire la soupe et le café, la soupe est mangé, nous sommes à peu près restaurés. Il est 8 heures du soir une rude secousse nous atteint. Tout à coup, le colonel fait rassembler les officiers, il y a alerte. Nous partons alors sac au dos et nous voilà parti pour une destination inconnue.
Toute la nuit nous marchons à travers bois, taillis, plaine, etc. Au loin, le canon tonne comme de plus belle. Enfin au petit jour, dimanche trente août, on nous signale l’ennemi à peu de distance. Ce sera ce jour le baptême du feu pour notre bataillon. Nous passons tellement vite devant les quelques maisons qui sont devant que je ne peux demander le nom du pays. D’ailleurs le temps presse, l’artillerie prend le galop à travers les chemins tortueux, franchit les fossés, les haies. Les chevaux tombent, se relèvent puis repartent. Toutes les troupes qui sont à cet endroit massées en quantité se remuent et prennent le pas gymnastique. Pour notre part, nous gravissons une colline de près d’un km en courant. Je peux dire que là-haut, nous avons le cœur hors du ventre. Ça ne fait rien, il faut marcher c’est le moment, le canon, la fusillade, les obus font rage autour de nous.
Quelques camarades moins forts que les autres restent en arrière, mal leur prend car la plupart n’en reviendront pas. Une pluie d’obus les couchera parterre les uns blessés aux bras, les autres aux jambes, enfin les autres morts. Un camarade de La Roche-sur-Yon nommé Legris [note 2] père de 3 enfants tombe, je ne le reverrai plus. Jusqu’à trois heures de l’après-midi, ce fut ainsi. À partir de 4 heures, le commandant rassemble les valides du bataillon pour nous faire prendre les avant-postes sur la ligne de feu. Le mouvement s’exécutent pendant 1 heure de temps. Temps bien trop long, car l’ennemi qui nous suivait des yeux nous le prouve pas longtemps après. En effet, vers 5h 1/2, un aéroplane nous force à nous retirer sur Attigny [Ardennes]. Mais, à peine sommes nous reformés par quatre et que nous nous préparons à nous replier qu’une pluie d’obus s’abat sur nous. Comme je me trouvais dans les derniers qui formaient la petite colonne au moment de passer un petit pont notre retraite est coupée et nous restons à 5 pendant 1h 1/2 au pied de gros peupliers qui nous servent d’abri. Là, sans mentir, je peux dire que nous avons essuyé une rafale d’obus de plus de 40. Nous aurions eu été écrasé comme des mouches si ses obus eut été des obus français. Mais sur les 4 que nous étions, un seul a eu un doigt coupé. C’est extraordinaire comme ces obus sont mal lancés.
Après cette journée qui fut pour nous le baptême du feu et par conséquent une rude épreuve, nous nous mettons sans manger ni boire en marche. Jusqu’à 2h du matin où nous arrivons dans les environs du camp de Châlons.
Lundi 31, nous devons avoir repos, mais pour nous reposer, on nous fait faire une trentaine de km : ça fait toujours plaisir. À partir du 1er septembre, tous les jours, le 93e est reformé par le bataillon de dépôt, c’est-à-dire nous. Tous les jours, nous irons au feu soit en première ligne, deuxième ou troisième.
Le dimanche 6 septembre, après une rude marche de concentration on vient nous faire prendre la garde des issues au bourg de la Fère-Champenoise [Marne]. C’est ce nom là que portera la grande bataille qui va se dérouler et qui durera 4 jours. En effet, ce dimanche soir, le 93e reçoit la mission d’aller ce porter le long de la voie ferrée, endroit où il y a un fort talus et nommé Lenharrée [Marne]. Notre mission a pour but d’empêcher l’ennemi de prendre cette voie ferrée. Alors, dès dix heures du soir, chacun prend son petit coin pour y passer la nuit. Bien entendu, sac au dos et le fusil approvisionné. C’est le moment de dire que chacun dort en gendarme : un œil fermé, l’autre ouvert et surtout les oreilles ouvertes.
Enfin, lundi matin 7 septembre, le réveil en campagne nous est sonné et de quel façon ! Les obus tombent comme grêle et cette grêle devra durer sans une minute d’interruption jusqu’à 8h du soir. Là, pendant cette journée interminable, sous un soleil de plomb, toutes les angoisses et transes que vous puissiez imaginer nous traverse le corps. C’est le moment de faire son testament et surtout son acte de contritions. Dès 8h du matin, on entend de-ci de-là quelques cris de « oh là là je suis blessé », l’un c’est la jambe traversée par un éclat d’obus, l’autre c’est le bras qui est à moitié arraché, l’autre enfin la tête en sang réclame qu’on l’emporte ou tout au moins qu’on lui donne à boire. À boire ! Mais ce n’est pas chose facile ! D’abord pas un de nous en a seulement une goutte et ensuite les obus pleuvent plus dur que jamais. Vers onze heures, un aéroplane allemand nous survolent. Oh, le maudit ! Il va nous dépister et nous repérer à son artillerie. Ceci ne manque pas. Peut-être une heure plus tard, les obus tombent toujours mais cette fois font d’avantages de ravages. L’adjudant de la compagnie qui s’était hasardé de sortir de sa tranchée pour faire coucher quelques soldats de renforts nouvellement arrivés, se voit frapper à mort d’un éclat d’obus en pleine poitrine. La poitrine ouverte, il tombe pour ne plus se relever (marié et père de deux enfants). Quelques instants, après je me trouve blessé aux deux mains par des éclats. Fort heureusement très légèrement. Mon camarade de combat me voyant saigné abondamment me propose de me faire un pansement sommaire avec le paquet de pansement que nous possédons tous dans l’intérieur de la poche de la capote. Je l’ai bien remercié mais c’est certainement le dernier service qu’il peut rendre car quelques instants après il se voyait frappé lui aussi d’un projectile qui lui entrait par le fondement et lui sortait par le nombril en lui broyant une partie des intestins. Il mourut, je crois deux jours après, dans d’horribles souffrances. Le reste de la journée se passa toujours sous le feu.
À la tombée de la nuit, notre première chose fut d’aller chercher de l’eau 4km pour aller et autant bien entendu pour revenir. Je dis revenir parce que nous avions reçu l’ordre de rester sur nos positions jusqu’au lendemain. Avec quelle avidité nous avons reçu cette eau et quel soin jaloux nous avons remplit nos bidons, pris quelques nourritures et, de suite, nous nous mettons au travail qui consiste à nous faire des tranchées au cas où demain l’ennemi recommencerai à nous bombarder. À deux heures du matin, nos tranchées sont terminées nous nous y installons et tâchons d’y prendre un petit repos bien mérité.
Mais voilà que vers 3h 1/4, les obus recommencent à tomber comme la veille. C’était l’avant coureur de la bataille. En effet, une 1/2 heure après, on signale de partout que nous sommes cernés par les allemands. Il fait à peine jour, les voilà qui viennent en criant baïonnette au canon. « Feu à répétition » crient les officiers. Nous tirons, les uns disent de tirer à droite, ce sont des français ! Les autres disent de tirer à gauche ! De là une mêlé indescriptible. Néanmoins de nombreux prussiens tombent le corps percé de balles. De nombreux officiers français tombent aussi. Le colonel Lamey [note 3] faisant fonction de général de brigade tombe d’une balle en plein front. Le colonel [Hétet] [note 4] commandant le 93 d’une balle à la poitrine pour ne citer que ceux là.
Comme je ne peux plus manier mon fusil rapport à ma blessure d’hier, je me vois obligé de me replier vers le centre. Au bout d’une marche de deux heures à travers les bois, je me trouve au poste de secours français où je suis soigné et évacué sur la gare d’Arcis-sur-Aube [Aube]. Delà à Orléans et ensuite à Cahors où je fut soigné à la caserne transformée en hôpital.
[note 1] PICHERIT Émile Isidore Paul, caporal, né le 22 avril 1881 à Gétigné – Fiche matricule AD44 vue 327/592
[note 2] LE GRIS Jean Marie Valentin, caporal, né le 29 avril 1880 à Saint-Fulgent – MDH – Fiche matricule AD85 vue 455/736
[note 3] LAMEY Jean Alfred Saïd, colonel, né le 21 décembre 1855 à Alger – MDH – Fiche matricule
[note 4] HÉTET Adrien Gustave, colonel, né le 5 octobre 1858 à Brest – MDH – Fiche matricule AD29 vue 229/507
Merci
Jérôme
Je viens de transcrire le carnet de notes de campagne d'Émile Isidore Paul Picherit [note 1], caporal au 93ème Régiment d’infanterie, 9ème Compagnie.
Pouvez-vous m'aider à identifier les soldats dont l'évocation est en gras :
- le soldat qui a eu un doigt coupé (identification impossible ?)
- l'adjudant de la compagnie (9ème) (j'ai identifié 3 adjudants mais pas leur compagnie MORIETTE, VERGER et MICHAUD)
- le soldat blessé et qui mourut 2 jours plus tard (identification impossible ?)
Départ de la Roche-sur-Yon le 24 août 1914 à 9h du matin, musique en tête. Arrivée à Angers 6h du soir. Arrivée à Paris le 26 après avoir fait le tour de Paris par la grande ceinture. Départ de Paris et arrivée à Reims à 3h du soir sous une pluie battante. Continuation du trajet sur Vouziers [Ardennes]. Arrivée à 11h du soir. Passé la nuit sur les banquettes d’un train de bestiaux toujours sous la pluie.
Dans la matinée du 27, triste spectacle près de deux cents blessés plus ou moins atteints défilent dans la cour de la gare de Vouziers, beaucoup sont portés sur des brancards.Départ de Vouziers le 27 août à 10h du matin. Après un voyage lent au dessus des ponts minés, on arrive à Launois-sur-Vence [Ardennes]. Alors, à partir de ce moment, commence la campagne à pied. Concentration des troupes sur la place de la mairie. Des quantités considérables d'émigrants belges et de la frontière française défilent devant nous. Spectacle triste qui fait peine à voir hommes, femmes, enfants et nous ???? chevaux, bétail de toute sorte suivent.
Du 27 août au 28, première nuit que nous couchons dehors. Tout le bataillon couche dans une prairie dont l’herbe est toute mouillé : ça fait toujours plaisirs. Le lendemain matin à 1h, raide comme des bâtons, après avoir fait le jus, nous partons pour faire une marche de 45 kilomètres. À 2 heures de l’après-midi du 28, nous arrivons à 15km de Sedan. Le canon tonne et fait rage. Les aéroplanes survolent des troupes, nous voyons de lors éclater les obus mais nous ne prenons pas part à la bataille. Le soir du 28, nous partons à la recherche du 93ème qui est presque tout anéanti, sur 3000 hommes de son effectif, il n’en reste plus que 800 ou 900. Nous couchons à Remilly [Ardennes], il est 11h du soir (éreinté).
Le 29 à 3h du matin, réveil en sursaut l’ennemi est à nos trousses. Nous nous formons tant bien que mal et nous battons en retraite après avoir fait encore une trentaine de kilomètres. On nous emmène dans un petit village de peut-être 7 ou 8 maisons. Là, on nous dit : « vous allez camper dans cette prairie avec des sentinelles autour ». Nous commençons à faire la soupe et le café, la soupe est mangé, nous sommes à peu près restaurés. Il est 8 heures du soir une rude secousse nous atteint. Tout à coup, le colonel fait rassembler les officiers, il y a alerte. Nous partons alors sac au dos et nous voilà parti pour une destination inconnue.
Toute la nuit nous marchons à travers bois, taillis, plaine, etc. Au loin, le canon tonne comme de plus belle. Enfin au petit jour, dimanche trente août, on nous signale l’ennemi à peu de distance. Ce sera ce jour le baptême du feu pour notre bataillon. Nous passons tellement vite devant les quelques maisons qui sont devant que je ne peux demander le nom du pays. D’ailleurs le temps presse, l’artillerie prend le galop à travers les chemins tortueux, franchit les fossés, les haies. Les chevaux tombent, se relèvent puis repartent. Toutes les troupes qui sont à cet endroit massées en quantité se remuent et prennent le pas gymnastique. Pour notre part, nous gravissons une colline de près d’un km en courant. Je peux dire que là-haut, nous avons le cœur hors du ventre. Ça ne fait rien, il faut marcher c’est le moment, le canon, la fusillade, les obus font rage autour de nous.
Quelques camarades moins forts que les autres restent en arrière, mal leur prend car la plupart n’en reviendront pas. Une pluie d’obus les couchera parterre les uns blessés aux bras, les autres aux jambes, enfin les autres morts. Un camarade de La Roche-sur-Yon nommé Legris [note 2] père de 3 enfants tombe, je ne le reverrai plus. Jusqu’à trois heures de l’après-midi, ce fut ainsi. À partir de 4 heures, le commandant rassemble les valides du bataillon pour nous faire prendre les avant-postes sur la ligne de feu. Le mouvement s’exécutent pendant 1 heure de temps. Temps bien trop long, car l’ennemi qui nous suivait des yeux nous le prouve pas longtemps après. En effet, vers 5h 1/2, un aéroplane nous force à nous retirer sur Attigny [Ardennes]. Mais, à peine sommes nous reformés par quatre et que nous nous préparons à nous replier qu’une pluie d’obus s’abat sur nous. Comme je me trouvais dans les derniers qui formaient la petite colonne au moment de passer un petit pont notre retraite est coupée et nous restons à 5 pendant 1h 1/2 au pied de gros peupliers qui nous servent d’abri. Là, sans mentir, je peux dire que nous avons essuyé une rafale d’obus de plus de 40. Nous aurions eu été écrasé comme des mouches si ses obus eut été des obus français. Mais sur les 4 que nous étions, un seul a eu un doigt coupé. C’est extraordinaire comme ces obus sont mal lancés.
Après cette journée qui fut pour nous le baptême du feu et par conséquent une rude épreuve, nous nous mettons sans manger ni boire en marche. Jusqu’à 2h du matin où nous arrivons dans les environs du camp de Châlons.
Lundi 31, nous devons avoir repos, mais pour nous reposer, on nous fait faire une trentaine de km : ça fait toujours plaisir. À partir du 1er septembre, tous les jours, le 93e est reformé par le bataillon de dépôt, c’est-à-dire nous. Tous les jours, nous irons au feu soit en première ligne, deuxième ou troisième.
Le dimanche 6 septembre, après une rude marche de concentration on vient nous faire prendre la garde des issues au bourg de la Fère-Champenoise [Marne]. C’est ce nom là que portera la grande bataille qui va se dérouler et qui durera 4 jours. En effet, ce dimanche soir, le 93e reçoit la mission d’aller ce porter le long de la voie ferrée, endroit où il y a un fort talus et nommé Lenharrée [Marne]. Notre mission a pour but d’empêcher l’ennemi de prendre cette voie ferrée. Alors, dès dix heures du soir, chacun prend son petit coin pour y passer la nuit. Bien entendu, sac au dos et le fusil approvisionné. C’est le moment de dire que chacun dort en gendarme : un œil fermé, l’autre ouvert et surtout les oreilles ouvertes.
Enfin, lundi matin 7 septembre, le réveil en campagne nous est sonné et de quel façon ! Les obus tombent comme grêle et cette grêle devra durer sans une minute d’interruption jusqu’à 8h du soir. Là, pendant cette journée interminable, sous un soleil de plomb, toutes les angoisses et transes que vous puissiez imaginer nous traverse le corps. C’est le moment de faire son testament et surtout son acte de contritions. Dès 8h du matin, on entend de-ci de-là quelques cris de « oh là là je suis blessé », l’un c’est la jambe traversée par un éclat d’obus, l’autre c’est le bras qui est à moitié arraché, l’autre enfin la tête en sang réclame qu’on l’emporte ou tout au moins qu’on lui donne à boire. À boire ! Mais ce n’est pas chose facile ! D’abord pas un de nous en a seulement une goutte et ensuite les obus pleuvent plus dur que jamais. Vers onze heures, un aéroplane allemand nous survolent. Oh, le maudit ! Il va nous dépister et nous repérer à son artillerie. Ceci ne manque pas. Peut-être une heure plus tard, les obus tombent toujours mais cette fois font d’avantages de ravages. L’adjudant de la compagnie qui s’était hasardé de sortir de sa tranchée pour faire coucher quelques soldats de renforts nouvellement arrivés, se voit frapper à mort d’un éclat d’obus en pleine poitrine. La poitrine ouverte, il tombe pour ne plus se relever (marié et père de deux enfants). Quelques instants, après je me trouve blessé aux deux mains par des éclats. Fort heureusement très légèrement. Mon camarade de combat me voyant saigné abondamment me propose de me faire un pansement sommaire avec le paquet de pansement que nous possédons tous dans l’intérieur de la poche de la capote. Je l’ai bien remercié mais c’est certainement le dernier service qu’il peut rendre car quelques instants après il se voyait frappé lui aussi d’un projectile qui lui entrait par le fondement et lui sortait par le nombril en lui broyant une partie des intestins. Il mourut, je crois deux jours après, dans d’horribles souffrances. Le reste de la journée se passa toujours sous le feu.
À la tombée de la nuit, notre première chose fut d’aller chercher de l’eau 4km pour aller et autant bien entendu pour revenir. Je dis revenir parce que nous avions reçu l’ordre de rester sur nos positions jusqu’au lendemain. Avec quelle avidité nous avons reçu cette eau et quel soin jaloux nous avons remplit nos bidons, pris quelques nourritures et, de suite, nous nous mettons au travail qui consiste à nous faire des tranchées au cas où demain l’ennemi recommencerai à nous bombarder. À deux heures du matin, nos tranchées sont terminées nous nous y installons et tâchons d’y prendre un petit repos bien mérité.
Mais voilà que vers 3h 1/4, les obus recommencent à tomber comme la veille. C’était l’avant coureur de la bataille. En effet, une 1/2 heure après, on signale de partout que nous sommes cernés par les allemands. Il fait à peine jour, les voilà qui viennent en criant baïonnette au canon. « Feu à répétition » crient les officiers. Nous tirons, les uns disent de tirer à droite, ce sont des français ! Les autres disent de tirer à gauche ! De là une mêlé indescriptible. Néanmoins de nombreux prussiens tombent le corps percé de balles. De nombreux officiers français tombent aussi. Le colonel Lamey [note 3] faisant fonction de général de brigade tombe d’une balle en plein front. Le colonel [Hétet] [note 4] commandant le 93 d’une balle à la poitrine pour ne citer que ceux là.
Comme je ne peux plus manier mon fusil rapport à ma blessure d’hier, je me vois obligé de me replier vers le centre. Au bout d’une marche de deux heures à travers les bois, je me trouve au poste de secours français où je suis soigné et évacué sur la gare d’Arcis-sur-Aube [Aube]. Delà à Orléans et ensuite à Cahors où je fut soigné à la caserne transformée en hôpital.
[note 1] PICHERIT Émile Isidore Paul, caporal, né le 22 avril 1881 à Gétigné – Fiche matricule AD44 vue 327/592
[note 2] LE GRIS Jean Marie Valentin, caporal, né le 29 avril 1880 à Saint-Fulgent – MDH – Fiche matricule AD85 vue 455/736
[note 3] LAMEY Jean Alfred Saïd, colonel, né le 21 décembre 1855 à Alger – MDH – Fiche matricule
[note 4] HÉTET Adrien Gustave, colonel, né le 5 octobre 1858 à Brest – MDH – Fiche matricule AD29 vue 229/507
Merci
Jérôme