Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

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jerome72
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Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par jerome72 »

Bonjour

Je viens de transcrire le carnet de notes de campagne d'Émile Isidore Paul Picherit [note 1], caporal au 93ème Régiment d’infanterie, 9ème Compagnie.

Pouvez-vous m'aider à identifier les soldats dont l'évocation est en gras :
- le soldat qui a eu un doigt coupé (identification impossible ?)
- l'adjudant de la compagnie (9ème) (j'ai identifié 3 adjudants mais pas leur compagnie MORIETTE, VERGER et MICHAUD)
- le soldat blessé et qui mourut 2 jours plus tard (identification impossible ?)

Départ de la Roche-sur-Yon le 24 août 1914 à 9h du matin, musique en tête. Arrivée à Angers 6h du soir. Arrivée à Paris le 26 après avoir fait le tour de Paris par la grande ceinture. Départ de Paris et arrivée à Reims à 3h du soir sous une pluie battante. Continuation du trajet sur Vouziers [Ardennes]. Arrivée à 11h du soir. Passé la nuit sur les banquettes d’un train de bestiaux toujours sous la pluie.

Dans la matinée du 27, triste spectacle près de deux cents blessés plus ou moins atteints défilent dans la cour de la gare de Vouziers, beaucoup sont portés sur des brancards.Départ de Vouziers le 27 août à 10h du matin. Après un voyage lent au dessus des ponts minés, on arrive à Launois-sur-Vence [Ardennes]. Alors, à partir de ce moment, commence la campagne à pied. Concentration des troupes sur la place de la mairie. Des quantités considérables d'émigrants belges et de la frontière française défilent devant nous. Spectacle triste qui fait peine à voir hommes, femmes, enfants et nous ???? chevaux, bétail de toute sorte suivent.

Du 27 août au 28, première nuit que nous couchons dehors. Tout le bataillon couche dans une prairie dont l’herbe est toute mouillé : ça fait toujours plaisirs. Le lendemain matin à 1h, raide comme des bâtons, après avoir fait le jus, nous partons pour faire une marche de 45 kilomètres. À 2 heures de l’après-midi du 28, nous arrivons à 15km de Sedan. Le canon tonne et fait rage. Les aéroplanes survolent des troupes, nous voyons de lors éclater les obus mais nous ne prenons pas part à la bataille. Le soir du 28, nous partons à la recherche du 93ème qui est presque tout anéanti, sur 3000 hommes de son effectif, il n’en reste plus que 800 ou 900. Nous couchons à Remilly [Ardennes], il est 11h du soir (éreinté).

Le 29 à 3h du matin, réveil en sursaut l’ennemi est à nos trousses. Nous nous formons tant bien que mal et nous battons en retraite après avoir fait encore une trentaine de kilomètres. On nous emmène dans un petit village de peut-être 7 ou 8 maisons. Là, on nous dit : « vous allez camper dans cette prairie avec des sentinelles autour ». Nous commençons à faire la soupe et le café, la soupe est mangé, nous sommes à peu près restaurés. Il est 8 heures du soir une rude secousse nous atteint. Tout à coup, le colonel fait rassembler les officiers, il y a alerte. Nous partons alors sac au dos et nous voilà parti pour une destination inconnue.

Toute la nuit nous marchons à travers bois, taillis, plaine, etc. Au loin, le canon tonne comme de plus belle. Enfin au petit jour, dimanche trente août, on nous signale l’ennemi à peu de distance. Ce sera ce jour le baptême du feu pour notre bataillon. Nous passons tellement vite devant les quelques maisons qui sont devant que je ne peux demander le nom du pays. D’ailleurs le temps presse, l’artillerie prend le galop à travers les chemins tortueux, franchit les fossés, les haies. Les chevaux tombent, se relèvent puis repartent. Toutes les troupes qui sont à cet endroit massées en quantité se remuent et prennent le pas gymnastique. Pour notre part, nous gravissons une colline de près d’un km en courant. Je peux dire que là-haut, nous avons le cœur hors du ventre. Ça ne fait rien, il faut marcher c’est le moment, le canon, la fusillade, les obus font rage autour de nous.

Quelques camarades moins forts que les autres restent en arrière, mal leur prend car la plupart n’en reviendront pas. Une pluie d’obus les couchera parterre les uns blessés aux bras, les autres aux jambes, enfin les autres morts. Un camarade de La Roche-sur-Yon nommé Legris [note 2] père de 3 enfants tombe, je ne le reverrai plus. Jusqu’à trois heures de l’après-midi, ce fut ainsi. À partir de 4 heures, le commandant rassemble les valides du bataillon pour nous faire prendre les avant-postes sur la ligne de feu. Le mouvement s’exécutent pendant 1 heure de temps. Temps bien trop long, car l’ennemi qui nous suivait des yeux nous le prouve pas longtemps après. En effet, vers 5h 1/2, un aéroplane nous force à nous retirer sur Attigny [Ardennes]. Mais, à peine sommes nous reformés par quatre et que nous nous préparons à nous replier qu’une pluie d’obus s’abat sur nous. Comme je me trouvais dans les derniers qui formaient la petite colonne au moment de passer un petit pont notre retraite est coupée et nous restons à 5 pendant 1h 1/2 au pied de gros peupliers qui nous servent d’abri. Là, sans mentir, je peux dire que nous avons essuyé une rafale d’obus de plus de 40. Nous aurions eu été écrasé comme des mouches si ses obus eut été des obus français. Mais sur les 4 que nous étions, un seul a eu un doigt coupé. C’est extraordinaire comme ces obus sont mal lancés.
Après cette journée qui fut pour nous le baptême du feu et par conséquent une rude épreuve, nous nous mettons sans manger ni boire en marche. Jusqu’à 2h du matin où nous arrivons dans les environs du camp de Châlons.

Lundi 31, nous devons avoir repos, mais pour nous reposer, on nous fait faire une trentaine de km : ça fait toujours plaisir. À partir du 1er septembre, tous les jours, le 93e est reformé par le bataillon de dépôt, c’est-à-dire nous. Tous les jours, nous irons au feu soit en première ligne, deuxième ou troisième.

Le dimanche 6 septembre, après une rude marche de concentration on vient nous faire prendre la garde des issues au bourg de la Fère-Champenoise [Marne]. C’est ce nom là que portera la grande bataille qui va se dérouler et qui durera 4 jours. En effet, ce dimanche soir, le 93e reçoit la mission d’aller ce porter le long de la voie ferrée, endroit où il y a un fort talus et nommé Lenharrée [Marne]. Notre mission a pour but d’empêcher l’ennemi de prendre cette voie ferrée. Alors, dès dix heures du soir, chacun prend son petit coin pour y passer la nuit. Bien entendu, sac au dos et le fusil approvisionné. C’est le moment de dire que chacun dort en gendarme : un œil fermé, l’autre ouvert et surtout les oreilles ouvertes.

Enfin, lundi matin 7 septembre, le réveil en campagne nous est sonné et de quel façon ! Les obus tombent comme grêle et cette grêle devra durer sans une minute d’interruption jusqu’à 8h du soir. Là, pendant cette journée interminable, sous un soleil de plomb, toutes les angoisses et transes que vous puissiez imaginer nous traverse le corps. C’est le moment de faire son testament et surtout son acte de contritions. Dès 8h du matin, on entend de-ci de-là quelques cris de « oh là là je suis blessé », l’un c’est la jambe traversée par un éclat d’obus, l’autre c’est le bras qui est à moitié arraché, l’autre enfin la tête en sang réclame qu’on l’emporte ou tout au moins qu’on lui donne à boire. À boire ! Mais ce n’est pas chose facile ! D’abord pas un de nous en a seulement une goutte et ensuite les obus pleuvent plus dur que jamais. Vers onze heures, un aéroplane allemand nous survolent. Oh, le maudit ! Il va nous dépister et nous repérer à son artillerie. Ceci ne manque pas. Peut-être une heure plus tard, les obus tombent toujours mais cette fois font d’avantages de ravages. L’adjudant de la compagnie qui s’était hasardé de sortir de sa tranchée pour faire coucher quelques soldats de renforts nouvellement arrivés, se voit frapper à mort d’un éclat d’obus en pleine poitrine. La poitrine ouverte, il tombe pour ne plus se relever (marié et père de deux enfants). Quelques instants, après je me trouve blessé aux deux mains par des éclats. Fort heureusement très légèrement. Mon camarade de combat me voyant saigné abondamment me propose de me faire un pansement sommaire avec le paquet de pansement que nous possédons tous dans l’intérieur de la poche de la capote. Je l’ai bien remercié mais c’est certainement le dernier service qu’il peut rendre car quelques instants après il se voyait frappé lui aussi d’un projectile qui lui entrait par le fondement et lui sortait par le nombril en lui broyant une partie des intestins. Il mourut, je crois deux jours après, dans d’horribles souffrances. Le reste de la journée se passa toujours sous le feu.

À la tombée de la nuit, notre première chose fut d’aller chercher de l’eau 4km pour aller et autant bien entendu pour revenir. Je dis revenir parce que nous avions reçu l’ordre de rester sur nos positions jusqu’au lendemain. Avec quelle avidité nous avons reçu cette eau et quel soin jaloux nous avons remplit nos bidons, pris quelques nourritures et, de suite, nous nous mettons au travail qui consiste à nous faire des tranchées au cas où demain l’ennemi recommencerai à nous bombarder. À deux heures du matin, nos tranchées sont terminées nous nous y installons et tâchons d’y prendre un petit repos bien mérité.

Mais voilà que vers 3h 1/4, les obus recommencent à tomber comme la veille. C’était l’avant coureur de la bataille. En effet, une 1/2 heure après, on signale de partout que nous sommes cernés par les allemands. Il fait à peine jour, les voilà qui viennent en criant baïonnette au canon. « Feu à répétition » crient les officiers. Nous tirons, les uns disent de tirer à droite, ce sont des français ! Les autres disent de tirer à gauche ! De là une mêlé indescriptible. Néanmoins de nombreux prussiens tombent le corps percé de balles. De nombreux officiers français tombent aussi. Le colonel Lamey [note 3] faisant fonction de général de brigade tombe d’une balle en plein front. Le colonel [Hétet] [note 4] commandant le 93 d’une balle à la poitrine pour ne citer que ceux là.

Comme je ne peux plus manier mon fusil rapport à ma blessure d’hier, je me vois obligé de me replier vers le centre. Au bout d’une marche de deux heures à travers les bois, je me trouve au poste de secours français où je suis soigné et évacué sur la gare d’Arcis-sur-Aube [Aube]. Delà à Orléans et ensuite à Cahors où je fut soigné à la caserne transformée en hôpital.


[note 1] PICHERIT Émile Isidore Paul, caporal, né le 22 avril 1881 à Gétigné – Fiche matricule AD44 vue 327/592
[note 2] LE GRIS Jean Marie Valentin, caporal, né le 29 avril 1880 à Saint-Fulgent – MDH – Fiche matricule AD85 vue 455/736
[note 3] LAMEY Jean Alfred Saïd, colonel, né le 21 décembre 1855 à Alger – MDH – Fiche matricule
[note 4] HÉTET Adrien Gustave, colonel, né le 5 octobre 1858 à Brest – MDH – Fiche matricule AD29 vue 229/507

Merci
Jérôme
Dernière modification par jerome72 le dim. sept. 18, 2022 6:40 pm, modifié 1 fois.
loloastre
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par loloastre »

Bonjour Jérôme,
Merci de partager cette transcription très riche d'informations factuelles (dates, lieux…). Nul doute que cela va intéresser d'autres chercheurs d'infos sur le 93e RI.

Avez-vous regardé aussi du côté du 293e RI (le régiment de réserve du 93e), les deux étant ensemble sur le front pendant cette période.
En effet, le renfort dans lequel figurait le caporal Picherit a pu compléter l'un ou l'autre en fonction des besoins.

D'ailleurs, dans le journal des marches et opérations (JMO) du 293e RI, figure un adjudant Moriette, dans la composition de la 18e compagnie => voir en suivant ce lien.
Il pourrait correspondre à Pierre Marie Victor Moriette, Mort pour la France (MPLF) le 6 septembre 1914 => voir en suivant ce lien.
D'après un arbre geneanet, il était marié et père d'au moins un enfant => il resterait à vérifier qu'il n'avait pas un deuxième enfant, pour pouvoir être l'adjudant que vous cherchez.
À défaut, il faudra chercher si les deux autres adjudants étaient mariés et pères de deux enfants.

Pour le soldat blessé qui mourut deux jours plus tard, avez-vous épluché les fiches des MPLF du 9 septembre dans une formation sanitaire (ambulance…) des suites de blessures de guerre ?

Cordialement.
loloastre

[édité] J'ai oublié de vous féliciter pour la qualité de la transcription !
jerome72
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par jerome72 »

Bonjour Loloastre

Pour le régiment et la compagnie, je suis certain : 93 RI, 9ème compagnie car j'ai une lettre de ce soldat datée du 05/09/1914 où il donne cette information à sa famille pour qu'on lui écrive.
D'ailleurs, le ton est complétement différent du carnet !

Mais je regarde également au 293 RI, on ne sait jamais.

Bonne journée
Jérôme
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glauc85
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par glauc85 »

Bonjour Jérôme.
Regardez du côté de mon blog.

http://93eme293emeri.canalblog.com/

Je regarde dans mes archives dans la semaine..

Cordialement.
François.
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Fdanes
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par Fdanes »

Bonjour,

Adjudant du 93e décédé le 07 septembre 1914

LOUSTALET Léon Pierre,
https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 2beff5ea07
https://rechercher.patrimoines-archives ... daogrp/0/2

marié à Grâces (22) le 13/08/1906 à HOUZAN Azeline Marie Thérèse.
Ils ont eu 4 enfants

Léon Jules né le 31/07/1907 à Guingamp, + 1983
Paul né le 28/12/1908 à Guingamp, + le 24/03/1909 à Guingamp
Marguerite née le 19/10/1911 à Guingamp
Germaine Marie Thérèse née le 23/11/1912 à Guingamp, + en 2003

En l'absence d'info sur le décès de Marguerite, ce sera 2 ou 3 enfants vivants au moment de son décès.

En orange, le tracé de la ligne Fère-Champenoise - Sommesous qui me semble être le théâtre de ce récit.
Normée.jpg
Normée.jpg (192.62 Kio) Consulté 790 fois
Bien cordialement, F. Danès
jerome72
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par jerome72 »

Bonjour François et Fdanes

François , je connais votre blog et je l'utilise régulièrement pour confirmer des soldats du 93 ou 293 RI. Mais là j'avais fait choux blanc.

Fdanes je creuse cette piste très intéressante.

Jérôme
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glauc85
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par glauc85 »

Bonsoir.
Dans votre demande d'ifentification :
- le soldat qui a eu un doigt coupé (identification impossible ?)
- l'adjudant de la compagnie (9ème) (j'ai identifié 3 adjudants mais pas leur compagnie MORIETTE, VERGER et MICHAUD)
- le soldat blessé et qui mourut 2 jours plus tard (identification impossible ?)


Pour l'adjudant: Loustalet est le seul adjudant dcd début septembre mais pas de Cie identifiée dans mes sources!
Pour les soldats, j'ai 48 soldats de la 9ème Cie blessés entre le 6 et le 10/09/1914:
- 15 connus (dont un seul dcd dans les jours suivants)
- 33 inconnus

A ceux-là, il faudrait ajouter les soldats issus d'autres unités qui se sont regroupés au 93ème RI suite à la désorganisation liée au recul. Mélange de troupes du Génie, d'autres RI, etc..
Je suis un peu hors-sujet avec ci-dessous le CR d'un officier de la 4ème Cie (signature illisible) qui en fait état:

FERE-CHAMPENOISE (8 septembre)
7 septembre, 8h du soir
Le 1er Bataillon est à cheval sur la route au Nord de FERE-CHAMPENOISE. La 4ème Compagnie est à droite, j’occupe avec ma section une tranchée que le Génie a construit la veille (?) la 1ère Section de la Compagnie est sur la route près de la maisonnette du chemin de fer, en avant de la Compagnie. Elle détache un PP à droite en avant de ma section, près d’un petit bois dont je suis séparé par 200m environ. Le drapeau avec la Compagnie Hors Rang est à 400m environ derrière nous à gauche de la route. Immédiatement derrière moi, le Génie travaille et creuse de nouvelles tranchées. Nous devons tenir là coûte que coûte car l’offensive est reprise sur tout le front et le combat engagé déjà sur notre droite et notre gauche (ce sont les renseignements que l’on nous communique). Nuit assez calme, pas un coup de fusil mais canonnade d’artillerie lourde ennemie sur notre droite.
A 3h30, le capitaine alerte toute la compagnie et fait rentrer la 1ère section dans la tranchée. Les PP n’ont rien vu, rien entendu.
A 3h45, une colonne très dense que j’évalue à 2 compagnies environ comme force, déboule en trombe du bois qui se trouve près de moi. Cris de « France, Kamerads », bientôt transformés en « Hurrah ». Je déclenche un feu à répétition très nourri. Les Allemands tombent en masse mais la colonne avance toujours. Dans l’espace de 20 secondes, ils sont sur moi et, tournant la gauche de ma tranchée, cernent ma section. Un violent combat à la baïonnette s’engage mais presque tous mes hommes tombent transpercés. Je ne dois mon salut qu’à mon révolver avec lequel, à bout portant, je démolis le soldat allemand qui s’avance sur moi la baïonnette haute ; son coup a dévié, j’en suis quitte pour une égratignure. Il faut sortir de cette tranchée.
A quatre pattes, par-dessus les cadavres, suivi d’une dizaine d’hommes, je réussis à en sortir et me dirige vers l’ennemi, seule issue puisque le chemin en arrière est barré. Là, nous rencontrons une vingtaine de fuyards allemands qui demandent grâce.
Ceci n’est pas le moment de faire des prisonniers, les hommes qui m’entourent les tuent à coup de baïonnette. Le chemin semble libre pour revenir en arrière. Nous gagnons la route que nous trouvons barricadée et garnie de soldats allemands qui sont dans le sens opposé à notre direction. Ne voyant pas d’autre solution, je m’élance et, suivi de mes hommes, nous traversons sans aucune perte cette barrière humaine. Il fait complètement jour. Nous refaisons face en avant, renforcés par une section du Génie désemparée et sans chef. J’en prends le commandement et, à cheval sur la route, en tirailleurs, nous faisons le coup de feu, infligeant de grosses pertes à l’ennemi qui ne dépasse pas la barricade. Electrisés par le son d’un clairon qui joue derrière nous mais au loin nous nous avançons à la baïonnette, mais ne pouvons aller bien loin car la mitraille fauche une grande partie de nos hommes. Je reçois une balle qui me traverse le lobe de l’oreille gauche et désorienté, sentant que je fais un sacrifice inutile puisqu’aucun renfort n’arrive, j’ordonne de battre en retraite. C’est malheureusement la fuite précipitée dans laquelle beaucoup d’hommes tombent encore.
Je fais encore 400 mètres en arrière sans rencontrer un seul élément constitué. J’arrive près de la Compagnie Hors Rang et rendant compte au porte-drapeau de la situation, lui dis de se replier. Le mouvement se fait malheureusement en désordre. Beaucoup tombent. Le drapeau passé de mains en mains est cependant sauvé. Les balles crépitent de tous côtés. Il semble qu’on est cerné. Quelques centaines de mètres plus loin, je rencontre le Colonel blessé qui me donne l’ordre de rassembler les éléments épars du Régiment et de me reporter en avant, puis changeant soudain d’idée, voyant probablement que je n’avais pas assez d’hommes en main (à peine une demi-compagnie), me dit de me replier. C’est alors la débandade, la tourmente.
Rencontrant quelques instants plus tard le Capitaine DUVEAU (il doit être 8h environ), nous marchons côte à côte, nous demandant ce que nous devions faire, nous apercevons beaucoup d’hommes sur notre passage, nous suivent et en arrivant sur la route de FERE-CHAMPENOISE à CONNATRAY. Vers la cote 143, les éléments du 93ème ainsi rassemblés pourraient former 2 compagnies environ. Détaché vers le Général RADIGUET qui demandait des renseignements, je lui rendis compte de ce que j’avais vu et de la situation actuelle. Il me dit alors de faire porter tous les éléments de la 21ème Division que je rencontrerais vers la cote 140 à l’Est d’ECURY.
Là s’opéra le rassemblement du Régiment vers 10h. La Compagnie avait ce jour-là perdu son capitaine et 153 hommes avaient été mis hors de combat.


Voilà pour les 1ères recherches.
PS: ce CR montre que le 93ème a bien failli perdre son drapeau ce jour-là.
Cordialement.
François.
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thibval
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par thibval »

Bonjour à tous,

La transcription du décès de LOUSTALET n'apporte effectivement rien à l'affaire
http://sallevirtuelle.cotesdarmor.fr/EC ... 4104006839

Sa fille Marguerite est décédée le 13/03/1915 à Grâces
https://sallevirtuelle.cotesdarmor.fr/E ... 4104005712

Il avait donc 3 enfants a son décès.

Les témoins sur décès pourraient apporter des précisions mais là encore je ne trouve pas de compagnie:
YOU (Alexandre Arthur Marcel)
Mle 503, cl 14, La Roche-sur-Yon
https://etatcivil-archives.vendee.fr/ar ... 749f70e17a
Cité pour avoir été blessé en tentant de mettre LOUSTALET à l'abri

QUETE (Yves Marie Jules Camille)
Mle 1796, cl 14, La Roche sur Yon
https://etatcivil-archives.vendee.fr/ar ... 4ad056d2aa
Bien que non mentionné sur sa FM, QUETE aurait reçu 1 citation et inscrit au tableau spécial de la LH
(source : Le Messager de la Vendée du 14/09/1919)

Bien à vous,

Thibaut
Site internet de recherches sur les infirmières décédées entre 1914 et 1921 : https://angesblancs1418.fr/
garance.
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par garance. »

Bonjour
c'est tjrs poignant de relire grâce à vous des témoignages directs de la fameuse attaque nocturne des Allemands (corps d'armées de Von Hausen)
dans la nuit du 7 au 8, bien décrite aussi par Georges Blond

bien cdt
Garance
"Il pleuvait en cette nuit de Noël 1914, où les Rois Mages portaient des Minenwerfer."
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Willelmus
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Re: Identification soldats 93 RI - septembre 1914 - témoignage

Message par Willelmus »

glauc85 a écrit : lun. sept. 19, 2022 8:56 pm..
Je suis un peu hors-sujet avec ci-dessous le CR d'un officier de la 4ème Cie (signature illisible) qui en fait état:

FERE-CHAMPENOISE (8 septembre)
7 septembre, 8h du soir
Le 1er Bataillon est à cheval sur la route au Nord de FERE-CHAMPENOISE. La 4ème Compagnie est à droite, j’occupe avec ma section une tranchée que le Génie a construit la veille (?) la 1ère Section de la Compagnie est sur la route près de la maisonnette du chemin de fer, en avant de la Compagnie. Elle détache un PP à droite en avant de ma section, près d’un petit bois dont je suis séparé par 200m environ. Le drapeau avec la Compagnie Hors Rang est à 400m environ derrière nous à gauche de la route. Immédiatement derrière moi, le Génie travaille et creuse de nouvelles tranchées. Nous devons tenir là coûte que coûte car l’offensive est reprise sur tout le front et le combat engagé déjà sur notre droite et notre gauche (ce sont les renseignements que l’on nous communique). Nuit assez calme, pas un coup de fusil mais canonnade d’artillerie lourde ennemie sur notre droite.
A 3h30, le capitaine alerte toute la compagnie et fait rentrer la 1ère section dans la tranchée. Les PP n’ont rien vu, rien entendu.
A 3h45, une colonne très dense que j’évalue à 2 compagnies environ comme force, déboule en trombe du bois qui se trouve près de moi. Cris de « France, Kamerads », bientôt transformés en « Hurrah ». Je déclenche un feu à répétition très nourri. Les Allemands tombent en masse mais la colonne avance toujours. Dans l’espace de 20 secondes, ils sont sur moi et, tournant la gauche de ma tranchée, cernent ma section. Un violent combat à la baïonnette s’engage mais presque tous mes hommes tombent transpercés. Je ne dois mon salut qu’à mon révolver avec lequel, à bout portant, je démolis le soldat allemand qui s’avance sur moi la baïonnette haute ; son coup a dévié, j’en suis quitte pour une égratignure. Il faut sortir de cette tranchée.
A quatre pattes, par-dessus les cadavres, suivi d’une dizaine d’hommes, je réussis à en sortir et me dirige vers l’ennemi, seule issue puisque le chemin en arrière est barré. Là, nous rencontrons une vingtaine de fuyards allemands qui demandent grâce.
Ceci n’est pas le moment de faire des prisonniers, les hommes qui m’entourent les tuent à coup de baïonnette. Le chemin semble libre pour revenir en arrière. Nous gagnons la route que nous trouvons barricadée et garnie de soldats allemands qui sont dans le sens opposé à notre direction. Ne voyant pas d’autre solution, je m’élance et, suivi de mes hommes, nous traversons sans aucune perte cette barrière humaine. Il fait complètement jour. Nous refaisons face en avant, renforcés par une section du Génie désemparée et sans chef. J’en prends le commandement et, à cheval sur la route, en tirailleurs, nous faisons le coup de feu, infligeant de grosses pertes à l’ennemi qui ne dépasse pas la barricade. Electrisés par le son d’un clairon qui joue derrière nous mais au loin nous nous avançons à la baïonnette, mais ne pouvons aller bien loin car la mitraille fauche une grande partie de nos hommes. Je reçois une balle qui me traverse le lobe de l’oreille gauche et désorienté, sentant que je fais un sacrifice inutile puisqu’aucun renfort n’arrive, j’ordonne de battre en retraite. C’est malheureusement la fuite précipitée dans laquelle beaucoup d’hommes tombent encore.
Je fais encore 400 mètres en arrière sans rencontrer un seul élément constitué. J’arrive près de la Compagnie Hors Rang et rendant compte au porte-drapeau de la situation, lui dis de se replier. Le mouvement se fait malheureusement en désordre. Beaucoup tombent. Le drapeau passé de mains en mains est cependant sauvé. Les balles crépitent de tous côtés. Il semble qu’on est cerné. Quelques centaines de mètres plus loin, je rencontre le Colonel blessé qui me donne l’ordre de rassembler les éléments épars du Régiment et de me reporter en avant, puis changeant soudain d’idée, voyant probablement que je n’avais pas assez d’hommes en main (à peine une demi-compagnie), me dit de me replier. C’est alors la débandade, la tourmente.
Rencontrant quelques instants plus tard le Capitaine DUVEAU (il doit être 8h environ), nous marchons côte à côte, nous demandant ce que nous devions faire, nous apercevons beaucoup d’hommes sur notre passage, nous suivent et en arrivant sur la route de FERE-CHAMPENOISE à CONNATRAY. Vers la cote 143, les éléments du 93ème ainsi rassemblés pourraient former 2 compagnies environ. Détaché vers le Général RADIGUET qui demandait des renseignements, je lui rendis compte de ce que j’avais vu et de la situation actuelle. Il me dit alors de faire porter tous les éléments de la 21ème Division que je rencontrerais vers la cote 140 à l’Est d’ECURY.
Là s’opéra le rassemblement du Régiment vers 10h. La Compagnie avait ce jour-là perdu son capitaine et 153 hommes avaient été mis hors de combat.


Voilà pour les 1ères recherches.
PS: ce CR montre que le 93ème a bien failli perdre son drapeau ce jour-là.
Cordialement.
François.

Bonjour,

Témoignage passionnant.

S'il s'agit d'un officier de la 4e Cie, le signataire de ce CR doit donc être le sous-lieutenant Barreau, qui est le seul de ses 4 chefs de section à faire partie de la poignée de cadres du 93e encore valides le soir du 8 septembre, dont les noms sont consignés par le JMO.

Organigramme à la mobilisation :
https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 8030b220a3

Officiers présents dans les rangs le 8 septembre au soir :
https://www.memoiredeshommes.sga.defens ... 8030b4a738

Ce Barreau n'est pas dans la liste des officiers d'active ou de réserve du 93e publiée dans l'annuaire militaire de 1914.

Cordialement.
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