Abbé Joseph Giraudeau, brancardier au 125e R.I.
Publié : sam. juil. 30, 2022 4:52 pm
Bonjour
Lettre 1 ( la fin a été perdue)
16-5-17
Lettre 2
30-6-17- +
Caves de C*** - en réserve
Mon lieutenant –
En réponse à votre lettre du 9 – reçue à mon retour de permission –
Le lieutenant Rozière est passé à la 10e Cie du régiment – mais ni lui ni son successeur ne peut dire exactement ce qui s’est passé – ces officiers restant toujours très loin derrière les lignes.
On ne peut s’imaginer à l’arrière ni dans le civil comment les choses se passent. Et nous autres nous ne le savons pas toujours, qui sommes pourtant au milieu de la fournaise.
Des soldats partant à l’attaque – et qui n’en sont peut-être pas revenus – ont trouvé le corps du capitaine. Ils ont enlevé ses papiers, et ont pu faire établir le décès – mais ne l’ont pas inhumé.
Quelle était cette compagnie ? quel jour était-ce ? à quelle attaque, nous en avons fait plusieurs…
Les hommes maintenant sont dispersés. Celui qui a rapporté les papiers, est parti pour Salonique… D’autres ont été évacués… alors, où retrouver ces gens-là…
Je crois savoir que l’on a mis mon nom au procès-verbal, parce que j’avais fait beaucoup d’inhumations dans ce secteur…
Le régiment qui nous a remplacé est le 66e d’inf. dont je ne connais pas le secteur postal. Le lieutenant Rozière ne vous apprendra rien – son successeur, fort peu de choses – et je ne puis en savoir davantage.
Je ne puis que déplorer une situation qui impose à tant de personnes de si lourds sacrifices et vous envoyer à nouveau l’assurance de mon religieux souvenir et de mes prières pour celui que vous avez perdu –
Après l’avance faite par là en février, les secteurs ont du être explorés méthodiquement – les cadavres enterrés – les vieilles tombes refaites et marquées sur un plan. Mais qui vous communiquera cela ?? – Le ministère de la guerre, peut-être ?
Veuillez agréer l’assurance de ma considération distinguée
J Giraudeau
Brancardier – 125 .
1e Ce M - Sec 166
Notes
1- La croix qui marque le haut de la lettre indique que Joseph Giraudeau était prêtre, comme c’était souvent le cas pour les brancardiers.
2- Selon le J.M.O. du 125e, le 1e Bataillon, auquel appartient la 1e Compagnie de Mitrailleurs, « cantonne dans les caves de Cormicy » (Marne), à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Reims. Il s’agit donc de caves pour le champagne, Cormicy étant le vignoble le plus septentrional de ce cru.
3- « Celui qui a rapporté les papiers, est parti pour Salonique… » Dans une lettre du 17 juillet 1917, l’Officier Payeur du 125e RI écrit que le caporal Toussaint avait été affecté au 176e Régiment d’Infanterie à Béziers « Armée d’Orient ».
J'ai trouvé la notice de l'abbé Giraudeau sur Gallica, dans le Livre d'or du clergé et des congrégations 1914-1922: la preuve du sang/i], voir le lien ci-dessous :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... 0125e%20ri#
J'ai regardé dans le JMO du 125e RI et du service de santé de la 152e Division, mais je n'ai pas trouvé grand chose.
Peut-être l'un d'entre vous aurait-il une autre piste à me proposer...
Merci beaucoup !
Pax & Labor 51
Je continue mes recherches sur les hommes dont le destin a croisé celui de mon grand-oncle Octave Noir, Capitaine au 294e R.I., tombé à Morval le 7 octobre 1916. Je m'intéresse en ce moment à l'abbé Joseph Giraudeau, brancardier au 125e R.I., dont je possède deux lettres, écrites au crayon à papier, en réponse aux demandes du frère d'Octave pour connaître les circonstances de la disparition du corps. J'ai découvert la deuxième lettre il y a quelques jours seulement, perdue dans des papiers de famille que je n'avais pas encore explorés.
Lettre 1 ( la fin a été perdue)
16-5-17
Mon Lieutenant
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 10 courant, et du fond de ma tranchée, je vous réponds avec une simplicité de moyens que vous voudrez bien excuser.
C’est bien le lieutenant Rozière qui a transmis les renseignements donnés, ainsi que les objets recueillis. Mais ce n’est pas moi qui ai découvert le corps du Capitaine. Je n’ai pu savoir encore qui c’est, mais j’essaierai de me renseigner.
Cependant j’ai inhumé dans le secteur 95 morts pour ma part, dont un certain nombre du 294ème.
Le terrain était largement découvert, en pente, vers l’ennemi. 7 régiments avaient attaqué avant mais sans réussir. Le 125 fit une notable avancée qui porta les lignes à plus d’un kilomètre plus loin. Une large bande de terrain fut donc dégagée, que je pus explorer pour enterrer les morts. Des cadavres étaient en décomposition. D’autres, gelés, faisaient corps avec la terre où ils étaient enfoncés – et les boches, en face, canonnant tout mouvement suspect, troublaient le travail. Ce qui vous explique très bien comment quelqu’un, passant à l’aube ou à la brune auprès du corps d’un officier, ait pu noter son nom, prendre ses papiers, en le laissant ensuite sans pouvoir l’enterrer. Cependant, depuis, ces parages ont été un peu plus dégagés.
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 10 courant, et du fond de ma tranchée, je vous réponds avec une simplicité de moyens que vous voudrez bien excuser.
C’est bien le lieutenant Rozière qui a transmis les renseignements donnés, ainsi que les objets recueillis. Mais ce n’est pas moi qui ai découvert le corps du Capitaine. Je n’ai pu savoir encore qui c’est, mais j’essaierai de me renseigner.
Cependant j’ai inhumé dans le secteur 95 morts pour ma part, dont un certain nombre du 294ème.
Le terrain était largement découvert, en pente, vers l’ennemi. 7 régiments avaient attaqué avant mais sans réussir. Le 125 fit une notable avancée qui porta les lignes à plus d’un kilomètre plus loin. Une large bande de terrain fut donc dégagée, que je pus explorer pour enterrer les morts. Des cadavres étaient en décomposition. D’autres, gelés, faisaient corps avec la terre où ils étaient enfoncés – et les boches, en face, canonnant tout mouvement suspect, troublaient le travail. Ce qui vous explique très bien comment quelqu’un, passant à l’aube ou à la brune auprès du corps d’un officier, ait pu noter son nom, prendre ses papiers, en le laissant ensuite sans pouvoir l’enterrer. Cependant, depuis, ces parages ont été un peu plus dégagés.
Lettre 2
30-6-17- +
Caves de C*** - en réserve
Mon lieutenant –
En réponse à votre lettre du 9 – reçue à mon retour de permission –
Le lieutenant Rozière est passé à la 10e Cie du régiment – mais ni lui ni son successeur ne peut dire exactement ce qui s’est passé – ces officiers restant toujours très loin derrière les lignes.
On ne peut s’imaginer à l’arrière ni dans le civil comment les choses se passent. Et nous autres nous ne le savons pas toujours, qui sommes pourtant au milieu de la fournaise.
Des soldats partant à l’attaque – et qui n’en sont peut-être pas revenus – ont trouvé le corps du capitaine. Ils ont enlevé ses papiers, et ont pu faire établir le décès – mais ne l’ont pas inhumé.
Quelle était cette compagnie ? quel jour était-ce ? à quelle attaque, nous en avons fait plusieurs…
Les hommes maintenant sont dispersés. Celui qui a rapporté les papiers, est parti pour Salonique… D’autres ont été évacués… alors, où retrouver ces gens-là…
Je crois savoir que l’on a mis mon nom au procès-verbal, parce que j’avais fait beaucoup d’inhumations dans ce secteur…
Le régiment qui nous a remplacé est le 66e d’inf. dont je ne connais pas le secteur postal. Le lieutenant Rozière ne vous apprendra rien – son successeur, fort peu de choses – et je ne puis en savoir davantage.
Je ne puis que déplorer une situation qui impose à tant de personnes de si lourds sacrifices et vous envoyer à nouveau l’assurance de mon religieux souvenir et de mes prières pour celui que vous avez perdu –
Après l’avance faite par là en février, les secteurs ont du être explorés méthodiquement – les cadavres enterrés – les vieilles tombes refaites et marquées sur un plan. Mais qui vous communiquera cela ?? – Le ministère de la guerre, peut-être ?
Veuillez agréer l’assurance de ma considération distinguée
J Giraudeau
Brancardier – 125 .
1e Ce M - Sec 166
Notes
1- La croix qui marque le haut de la lettre indique que Joseph Giraudeau était prêtre, comme c’était souvent le cas pour les brancardiers.
2- Selon le J.M.O. du 125e, le 1e Bataillon, auquel appartient la 1e Compagnie de Mitrailleurs, « cantonne dans les caves de Cormicy » (Marne), à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Reims. Il s’agit donc de caves pour le champagne, Cormicy étant le vignoble le plus septentrional de ce cru.
3- « Celui qui a rapporté les papiers, est parti pour Salonique… » Dans une lettre du 17 juillet 1917, l’Officier Payeur du 125e RI écrit que le caporal Toussaint avait été affecté au 176e Régiment d’Infanterie à Béziers « Armée d’Orient ».
J'ai trouvé la notice de l'abbé Giraudeau sur Gallica, dans le Livre d'or du clergé et des congrégations 1914-1922: la preuve du sang/i], voir le lien ci-dessous :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... 0125e%20ri#
J'ai regardé dans le JMO du 125e RI et du service de santé de la 152e Division, mais je n'ai pas trouvé grand chose.
Peut-être l'un d'entre vous aurait-il une autre piste à me proposer...
Merci beaucoup !
Pax & Labor 51