Le fort de Vaux avant le siège
Publié : lun. janv. 24, 2022 11:30 pm
Bonjour,
Dans le cadre de mon livre sur la 124e DI en préparation, je me suis mis à regrouper les sources a ma disposition afin de présenter un état du fort de Vaux au moment ou la 124e DI entre en ligne. Ce texte de présentation est une sorte d'introduction au récit des combats livrés par la division du 1er au 7 juin 1916 dans le fort de Vaux.
Le texte à grandi avec le temps. Je me permet de vous joindre la version actuelle :
Début du texte :
Le fort de Vaux avant la guerre
Le fort de Vaux est un fort de type Séré de Rivière datant de 1885 qui sera régulièrement amélioré par des travaux jusqu'en 1912.
Le casernement est protégé par deux dalles, dont la dalle supérieure forme une carapace en béton spécial coulée en 1888. Entre les deux épaisseurs de béton se trouve un mètre de sable afin d'amortir les ondes de choc.
Entre 1904 et 1906, le fort est profondément remanié. Une tourelle à éclipse modèle 1905 armée de deux 75 mm raccourcis, deux casemates de flanquement de Bourges ainsi que des observatoires sont mis en place.
Cette tourelle ne peut pas tirer en contrebas du fort mais permet d'engager efficacement des objectifs à moyenne portée tel quel que le plateau d'Hardaumont ou le fort de Douaumont.
La défense rapprochée vient des coffres de contre-escarpe accessibles par des gaines souterraines. Ces coffres prennent en enfilade les différents fossés.
L'absence de tourelle de mitrailleuse permettant de battre les dessus est à noter.
Pour sa défense, le fort de Vaux repose principalement sur les feux venant de ses voisins : Douaumont et La Laufée.
La tourelle de 75, les gaines et les coffres sont en béton armé.
À la déclaration de la guerre, le fort de Vaux est un fort de 1ère catégorie possédant une protection et un armement à la pointe de la technologie de l'époque.
Le fort de Vaux désarmé en 1915
En 1914, après la destruction des forts de Liège et la prise du plus grand fort de France, le fort de Manonviller, les fortifications sont gravement discréditées.
Le besoin pressant à l'été 1915 d'artillerie entraîne le désarmement des fortifications en août de la même année.¹ (Edition : Les munitions commencent à être évacuées dès octobre 1914 comme précisé dans le message suivant.)
Au fort de Vaux, les stocks de munitions et les quatre 75 mm des casemates de Bourges sont évacués. Le personnel est réduit à une équipe d'entretien.
Le 8 janvier 1916, des ordres sont donnés pour préparer la démolition des forts.² Dans Vaux, l'armement restant dans la tourelle est saboté, et de grandes quantités d'explosifs sont entreposés dans les casemates de Bourges.
Le fort de Vaux dans la bataille de Verdun avant le 18 mai 1916
La chute, sans un coup de feu, de Douaumont, le 25 février 1916, plonge le pays dans la stupeur et l'importance de remettre en défense et d'occuper solidement les forts devient criante.
Le fort de Vaux commence à recevoir des obus lourds dont l'un d'entre eux écrase la galerie menant à la tourelle.
Le 5 mars, les forts sont enfin placés sous la responsabilitée des groupements³ de la IIe armée.
À partir de la première semaine de mars, le fort de Vaux va être soumis à un matraquage de l'artillerie de siège allemande. Les 305, 380 et 420 mm vont peu à peu ruiner les superstructures. L'entrée de guerre est comblée par les gravats au point d'être inutilisable.
Les premières consignes concrètes d'occupation et de défense des forts sont données le 10 mars 1916 mais il faut encore attendre le 18 avril 1916 pour que la directive SC N°1684 de la IIe armée redonne les moyens de mettre en défense les fortifications.
Entre autres, des commandants et des garnisons sont affectés. Le fort de Vaux étant régulièrement bombardé, le commandement est assuré par roulement.
"En principe, il y a lieu de débarasser les forts le plus possible des garnisons éventuelles ou des états-majors qui ne font pas partie de la garnison et gênent l'exercice du commandement. En tout cas, le commandant du fort est maître de son fort en toute circonstance et nul ne peut disposer de son personnel, de son matériel et de ses locaux, sans son autorisation." (IIe armée, directive SC N°1684, AFGG, Tome IV volume 1 annexe n°2095)
Les forts doivent maintenir des réserves de 15 jours de vivres et de munitions. Les citernes deviennent strictement contrôlées dans leur accès et réservées aux situations de dernière nécessité.
Ils devront servir de réduit de secteur et offrir une résistance suffisante pour permettre à des contre-attaques de les dégager.
La décision de recompléter intégralement l'armement et les réserves des forts ne peut s'appliquer au fort de Vaux du fait de la proximité des lignes adverses.
En effet, depuis les tentatives d'investissement du fort de Vaux par les Allemands durant les mois de mars et d'avril 1916, qui voient un assaut manqué sur le fort les 9 et 10 mars et la perte du village de Vaux le 2 avril, la ligne de front passe à moins de 200 mètres du fort.
Le fort le 18 mai 1916 :
● Quelques points importants :
Les fossés et les coffres
Les fossés sont encombrés et franchissables à de nombreux endroits.
Le 6 mars 1916, les lieutenants Chalvin et Borgoltz effectuent une reconnaissance du fort afin d'évaluer son état général.
"Par les embrasures des coffres de flanquement, nous voyons des portions entières de la contre-escarpe renversées dans les fossés. Un seul bloc mesure plus de 10 mètres cubes.
Le flanquement par les coffres est rendu plus difficile en raison de ces éboulements." (Lieutenant Borgoltz, 2e RG, Verdun, J.Péricard p.334)
Lors de sa visite, le lieutenant Borgoltz précise qu'à cette date, les coffres sont intacts, mais, entre mars et mai 1916, l'artillerie allemande va venir frapper les dalles.
"D'immenses trous ont été forés par de gros obus, et des issues béantes, sont ainsi ouvertes face à l'ennemi." (Sous-lieutenant Roy, 2e RG, Avec les honneurs de la guerre p.106)
On pourrait néanmoins s'étonner de la symétrie des brèches des coffres Nord-Est et Nord-Ouest, apparaissant sur les photographies aérienne durant le mois de mars, qui pourraient suggerer une ouverture faites, à l'aide de barres à mine, à travers les murs en pierre de taille soutenant la dalle plutôt qu'un bombardement :
"L'entrée du fort, par le fossé de gorge, s'était éffondrée sous le canon ennemi. Et comme le fort servait d'abri aux troupes de 1e ligne, qu'il fallait par conséquent, en faciliter l'entrée et la sortie, deux entrée de fortune furent par nous pratiquées à la mine dans les coffres de flanquement N.E. et N.O." (Commandant Sylvain Raynal, 96e RI, Mémorial de Verdun, Manuscrit du Drame du fort de Vaux p.4)
Il reste difficile de dater l'apparition de ces brèches des coffres sans photographies jour par jour. Très tôt dans la bataille, le journal de marche du 71e régiment d'infanterie territorial à la date du 4 mars semble les évoquer dans ce passage :
"Les capitaines et les 6e et 8e explorent les forts [de Vaux et La Laufée N.d.A] et constatent avec étonnement que les voutes et les bâtiments sont à peu pres intacts. Les 408e et 409e occupent des lignes de tranchées en avant de ces ouvrages et sont reliés à eux." (JMO du 71e RIT, SHD GR 26N789/7)
Soldats français et obus allemands ont contribués à faire des coffres le point faible du fort. En effet, quelques grenades dans ces ouvertures suffiraient facilement à en neutraliser les défenseurs. Un maximum d'ourvertures sont donc comblées par des barricades de sacs à terre.
Il est à noter que dans les coffres, les canons-révolver ne disposent que de 20 coups par pièce.
La tourelle de 75 mm
La légende de la bataille veut que la tourelle de 75 ait été détruite le 26 février lorsqu'un obus de 380 la percute, faisant détonner les charges de démolition qui la garnissait. La réalité est autre :
Le 6 mars, le lieutenant Borgoltz note :
"La dalle de communication avec la tourelle de 75 est crevée ; on voit le ciel à travers les fers tordus du béton armé.
Escaladant les décombres qui encombrent la galerie, nous gagnons la tourelle qui est désarmée de ses pièces de 75 et paraît endommagée. Le cuvelage et les abris en sous-sols sont intacts. Telle qu'elle est, on pourrait y mettre des mitrailleuses en batterie destinée à balayer les glacis en cas d'attaque." (Lieutenant Borgoltz, 2e RG, Verdun, J.Péricard p.334)
Par la suite et jusqu'à la fin du siège du fort, elle n'est plus accessible et on peut supposer que, si la gaine n'a pas été bouchée par les gravats soulevés par les explosions permanentes, des corvées ont été envoyées pour combler et dissimuler la brèche en surface en accumulant les matériaux et bouchant ainsi totalement la galerie.
Une fois le fort aux mains des Allemands, ceux-ci creusent et découvrent une tourelle toujours manœuvrable.
"À la surprise de tous, les pionniers trouvèrent la tourelle blindée intacte et munie de ses deux canons. Elle se laissa lever, tourner et descendre" (Alexander Schwencke, Martin Rehmann, Die Tragödie von Verdun 1916. Das Ringen um Fort Vaux p.182)³
Durant l'évacuation du fort, ne voulant pas laisser aux Français une arme aussi redoutable, la tourelle sera détruite.
Elle est projetée hors de son puit au moyen d'une charge de 80 kg d'explosif par les Allemands le 2 novembre 1916.⁴
La citerne
L'eau n'a jamais été abondante dans le fort. Chaque compagnie de garnison est donc chargée d'apporter son ravitaillement pour son séjour. Avant la relève du 19 mai 1916 par le 3e bataillon du 53e RI, la situation est déjà critique.
"19 mai - dans les couloirs [du fort de Vaux], la soif arrache des protestations à tous ces pauvres gens qui n'ont pas été ravitaillés. Ils assaillent le poste de secours, qui détient une réserve d'eau pour les blessés. On doit recourir à la force du poignet pour les éloigner."(Aumônier volontaire Bally, 140e RI, La grande guerre du XXe siècle N°28 p.522)
Les deux cuves composant la citerne ont une capacité maximale de 300m3 (comme présenté sur le site fortiffsere.fr)
Après la mort du commandant Louis Raynal (Du 71e RIT, deux commandant Raynal ayant été à la tête de la garnison du fort), le lieutenant Cherel du 71e RIT, prend le commandement de la première garnison arrivée au fort le 4 mars. Il précise qu'à la date du 11 mars, le fort abrite 6 compagnies. À propos de la consommation d'eau :
"Il était devenu nécessaire de rationner la garnison ; les citernes baissaient rapidement, car les tuyaux qui leur amenaient l'eau des sources de Tavannes avaient été crevés par les gros obus. À partir du 11, la ration fut fixée à un quart par homme et par jour.
Le 13 déjà, les citernes étaient presque vides ; ce jour-là, pour puiser et distribuer l'eau, ou plutôt la boue, un soldat descendait dans la citerne, grattait le fond avec son quart et versait ce qu'il pouvait recueillir dans le bidon qu'on lui tendait.
Dès lors, il fallut que les hommes de corvée allassent, aux prix des pires dangers, à Tavannes chercher l'eau indispensable." (Lieutenant Cherel, 71e RIT, Verdun, J.Péricard p.337)
Depuis l'abandon des forts en 1915, la citerne est utilisée comme point d'eau par les troupes de passage, une habitude qui se prolongera une fois le fort réoccupé comme l'atteste le témoignage du soldat Romain Darchy, du 408e RI, qui tente d'y puiser de l'eau à la mi-mars.⁷
Durant la période d'avril à mai, au fil des corvées, on tente de reconstituer une réserve d'eau. La quantitée présente dans la citerne sera mesurée d'après sondage.
Mais le sondage est trompeur car la trappe d'accès donnant sur la citerne est à la verticale d'un puisard et ce détail technique restera ignoré jusqu'au 3 juin 1916.
Le registre de la citerne n'indiquera en fait que le volume d'eau présent dans le puisard créant la fausse assurance de disposer d'une réserve d'eau potable.
Le 3 juin le registre de la citerne indique 5000 litres selon le récit du commandant Raynal et 20m³ selon le témoignage du sous-lieutenant Roy "mais cet état a-t-il tenu compte des prélèvements que les unités voisines y ont fait sans bruit en ces derniers jours, préférant venir se ravitailler à ce facile point d'eau, plutôt que de courir le risque de s'approvisionner à la source de l'étang⁶ qui jaillit en contre-bas." (Sous-lieutenant Roy, 2e RG, Avec les honneurs de la guerre p.108)
Si la citerne était vide le 11 mars, de l'eau s'y trouve dpnc à nouveau par la suite.
"Les citernes ont été malheureusement vidées entièrement par les troupes du secteur qui ont tendance à concidérer le fort comme un point d'eau. Pendant tout le mois de mai les commandants successifs du fort, car ils ont été relevés tous les six jours, luttent contre cette tendance et parviennent à reconstituer une faible réserve d'eau par des corvées composées d'hommes porteurs de bidons de deux litres. En raison du bombardement, aucun autre moyen ne pouvait être pratiqué. La provision ainsi constituée est très insuffisante, elle est infime malgré le rationnement strict que j'impose, et pour comble d'infortune elle se gâte au contact de l'air empuanté (sic).
Bien entendu les barriques de vin ont été évacuées. Le pinard comme l'eau va nous manquer et c'est un autre désastre. Ah ! si j'avais eu du pinard ! (barré dans le texte N.d.A)" (Commandant Sylvain Raynal, 96e RI, Mémorial de Verdun, Manuscrit du Drame du fort de Vaux p.5)
Les distributions d'eau aux 600 hommes enfermés du 1er au 7 juin 1916 furent notées par le médecin auxiliaire Gaillard de la 5e compagnie du 142e RI :
2 juin, un litre par homme ; 3 juin, 0,75 litre par homme ; 5 juin, un demi quart par homme soit environ mille litres d'eau.
Zachary
Dans le cadre de mon livre sur la 124e DI en préparation, je me suis mis à regrouper les sources a ma disposition afin de présenter un état du fort de Vaux au moment ou la 124e DI entre en ligne. Ce texte de présentation est une sorte d'introduction au récit des combats livrés par la division du 1er au 7 juin 1916 dans le fort de Vaux.
Le texte à grandi avec le temps. Je me permet de vous joindre la version actuelle :
Début du texte :
Le fort de Vaux avant la guerre
Le fort de Vaux est un fort de type Séré de Rivière datant de 1885 qui sera régulièrement amélioré par des travaux jusqu'en 1912.
Le casernement est protégé par deux dalles, dont la dalle supérieure forme une carapace en béton spécial coulée en 1888. Entre les deux épaisseurs de béton se trouve un mètre de sable afin d'amortir les ondes de choc.
Entre 1904 et 1906, le fort est profondément remanié. Une tourelle à éclipse modèle 1905 armée de deux 75 mm raccourcis, deux casemates de flanquement de Bourges ainsi que des observatoires sont mis en place.
Cette tourelle ne peut pas tirer en contrebas du fort mais permet d'engager efficacement des objectifs à moyenne portée tel quel que le plateau d'Hardaumont ou le fort de Douaumont.
La défense rapprochée vient des coffres de contre-escarpe accessibles par des gaines souterraines. Ces coffres prennent en enfilade les différents fossés.
L'absence de tourelle de mitrailleuse permettant de battre les dessus est à noter.
Pour sa défense, le fort de Vaux repose principalement sur les feux venant de ses voisins : Douaumont et La Laufée.
La tourelle de 75, les gaines et les coffres sont en béton armé.
À la déclaration de la guerre, le fort de Vaux est un fort de 1ère catégorie possédant une protection et un armement à la pointe de la technologie de l'époque.
Le fort de Vaux désarmé en 1915
En 1914, après la destruction des forts de Liège et la prise du plus grand fort de France, le fort de Manonviller, les fortifications sont gravement discréditées.
Le besoin pressant à l'été 1915 d'artillerie entraîne le désarmement des fortifications en août de la même année.¹ (Edition : Les munitions commencent à être évacuées dès octobre 1914 comme précisé dans le message suivant.)
Au fort de Vaux, les stocks de munitions et les quatre 75 mm des casemates de Bourges sont évacués. Le personnel est réduit à une équipe d'entretien.
Le 8 janvier 1916, des ordres sont donnés pour préparer la démolition des forts.² Dans Vaux, l'armement restant dans la tourelle est saboté, et de grandes quantités d'explosifs sont entreposés dans les casemates de Bourges.
Le fort de Vaux dans la bataille de Verdun avant le 18 mai 1916
La chute, sans un coup de feu, de Douaumont, le 25 février 1916, plonge le pays dans la stupeur et l'importance de remettre en défense et d'occuper solidement les forts devient criante.
Le fort de Vaux commence à recevoir des obus lourds dont l'un d'entre eux écrase la galerie menant à la tourelle.
Le 5 mars, les forts sont enfin placés sous la responsabilitée des groupements³ de la IIe armée.
À partir de la première semaine de mars, le fort de Vaux va être soumis à un matraquage de l'artillerie de siège allemande. Les 305, 380 et 420 mm vont peu à peu ruiner les superstructures. L'entrée de guerre est comblée par les gravats au point d'être inutilisable.
Les premières consignes concrètes d'occupation et de défense des forts sont données le 10 mars 1916 mais il faut encore attendre le 18 avril 1916 pour que la directive SC N°1684 de la IIe armée redonne les moyens de mettre en défense les fortifications.
Entre autres, des commandants et des garnisons sont affectés. Le fort de Vaux étant régulièrement bombardé, le commandement est assuré par roulement.
"En principe, il y a lieu de débarasser les forts le plus possible des garnisons éventuelles ou des états-majors qui ne font pas partie de la garnison et gênent l'exercice du commandement. En tout cas, le commandant du fort est maître de son fort en toute circonstance et nul ne peut disposer de son personnel, de son matériel et de ses locaux, sans son autorisation." (IIe armée, directive SC N°1684, AFGG, Tome IV volume 1 annexe n°2095)
Les forts doivent maintenir des réserves de 15 jours de vivres et de munitions. Les citernes deviennent strictement contrôlées dans leur accès et réservées aux situations de dernière nécessité.
Ils devront servir de réduit de secteur et offrir une résistance suffisante pour permettre à des contre-attaques de les dégager.
La décision de recompléter intégralement l'armement et les réserves des forts ne peut s'appliquer au fort de Vaux du fait de la proximité des lignes adverses.
En effet, depuis les tentatives d'investissement du fort de Vaux par les Allemands durant les mois de mars et d'avril 1916, qui voient un assaut manqué sur le fort les 9 et 10 mars et la perte du village de Vaux le 2 avril, la ligne de front passe à moins de 200 mètres du fort.
Le fort le 18 mai 1916 :
● Quelques points importants :
Les fossés et les coffres
Les fossés sont encombrés et franchissables à de nombreux endroits.
Le 6 mars 1916, les lieutenants Chalvin et Borgoltz effectuent une reconnaissance du fort afin d'évaluer son état général.
"Par les embrasures des coffres de flanquement, nous voyons des portions entières de la contre-escarpe renversées dans les fossés. Un seul bloc mesure plus de 10 mètres cubes.
Le flanquement par les coffres est rendu plus difficile en raison de ces éboulements." (Lieutenant Borgoltz, 2e RG, Verdun, J.Péricard p.334)
Lors de sa visite, le lieutenant Borgoltz précise qu'à cette date, les coffres sont intacts, mais, entre mars et mai 1916, l'artillerie allemande va venir frapper les dalles.
"D'immenses trous ont été forés par de gros obus, et des issues béantes, sont ainsi ouvertes face à l'ennemi." (Sous-lieutenant Roy, 2e RG, Avec les honneurs de la guerre p.106)
On pourrait néanmoins s'étonner de la symétrie des brèches des coffres Nord-Est et Nord-Ouest, apparaissant sur les photographies aérienne durant le mois de mars, qui pourraient suggerer une ouverture faites, à l'aide de barres à mine, à travers les murs en pierre de taille soutenant la dalle plutôt qu'un bombardement :
"L'entrée du fort, par le fossé de gorge, s'était éffondrée sous le canon ennemi. Et comme le fort servait d'abri aux troupes de 1e ligne, qu'il fallait par conséquent, en faciliter l'entrée et la sortie, deux entrée de fortune furent par nous pratiquées à la mine dans les coffres de flanquement N.E. et N.O." (Commandant Sylvain Raynal, 96e RI, Mémorial de Verdun, Manuscrit du Drame du fort de Vaux p.4)
Il reste difficile de dater l'apparition de ces brèches des coffres sans photographies jour par jour. Très tôt dans la bataille, le journal de marche du 71e régiment d'infanterie territorial à la date du 4 mars semble les évoquer dans ce passage :
"Les capitaines et les 6e et 8e explorent les forts [de Vaux et La Laufée N.d.A] et constatent avec étonnement que les voutes et les bâtiments sont à peu pres intacts. Les 408e et 409e occupent des lignes de tranchées en avant de ces ouvrages et sont reliés à eux." (JMO du 71e RIT, SHD GR 26N789/7)
Soldats français et obus allemands ont contribués à faire des coffres le point faible du fort. En effet, quelques grenades dans ces ouvertures suffiraient facilement à en neutraliser les défenseurs. Un maximum d'ourvertures sont donc comblées par des barricades de sacs à terre.
Il est à noter que dans les coffres, les canons-révolver ne disposent que de 20 coups par pièce.
La tourelle de 75 mm
La légende de la bataille veut que la tourelle de 75 ait été détruite le 26 février lorsqu'un obus de 380 la percute, faisant détonner les charges de démolition qui la garnissait. La réalité est autre :
Le 6 mars, le lieutenant Borgoltz note :
"La dalle de communication avec la tourelle de 75 est crevée ; on voit le ciel à travers les fers tordus du béton armé.
Escaladant les décombres qui encombrent la galerie, nous gagnons la tourelle qui est désarmée de ses pièces de 75 et paraît endommagée. Le cuvelage et les abris en sous-sols sont intacts. Telle qu'elle est, on pourrait y mettre des mitrailleuses en batterie destinée à balayer les glacis en cas d'attaque." (Lieutenant Borgoltz, 2e RG, Verdun, J.Péricard p.334)
Par la suite et jusqu'à la fin du siège du fort, elle n'est plus accessible et on peut supposer que, si la gaine n'a pas été bouchée par les gravats soulevés par les explosions permanentes, des corvées ont été envoyées pour combler et dissimuler la brèche en surface en accumulant les matériaux et bouchant ainsi totalement la galerie.
Une fois le fort aux mains des Allemands, ceux-ci creusent et découvrent une tourelle toujours manœuvrable.
"À la surprise de tous, les pionniers trouvèrent la tourelle blindée intacte et munie de ses deux canons. Elle se laissa lever, tourner et descendre" (Alexander Schwencke, Martin Rehmann, Die Tragödie von Verdun 1916. Das Ringen um Fort Vaux p.182)³
Durant l'évacuation du fort, ne voulant pas laisser aux Français une arme aussi redoutable, la tourelle sera détruite.
Elle est projetée hors de son puit au moyen d'une charge de 80 kg d'explosif par les Allemands le 2 novembre 1916.⁴
La citerne
L'eau n'a jamais été abondante dans le fort. Chaque compagnie de garnison est donc chargée d'apporter son ravitaillement pour son séjour. Avant la relève du 19 mai 1916 par le 3e bataillon du 53e RI, la situation est déjà critique.
"19 mai - dans les couloirs [du fort de Vaux], la soif arrache des protestations à tous ces pauvres gens qui n'ont pas été ravitaillés. Ils assaillent le poste de secours, qui détient une réserve d'eau pour les blessés. On doit recourir à la force du poignet pour les éloigner."(Aumônier volontaire Bally, 140e RI, La grande guerre du XXe siècle N°28 p.522)
Les deux cuves composant la citerne ont une capacité maximale de 300m3 (comme présenté sur le site fortiffsere.fr)
Après la mort du commandant Louis Raynal (Du 71e RIT, deux commandant Raynal ayant été à la tête de la garnison du fort), le lieutenant Cherel du 71e RIT, prend le commandement de la première garnison arrivée au fort le 4 mars. Il précise qu'à la date du 11 mars, le fort abrite 6 compagnies. À propos de la consommation d'eau :
"Il était devenu nécessaire de rationner la garnison ; les citernes baissaient rapidement, car les tuyaux qui leur amenaient l'eau des sources de Tavannes avaient été crevés par les gros obus. À partir du 11, la ration fut fixée à un quart par homme et par jour.
Le 13 déjà, les citernes étaient presque vides ; ce jour-là, pour puiser et distribuer l'eau, ou plutôt la boue, un soldat descendait dans la citerne, grattait le fond avec son quart et versait ce qu'il pouvait recueillir dans le bidon qu'on lui tendait.
Dès lors, il fallut que les hommes de corvée allassent, aux prix des pires dangers, à Tavannes chercher l'eau indispensable." (Lieutenant Cherel, 71e RIT, Verdun, J.Péricard p.337)
Depuis l'abandon des forts en 1915, la citerne est utilisée comme point d'eau par les troupes de passage, une habitude qui se prolongera une fois le fort réoccupé comme l'atteste le témoignage du soldat Romain Darchy, du 408e RI, qui tente d'y puiser de l'eau à la mi-mars.⁷
Durant la période d'avril à mai, au fil des corvées, on tente de reconstituer une réserve d'eau. La quantitée présente dans la citerne sera mesurée d'après sondage.
Mais le sondage est trompeur car la trappe d'accès donnant sur la citerne est à la verticale d'un puisard et ce détail technique restera ignoré jusqu'au 3 juin 1916.
Le registre de la citerne n'indiquera en fait que le volume d'eau présent dans le puisard créant la fausse assurance de disposer d'une réserve d'eau potable.
Le 3 juin le registre de la citerne indique 5000 litres selon le récit du commandant Raynal et 20m³ selon le témoignage du sous-lieutenant Roy "mais cet état a-t-il tenu compte des prélèvements que les unités voisines y ont fait sans bruit en ces derniers jours, préférant venir se ravitailler à ce facile point d'eau, plutôt que de courir le risque de s'approvisionner à la source de l'étang⁶ qui jaillit en contre-bas." (Sous-lieutenant Roy, 2e RG, Avec les honneurs de la guerre p.108)
Si la citerne était vide le 11 mars, de l'eau s'y trouve dpnc à nouveau par la suite.
"Les citernes ont été malheureusement vidées entièrement par les troupes du secteur qui ont tendance à concidérer le fort comme un point d'eau. Pendant tout le mois de mai les commandants successifs du fort, car ils ont été relevés tous les six jours, luttent contre cette tendance et parviennent à reconstituer une faible réserve d'eau par des corvées composées d'hommes porteurs de bidons de deux litres. En raison du bombardement, aucun autre moyen ne pouvait être pratiqué. La provision ainsi constituée est très insuffisante, elle est infime malgré le rationnement strict que j'impose, et pour comble d'infortune elle se gâte au contact de l'air empuanté (sic).
Bien entendu les barriques de vin ont été évacuées. Le pinard comme l'eau va nous manquer et c'est un autre désastre. Ah ! si j'avais eu du pinard ! (barré dans le texte N.d.A)" (Commandant Sylvain Raynal, 96e RI, Mémorial de Verdun, Manuscrit du Drame du fort de Vaux p.5)
Les distributions d'eau aux 600 hommes enfermés du 1er au 7 juin 1916 furent notées par le médecin auxiliaire Gaillard de la 5e compagnie du 142e RI :
2 juin, un litre par homme ; 3 juin, 0,75 litre par homme ; 5 juin, un demi quart par homme soit environ mille litres d'eau.
Zachary