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Re: impression d'un officier d'infanterie dans son gourbi a lire

Publié : mer. mars 09, 2005 3:14 am
par Roger
Bonjour

Voici un extrait du tres bon livre de Benjamin Simonet
FRANCHISE MILITAIRE de la bataille des frontieres aux combats de Champagne 1914-1915. Edition Gallimard 1986.
Ce sont des lettres d'un capitaine adresse a sa femme entre le 6 aout 1914 au 26 mars 1915, écrite au jour le jour presques toutes de la tranchée. A la déclaration de la guerre il est au 142 eme RI.

24 janvier 1915 a Saint Eloi.

Le contacte pris, la consigne passée ,mon camarade parti, me voila seul dans ma cave, avec le télephoniste ,l'adjudant du bataillon et mon ordonnance.je m'installe aussitot a la table ,car il y a maintenant tables et chaises, et travaille.Il me faut connaitre la situation de mon secteur,depuis 3 jours,donner des ordres en consequence.Et cela me tient jusqu'a 6 heures ce matin.Le cuisinier vient ,j'avale mon café ,et comme le jour vient,et que je 'appréhende plus d'attaque,je m'allonge sur la paille et m'endors.Malgré 2 reveils brusques par le téléphone,j'ai pu me reposer jusqu'a 10 heures .Des sur pied, la faim me talonnant ,j'ai dejeuné -saucisse et fromage-ce n'est pas long,pas plus qu'a avaler qu'a digirer,et j'ai repris le travail.
Car j'ai du travail ,les états majors réclament comptes rendus et croquis.Et puis il faut penser a la nuit prochaine;prevoir le matériel necessaire -sac a terre ,fils de fer barbeles,piquets,boucliers,créneaux,fascines,fusées éclairantes,bombes a main,pelles ,pioches,planches.Tout l'attirail indispensable pour lutter a la fois contre l'humidité qui bourlverse nos tranchées et contre l'ennemi qui les menace.Et ce n'est pas rien que ce transport par la nuit noire,dans le cloaque,depuis le poste du colonel jusqu'ici;2km a faire 35 hommes qui feront 2 fois le trajet,s'egreneront,se perdront,plus ou moins volontairement,et parfois,jetteront le matériel trouvé trop pesant! Et c'est chaque nuit ainsi,avec pour les travailleurs,la menace des obus ou des balles qui sillonnent l'obscure nuit.
Et puis c'est pour les autres dans les tranchées,a la faveur de la nut toujours,le remplissage des sacs a terre, la réfection des parapets,des créneaux,l'enlevement de l'eau et de la boue du fond .Pendant que d'autres ,le fusil pret ,au créneau ,veillent tiraillent sur les lueurs de coup de feu des boches.
Et par intervalles,s'elance de la tranchée dans le ciel ,une fusée qui illumine la nuit d'une clarté blafarde et,dans une courbe gracieuse et lente va se poser chez les boches.Alors de part et d'autre ,la fusillade redouble,sans raison presque toujours pendant quelques secondes,pour s'apaiser ensuite.
Et puis,parfois,si la menace des fusilsest plus pressante,brusquement le 75 a l'affut crache avec rage sur les tranchées ennemies,tandis que la lourde jette ses marmites plus loin,sur les reserves ,sur les batteries allemandes.C'est l'infernal concert qui parfois dure une demi-heure,une heure!
Telles sont les nuits ,depuis bientot 6 mois! Je me demande si plus tard ,dans notre doux lit, je n'aurai pas parfois de cauchemar des des horreurs vecues.
Drole de lettre aujourd'hui ? J'ai laissé courir ma pensée,Tu auras une idée de notre vie nocturne.
Un bon grand baiser.....

cdt Roger

Re: impression d'un officier d'infanterie dans son gourbi a lire

Publié : mer. mars 09, 2005 2:21 pm
par Loic
Merci, il s'agit d'un temoignage très emouvant.