Qui est l'abbé Hélie ?
Publié : mer. juin 23, 2021 9:58 pm
J'aimerais savoir où trouver des renseignements biographiques sur l'abbé Hélie, qui en octobre1916 était affecté à l'infirmerie du 4ème Bataillon au 294ème Régiment d'Infanterie.
Voici la lettre qu'il écrivit à mon arrière-grand-mère, qui voulait avoir des renseignements sur son fils, le Capitaine Adjudant Major Octave Noir, disparu lors de l'attaque du 7 octobre à Morval (Pas-de-Calais). Dans la vie civile, Octave était prêtre catholique.
Le 31 octobre 1916
Madame,
Je voudrais apporter quelque consolation à votre profonde douleur, et si les renseignements que je puis vous donner, peuvent y contribuer, j’en rendrai grâce à Dieu. D’ailleurs, ce sera une dette de reconnaissance au Capitaine Noir que j’aimais, et dont la disparition m’a profondément affligé. Dans le secteur du fort de la Pompelle où nous étions avant la Somme, pendant toute une période de tranchées j’ai dit la messe dans son abri, avec ses ornements. Nous nous la servions mutuellement.
Je vais donc essayer, Madame, de répondre point par point, à toutes vos demandes.
1°) Le 7 octobre, le bataillon étant chargé de prendre des positions boches qui se trouvaient à gauche de Morval ou plutôt de Sailly-Saillisel, il sortit de la tranchée à l’heure de l’Après-midi, en vagues d’assaut. Le commandant et le capitaine Noir adjudant-major, partirent en seconde vague conduisant chacun un petit groupe, l’un les signaleurs, l’autre les agents de liaison.
2°) La vague d’assaut ayant progressé de 150 mètres, le commandant se trouva blessé de deux balles l’une à la cuisse et l’autre à la main. Il était environ 1h ½, car il faut vous dire que les vagues progressaient lentement, et seulement par bonds, les hommes se cachant dans les trous d’obus, pour éviter les balles des mitrailleuses qui tiraient très violemment. - Pour revenir au commandant, il fut déposé dans un trou d’obus et pansé par le caporal signaleur qui se trouvait à ses côtés. Il y resta jusqu’au moment où le calme se fit, et ayant été prévenu par le cap. signaleur, car j’étais au poste de secours, je fus le chercher avec 3 autres brancardiers et j’aidai à le transporter jusqu’au relai divisionnaire à environ 3 kil. en arrière. Ses blessures n’étaient pas très graves, il doit aller bien mieux maintenant, mais il ne m’a pas donné de ses nouvelles, donc je ne sais nullement dans quelle ambulance il se trouve actuellement. Le commandant ignorait totalement la suite du combat, aussi avant de me quitter eut-il soin de me dire, répondant à ma demande, qu’il enverrait de ses nouvelles au cap. Noir, à qui je m’adresserais.
3°) Je reprends en arrière. Aussitôt que le Commandant fut blessé, le capitaine Noir, ayant mis revolver au poing, prit le commandement du bataillon. Il devait tomber peu après vers 2h30.
4°) J’ai interrogé les soldats qui l’ont vu tomber. Selon ceux-ci il fut frappé d’abord dans les jambes, et tout chancelant continua à avancer jusqu’à ce qu’il fût blessé d’une balle dans la tête. (L’un de ces soldats s’approcha même du capitaine qui aurait dit : Je crois que j’ai gagné le Paradis.)
5°) Je n’appris la blessure du capitaine, qu’en entrant au Poste de secours après avoir porté le commandant, il pouvait être 11 heures. Je m’informai auprès de l’Adjudant de Bataillon de l’endroit où le cap. pouvait être resté, et je partis aussitôt à la recherche. Mais déjà les compagnies avaient réintégré leur tranchée de départ, aussitôt la nuit venue. La position qu’elles occupaient (ils n’avaient pu atteindre la tranchée ennemie) étant intenable. – Le capitaine se trouvait donc être entre les lignes.
J’allai vers l’endroit qui m’avait été indiqué, mais je fouillai en vain le terrain, demandant des renseignements aux équipes de brancardiers qui ramassaient les blessés. Je ne pus rien trouver. Faut-il ajouter que des soldats en revenant dans leur tranchée avaient vu le corps du capitaine Noir, m’indiquant l’endroit à peu-près, dans la nuit c’est toujours très difficile, et qu’ils m’assuraient qu’il était bien mort.
5°) La nuit suivante sur de nouvelles indications, je fis de nouvelles recherches sans plus d’heureux résultats. Je me suis borné là, nous étions relevés peu après.
6°) Il y a eu certainement des bombardements sur le terrain où pouvait être le capitaine Noir, mais pas très violents ̶ Mais le cas de corps (mot illisible) est assez fréquent.
7°) Je ne sais si le Capitaine Noir avait remplacé sa médaille d’identité et pourtant ceux qui l’approchaient lui ont vu jusque dans les derniers temps, une médaille d’identité suspendue à son cou : ses papiers suffiraient à le faire reconnaître.(voir note infra)
8°) Les blessés ont certainement été ramassés aux environs du lieu où pouvait être le Capitaine Noir mais les brancardiers ne l’ont pas vu.
D’autre part il est plus que certain que des patrouilleurs boches ont fouillé aussi le terrain, et s’ils emportent des blessés français, ce sera toujours de préférence des officiers, en raison des renseignements, des indications qu’ils peuvent trouver sur eux et dont ils se servent. ̶ Et ils emporteraient bien les officiers morts pour les mêmes raisons. ̶
Combien, Madame, je souhaite qu’il soit prisonnier, et que bientôt vous ayez de ses nouvelles, car je ne saurais vous affirmer sa mort, puisque je ne l’ai pas constatée par moi-même et qu’elle ne l’a pas été officiellement. ̶
J’ai vu le capitaine Noir, que j’appelais lorsque nous nous trouvions dans l’intimité monsieur l’Abbé, la veille de ce terrible jour. Il m’avait dit, que depuis qu’il se trouvait au danger, il vous écrivait chaque jour ;
Il m’avait dit aussi son regret de n’avoir pu aller prier sur la tombe de son frère, et il se promettait de faire ce pieux pèlerinage, à son retour. Nous sommes passés dans un voyage tout près de Cappy. Dans le secteur de la Pompelle, il m’avait demandé pour me montrer une photographie d’amateur où il était représenté en soutane sur laquelle étaient épinglées sa légion d’honneur et sa croix de guerre au milieu de quelques uns de ses confrères-professeurs au petit séminaire et mobilisés aussi. Il m’entretenait souvent de son petit séminaire de son désir d’y rentrer : comment Dieu n’a-t-il pu l’exaucer ? alors qu’il était si pieux et si mortifié ?
Vous m’avez demandé, Madame, de vous parler longuement de lui. Je me suis efforcé de répondre à votre désir ̶ et croyez que je ne vous oublierai pas et lui non plus auprès du Bon Dieu.
Daignez Agréer, Madame, l’Hommage de mon Respect
L. Hélie
Infirmerie du 4ème Bataillon
du 294ème Régiment d’Infanterie
Secteur 133
Note
Octave avait perdu son crucifix avec lequel il avait accroché sa plaque d’identité le 25 ou 26 septembre, comme il l’écrit dans une carte adressée à sa mère, datée du 2 octobre 1916 :
+ 2 oct.1916
Je n’aurai pu cette année dire la messe pour votre anniversaire de mariage. Le premier où vous n’avez plus tous vos enfants si heureux cependant de s’unir à l’ordinaire à votre fête que nous pensions toujours pouvoir célébrer de près ou de loin. Je m’attriste à songer que ce 2 octobre 1916 ne vous aura pas réuni vous et papa. J’ai éprouvé il y a 7 ou 8 jours une grande contrariété : mon crucifix est tombé, mon cordon s’étant cassé, et je n’ai pu le retrouver, c’est à cheval que j’ai dû le perdre — ma plaque d’identité y était fixée et peut-être grâce à cela vous sera-t-il renvoyé. J’y tenais beaucoup, mais c’était en plus du souvenir venant de vous, une croix que je pouvais faire embrasser aux très rares blessés que j’approchais — Je vous embrasse bien tendrement : on doit m’apporter ce soir mon carnet d’adresses je vous enverrai aussitôt celle de Mme Pastoureau de Labesse. Je vous embrasse encore.
Octave
Voici la lettre qu'il écrivit à mon arrière-grand-mère, qui voulait avoir des renseignements sur son fils, le Capitaine Adjudant Major Octave Noir, disparu lors de l'attaque du 7 octobre à Morval (Pas-de-Calais). Dans la vie civile, Octave était prêtre catholique.
Le 31 octobre 1916
Madame,
Je voudrais apporter quelque consolation à votre profonde douleur, et si les renseignements que je puis vous donner, peuvent y contribuer, j’en rendrai grâce à Dieu. D’ailleurs, ce sera une dette de reconnaissance au Capitaine Noir que j’aimais, et dont la disparition m’a profondément affligé. Dans le secteur du fort de la Pompelle où nous étions avant la Somme, pendant toute une période de tranchées j’ai dit la messe dans son abri, avec ses ornements. Nous nous la servions mutuellement.
Je vais donc essayer, Madame, de répondre point par point, à toutes vos demandes.
1°) Le 7 octobre, le bataillon étant chargé de prendre des positions boches qui se trouvaient à gauche de Morval ou plutôt de Sailly-Saillisel, il sortit de la tranchée à l’heure de l’Après-midi, en vagues d’assaut. Le commandant et le capitaine Noir adjudant-major, partirent en seconde vague conduisant chacun un petit groupe, l’un les signaleurs, l’autre les agents de liaison.
2°) La vague d’assaut ayant progressé de 150 mètres, le commandant se trouva blessé de deux balles l’une à la cuisse et l’autre à la main. Il était environ 1h ½, car il faut vous dire que les vagues progressaient lentement, et seulement par bonds, les hommes se cachant dans les trous d’obus, pour éviter les balles des mitrailleuses qui tiraient très violemment. - Pour revenir au commandant, il fut déposé dans un trou d’obus et pansé par le caporal signaleur qui se trouvait à ses côtés. Il y resta jusqu’au moment où le calme se fit, et ayant été prévenu par le cap. signaleur, car j’étais au poste de secours, je fus le chercher avec 3 autres brancardiers et j’aidai à le transporter jusqu’au relai divisionnaire à environ 3 kil. en arrière. Ses blessures n’étaient pas très graves, il doit aller bien mieux maintenant, mais il ne m’a pas donné de ses nouvelles, donc je ne sais nullement dans quelle ambulance il se trouve actuellement. Le commandant ignorait totalement la suite du combat, aussi avant de me quitter eut-il soin de me dire, répondant à ma demande, qu’il enverrait de ses nouvelles au cap. Noir, à qui je m’adresserais.
3°) Je reprends en arrière. Aussitôt que le Commandant fut blessé, le capitaine Noir, ayant mis revolver au poing, prit le commandement du bataillon. Il devait tomber peu après vers 2h30.
4°) J’ai interrogé les soldats qui l’ont vu tomber. Selon ceux-ci il fut frappé d’abord dans les jambes, et tout chancelant continua à avancer jusqu’à ce qu’il fût blessé d’une balle dans la tête. (L’un de ces soldats s’approcha même du capitaine qui aurait dit : Je crois que j’ai gagné le Paradis.)
5°) Je n’appris la blessure du capitaine, qu’en entrant au Poste de secours après avoir porté le commandant, il pouvait être 11 heures. Je m’informai auprès de l’Adjudant de Bataillon de l’endroit où le cap. pouvait être resté, et je partis aussitôt à la recherche. Mais déjà les compagnies avaient réintégré leur tranchée de départ, aussitôt la nuit venue. La position qu’elles occupaient (ils n’avaient pu atteindre la tranchée ennemie) étant intenable. – Le capitaine se trouvait donc être entre les lignes.
J’allai vers l’endroit qui m’avait été indiqué, mais je fouillai en vain le terrain, demandant des renseignements aux équipes de brancardiers qui ramassaient les blessés. Je ne pus rien trouver. Faut-il ajouter que des soldats en revenant dans leur tranchée avaient vu le corps du capitaine Noir, m’indiquant l’endroit à peu-près, dans la nuit c’est toujours très difficile, et qu’ils m’assuraient qu’il était bien mort.
5°) La nuit suivante sur de nouvelles indications, je fis de nouvelles recherches sans plus d’heureux résultats. Je me suis borné là, nous étions relevés peu après.
6°) Il y a eu certainement des bombardements sur le terrain où pouvait être le capitaine Noir, mais pas très violents ̶ Mais le cas de corps (mot illisible) est assez fréquent.
7°) Je ne sais si le Capitaine Noir avait remplacé sa médaille d’identité et pourtant ceux qui l’approchaient lui ont vu jusque dans les derniers temps, une médaille d’identité suspendue à son cou : ses papiers suffiraient à le faire reconnaître.(voir note infra)
8°) Les blessés ont certainement été ramassés aux environs du lieu où pouvait être le Capitaine Noir mais les brancardiers ne l’ont pas vu.
D’autre part il est plus que certain que des patrouilleurs boches ont fouillé aussi le terrain, et s’ils emportent des blessés français, ce sera toujours de préférence des officiers, en raison des renseignements, des indications qu’ils peuvent trouver sur eux et dont ils se servent. ̶ Et ils emporteraient bien les officiers morts pour les mêmes raisons. ̶
Combien, Madame, je souhaite qu’il soit prisonnier, et que bientôt vous ayez de ses nouvelles, car je ne saurais vous affirmer sa mort, puisque je ne l’ai pas constatée par moi-même et qu’elle ne l’a pas été officiellement. ̶
J’ai vu le capitaine Noir, que j’appelais lorsque nous nous trouvions dans l’intimité monsieur l’Abbé, la veille de ce terrible jour. Il m’avait dit, que depuis qu’il se trouvait au danger, il vous écrivait chaque jour ;
Il m’avait dit aussi son regret de n’avoir pu aller prier sur la tombe de son frère, et il se promettait de faire ce pieux pèlerinage, à son retour. Nous sommes passés dans un voyage tout près de Cappy. Dans le secteur de la Pompelle, il m’avait demandé pour me montrer une photographie d’amateur où il était représenté en soutane sur laquelle étaient épinglées sa légion d’honneur et sa croix de guerre au milieu de quelques uns de ses confrères-professeurs au petit séminaire et mobilisés aussi. Il m’entretenait souvent de son petit séminaire de son désir d’y rentrer : comment Dieu n’a-t-il pu l’exaucer ? alors qu’il était si pieux et si mortifié ?
Vous m’avez demandé, Madame, de vous parler longuement de lui. Je me suis efforcé de répondre à votre désir ̶ et croyez que je ne vous oublierai pas et lui non plus auprès du Bon Dieu.
Daignez Agréer, Madame, l’Hommage de mon Respect
L. Hélie
Infirmerie du 4ème Bataillon
du 294ème Régiment d’Infanterie
Secteur 133
Note
Octave avait perdu son crucifix avec lequel il avait accroché sa plaque d’identité le 25 ou 26 septembre, comme il l’écrit dans une carte adressée à sa mère, datée du 2 octobre 1916 :
+ 2 oct.1916
Je n’aurai pu cette année dire la messe pour votre anniversaire de mariage. Le premier où vous n’avez plus tous vos enfants si heureux cependant de s’unir à l’ordinaire à votre fête que nous pensions toujours pouvoir célébrer de près ou de loin. Je m’attriste à songer que ce 2 octobre 1916 ne vous aura pas réuni vous et papa. J’ai éprouvé il y a 7 ou 8 jours une grande contrariété : mon crucifix est tombé, mon cordon s’étant cassé, et je n’ai pu le retrouver, c’est à cheval que j’ai dû le perdre — ma plaque d’identité y était fixée et peut-être grâce à cela vous sera-t-il renvoyé. J’y tenais beaucoup, mais c’était en plus du souvenir venant de vous, une croix que je pouvais faire embrasser aux très rares blessés que j’approchais — Je vous embrasse bien tendrement : on doit m’apporter ce soir mon carnet d’adresses je vous enverrai aussitôt celle de Mme Pastoureau de Labesse. Je vous embrasse encore.
Octave