Bonjour à tous
Son ami, François Brugière, originaire du même village, est désigné pour faire partie du peloton d'exécution !
Il refuse de tirer : Pour ça, il sera envoyé au bagne où il mourra peu de temps après !
Mythe familial ou réalité ?
Certaines divisions comme la 47e DI n’ont plus d’archives judiciaires néanmoins on retrouve ici et là des documents originaux comme la minute du jugement de Dauphin, Renault, Libert, Minodieu, Colléon et Bellanger jugés le 6 juin 1917. On trouve le recours en grâce de 3 d’entre-eux puisque Minodieu, Colléon et Bellanger ont été condamnés à 10 ans de travaux publics.
A noter que le recours en grâce a été de nouveau suspendu du 9 juin au 14 juillet 1917 mais uniquement pour : «
réprimer les crimes concertés ou collectifs d’abandon de poste (article 213 du code de justice militaire), de refus d’obéissance (article 218), de révolte (article 217) ou de provocation à passer à l’ennemi (article 208).
Le jugement pouvait recevoir son exécution dans les conditions visées par les articles 145 et 146 du code de justice militaire sauf dans les cas suivants :
1°) si l'autorité qui a délivré l'ordre de mise en jugement estime devoir recommander le ou les condamnés à la clémence du Chef de l'Etat.
2°) si un ou plusieurs des juges ont signé un recours en grâce.
3°) si le Président de la République a demandé communication du dossier.
Dans ces trois hypothèses, il devra être sursis à l'exécution du jugement jusqu’à ce que je vous aie donné l’avis de la décision du Président de la République.
Ce qui signifie que le général de Pouydraguin a envoyé le dossier de Dauphin, Renault, Libert au président de la république ou qu’un des juges a signé une demande de recours en grâce ou à la demande du PR . Ce qui a permis à Libert d’échapper au peloton d’exécution. Si le général Blazer avait toujours été à la tête de la 47e DI, nul doute que les choses auraient été différentes vu la sévérité du personnage.
Pour Brugière, sa fiche de matricule nous apprend qu’il a été jugé le 10 juin 1917.

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pour « révolte à main armée en réunion de personnes » c’est donc l’article 225 du code de justice militaire qui a été appliqué.
Son dossier étant manquant, on ignore les faits exacts mais peut s’en faire une bonne idée à la lecture du chapitre III, sous-chapitre "Beuvardes" de l’excellent ouvrage de Denis Rolland « La grève des tranchées » éditions IMAGO paru en 2005 .
L’article 225 renvoie à l’article 217 alinéa 3 ou 5 si les auteurs étaient armés et au nombre de huit donc à la peine de mort ou à 5 à 10 ans de travaux publics si les auteurs n’ont pas fait usage de leurs armes. Selon la fiche de matricule, les juges ont accordé les circonstances atténuantes et ont condamné Brugière à une peine de 7 ans de travaux publics. Ce qui signifie que Brugière a été condamné pour avoir participé à une rébellion avec violence d’au moins huit militaires armés mais qui qui n’ont pas fait usage de leurs armes selon l’alinéa 5 mais cela n’exclut pas un 217 alinéa 3 où Brugière n’aura pas été reconnu comme l’instigateur ou le chef de révolte ce qui lui permettait d’échapper à la mort.
Les infos de la fiche de matricule ne concordent pas avec le récit familial qui parle d'un refus de participer à l'exécution de Dauphin. Denis Rolland en parle à la page 108 de son ouvrage :
c’est inexact [le récit familial],
il était arrêté [Brugière]
et condamné pour sa participation aux émeutes. Il nous semble impossible qu’il ait pu être désigné pour faire partie du peloton d’exécution.
Denis Rolland a une très bonne connaissance factuelle de ces événements, on peut lui faire confiance.
On doit le redire, tous les récits doivent être contradictoirement validés à l’instar de JN Cru, sinon ils n’ont pas de valeur sauf à servir illusoirement les mythes.
Brugière n’a pas été envoyé au bagne mais dans un atelier de travaux publics comme il en existait beaucoup en métropole. Pour les militaires impliqués dans les « mutineries », beaucoup ont été envoyés en Afrique du Nord ou outre-mer. C’est le cas de Libert dont la peine de mort a été commuée en travaux forcés à perpétuité, il a été mis à disposition du ministre des colonies. Le 05/08/1921, le restant de sa peine a été commuée en 6 ans de prison, il a été interné à Caen puis à Poissy.

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Libert a été libéré le 07/08/1922. Ce schéma est très classique parmi les graciés/commués. Autre cas, Frobert, dont la peine de mort a été commuée en 20 ans de prison, a été interné à Poissy où il est décédé le 11/11/1920.
Cordialement
Yves
https://prisme1418.blogspot.com/