Des antipodes à Verdun
Publié : mar. déc. 31, 2019 2:06 pm
Bonjour à tous,
Il y a 102 ans de cela, la presse des antipodes consacrait quelques articles au rôle quasi confidentiel joué par les sections sanitaires anglaises, en particulier à Verdun. Le 1er janvier 1917, l'un des leurs, l'Australien Robert Keith Wood, était mis en valeur dans les colonnes du Register :
"Avec la Croix Rouge française
M. Robert K. Wood, fils de M. Peter Wood (G. Wood, Fils et Compagnie), sert au sein de la Croix Rouge française. Dans une lettre du 29 octobre à ses parents, il écrit : « Nous avons quitté le front pour quelque temps, notre division prenant un peu de repos. Nous avons connu des moments très chauds. Il ne fait aucun doute que vous avez dû lire ce qui s’est passé lors de la grande attaque française dans le secteur, lancée dimanche dernier. Je peux vous dire que l’excitation était à son comble au moment où, le premier jour, ils sont sortis de la tranchée à 11 heures, ont progressé de 3 miles et ont fait 2.500 prisonniers. Dans la nuit, ils ont pris le Fort de D., puis ont visé le Fort de V., qu’ils ont pris en quelques heures, avec de nouveaux prisonniers à la clef, près de 4.700 au total. Nous étions fous d’excitation. Ce terrain, que les Boches avaient mis 6 mois à conquérir – avec bien du mal et de terribles pertes – a été repris par les Français en moins de 2 jours. Le nombre de blessés a été relativement faible en proportion du nombre d’hommes engagés, ce qui n’a pas empêché les ambulances de faire leur maximum. L’avant-veille de l’attaque, nous avons eu une période agitée. Toutes les batteries ont assuré un bombardement systématique, et en retour, les Boches ont arrosé nos routes pour y frapper nos troupes en route vers les tranchées. L’endroit où se trouvait notre abri a été touché par une paire d’obus, et nous avons dû en partir pour loger ailleurs. Nous avons failli perdre 2 autres autos : un obus en a traversé une, et s’est planté sous une autre, mais sans éclater. Si tel avait été le cas, nous les aurions perdues. Samedi soir, je me dirigeais vers les téléphonistes afin d’appeler des autos quand un obus a touché une maison, dont la moitié a été soufflée sur la route sur laquelle nous étions : j’ai dû rassembler 4 gars et déblayer les débris pour pouvoir passer. De retour du téléphone, les obus pleuvaient et j’ai dû longer la rivière pour être en sécurité. Il en est tombé un à quelques centaines de mètres, dont l’explosion a soulevé des colonnes d’eau. J’ai pris mes jambes à mon cou jusqu’à l’abri le plus proche. Tous nos gars ont eu bien de la chance, aucun n’a été blessé bien que 2 autos aient été frappées par des éclats, qui ont troué leur carrosserie. »"

Le 9 mai 1917, c'est la presse néo-zélandaise, en l'occurrence le Taihape Daily Times, qui mettait leur action en exergue :
"L’activité britannique à Verdun
« Le merveilleux héroïsme de ses défenseurs, uni à la fermeté d’âme de sa population, a rendu illustre à jamais le nom de cette vaillante cité. Il est du devoir du Gouvernement de la République de proclamer que la ville de Verdun a bien mérité de la patrie. » Telle est la citation de cette jadis riante cité sur la Meuse, à présent horriblement scarifiée, désolée, presque totalement détruite, mais toujours résolument dressée contre les hordes assaillantes. De l’universel concert de louanges au sujet de ce qu’a enduré notre courageux allié au gré des fortunes des mois passés, est omis le fait qu’une unité britannique, qui quoique réduite en taille n’en est pas moins efficace, a eu le privilège de prendre sa part dans ce qui s’y est déroulé. Depuis que le Kronprinz a pris l’initiative, de la manière à la fois la plus hasardeuse et la plus désespérée, des convois d’autos sanitaires organisés, équipés, et menés par le British Ambulance Committee, concourent à évacuer les blessés de la première ligne. Nul autre secteur du front n’a été plus astreignant pour accomplir cette tâche que celui de Verdun. Tous les hommes des sections ambulancières britanniques – officiellement Sections Sanitaires Anglaises, au sein de l’armée française – que ce soit sous les obus de Verdun ou dans les zones montagneuses des Vosges, sont d’origine britannique, nombre d’entre eux venant d’Australie, du Canada, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud, d’Argentine, de Malaisie, de Ceylan, etc. Ils constituent une unité laborieuse et enthousiaste, dont l’activité au service des blessés français n’a pas manqué d’être récompensée. Non seulement des sections ont-elles reçu la Croix de guerre, mais tel a également été le cas, pour leur conduite au feu, de membres de leurs effectifs : pas moins de 48 médailles ont ainsi été attribuées, un homme ayant même reçu la très convoitée Médaille militaire."
Puissent ces maigres traces permettre de tirer des oubliettes de l'Histoire les centaines de volontaires venus en France nous prêter main forte.
Bien cordialement,
Eric Mansuy
Il y a 102 ans de cela, la presse des antipodes consacrait quelques articles au rôle quasi confidentiel joué par les sections sanitaires anglaises, en particulier à Verdun. Le 1er janvier 1917, l'un des leurs, l'Australien Robert Keith Wood, était mis en valeur dans les colonnes du Register :
"Avec la Croix Rouge française
M. Robert K. Wood, fils de M. Peter Wood (G. Wood, Fils et Compagnie), sert au sein de la Croix Rouge française. Dans une lettre du 29 octobre à ses parents, il écrit : « Nous avons quitté le front pour quelque temps, notre division prenant un peu de repos. Nous avons connu des moments très chauds. Il ne fait aucun doute que vous avez dû lire ce qui s’est passé lors de la grande attaque française dans le secteur, lancée dimanche dernier. Je peux vous dire que l’excitation était à son comble au moment où, le premier jour, ils sont sortis de la tranchée à 11 heures, ont progressé de 3 miles et ont fait 2.500 prisonniers. Dans la nuit, ils ont pris le Fort de D., puis ont visé le Fort de V., qu’ils ont pris en quelques heures, avec de nouveaux prisonniers à la clef, près de 4.700 au total. Nous étions fous d’excitation. Ce terrain, que les Boches avaient mis 6 mois à conquérir – avec bien du mal et de terribles pertes – a été repris par les Français en moins de 2 jours. Le nombre de blessés a été relativement faible en proportion du nombre d’hommes engagés, ce qui n’a pas empêché les ambulances de faire leur maximum. L’avant-veille de l’attaque, nous avons eu une période agitée. Toutes les batteries ont assuré un bombardement systématique, et en retour, les Boches ont arrosé nos routes pour y frapper nos troupes en route vers les tranchées. L’endroit où se trouvait notre abri a été touché par une paire d’obus, et nous avons dû en partir pour loger ailleurs. Nous avons failli perdre 2 autres autos : un obus en a traversé une, et s’est planté sous une autre, mais sans éclater. Si tel avait été le cas, nous les aurions perdues. Samedi soir, je me dirigeais vers les téléphonistes afin d’appeler des autos quand un obus a touché une maison, dont la moitié a été soufflée sur la route sur laquelle nous étions : j’ai dû rassembler 4 gars et déblayer les débris pour pouvoir passer. De retour du téléphone, les obus pleuvaient et j’ai dû longer la rivière pour être en sécurité. Il en est tombé un à quelques centaines de mètres, dont l’explosion a soulevé des colonnes d’eau. J’ai pris mes jambes à mon cou jusqu’à l’abri le plus proche. Tous nos gars ont eu bien de la chance, aucun n’a été blessé bien que 2 autos aient été frappées par des éclats, qui ont troué leur carrosserie. »"

Le 9 mai 1917, c'est la presse néo-zélandaise, en l'occurrence le Taihape Daily Times, qui mettait leur action en exergue :
"L’activité britannique à Verdun
« Le merveilleux héroïsme de ses défenseurs, uni à la fermeté d’âme de sa population, a rendu illustre à jamais le nom de cette vaillante cité. Il est du devoir du Gouvernement de la République de proclamer que la ville de Verdun a bien mérité de la patrie. » Telle est la citation de cette jadis riante cité sur la Meuse, à présent horriblement scarifiée, désolée, presque totalement détruite, mais toujours résolument dressée contre les hordes assaillantes. De l’universel concert de louanges au sujet de ce qu’a enduré notre courageux allié au gré des fortunes des mois passés, est omis le fait qu’une unité britannique, qui quoique réduite en taille n’en est pas moins efficace, a eu le privilège de prendre sa part dans ce qui s’y est déroulé. Depuis que le Kronprinz a pris l’initiative, de la manière à la fois la plus hasardeuse et la plus désespérée, des convois d’autos sanitaires organisés, équipés, et menés par le British Ambulance Committee, concourent à évacuer les blessés de la première ligne. Nul autre secteur du front n’a été plus astreignant pour accomplir cette tâche que celui de Verdun. Tous les hommes des sections ambulancières britanniques – officiellement Sections Sanitaires Anglaises, au sein de l’armée française – que ce soit sous les obus de Verdun ou dans les zones montagneuses des Vosges, sont d’origine britannique, nombre d’entre eux venant d’Australie, du Canada, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud, d’Argentine, de Malaisie, de Ceylan, etc. Ils constituent une unité laborieuse et enthousiaste, dont l’activité au service des blessés français n’a pas manqué d’être récompensée. Non seulement des sections ont-elles reçu la Croix de guerre, mais tel a également été le cas, pour leur conduite au feu, de membres de leurs effectifs : pas moins de 48 médailles ont ainsi été attribuées, un homme ayant même reçu la très convoitée Médaille militaire."
Puissent ces maigres traces permettre de tirer des oubliettes de l'Histoire les centaines de volontaires venus en France nous prêter main forte.
Bien cordialement,
Eric Mansuy