— Boris NOLDE, professeur à l’Université de Petrograd : « La fin de la guerre en Russie au point de vue du droit international », Revue de droit international et de législation comparée, 1923, p. 395 et s.
—> https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... f404.image
« [...] Le 28 novembre 1917, le Gouvernement bolchéviste, qui venait de s’emparer du pouvoir, a lancé de Zarskoié-Sélo un télégramme adressé
" aux peuples des belligérants " et les invitant à conclure la paix. Dès le lendemain, les Empires centraux acceptaient cette proposition. Le 16 décembre 1917 fut conclu un armistice entre les représentants bolchevistes et les commandements en chef de la coalition allemande, armistice qui, d’ailleurs, a été précédé, à partir du 26 novembre 1917, par les armistices locaux conclus sur le front, de division à division. Le 22 décembre 1917 se réunit la Conférence de Brest-Litovsk, qui dura jusqu’au 10 février 1918 quand le commissaire du peuple
Trotzky déclara aux autres plénipotentiaires que la Russie se refusait à conclure un traité de paix et
" sortait " simplement
" de la guerre ". Mais cette déclaration ne fut pas admise par les représentants de la partie adverse : l’armistice fut dénoncé et les troupes allemandes marchèrent contre Pétrograd, à la suite de quoi un traité dit
" de paix " fut signé à Brest-Litovsk entre les Soviets et les quatre Puissances de la coalition allemande le 3 mars 1918. L’article premier de ce traité déclarait que l’état de guerre entre l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie, d’une part, et la Russie, d’autre part, avait pris fin et que les parties contractantes étaient décidées à vivre entre elles en paix et amitié.
En vain prétendrait-on que la date de l’échange des ratifications de ce traité
(29 mars 1918) est le moment de
" la cessation de la guerre en Russie ". Il suffit de rappeler que ce traité a été annulé dans toutes ses dispositions, y compris la clause relative à la cessation des hostilités et, juridiquement, doit être considéré comme non avenu.
En effet, d’une part, le 13 novembre 1918, après la révolution allemande, le Comité Central Exécutif Panrusse des Soviets, autorité, suprême bolchéviste, émit un
" décret " de la teneur suivante :
" ... Le Comité Central Exécutif Panrusse des Soviets déclare solennellement par les présentes que les clauses de la paix signée à Brest-Litovsk le 3 mars 1918 ont perdu leur force et vigueur. Le traité de Brest-Litovsk (ainsi que la convention complémentaire signée à Berlin le 27 août et ratifiée par le Comité Central Exécutif Panrusse le 6 septembre 1918), dans son ensemble et dans toutes ses dispositions, est déclaré annulé...
" La paix de violence et d’extorsion de Brest-Litovsk est tombée sous le coup unifié des prolétaires révolutionnaires allemands et russes.
" ... La paix impérialiste doit être remplacée par la paix socialiste conclus par les masses ouvrières de Russie, de l’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, libérées de la tyrannie des impérialistes...
" ... La paix de violence de Brest-Litovsk est annulée. Vive la vraie paix et l’alliance mondiale des ouvriers de tous les pays et de tous les peuples ! " (Bulletin des Lois, n° 95, art. 947.)
D’autre part, en vertu de l’article 15 de l’armistice entre l’Allemagne et les Alliés du 11 novembre 1918, celle-ci a accepté
" la renonciation au Traité de Bucarest et de Brest-Litovsk et traités complémentaires " et les traités de paix conclus avec l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la Bulgarie ont encore une fois consacré l’annulation du traité du 3 mars 1918. L’article 116, alinéa 2, du Traité de Versailles porte :
" Conformément aux dispositions insérées aux articles 259 et 292 des Parties IX (Clauses financières) et X (Clauses économiques ) du présent Traité, l'Allemagne reconnaît définitivement l’annulation des traités de Brest-Litovsk, ainsi que tous autres traités, accords ou conventions passés par elle avec le Gouvernement maximaliste de la Russie. "
Une clause identique se trouve insérée dans le Traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919 avec l’Autriche
(art. 87), dans le Traité de Neuilly-sur-Seine du 27 novembre 1919 avec la Bulgarie
(art. 58) et dans le Traité de Trianon du 4 juin 1920 avec la Hongrie
(art. 72). Il en est de même du Traité non ratifié de Sèvres avec la Turquie
(art. 135, al. 3).
Ainsi, la Russie et l’Allemagne et ses anciens alliés, par voies différentes, ont annulé le traité de Brest-Litovsk et la clause de ce traité qui prévoyait la cessation des hostilités et le rétablissement de la paix entre ces deux Puissances. Si, de fait, les hostilités ne furent pas reprises, en droit l’état de paix n’existait plus, et pour le rétablir il était nécessaire de conclure de nouveaux traités ou de passer de nouveaux actes constatant le rétablissement de rapports normaux entre les anciens belligérants. [...] »
(op. cit., p. 405 à 407)