Le 18 juillet 1918
Publié : jeu. juil. 19, 2018 1:09 pm
Bonjour à tous,
le 18 juillet 1918, les alliés reprenaient l'initiative de l'offensive en menant une offensive pour réduire la poche de Château-Thierry, crée par les offensives allemandes de l'opération Michael.
Le 14 e BCA du 5e groupe de chasseurs (14, 52 et 54e BCA) de la 47e DI, participe à l'attaque. Les ordres de l'attaque étaient parvenus dans l'après-midi du 17 juillet, La division a un secteur de 2.5 km de large et avancera de 4 km en profondeur dans la journée du 18 juillet. Au départ les BCA sont sur la face ouest de la poche, intégrés au 2e CA de la VIe armée.
Le lieutenant Rey, du 14e, relate les instants intenses du début de cette action :
Après le gros orage de la nuit, qui a permis la concentration des troupes sans élever de soupçon chez les Allemands, certaines unités n’ont pu rejoindre à temps leurs emplacements, comme les canons de 75 (une seule batterie) ou les chars qui ne viendront que dans la journée pour appuyer l’attaque.
« …L’attaque sera menée par les chasseurs seuls ; il faudra vraiment compter sur la veine, et c’est ce qui va arriver…Ma section est en première ligne. Le 18, à 3 h. l’ordre arrive aux compagnies, puis aux sections pour l’attaque à 4h 30, dans les conditions décrites. Il n’y a pas de temps à perdre : notre objectif est Damart et la ferme de Monthoury pour le bataillon.
« On alerte les hommes ; on donne aux gradés les principales instructions, mais tout le monde connaît la mise en séance. Les vivres supplémentaires et munitions sont amenés par les unités de renfort. On laisse les sacs et on prépare le paquetage d’assaut dit « lombaire », toile de tente roulée autour des épaules avec les vivres , les munitions, les outils. C’est aussi la distribution de la fameuse gnôle des attaques surnommée pétrole et distribuée à raison d’un gros quart par homme. Liquide brunâtre, brûlant. Je ne sais si comme on le prétend, elle est droguée, mais en tout cas, elle pue l’éther à plein nez et se rapproche plus du médicament que du vieux Calvados. C’st tout à fait le verre de Rhum du petit matin et on fume aussi une dernière cigarette ou pipe, avec les précautions d’usage naturellement. Certains casent rapidement la croûte ; c’est une bonne précaution, car quand mangera-t-on ensuite. Aussi on vide les bidons et on liquide les provisions. Puis c’est l’enlèvement des chevaux de frise qui obstruent les chicanes dans les réseaux Le temps passe à une vitesse folle…Vers 4 h 20, enfin, tout est prêt. Les sections d’assaut sont déjà allongées de l’autre côté des réseaux…Il n’y a plus que 5 minutes…D’un coup de reins, les hommes vérifient leur paquetage. On enfonce son caque ; la gorge est un peu (sèche) serrée et beaucoup satisfont une fois de plus un besoin naturel provoqué par un peu d’émotion, tout de même, car combien parmi ceux qui vont prendre le départ manqueront à l’arrivée ?
« Le secteur est absolument calme, pas un coup de canon, pas un coup de fusil, contrairement à ces dernières nuits. Le temps est clair, il y a encore quelques étoiles et les alouettes chantent dans le ciel. Une belle journée se prépare et ce serait tout à fait poétique si leur cœur ne battait pas plus vite que d’habitude. Les derniers instants sont décomptés à l’envers comme pour un départ sportif (c’est bien en genre de sport que nous allons faire tout à l’heure) 4, 3, 2 tout le monde est debout. Nous sommes partis…
« Tout de suite l’émotion disparaît, sans un cri, contrairement à l’habitude, les vagues avancent, alignées comme à l’exercice… L’allure est celle d’un petit pas de course que l’on a toujours tendance à accélérer à cause de la menace de barrage. Le terrain nous est connu, tout au moins au départ. Ce sont des prés et surtout des champs de blé magnifiques, prêts à être fauchés, qui nous viennent presque jusqu’aux épaules. Tout cela est mouillé par l’orage et on a l’impression de prendre un bain. Il fait même frais, mais nous allons drôlement nous réchauffer par la suite.
Et nous arrivons sur la ligne de surveillance et de petits postes, et celle de première défense ennemie. La surprise est totale, les guetteurs sont cravatés, les postes bousculés ; certains faisaient chauffer le café ou mettaient leurs bottes ! Des coups de pistolet claquent, quelques combats à l’arme blanche. On entend aussi le bruit caractéristique des grenades incendiaires ; ce sont les nettoyeurs de tranchée qui opèrent. De ci de là, cependant, le Boche a pu lancer quelques fusées pour demander le barrage, mais il est trop tard, nous activons, la première ligne de résistance est déjà occupée, et Dammard encerclé ; les renforts collent sur nous, et les bataillons sont passés lorsque le barrage se déclenche. Vous pouvez croire que l’on fait ouf !.. »
La suite de l’attaque est un succès et tous les objectifs sont atteints et dépassés. C’est le début de la reprise de l’offensive pour les alliés qui mènera à l’armistice du 11 novembre suivant.
Hommage à eux.
Cordialement.
P. Lamy
le 18 juillet 1918, les alliés reprenaient l'initiative de l'offensive en menant une offensive pour réduire la poche de Château-Thierry, crée par les offensives allemandes de l'opération Michael.
Le 14 e BCA du 5e groupe de chasseurs (14, 52 et 54e BCA) de la 47e DI, participe à l'attaque. Les ordres de l'attaque étaient parvenus dans l'après-midi du 17 juillet, La division a un secteur de 2.5 km de large et avancera de 4 km en profondeur dans la journée du 18 juillet. Au départ les BCA sont sur la face ouest de la poche, intégrés au 2e CA de la VIe armée.
Le lieutenant Rey, du 14e, relate les instants intenses du début de cette action :
Après le gros orage de la nuit, qui a permis la concentration des troupes sans élever de soupçon chez les Allemands, certaines unités n’ont pu rejoindre à temps leurs emplacements, comme les canons de 75 (une seule batterie) ou les chars qui ne viendront que dans la journée pour appuyer l’attaque.
« …L’attaque sera menée par les chasseurs seuls ; il faudra vraiment compter sur la veine, et c’est ce qui va arriver…Ma section est en première ligne. Le 18, à 3 h. l’ordre arrive aux compagnies, puis aux sections pour l’attaque à 4h 30, dans les conditions décrites. Il n’y a pas de temps à perdre : notre objectif est Damart et la ferme de Monthoury pour le bataillon.
« On alerte les hommes ; on donne aux gradés les principales instructions, mais tout le monde connaît la mise en séance. Les vivres supplémentaires et munitions sont amenés par les unités de renfort. On laisse les sacs et on prépare le paquetage d’assaut dit « lombaire », toile de tente roulée autour des épaules avec les vivres , les munitions, les outils. C’est aussi la distribution de la fameuse gnôle des attaques surnommée pétrole et distribuée à raison d’un gros quart par homme. Liquide brunâtre, brûlant. Je ne sais si comme on le prétend, elle est droguée, mais en tout cas, elle pue l’éther à plein nez et se rapproche plus du médicament que du vieux Calvados. C’st tout à fait le verre de Rhum du petit matin et on fume aussi une dernière cigarette ou pipe, avec les précautions d’usage naturellement. Certains casent rapidement la croûte ; c’est une bonne précaution, car quand mangera-t-on ensuite. Aussi on vide les bidons et on liquide les provisions. Puis c’est l’enlèvement des chevaux de frise qui obstruent les chicanes dans les réseaux Le temps passe à une vitesse folle…Vers 4 h 20, enfin, tout est prêt. Les sections d’assaut sont déjà allongées de l’autre côté des réseaux…Il n’y a plus que 5 minutes…D’un coup de reins, les hommes vérifient leur paquetage. On enfonce son caque ; la gorge est un peu (sèche) serrée et beaucoup satisfont une fois de plus un besoin naturel provoqué par un peu d’émotion, tout de même, car combien parmi ceux qui vont prendre le départ manqueront à l’arrivée ?
« Le secteur est absolument calme, pas un coup de canon, pas un coup de fusil, contrairement à ces dernières nuits. Le temps est clair, il y a encore quelques étoiles et les alouettes chantent dans le ciel. Une belle journée se prépare et ce serait tout à fait poétique si leur cœur ne battait pas plus vite que d’habitude. Les derniers instants sont décomptés à l’envers comme pour un départ sportif (c’est bien en genre de sport que nous allons faire tout à l’heure) 4, 3, 2 tout le monde est debout. Nous sommes partis…
« Tout de suite l’émotion disparaît, sans un cri, contrairement à l’habitude, les vagues avancent, alignées comme à l’exercice… L’allure est celle d’un petit pas de course que l’on a toujours tendance à accélérer à cause de la menace de barrage. Le terrain nous est connu, tout au moins au départ. Ce sont des prés et surtout des champs de blé magnifiques, prêts à être fauchés, qui nous viennent presque jusqu’aux épaules. Tout cela est mouillé par l’orage et on a l’impression de prendre un bain. Il fait même frais, mais nous allons drôlement nous réchauffer par la suite.
Et nous arrivons sur la ligne de surveillance et de petits postes, et celle de première défense ennemie. La surprise est totale, les guetteurs sont cravatés, les postes bousculés ; certains faisaient chauffer le café ou mettaient leurs bottes ! Des coups de pistolet claquent, quelques combats à l’arme blanche. On entend aussi le bruit caractéristique des grenades incendiaires ; ce sont les nettoyeurs de tranchée qui opèrent. De ci de là, cependant, le Boche a pu lancer quelques fusées pour demander le barrage, mais il est trop tard, nous activons, la première ligne de résistance est déjà occupée, et Dammard encerclé ; les renforts collent sur nous, et les bataillons sont passés lorsque le barrage se déclenche. Vous pouvez croire que l’on fait ouf !.. »
La suite de l’attaque est un succès et tous les objectifs sont atteints et dépassés. C’est le début de la reprise de l’offensive pour les alliés qui mènera à l’armistice du 11 novembre suivant.
Hommage à eux.
Cordialement.
P. Lamy