On progresse : avoir les documents permet de mieux les étudier, d'en faire la critique internet et externe. Reste que le plus intéressant est illisible à cette taille. Il faudrait transcrire la totalité du texte.
Et pour que tout le monde comprenne (je n'attaque personne) quelle est le problème, je vais reprendre une question de Jean-Claude :
"J'ai basé mon propos sur des écrits, des lettres, des témoignages... et je pose une question? . Si on ne peut plus croire, ou tout au moins émettre des suspicions sur de tels documents, quid des écrits de certains "grands" personnages !!!"
On est bien d'accord, ces témoignages sont intéressants, mais d'autres les contredisent. Quand deux acteurs d'un événements ne disent pas la même chose, il y a problème. Il convient donc de confronter les dire des uns et des autres à d'autres documents. Et de se replonger dans le contexte de l'époque, très bien résumé par Stéphan par ailleurs. Nous sommes en pleine agitation politique liée aux élections législatives de mai 1936, avec le Front populaire, les ligues... Un contexte particulier où les échanges étaient très violents dans la presse. Je vous invite à feuilleter numériquement les exemplaires des journaux que j'ai utilisé dans mon précédent message, vous serez surpris par l'agitation politique qui règne. Je précise que je fais cette recherche sans aucune arrière-pensée politique mais uniquement avec des objectifs historiques.
Pour revenir à la question de Jean-Claude, il convient de ne pas écarter les témoignages, mais garder à l'esprit les limites de tout témoignage : chacun y met ce qu'il veut, suivant son histoire, sa culture, sa vision des choses, sa volonté de la représenter d'une certaine manière, de se représenter, de se mettre en scène, de manière consciente ou inconsciente. Il suffit de voir les critiques vis-à-vis du texte de Barthas pour se donner une idée de la difficulté d'utiliser un témoignage, de la valeur à lui donner. Plus simplement, gardez à l'esprit que Genevoix, pendant plusieurs décennies, occulta la partie où il parle de la mort qu'il a donné avant de la rétablir dans une version finale. Et ce n'est pas parce que la majorité des témoignages viennent d'officiers qu'il faut y donner plus de crédits que ceux de simples soldats. Ce n'est pas un argument recevable pour déterminer quel témoignage nous pouvons retenir comme fiable et quel témoignage est à rejeter.
Je préviens tout de suite, je vais être tatillon, mais c'est pour que les éléments donnés puissent être utilisés de manière plus pertinente et conservées (un témoignage dont seul celui qui l'a entendu connait la source, le contexte sera perdu pour les historiens suivants) :
- Le chien !:
le télégraphiste (sans fil) possédait un chien nommé Quiqui. Lorsque Raynal s'en apperçut, il questionna son propriétaire: qu'est ce que ce chien? un chien dans un fort c'est un comble! Le soldat répondit: mon commandant on ne peut le renvoyer, c'est l'ami de tous ici. Pour sa nourriture ne vous inquietez pas on partage avec lui....
Comment s'appelle-t-il demanda Raynal? Quiqui mais son véritable non c'est Marquis.
Bien vous pouvez le garder décida après une longue réflexion, Raynal. "
Qui est le "on". S'il-vous-plaît Jean-Claude, soyez précis, donnez le nom, l'époque où le témoignage a été recueilli. En Histoire, le "on m'a dit" n'a pas plus de poids qu'une rumeur pour les journalistes (ce qui n'empêche pas certaines rumeurs d'être présentées comme des informations).
- J'en arrive maintenant au cœur de la discussion : la pétition.
- Je note "Perpignan 7 juin 1937" (c'est à peu près tout ce que j'ai réussi à déchiffrer sur l'image).
- Les signatures :
- Quelqu'un a-t-il dans ses cartons le fameux exemplaire du bulletin de cette association de mars-avril 1916 ?
- Petit travail d'explication de texte maintenant, ce sera parfois un peu "lourd", mais chaque point pourra faire ensuite l'objet d'une contre argumentation :
"Nous avons eu l'occasion, l'an passé, au moment du 20ème anniversaire de la défense du fort"
L'an passé, en 1935 ? Pourtant la pétition date du 7 juin 1936, date du 20e anniversaire de la chute de Verdun. Plus probablement, le texte a été publié dans une revue (reste à savoir laquelle, probablement le bulletin de l'association) qui a rédigé cette en-tête pour introduire le texte de la pétition. Donc une publication de la page en 1937.
"de contester assez vivement la gloire que le colonel Raynal retient indûment au milieu de celle qui s'attache à ce dramatique épisode de la bataille de Verdun."
Dans la première phrase, ce qu'on reproche clairement à Raynal est de retenir la gloire, de laisser dans l'ombre les autres défenseurs du fort de Vaux.
"Le faux héros n'a pas bronché et continue d'exploiter le battage fait autour de son nom pour leurrer le peuple dont il ose se poser en défenseur après s'en être si peu soucié aux moments critiques."
Absence de réaction directe de Raynal ne veut pas dire "reconnaissance de culpabilité", "battage autour de son nom", une allusion probable à sa participation à la cérémonie à Verdun en avril 1936 (voir supra) dont il était le principal organisateur. La dernière partie de la phrase est une critique sévère qui à son tour appelle notre critique aux vues de son parcours militaire : "il ose se poser en défenseur après s'en être si peu soucié aux moments critiques". Il ne se serait pas soucié du peuple pendant la guerre alors qu'il le ferait maintenant avec des objectifs personnels. Les éléments sur son parcours personnel donnés par Guy prouvent au contraire qu'il a payé de sa personne pour la Nation, qu'il s'est exposé.
"La pétition que nous reproduisons ci dessous émanant d'authentiques défenseurs du fort de Vaux, parmi lesquels se trouve l'ex aspirant Buffet, sera une dernière citation pour notre triste Colonel et confirmera le témoignage accablant paru dans notre numéro de mars-avril 1936."
"authentiques défenseurs" : sous-entendu ceux qui ont réellement porté les armes. Critique facile qui pourrait être faite à l'encontre de nombreux officiers.
"ce sera une dernière citation" : allusion probable à une décoration reçue pas Raynal.
Toute cela sent toujours autant, à mes yeux, l'attaque personnelle, probablement politique contre Raynal. La simple expression "triste colonel" montre qu'il s'agit bien d'une attaque personnelle visant la personne. Cela fait référence à n'en point douter à l'expression "triste sire", individu peu recommandable, peu estimable. Le seul désaccord sur ce qui s'est passé à Vaux fait que le rédacteur estime que tout le reste de la carrière de Raynal n'a aucune valeur.
Merci encore Jean-Claude d'avoir répondu en envoyant ces précisions car elle montre votre volonté d'échanger sur le sujet, ce que tout le monde n'aurait pas fait. Rien dans tout ce que j'écris ne se veut définitif car il manque encore de nombreux points pour étayer l'hypothèse que je construits peu à peu. Je suis donc très attentif à tout commentaire qui pourra être fait sur nos échanges.
Pour finir, vous avez réuni les deux derniers survivants des belligérants des événements de 1916, le Français et l'Allemand. Félicitations et, désolé pour l'ironie elle ne se veut ni méchante ni moqueuse, Raynal aurait apprécié !
Bien cordialement à tous,
Arnaud