Bonjour à tous,
• La Vendée Républicaine, n° 1.714, Samedi 24 février 1917, p. 3.
LE PINARD
Comme un dieu, moi, je le vénère.
J’aime à le boire à mon réveil ;
Car il apporte en ma misère
Comme un rayon de beau soleil.
Moins triste paraît la tranchée,
Et j’accepte mieux le destin.
Par lui mon âme est mieux trempée :
L’pinard, c’est mon meilleur copain.
Je vois la terre un peu moins grise ;
Je vois le ciel un peu moins noir ;
Je vois les yeux de ma promise ;
C’est du courage jusqu’au soir.
C’est du sang qui coule en mes veines.
Du sang qui, peut-être demain,
A son tour rougira la plaine :
L’pinard, c’est mon meilleur copain.
J’ai moins froid au fond de mon âme,
Et je sens monter vers mon cœur
Une douce et ardente flamme
Qui apaise et sèche mes pleurs
Je sens couler en moi l’ivresse
Qui, joyeuse, noie mon chagrin ;
De l’amour je sens la caresse,
L’pinard, c’est mon meilleur copain.
Je suis contre les alcooliques,
Car l’ivrogne est plus bas qu’un chien ;
Mais, en guerre, au moment tragique,
Boire un coup, cela fait du bien :
Ça vous réchauffe les entrailles ;
On sent mieux son fusil en main ;
Pour braver sans peur la mitraille.
L’pinard, c’est mon meilleur copain.
Le pinard, c’est le chef suprême ;
C’est celui qui pousse en avant
Et qui crie à ceux qu’ont la flemme :
« Défends-toi ou soit Allemand !
» Sois vainqueur ; pour cela dégaine ;
» Frappe fort sur tous ces coquins !
» Tue la guerre ou traîne la chaîne ! »
L’pinard, c’est mon meilleur copain.
Pour les poilus videz vos caves.
Car voici le dernier assaut.
Versez à ceux qui sont si braves,
Versez le vin à pleins tonneaux.
Pour nos héros je fais la campagne,
Et je crie à tous les rupins :
« Ceux qui ont repris la Champagne
» Ont bien le droit d’avoir du vin ! »
MONTÉHUS.
[
Gaston Mardochée BRUNSWICK, dit
Montéhus, né le 9 juillet 1872 à Paris
(Xe Arr) et décédé le 31 décembre 1952 à Paris
(XVe Arr.). Chansonnier.]